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    Chaque jour, les agences de presse nous inondent de dépêches du monde entier. Spectacle mémorable d’une humanité aussi grotesque que désespérante. Longtemps, je me suis amusé à mettre de côté quelques unes de ces brèves… laissées pour conte…

     

    Indonésie, 2006 -

     

     

    La municipalité de Tangerang, une banlieue de Djakarta, a fixé à cinq minutes le temps du baiser dans les lieux publics, sous peine d'arrestation, rapportent les médias indonésiens.

    Cette mesure, est-il précisé, concerne le baiser sur les lèvres échangé par des personnes sans aucun lien familial.

    "Il ne faut pas dramatiser. Les contrevenants ne seront pas arrêtés comme cela à volonté. Nous respecterons la liberté de nos administrés", s'est défendu Ahmad Lufti, responsable local de la sécurité publique.

    On ignore si les agents de l'ordre seront armés de chronomètres et si la directive concerne les baisers de cinq minutes d'un coup ou fragmentés.

     


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    La retraite … ça marche !

    par Marie-Thérèse JACQUET

     

    " En 1999, Bernard Ollivier – 62 ans sonnés – est parti d’Istanbul, sac au dos, avec la ferme intention de gagner à pied, Xi Ang en Chine : 12000 kilomètres au long de la légendaire Route de la Soie ".

    Ainsi est présenté en quatrième de couverture l’exploit de ce Normand, journaliste à la retraite. Homme pudique, (allusion très brève à un récent veuvage, Bernard Ollivier nous fait partager avec un humour d’une impudeur bien contrôlée, les réactions de son organisme lorsqu’il affronte les rigueurs climatiques, les conditions extrêmes des déserts ou des tunnels routiers, véritables chambres à gaz pour le piéton contraint de les emprunter. La turista le jette dans les fossés, les amibes mettent fin au premier tronçon de sa randonnée à la frontière de l’Iran.

    Il brave les serpents, les scorpions, la vodka que certains de ses hôtes avalent par bouteilles entières dans les régions autrefois sous gouverne de l’URSS. La soif (il boit douze litres d’eau par jour sans pisser par cinquante cinq degrés dans l’affreux désert du Karakum), les voleurs (de faux ou de vrais policiers), des mollahs proxénètes, la crasse de certaines gargotes, le gaspillage de l’eau dans les régions où elle est si précieuse mais où les plombiers ne connaissent rien à la plomberie. Il s’en indigne parfois et puis il en rit : il s’adapte. Sueur amalgamée en croûte avec le sable et la poussière lui confectionne une carapace qui le rend méconnaissable. Alors bonheur de la douche ou du bain dans une rivière limoneuse !

    Et puis quand la peur tombe, quand les amitiés se nouent sous une treille, dans un modeste logis, quand la communication s’établit avec les jeunes, les paysans, les chauffeurs de poids lourds, les artisans, quand se lève le soleil sur la désolation des sables, Bernard Ollivier nous conte le bonheur d’être homme parmi ses semblables sur ce continent qui connaît depuis toujours la violence des hommes et de la nature mais aussi la beauté des femmes et des roses.

    Ce grand marcheur déchiffre pas à pas l’histoire de pays que le temps n’a pas ménagés. Et sincèrement affirme les valeurs de que l’Occident mais bafoue trop souvent. L’hypocrisie de certains responsables qu’ils soient religieux, politiques ou policiers est un travers de tous les temps, de tous les pays, la terreur, un mode de gouvernement particulièrement sensible en Iran où les boîtes de dénonciation sont plus grosses que celles destinées au courrier.

    Une lecture qui donne du nerf aux jambes.

     

    Aux éditions Phébus : " La longue marche "

     :

    de Bernard Ollivier en trois volumes :

    " Anatolie ", " vers Samarcande ", " Le vent des steppes "

     


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    C’était en 1999 dans un numéro de Nouvelle Donne intitulé "Attention chats".

    Une nouvelle de Patrick ESSEL.

