• Soleil

     

    Il y a un an une nouvelle fin du monde commençait. Une trentaine d’auteurs, réputés pour leur hardiesse imaginative et leur humour débridé, s’étaient donné rendez-vous ici même pour nous révéler jour après jour les premières orientations d’une société en mutation.

    C’est parce que vous avez été des milliers à suivre l’affaire de près que le barman et son acolyte de chez Zonaires éditions ont décidé de continuer l’aventure en publiant les meilleurs moments de cette épopée. C’est ainsi qu’est né au cœur de l’apocalypse le livre « Rendez-vous après la fin du monde »

     

    Couv rendez-vous après la fin du monde3Le Nouveau Monde n’ayant pas encore aboli l’échange marchand, l’ouvrage de 156 pages est proposé au public pour 14€ (frais de port pris en charge par l’éditeur). Pour le commander : CLIC !

     


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    Aujourd’hui, 30 novembre 2013, les chroniqueurs du journal Libération et quelques écrivains invités se sont téléporté en 2053 pour être en première ligne le jour où le monde s’arrêtera. Une louable entreprise qui rejoint celle que nous avions initiée le 21 décembre dernier à Calipso avec une trentaine d’auteurs et cent jours durant. Comme vous le savez cette opération s’est conclue par la publication chez Zonaires éditions du fameux

     

    « Rendez-vous après la fin du monde »

    Un ouvrage dont on parlera certainement encore en 2053. C’est pourquoi nous vous recommandons fortement sa lecture dès à présent et sa transmission à vos enfants et petits-enfants. Nous vous invitons pour ce faire à vous rendre le plus tôt possible sur le site de Zonaires afin de profiter des remises spéciales fin du monde d’année.

     

     Couv rendez-vous après la fin du monde3


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    Un petit retour aux 100 premiers jours après la fin du monde avec cette chronique de Jean-Luc Lapoule qui nous arrive avec le printemps.

     

    La piscine et le voile intégral

    (les pours, les contres, tout le monde dans le même bain)

    Jean-Luc Lapoule



    Voilà.

    La France avait ce qu'elle méritait.

    Une population entièrement voilée qui circulait dans les rues grises des villes jusque dans les campagnes boueuses. Des nicabes gris pâles aux reflets mats erraient tout le jour, qui protégeaient le corps des femmes, qui protégeaient le corps des hommes. La fente au niveau des yeux n'existait plus. A la place, cet oeil unique scrutant le monde extérieur transmettait sa vision sur écran plat, qui guidait l'être à l'intérieur.

    Tout avait commencé avec ce problème de piscine.

    Une défaillance dans l'organisation, trop de remous, une tension insoutenable qui finit par envahir le débat public. Elles étaient devenues incontrôlables, tout bouillonnait et les premières explosions avaient fait basculer la population vers cet extrême et dérisoire recouvrement du corps pour seule protection du souffle démoniaque...

    Le voile avait suivi son temps.

    Il était maintenant plus confortable qu'avant, mais plus lourd aussi. Sa toile renforcée de plomb tombait toujours aussi hideusement sur l'humaine silhouette qui marchait. Dessous, il nous restait la liberté d'une intimité maladive, qui s'exprimait par des tenues extravagantes et sophistiquées (la plupart du temps sous forme de lingerie mixte, que je ne peux décrire ici, par pudeur).

    La piscine était devenue un mot tabou.

    Elle n'était pas bien sûr à l'origine de la catastrophe. Elle n'était que le chainon défaillant de tout un système mort-né, mais dont l'accouchement avait duré plus d'un siècle. Et nous, pauvres enfants impuissants, ne pouvions que nous protéger de notre irresponsable Mère-Patrie. Aucune fugue n'était possible : les drones nous attendaient dans la fosse frontalière et nous tiraient comme des lapins.

    Des slogans rythmaient nos vies.

    "La myxomatose ne passera pas" pouvait-on lire dans le ciel quand passait un drone publicitaire de l'union pan-européenne.

    "Porte le nicabe, soit pas macab" était placardé sur toutes les façades des bâtiments publics.

    "Dieu nous sauverâ du fléau" était peint devant les temples, les églises, les synagogues, les mosquées et les gymnases à prière.

    "5e République, 6e République, 7e République... Nique les R !" était taggué sur les vaches et les tracteurs qui se désossaient tous deux dans les prés gras et verts.

