• Les Antipodes, entretien avec Désirée Boillot

     

     

     

     

     

     

     

    P. L’Ecolier : Comment t’est venue l’idée des Antipodes ?

    D. Boillot : Tout est parti de mon premier roman, Double issue. Certains lecteurs étaient intrigués, ils voulaient connaître la suite des aventures d’Arielle et ils m’ont demandé de l’écrire. L’enfance difficile de mon héroïne m’a donné envie de l’emmener très loin, de l’autre côté de la terre, là où on joue du ukulélé en buvant le lait des noix de coco sous un ciel de nuages blancs.

    P. L’Ecolier : Tu m’as dit que tu participais à un atelier d’écriture…

    D. Boillot : Tous les jeudis, on est un petit groupe qui se réunit derrière la tour Montparnasse. L’animatrice s’appelle Carole. C’est elle qui m’interdit de laisser mes personnages en plan ! Elle a raison, car souvent, la nuit, alors que je suis sur le point de tout laisser tomber, les personnages reviennent pour me le reprocher. Ils errent dans ma tête comme des âmes en peine, sans direction… De l’émulation de cet atelier d’écriture est né ce roman.

    P. L’Ecolier : Et il est documenté. Il y est question de Jacques Brel qu’Arielle rencontre, une fois qu’elle est aux Marquises.

    D. Boillot : Arielle part pour la Polynésie vers le milieu des années 70. L’aéroport de Papeete a ouvert peu de temps auparavant. C’est une destination assez préservée. Les hordes de touristes n’ont pas encore débarqué. Pas de téléphone portable, pas de liaison Internet, pas d’écran hypnotique, pas de cette vie trop rapide que nous menons aujourd’hui. Quant aux îles Marquises, elles sont à peine peuplées... Jacques Brel se trouve à Hiva Oa à ce moment-là. Dès 1974, il sait qu’il est atteint d’un cancer. Il décide de vivre à fond le temps qu’il lui reste avec Madly, une fille des îles. Il tente un tour du monde à la voile… qui s’achève dans les mers du Sud. C’est à ce moment-là que la route d’Arielle croise la sienne. Pour les Marquisiens, il est une sorte de sauveur, car il assure une liaison entre les îles à bord de son avion, son « Jojo », pour transporter gratuitement des malades, des vivres, des médicaments... Il fait une brève apparition dans la deuxième partie du livre.

    P. L’Ecolier : L’atmosphère décrite dans Les Antipodes n’a rien à voir avec Double issue. Peux-tu expliquer ce changement ?

    D. Boillot : J’ai voulu plonger Arielle dans un autre contexte. L’adolescente rebelle évolue, elle perd de son impulsivité. Elle a mûri. Elle veut faire une expérience de vie, se frotter à une autre culture que la sienne. Elle est prête à la faire.

    P. L’Ecolier : Elle fait surtout une rencontre déterminante en la personne de Toine…

    D. Boillot : C’est vrai. Mais elle ne prend la mesure de cette rencontre que vers la fin du livre. Au départ, Toine l’impressionne beaucoup. C’est un personnage important, car il rompt avec tout ce qu’elle a connu jusque-là. Il est capable de détachement, rien ne semble le toucher. Quand les choses résistent, il se fait une raison. C’est un sage.

    P. L’Ecolier : As-tu rencontré dans ta vie des gens qui ressemblent à Toine ?

    D. Boillot : Toine est une sorte d’idéal. L’idéal masculin pourrait-on dire ! C’est un homme intègre qui ressemble par certains côtés à Jacques Brel, sans la dominante artistique, sans cette voix extraordinaire qui emportait les foules, et peut-être aussi sans cette folie géniale des artistes. Mais il est tout autant épris de liberté que le chanteur. C’est un grand bonhomme généreux et sympathique. Sa vie n’a rien de facile, quand on y réfléchit…

    P. L’Ecolier : Je vois à quoi tu fais allusion. Mais attention. Il n’y a pas que des hommes dans ton roman. Les femmes sont très présentes, elles jouent toutes un rôle déterminant dans la vie d’Arielle. Selon toi, quelle est celle qui tient le rôle principal ?

    D. Boillot : Ta’ha, la femme qui accueille Arielle à son arrivée à Papeete. Des liens très forts se nouent entre elles deux. Ta’ha est douce et secrète. C’est une femme abandonnée, son compagnon l’a quittée quand leur fils Saru avait quatre ans. Elle l’a élevé seule et depuis, elle se protège. Elle se lie d’amitié avec Arielle et lui prête main-forte, comme la plupart des femmes du roman. Ta’ha sait très bien que Saru se méfie d’Arielle et des Européens en général. Sans la protection de Ta’ha, je ne sais pas si Arielle aurait eu la vie sauve !

    P. L’Ecolier : Il y a beaucoup d’entraide dans ton livre. As-tu le sentiment d’avoir voulu rompre avec l’individualisme de notre société ?

    D. Boillot : Je n’en sais rien. Disons que c’est possible. En écrivant, les choses se sont mises en place ainsi.

    P. L’Ecolier : La perspective narrative passe par le regard d’Arielle. Pourquoi as-tu pris une focalisation interne ?

    D. Boillot : J’ai choisi de me glisser dans la peau d’Arielle en utilisant la première personne. C’était plus simple. Cela m’a aidée à me mettre dans sa tête, à bâtir mon livre, à construire ma boucle, à vivre tout ce qu’elle vivait… Je sais que je n’y serais pas arrivée autrement. Arielle est très proche de moi, que je le veuille ou non.

    P. L’Ecolier : La construction de ton roman forme effectivement une boucle. On en prend conscience à la dernière page. Et pourtant, la fin reste ouverte. Tout reste possible pour ton héroïne.

    D. Boillot : Le lecteur est libre d’imaginer ce qu’il souhaite, de même qu’il peut rêver sur la couverture que tu as conçue. Pour ma part, je la trouve magnifique et fidèle aux couleurs de Gauguin, un autre grand amoureux des Marquises.

     

    "Les Antipodes", un roman de Désirée Boillot, 200 pages, 17€ chez Zonaires éditions

     


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