     

    Gaietés de cœur

     

     

    Le dimanche, c’est le jour du chat.

    À six heures, le bleu et le blanc sont encore noirs. Des brumes d’automne courent sur les sommets des trois vieilles tours de la cité. À cette heure-là, Armand est déjà à pied d’œuvre, les yeux bien écarquillés. Comme tous les dimanches, il a pris position près de la fenêtre de la cuisine et, à l’abri des rideaux, il attend, sans bouger, sans presque respirer que la place du marché s’emplisse d’odeurs et de clameurs.

    S’il fait beau, le bitume paraîtra aussi doux que la terre. La faune des derniers étages aura tôt fait de descendre de ses murs et de grouiller en tous sens. En un rien de temps les allées deviendront impraticables. Il n’y aura guère d’espace entre les personnes et les êtres frêles comme lui, dans l’impossibilité d’utiliser convenablement leurs membres, sembleront habités par un vide. Certains s’évaporeront, tout bonnement.

    Les bouches pâteuses n’en finiront pas de s’ouvrir et de se fermer, les langues de se débarbouiller. Politesses et tartines iront de mains en mains jusqu’à midi. Les familles fleurant la lessive fraîche et le lait caillé s’engouffreront comme des rats dans la cohue et auront à cœur de tout retourner, tâter, gratter, renifler, soupeser. Les noceurs du samedi soir surgiront vers les dix heures avec dans leur sillage un fort relent de poisson et de caoutchouc. Et puis, il y aura tous les autres : les besogneux secs et filandreux, les sans-le-sou au visage cramoisi, les mal famés et les désœuvrés lestés d’une forte couche de graisse, tous auront la bouche largement ouverte et tourneront comme des malades entre les étals sans trop savoir à quel senteur se raccrocher.

    Il faudra être déterminé pour se faufiler dans cette multitude, être à l’affût de la plus petite ouverture, avoir à l’œil les chiens errants, remonter les queues sans en avoir l’air, repérer les clients qui n’ont pas une minute à perdre, faire semblant de leur céder la place, observer les transactions farfelues et saisir le moment où une ménagère vigilante contestera le prix d’une volaille ou la pesée d’un ragoût pour se servir soi-même du premier choix.

    Si au contraire le temps est à la pluie, la chaussée sera froide et gluante, il n’y aura aucune raison de se précipiter. Les riverains ne sortiront qu’en coup de vent, les familles dépêcheront leur grande pour un pâté de lièvre ou un morceau de jésus, les noctambules décrèteront la fin des séductions et les autres iront lécher les vitrines de la galerie commerciale en maudissant ce jour de galère supplémentaire.

    Mais qu’importe le temps ! Quel qu’il soit, Armand sortira à son heure. À onze heures trente exactement. À cette heure-là, la plupart des gens ne sauront plus où donner de la tête : presque tous auront les lèvres agacées et de la sueur aux joues ; ce serait bien le diable s’il ne parvenait pas à se garder de leur envie de faire quelque chose pour lui ou au moins à s’épargner leurs vilaines risettes et petites taloches sur l’échine.

    L’appétit d’Armand sera tout à fait monté. Entre l’ancien boucher de la Villette et le jeune artisan instruit de la modernité, il sait qu’il trouvera ce qu’il lui faut. En général, il fait toujours le bon choix et ne se laisse pas abuser par les présentations sulfureuses ou les parfums qui envahissent les narines. Il n’a pas son pareil pour flairer une bonne chair, colorée et juteuse, prête à fondre sous la dent. C’est la plus fine bouche du voisinage et contrairement à ses congénères qui se repaissent en deux trois coups de langue de plats prêts-à-manger, il est incapable de passer un bon dimanche sans scruter longuement ces trésors du palais et rêver aux innombrables manières de les accommoder.