    "Ne sortez que pour les soldes" pour seule affiche commerciale en 4 par 3.

    Quand arrivait le soir, les nicabes prenaient leur douche, avec nos bottes.

    A peine extirpé du voile une fois rentré, presque nus et tout blafards, nous nous précipitions sur le tableau de bord pour augmenter au maximum notre chauffage, nos éclairages, nos écrans, nos enceintes, nos fours, nos frigos, nos accessoires, nos recharges de téléphone, nos fermetures automatiques des portes et volets, nos alarmes, nos relais d'oxygène, nos extractions phréatiques, nos brosses à dent électriques... Mais La coupure retenait le précieux jus au bout de quelques minutes tel un garrot trop serré. Pas de veine, la pompe centrale ne marchait plus. Nous restions encore en manque d'énergie. La cure allait être longue, longue, longue et douloureuse.

     


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    Un monde : cent fins

    Jordy Grosborne

     

     

    Un long silence parcourut l'assemblée alors que des bourrasques de vent s'immisçaient jusque sous la porte, faisant frémir le lourd rideau de velours rouge protégeant l'entrée. Je levai la tête, imperceptiblement, comme si chaque mouvement risquait de me faire exclure de cet endroit. La discrétion était plutôt dans mes habitudes, je n'avais dès lors pas à forcer ma nature. Surtout, j'étais trop heureux de me trouver enfin ici, lieu quasi mystique tant visité par l'esprit et jamais encore foulé du pied, voire des deux. Tout amateur ou joueur de jazz rêverait de se retrouver au New Morning, au Duc des Lombards ou au Blue Note. De la même façon, tout nouvelliste aspire à passer un moment là ou la critique littéraire, la libre pensée artistique, l’image et les mots se retrouvent : Le café Calipso.

    Un nouveau satellite passait au-dessus de nos têtes depuis 2006. Sa mission : Étudier l'atmosphère en captant la lumière et en observant les nuages. Savoir vers quoi va le climat, la vie quoi. Son nom : Calipso. Ce ne peut-être un hasard. Ici aussi on essaie de capter les variations de lumière du monde par les mots, on la transfigure par les idées et on la transmet vers les autres par l'écrit, pour se faire entendre, telle une silhouette de Munch, se tenant l'âme à deux mains, pour réfléchir, ou se rendre sourd aux maux qui nous entourent. Ici aussi, on se demande où va le monde, où va la vie. Et justement, ce qui nous réunissait ce soir, c'était la fin du monde.

    Comme dans la chanson de Patrick, on s’était dit rendez-vous dans 100 jours, histoire de faire un état des lieux après la fin du monde. Comme dans tous les bars, on voyait tout de suite les habitués, content de se retrouver, qui se donnaient des nouvelles de leurs nouvelles, qui parlaient de la chronicité de leurs chroniques et qui critiquaient leurs critiques. «L’important dans les concours, c’est qu’on court après l'épris», avais-je lancé à la cantonade pour me donner du courage et me faire une place au forceps de l’humour. J’ai bien senti que ma remarque tombait à plat. Patrick avait le dos tourné et remettait en place quelques photos au-dessus du zinc et le lourd silence gêné qui ponctua ma remarque me fit reprendre précipitamment ma place au fond sur le tabouret gainé de cuir, petitement recroquevillé sur mon outrecuidance. Un petit remue-ménage, pourtant, attira mon attention. C’était Castor T. qui, dans un coin, n'arrêtait pas de tâtonner par terre en pestant : "Bon dieu, où il est passé ? Je l'avais encore y a pas cinq minutes ? Ça, c'est sûr, ça va être moins pratique après " On mit du temps à comprendre qu'en éclatant de rire, il avait perdu un zygomatique qu’il cherchait désespérément sous la table. Ses onomatopées tranchaient le calme au scalpel et quelques sourires s'affichèrent de-ci de-là.

    « Fait pas attention, lança Patrick sans que je le voie arriver, y a des bourrus, y a des lunaires, y a des militants, y a des solitaires, y a des belles et y a des bêtes, y a des désespérés, y a pas mal de bizarres, y a beaucoup d'humanistes, mais y a surtout un paquet de sympas ! »

    Il avait dit ça sans se retourner et je me demandais même si la voix venait de lui ou du bar tout entier tant il faisait corps avec son antre. Il semblait évoluer comme dans son appartement et je me demandais même s’il n’avait pas aménagé un studio/kitchenette/salle de bains dans la partie basse du vieux meuble-bar en acajou qui lovait toute une partie de la pièce. Des dizaines de liquides alcoolisés répondaient aux jus de fruit, joyeusement ordonnés comme arbres, bosquets et graminées, faisaient miroiter leurs éclats au travers de bouteilles aux formes multiples. Quelques spiritueux ne manquaient pas de faire l'esprit du haut de leur étagère. On se serait cru dans un jardin cultivé à la Voltaire, mais nul Candide n'habitait ici.