    Pourtant, il arrive certains dimanches d’hiver, qu’il ne trouve que des chairs grises ou pleines de nœuds à se mettre sous la dent. Ces jours-là, il engloutit son repas comme un vulgaire casse-croûte et, ne sachant que faire après, il file s’affaler sur le canapé du salon. Il y reste jusqu’au soir, un coup sur le dos, un coup sur le ventre, quelque fois en chien de fusil. Fort heureusement, c’est un canapé moelleux et odorant à souhait où il peut se remémorer ses festins d’antan et se pourlécher longuement les babines à leur évocation. De temps en temps, il songe à ses oncles et cousins qui ont élu domicile du côté des abattoirs et un éclair de gourmandise passe dans son regard. Ils s’entendent tous pour dire que la nourriture y est toujours abondante, variée, nettoyée et dépecée avec excellence. Curieusement, pas un ne dit mot sur le sang, les viscères et toute cette tripaille nauséabonde répandue sans aucune retenue sur le sol et les murs. C’est pourtant un spectacle immonde, encourant toutes les indignations.

    Dès neuf heures, les jeux sont faits : le soleil est en train de mater le brouillard et les vieilles dames sans domicile occupent le terrain à grands renforts de prières et de supplications. Moins d’une heure plus tard, le bleu illumine toute la place. Les attroupements prennent rapidement de l’ampleur. Il n’y a aucun souci à se faire, toutes les odeurs, toutes les saveurs, toutes les fantaisies sont au rendez-vous. Pour Armand, la matinée s’écoule doucement, dans le seul bonheur d’être là, près de la fenêtre, à guetter et à épier. Sur le coup de onze heures, il voit le gars de la Villette s’en aller du côté de la halle en compagnie d’une créature aux formes les plus exquises. Quelques minutes plus tôt, il avait pu observer le lascar palabrant avec un couple de jeunes gens bien habillés et exécutant avec de grands gestes tout le savoir-faire de sa profession. La dame, tout en décolleté et frémissante comme une minette, n’avait semblé rien ignorer de son habileté et elle avait attendu dans un état de grande fébrilité la fin de la démonstration. Sitôt achevée, elle avait à peine pris le temps de le flatter de ses yeux doux que déjà elle lui saisissait la main et l’entraînait à l’écart. Des gens les avaient montrés du doigt et quelques ménagères un peu nerveuses s’étaient mises à pouffer.

    Son compagnon ne l’avait pas suivie et avait tourné la tête avec une expression de dégoût. Il était resté près de l’étal, jetant un œil contrit sur les pièces de viande puis après quelques clignements intempestifs, ses yeux s’étaient fermés.

    Quand il les rouvre, il feint de ne plus être là, l’air accaparé par le brouhaha en provenance du bistrot. À son tour, Armand ferme les yeux. Il sait bien de quoi tous ces gens sont capables et il pressent que quelque chose de délectable s’accomplit à l’abri des regards, quelque chose d’une évidence crûe et irrésistible, quelque chose qui le fait trembler de tous ses membres.

    Un court instant, il est tenté de se précipiter au dehors pour vérifier si le boucher est bien en affaire. Mais il est encore trop tôt et il se laisse aller à bailler et à grogner, sous le coup d’une brusque fringale.

    Le gaillard ne tarde pas à revenir et à reprendre ses activités comme si de rien n’était. Armand peut ressentir la joie de l’homme. Il le voit se frotter les mains comme un enfant qui aurait été merveilleusement servi en bonbons et gâteaux à l’occasion d’un goûter chez une voisine. Les mains, c’est un signe qui ne trompe pas. À coup sûr, ce diable de boucher n’y était pas allé par quatre chemins.