    Sur un bout de canapé dans un coin de la salle, Ysiad était en pleine discussion métaphysique avec son chat, vautré on ne peut plus confortablement sur le dos sur une peau de mouton et pour qui, "Non, décidément non, la fin du monde n'a pas à concerner les vieux matous de mon espèce". Il avait ponctué sa totale désapprobation par un miaulement rauque en soufflant quelques volutes bleutées d'un cigare d'une contrebandière siamoise en lissant ses moustaches de la pointe de la griffe.

    Les conversations allaient bon train de groupe en groupe et les lettres coulaient à flots sur des phrases au long cours. Décidé à avoir mon mot à dire, je m'approchai d'un groupe où Benoit C. essayait d'extorquer quelques signatures pour faire grossir sa pétition en vue de "l'inscription des Duchemin sur la liste des espèces protégées". Bien campé sur ma ponctuation, les mains sur les hanches et le verbe haut je dis à qui voulait l'entendre, et même aux autres, "Moi, j'écris sans thème, mais que des nouvelles noires et juste à la Toussaint". C'est que Bibi y voulait pas jouer les seconds drôles pendant toute la soirée ! Quelques conversations suspendirent leur vol et on entendait le cuir des Chesterfields craquer sous les séants interloqués. Au début, j'ai cru que c'était la fin, puis Patrick est apparu en demandant si quelqu'un reprenait quelque chose. Un Vieufou demanda quelques vers d'acide carbonique avec des glaçons à neutrons radioactifs, Ryko sollicita juste un quatrain de vers de Prévert. "Et toi ?" me demanda Patrick. "Une petite bière est de mise" je dis faussement nonchalant, pas peu fier d'avoir ainsi été adoubé par le seigneur des lieux.

    J'allais trinquer à la fin du monde quand Dominique G. rappela avoir été la première à l'évoquer jusqu'à en préciser l'heure ce à quoi Patrick L. rétorqua qu'on ne joue pas avec le ciel et sur ces mots obscurs se servit un "verre d'eau grand comme un déluge".

    Claude B., qui menaçait d'en appeler au Conseil Supérieur de la Littérature fut interpellé par Claude R. qui estimait que la discorde était plutôt du ressort du Comité d'Intervention Originel. Heureusement, la sono choisit cette poussée de formalisme kafkaïenne pour lâcher un énorme larsen avant que Dominique C. mette tout le monde d'accord en hurlant sur la scène nimbée d'une lumière sépulcrale "Quand est-ce qu'on mord", ce qui réveilla un court instant Corinne J. qui avait manifestement choisi la gueule de bois à la fin du monde.

    À la fin de la chanson, on tambourina à la porte. C'est Jacqueline D. qui alla voir. On l'entendit juste dire " Ah non, monsieur, vous vous trompez, CEPALA" avant de rabattre le rideau. Il a dû perdre le nord ajouta-t-elle. "Ah ben justement, s'écria Emmanuel C.T. en levant les bras au ciel comme pour le prendre à témoin, j'ai là des montagnes de boussoles à prix sacrifiés dont j'aimerais bien qu'on me débarrasse avant que je ne perde la boule !". "Si t'arroses les vents, peut-être te porteront-ils sous d'autres cieux", lui dis-je malicieusement. Elle allait me répondre que j'étais trop débile quand elle fut interrompue par Danielle A. qui essaya de lui expliquer que ce n'était pas avec sa retraite de 650 € qu'elle allait malheureusement pouvoir s'offrir de quoi s'aimanter à un point cardinal.

    Moi, je me régalais de ces échanges impromptus à bâtons rompus. C’est vrai que le virtuel, c'est bien, mais pour descendre une bonne bière et se taper sur l’épaule, y a mieux. Et là le mieux, j'y étais. J'étais tout feu, tout paille pour ce baptême et j'en oubliais presque que le sujet était grave. Franck G. se chargea juste à ce instant de nous le rappeler par un "OYEZ, OYEZ" sonore, mais non belliqueux avant de vite noter sur son carnet dont il ne se séparait jamais les 100 choses qu'il avait à faire.