    À présent, le ciel prend un tour délicieux, mille fois meilleur qu’un jour d’été. Et voilà que l’odeur tant attendue est là, toute proche, suave et fragile, prête à être respirée. Mais il ne se laisse pas submerger, il l’écoute, lui parle, la complimente, l’enlace et l’embrasse, lui laisse le temps de fleurir pleinement, jusqu’à ce qu’elle fume, qu’elle croustille, qu’elle libère ses fragrances si particulières. C’est une reine, une croqueuse d’amour, il virevolte avec elle dans un bouche à bouche effréné, en grignote deux ou trois petits bouts, s’inonde de salive. Petit à petit, elle se glisse en lui, déploie ses tentacules sous une pluie de sucs écarlates. Il se laisse prendre comme un animal et transpire à grosses gouttes. Une bouffée de jouissance passe entre ses lèvres. Elle se réjouit avec lui mais le réfrène. Elle aime le sentir possédé, pantelant jusqu’à l’ivresse. Il ouvre la bouche pour implorer, sa langue est à vif, la gorge pleine d’une lave éblouissante. Alors enfin, elle cède à son vœu le plus cher et se met à enfler, rugir et briller de mille feux. Puis brusquement tout s’arrête. Elle se détache, ne se laisse plus happer ni même courtiser. En un instant, elle se volatilise et c’est le silence.

    Sans y penser, il quitte son poste d’observation et se met à arpenter la salle à manger de long en large. Echauffé par toutes sortes d’idées folles qui lui traversent la tête, il se demande si pour une fois, il ne serait pas judicieux de s’en remettre à ses instincts, de filer retrouver ce pur nectar et le transformer sur-le-champ en festin.

    Allons bon ! Il ne saurait prendre naïvement possession d’une chose en pleine exaltation. Il a un peu de temps encore. Savoir attendre était sa fierté et le gage de son indépendance. Il ne sortirait qu’à l’heure dite, sans précipitation. Après tout, ce boucher n’était pas de la pire espèce, il l’avait toujours bien regardé en face sans jamais lui jouer de tour de cochon ni proposer une pâtée rosâtre pour un tartare du limousin.

    À onze heures trente donc, le voilà dehors, la tête haute et l’allure majestueuse. Sûr de sa destination, il se déplace rapidement et en toute sérénité avec peut-être une pointe de défi dans le regard. Quelques personnes ne s’y trompent pas et le toisent avec une expression de méchanceté. D’autres s’écartent à son passage comme s’ils redoutaient qu’il les égratigne ou qu’il les rançonne d’un je-ne-sais-quoi.

    En passant devant le bistrot, il aperçoit la femme plantée au beau milieu d’une tripotée d’hommes assoiffés, la bouche entrouverte, les mains serrées entre ses cuisses, presque absente. Il ralentit son allure, hésite, passe de la lumière à l’ombre, s’attendrit, se dit que peut-être … mais non, le dimanche il a mieux à faire qu’aller gémir sous des jupes odorantes.

    D’ailleurs les choses sérieuses sont enclenchées. De loin, le boucher lui fait de grands signes triomphateurs montrant par-devant son étal quelque chose d’invisible. Il ne voit que ses yeux joyeux et ses joues bien rouges. Son sang ne fait qu’un tour. Il ne prend pas le temps de se faire préparer quelques gâteries chez le confiseur ou le poissonnier et file droit devant comme un dératé. En moins d’une minute, il est à la hauteur de l’homme.

    - Ah monsieur Armand ! Vous voilà enfin ! Venez vite ! Vite ! Vous n’allez pas en revenir ! Là, nous y voilà ! Regardez-moi ça ! Visez-moi cette jeunesse ! Cette beauté ! Et attention hein ! Ce n’est pas une vagabonde ! C’est une persane, une authentique persane élevée dans les beaux quartiers, et à l’ancienne en plus !Une pure merveille ! Celle-là, croyez-moi vous m’en direz des nouvelles ! Quel dommage que vous ne soyez pas venu plus tôt, vous auriez pu assister au déshabillage. De la nuque aux pieds ! Si vous aviez vu cette gorge ! Ce ventre ! Ces cuisses ! Ah, elle m’en a fait voir de belles la tigresse ! C’est plein de malices à cet âge-là, vous pouvez pas savoir comme ça gigote ! Mais bon, je l’ai eue par derrière, crac ! D’un seul coup ! Elle n’a rien senti, elle a juste ouvert de grands yeux et hop, elle s’est laissée aller. Non mais regardez-moi ça monsieur Armand, y a rien à jeter ! Rien ! Tenez, je vous ai mis la fourrure de côté.

     


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    Chaque jour, les agences de presse nous inondent de dépêches du monde entier. Spectacle mémorable d’une humanité aussi grotesque que désespérante. Longtemps, je me suis amusé à mettre de côté quelques unes de ces brèves… laissées pour conte…

      

     

     

    Egypte, janvier 2002 -

     

    Un homme d'affaires égyptien a été condamné à sept ans de prison assortis des travaux forcés pour avoir dépassé le nombre maximal de conjointes autorisé par la loi, soit quatre femmes en même temps et à condition de les traiter équitablement.

    Selon l'enquête, l’homme, propriétaire d'une chaîne de magasins de vêtements et d'électroménager, est actuellement marié à cinq femmes simultanément. En tout, il en a épousées pas moins de 19 dans sa vie.

    Une de ses épouses a été condamnée à trois ans de prison pour avoir épousé cet homme une quatrième fois après en avoir divorcé trois fois, une pratique illégale en Egypte où une femme qui divorce trois fois de son mari ne peut se remarier qu'avec un autre homme.

     


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    Allemagne, juillet 2005 –

    Les principales banques centrales européennes se sont entretenues après les attentats meurtriers qui ont frappé les transports en commun londoniens, et se sont dites satisfaites de voir que les marchés financiers fonctionnaient toujours.

     

     

     


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    France, juillet 2004 -

     

    Patrick Le Lay, PDG de TF1, interrogé parmi d’autres patrons dans un ouvrage intitulé Les dirigeants face aux changements, livre sa conception de la télévision : " Le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. "

     

     

     


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    Chaque jour, les agences de presse nous inondent de dépêches du monde entier. Spectacle mémorable d’une humanité aussi grotesque que désespérante. Longtemps, je me suis amusé à mettre de côté quelques unes de ces brèves… laissées pour conte…

     

    USA, octobre 2002 -

     

     

    Une quadragénaire californienne a été inculpée pour abus sur personne âgée et violence domestique après la mort de son époux, âgé de 65 ans, qu'elle avait mordu violemment à plusieurs reprises parce qu'il refusait de remplir le devoir conjugal.

     

     


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     Israël, août 2005

     

    "Les chats et chiens laissés derrière eux par les colons expulsés ne pourront pas survivre dans les conditions extrêmes qui existeront pendant et après le retrait", estime le responsable de "Tout est vivant", association israélienne de défense des droits des animaux. "Sans notre aide, quand tout ce qui restera, ce sera de la poussière et des ruines, ceux qui échapperont aux gigantesques bulldozers mourront de faim, de soif, de blessures".

     


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    Grande Bretagne, septembre 2003 -

     

    Un comité britannique de défense du "parler vrai" a décerné son prix 2003, dit "du pied dans la bouche", au secrétaire américain à la Défense, pour des propos abscons sur l'introuvable arsenal irakien d'armes de destruction massive.

    "Les informations annonçant que quelque chose n'a pas eu lieu m'intéressent toujours pour la bonne raison que, comme vous le savez, ce sont des nouvelles connues ; il y a des choses que nous savons que nous savons. Nous savons aussi qu'il y a des choses inconnues ; ce qui revient à dire que nous savons qu'il y a certaines choses dont nous ne savons rien. Mais il existe aussi des nouvelles inexistantes que nous ne connaissons pas - ce sont celles dont nous ignorons si nous les connaissons."