    Subitement j'entendis des "oh" et des "ah" admiratifs qui venaient du fond de la salle. C'était Dominique C. qui après avoir terminé sa chanson montrait à qui voulait les voir les photos de quelques-unes de ses groupies qui le suivaient dans ses tournées. Sur une des photos, on pouvait voir une ravissante dame, plus souriante qu'une gagnante à l'euromillions, et qui semblait faire signe à Dominique C. de le rejoindre dans des contrées lointaines et ensoleillées. "C'est qui ?", demandais-je curieux.  "Ah, elle… C'est Belinda…." susurra-t-il avant de sombrer dans ses pensées.

    "Ah, l'amour… " Soupira Castor T. Je lui parlerais bien d'une amie qui s'est fait avoir par un bellâtre nommé Govind, mais ça jetterait un froid. En attendant, la pauvre, elle a changé de monde direct !"

    Je les laissai à leur réflexion métaphysique et parti à la recherche de Joël H. C'était le seul que j'avais eu la chance de rencontrer par une soirée pluvieuse de pas mal d'années, et il ne semblait pas là. C'était étonnant et j'étais attristé de ne pouvoir converser avec lui. Je demandai à Patrick s'il avait une idée d'où il était. " Oh, Joël, à cette heure-ci il est enchaîné, sans doute pour une façon durable, à une voie ferrée sur laquelle doivent passer des trains de déchets radioactifs. La dernière fois que j'en ai entendu parler, c'était sur un reportage de France 3 Dijon. Il faisait tinter ses chaines en chantant – J'ai d'lamour à r'vendre, Brûlant sous les cendres-"

    Je fus fort désappointé de n'avoir la chance de le revoir, mais admiratif de voir qu'il allait au-delà des mots, sur le terrain, se battre pour ses idées, fidèle à lui-même, acceptant de porter sur ses épaules le poids du monde. Benoit C. intervint pour dire que lui aussi il s'inquiétait des poils du monde, surtout depuis qu'il s'était destiné à en repeindre l'origine. Yvonne O. entendant parler de poils rappela que la fin du monde avait eu lieu pour les poux. On lui suggéra de mettre en place, après la journée de la femme, la journée de l'époux, ce à quoi elle ne put répondre que "Putaing".

    Je me resservais une bière quand Patrick L. vint vers moi, l'air pas t'hibulaire, mais presque, pour me proposer de venir manger dans son nouveau restaurant "A la fourchette Buissonnière", rue de l'école. Certes, ce n'était pas la saison des champignons, mais bon… Méfiance me dis-je. Entendant que nous parlions cuisine Jacqueline D. vint nous dire, solennelle, que nous avions besoin de l'art comme du pain de l'esprit. Patrick L. renchérit en disant qu'il mettait aussi du lard avec ses champignons.

    Le temps passait et quelques convives, ayant sans doute peur du lendemain, prétextèrent l'heure avancée pour s'en rentrer chez eux. Claudine C. n'arrêtait pas de parler de temps, de montre, de courir après sa trotteuse, et cherchait à s'en aller comme une furie poursuivit par un leurre. Alain E. prétextait, lui, qu'il devait encore nettoyer son grenier de 86 cadavres et qu'il lui fallait alors rentrer urgemment. Sophie E. s'empressa de lui dire que chez Fourrecar le liquide vaisselle "un monde plus propre" était cinq centimes moins cher que chez Delil. Quant à Frédéric G., il devait partir replanter des cailloux à Bugarach. En attendant, il sifflotait La java des bombes atomiques en boucle.

    Jean-Luc L. se moqua gentiment d'eux en leur rappelant que la domotique existait et que lui, grâce à sa télécommande, il faisait tout fonctionner chez lui à distance. "Domus, Domine, Domotique", conclut-il fièrement. Claude B. se dit choqué qu'on parlât ainsi latin et qu'il était particulièrement déçu et inquiet que la crise de religiosité vienne jusque dans ces murs nous narguer.

    L'ambiance du bar retombait peu à peu et j'allai m'assoir à côté de Jean C. "Et toi, tu pars quand ? ", je lui demandai. Il prit un air inspiré et asséna avec aplomb "Je ne partirai que le 13/13/2013 à 13h13". Je ne me risquai pas à lui demander pourquoi.