     

     


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    Retour aux nouvelles avec " Gargouillis breton " de Patrick ESSEL, extrait de son recueil " Reflets au bord d’une fenêtre "

     

    seconde partie

     

    Il a rabattu la banquette arrière et plié le Mérinos en deux à l'intérieur. Contre l'avis du magasinier et les instructions du fabricant. Il a haussé les épaules et pris son air le plus bourru pour leur faire savoir qu'il savait ce qu'il faisait. Merde. C’est le premier jour et l'important c'est d'apaiser Mariette avec un 140. C’est ce qu’elle veut. Un 140, point. Il en ramène un garanti cinq ans, et en plus, il l'a payé que neuf cent. Pour du dépannage, il trouve ça plutôt correct. De quoi la remplir de joie, même. Elle n'aura plus qu'à faire le lit avec les draps neufs qu'ils avaient emportés, au cas où. Oui. Il se voit déjà la rejoindre. Pas trop tard. Juste après le digestif. Il ne réfléchit pas longtemps avant de trouver comment il va s'y prendre pour l'adoucir. Il sait ce qu’elle aime. Une câlinerie sur la nuque et les épaules pour commencer, puis deux ou trois chatouilles sur le dos et quelques pincements des hanches. Il insistera sur les hanches. Sur l'infinité des hanches. Jusqu'à ce que sa chair soit irradiée et qu'elle se retourne tout à fait, le ventre bombé. Oui, c'est ça, le ventre bombé.

    Il n'a pas réussi à refermer le hayon de la voiture et il roule avec un épouvantable courant d'air dans le dos. La dernière fois qu'il avait dû charrier du mobilier, il s'était attrapé une saleté de torticolis qui l'avait rendu hargneux une bonne semaine. Rien que d'y penser, il sent ses membres s'engourdir et la mauvaise humeur le reprend. Manquerait plus qu'il se refroidisse une vertèbre, lui aussi. Le soir de leur arrivée. Quel gâchis ! Coincé encore une fois pendant des jours et des jours. Raide. Chacun de son côté. Sur les bords du lit. Ne faisant attention qu'à la douleur. Il peste. Et si Mariette y trouvait un avantage ? Il soupçonne le pire. Et si elle se retournait pour rien ? Ou en regardant autre part ? Ou avec un air renfrogné ? Il se souvient de son regard d'autrefois. De ses grands yeux noirs qui l'avait aimanté. Des yeux qui valaient qu’on n’ait plus jamais besoin de regarder ailleurs. C'est ce qu'il avait dit à l'époque. Et ça, elle s’en souvenait toujours. Il frappe encore le volant. Deux fois. Trois fois. Quatre. Cinq. Six. Il n'aime pas avoir ce genre d'idées. Il voudrait conduire sans plus penser à rien. Sauf que ne penser à rien avec un matelas plié en deux à l'arrière et le vent qui cingle, c'est idiot. Il n'est même pas sûr d'avoir pris la bonne route à la sortie du BUT. D'ailleurs, ça n'aurait rien d'étonnant : des sorties, il n'y en avait que pour les locaux. Il se dit qu'il lui faudrait un verre.

    Le patron du bar a de vieux yeux bedonnants, des cheveux plein d'aspérités et une voix égrillarde qui semble sortir de la poche de son pantalon. Les verres, il les remplit à raz. Il sert et ressert à boire sans attendre le coup d'œil du client. C'est ce dont Victor a besoin. Quelqu'un qui ne fasse rien que son boulot. Rien d'autre. Il boit trois ballons d'affilé. Des petits Nantais. Ça le réchauffe mais ça ne dissipe pas son irritation. Il lorgne vers la patronne. Ce n'est plus tout à fait une reine. Sa jeunesse est entamée. Pourtant, il voit qu’elle rit encore. Un rire plein de vigueur et d'allant. Exubérant même. Il laisse courir ses yeux sur ses jambes, ses cuisses, ses hanches, ses fesses. Ses fesses joliment dodues. Inouï ! Elle l'observe à la dérobée. D'un air interrogateur. Comme si elle le soupçonnait d'avoir des vues sur sa personne. Il aimerait lui dire qu'elle se trompe, qu'il n'est pas homme à se laisser aller à des écarts de conduite. A agir sur un coup de tête. Non, il n’est pas comme ça. Il a une pensée pour Mariette. Et pour le Mérinos flambant neuf. Un 140. Le coup du 140 ça le fait rigoler. Un peu fort. Trop. Les regards se tournent. Désobligeants. Il glisse deux francs dans le distributeur de cacahouètes et en avale aussitôt une pleine poignée. Il mâche bruyamment. Dans sa bouche, les arachides forment une pâte épaisse et gluante. Il déglutit avec peine. Emet une espèce de gros gargouillis obscène. "Sont pas bien fraîches" bredouille-t-il à l'adresse du patron. Celui-là est tout à remplir ses verres, pas le genre à se chamailler pour des amuse-gueules. C'est même à se demander s'il voudrait lever un doigt pour autre chose que ses petits Nantais. Du coup, il zieute à nouveau vers la patronne, sur sa généreuse poitrine. Elle s'en rend compte et rit de plus belle. Il est pris d'une bouffée de chaleur qui le fait grimacer et se tortiller. C'est pas vrai, voilà qu'il en pince. Il souffle un grand coup et essaie de retenir sa respiration, histoire d'éclipser l'émoi. Mais c'est pour rien. Il s'imagine avec elle, dans sa chambre, dégrafant son corsage au pied d'un bon 140 et même tiens, carrément d'un 160. Pourquoi pas ? Il avale cul sec deux Nantais à la suite. La patronne est face à lui. C'est elle qui le sert maintenant. Il remarque que ses mains tremblent. Plus qu’elles ne le devraient. Il se dit qu’une brise pétillante abreuve son ventre. Il en est ravi. Inquiet. Pèse le pour et le contre. Il boit encore. Se réjouit. Quelques gouttes de Blanc dégoulinent sur son menton, dans son cou. Elle lui tend une serviette en papier. Double épaisseur, fraîcheur citron. Il sourit et dit s'appeler Victor. "Victor ! Ah ça alors, j'aurais jamais cru…" lâche-t-elle. Elle semble déçue. Pire encore, affligée. Sa gorge se noue. C'est une capricieuse. Une putain de capricieuse ! Le patron lui demande de répéter, il n’est pas bien sûr. Il rit. Il parle de la prostitution et il rit. Il dit les chiennes pour dire ces personnes-là. Une humeur rieuse parcourt le bar. La patronne n’est pas en reste. Il la regarde dans l’attente d’un mot mais elle ne dit rien. Il est pris de tremblements. Il crie quelque chose encore sur les chiennes. Quelque chose de dégueulasse qu’il répète en sanglotant. Et soudain, il n’entend plus les rires. Ses tremblements s’accentuent. Il s’affole, s’effraie, se dit qu'il ferait bien de rentrer dare-dare à la location avec son colis. Son putain de satané colis ! "Un 160 ! Putain, un 160 Mariette ! T'imagines un peu ? " Il se voit inaugurer en grande pompe le Mérinos avec sa Mariette toute éberluée au beau milieu. Son enthousiasme est effroyable. Son cœur palpite. Sa bouche se tord. Il réclame à boire. Encore. Encore. Il hurle. De la bave jaillit du fond de sa gorge. Il souffle. Il souffre. Sa voix s'écorche. Il se mord la langue d'un coup sec. Il crie non ! Putain non ! Et puis plus rien. Un épouvantable silence. Même la patronne a cessé de rire.

    Au Petit Nantais, personne ne savait d'où venait Victor et pas plus pourquoi il s'était mis brusquement à brailler. Un drôle de mec, visiblement paumé, avec un matelas pourri dans sa voiture, déclara le patron aux pompiers dépêchés. Un habitué, connu pour sa perspicacité, fit savoir qu'à son avis ce monsieur cherchait plus ou moins coucher avec la patronne, avant d'ajouter goguenard à l’adresse du brigadier: "Mais ça chef, vous savez, j'en connais pas un ici qui n'en ait jamais eu envie ".

     


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