    Patrick D. regarda tout ce beau monde avec une certaine tendresse et dit simplement que nous avions une araignée au plafond, mais que c'était normal, car nos plus beaux jardins sont désormais dans nos têtes, là où fleurit l'inspiration.

    "Et si la fin du monde avait bien eu lieu ?" Demandais-je soudain pris d'angoisse. "Après tout Jean Rochefort a peut-être fait son dernier film, Stéphane Hessel est mort, le pape aussi, La reine Elisabeth two a eu une gastro et on annonce déjà le retour du président qui ne voulait pas partir, sans compter qu'en Syrie, naitre n'est pas un avoir sur la vie."

    Les deux Patrick me regardèrent amusé. "Tu es mieux ici en tous cas, quoiqu'il se passe à l'extérieur"

    C'est à cet instant que Joël H. rentra avec fracas, couvert de cendres, les chairs brûlées, plus radioactif qu'un réacteur de Fukushima, mais toujours souriant. " J'ai entendu vos voix… J'ai voulu revenir. Même les vents se déchaînent de leurs liens !". Par la porte entrebâillée, je vis ce que je ne pensais jamais voir. Au dehors du Calipso des tornades gigantesques arrachaient des monceaux de terre brûlée. Le ciel était rouge et des larmes de cendres en coulaient sans discontinuer. En place des lumières de la ville que j'aurais dû voir au loin, il n'y avait que de l'obscurité impénétrable. Mais le plus effrayant était ces silhouettes hurlantes, se tenant la tête qu'elles avaient nues et dénuées de sourcils au creux des mains, poursuivies par des arabesques aux couleurs d'apocalypse. Elles erraient telles des âmes mortes dont seul le cri éternel semblait encore les porter. L'horizon en était recouvert comme autant de scories d'un volcan explosé en deux temps, trois mouvements.

    Jean Luc L. regarda aussi dehors et, étonné, demanda à la cantonade ; "C'est à qui le bourrin qui attend sagement devant la porte ? Il ne sait pas que c'est l'enfer ?" "Ce n'est pas un bourrin" grogna une forme fantomatique dans le recoin le plus sombre du bar, dont seul un chapeau à large bord et une capeline aux allures de montagne s'offraient au regard, comme dans le meilleur des Léone.  Jean-Luc L. poursuivit, "J'ai pas voulu vexer… Le canasson quoi !". "Ce n'est pas un canasson" poursuivit la voix rauque. 'Bon", continua Jean-Luc L, passablement irrité, "j'ai pas bien vu peut-être, désolé. C'est quoi alors, un bœuf bourguignon !" Il partit dans un grand éclat de rire, mais les autres hésitaient comme s'il connaissait le propriétaire du cheval. "Faut te mettre les points… sur les "i" à toi. C'est un Percheron, il vient d'Auvergne et il est à moi". "C'est pour labourer ?" termina Jean-Luc L. "Parce que moi je n'ai pas le permis pour ça". "Pourquoi, tu veux danser ? Il s'appelle Jori et là d'où on vient, tu ne serais qu'une petite chose dans la cour de ma ferme".

    Heureusement, les hostilités furent interrompues par Jean C. qui vint nous dire à sa manière et en quelques vers "qui manie rondel ne fait pas le printemps" et Jean-Claude T. refit sourire tout le monde quand on vit qu'il avait un nez de Cyrano bien mal placé suite à un pari un peu osé sur ses bijoux de famille! 

    Je me tournai vers Patrick, mais il devina tout de suite ma question. "L'ombre Auvergnate là-bas, c'est Lunatik. Parle peu, observe beaucoup, et a commis un magnifique roman qui s'appelait "Des chevaux et des hommes".

    Je me disais que ce cheval à la force brute, au-dehors, pouvait tout autant, eu égard aux décombres et au chaos qui l'entouraient, être un des chevaux de l'apocalypse. Aux côtés des silhouettes erratiques hurlantes, il achevait de donner à cette fin du monde un air définitivement pictural. J'en étais là de mes réflexions, quand Castor T. vint glisser à mon oreille avec un air pénétré de prédicateur : "Dehors, toutes les blattes sont mortes…", "Et feue l'humanité achève de se consumer" terminais-je alors que Joël H. s'installait un peu plus loin pour fumer en paix et vider quelques verres éphémères de bière à l'amertume, non sans avoir apostrophé en passant son reflet dans la glace en lui demandant s'il voulait sa photo.

    Et c'est à cet instant précis que mon regard s'est posé sur elles. Bien sûr, elles avaient déjà croisé mon champ visuel, mais jamais encore je ne les avais comprises ainsi. Toutes les photos qui tapissaient les murs, les coins, les recoins, chaque espace libre du bar. Autant de preuves de ce monde qui se meurt, de témoignages pour ceux qui nous trouveraient, les reliefs d'un autre temps.

    "L'homme a régné", me dit Patrick D., "laissons maintenant refleurir le jardin."

    "Quand est-ce qu'on mort ?" demanda Dominique C.

    "Je ne peux pas mourir, j'ai encore cent choses à faire avant", dit Franck G.

    "J'ai de l'amour à r'vendre, Brûlant sous les cendres", continuait de chanter notre Joël atomique.

    "En tous cas, pour l'instant, la fin du monde CEPALA", dit avec conviction Jacqueline D., comme pour s'en convaincre elle-même.

    Après les cent jours… l'an 01 risque bien d'être celui d'un règne obscur, je pensai.

    C'est alors que Patrick s'est approché de nous et a dit. "Allez les auteurs, rapprochez-vous, on va faire une photo souvenir. On l'accrochera au-dessus de la porte. Et après, on va écrire pour les tourbillons"

     


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    Illustration  Samuel Gounon

     

     

     

    La ballade de Morteterre

    Vieufou

     

    Je suis l’arbre aux fruits défendus

    Le seul qui n’ait pas disparu

    De cette étoile funéraire

    De cette morte, morte terre

     

    J’ai vu naître une race fière

    Qui apprit à manier le fer

    Et qui parvint à accéder

    A un semblant d’humanité

     

    Mais à vouloir me cultiver

    Les hommes ont rasé les forêts

    Ont asséché les océans

    Et vendu leur âme à Satan

     

    Ile avaient inventé le temps

    Et cru que c’était de l’argent

    Glorifié des billets verts

    Et monnayé leur propre mère

      

    Ils ont fabriqué leurs cercueils

    En coupant mes dernières feuilles

    Et un jour se sont tous pendus

    Au bout de mes branches tordues

     

    Nul n’a enterré le dernier

    Il s’est écroulé à mon pied

    Les poumons ne trouvant plus d’air

    La bouche pleine de poussière

     

    Epuisant ses dernières forces

    Il a gravé sur mon écorce

    Le Te Deum à Lucifer

    La ballade de Morteterre

     

    J’ai fait un lit de mes racines

    Je l’ai couché dans mes épines

    Ses os blanchissent au soleil

    Il dort de son dernier sommeil

     

    O Morteterre, n’ayez crainte

    Le vent me joue votre complainte

    Déjà des cellules s’affairent

    Et commence une nouvelle ère

     

    Je suis l’arbre aux fruits défendus

    Mes branches sont basses et fourchues

    Sur Morteterre toujours je veille

    Et je prépare son réveil.

     


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    A refaire !

    Joël Hamm

     

     

       Il ne lisait pas les journaux, n’écoutait pas la radio, ne regardait pas la télé, n’avait pas d’amis, ne perdait pas son temps à discuter avec ses collègues de travail. Il avait appris la nouvelle en fréquentant assidûment les bistros de la ville. Tous les bistros car il aimait en changer souvent pour ne pas finir encalminé dans la routine. Selon lui - et ça le rendait malade - la vie n’était elle-même qu’une longue habitude, une répétition de gestes médiocres.

       Non, il n’était pas près à s’attarder quelque part, à prendre racine. Il se donnait l’illusion que ses gestes répétés – on en a tous : lever le coude, allumer une cigarette, lever le coude, allumer une cigarette etc. – étaient moins significatifs quand il les effectuait dans des lieux différents. Illusion du voyage et du déplacement. On a beau changer de bar, on se retrouve toujours face à soi même. Il errait comme une ombre et bien malin qui aurait pu se souvenir de lui. Anonyme passe muraille, il avait un physique neutre et banal qui accrochait à peine la lumière. Cette transparence était à peu près sa seule satisfaction. Pas d’amis, pas de famille – plus de famille serait plus exact car les siens l’avaient fui. Le bonheur était une obligation sociale dont il ne percevait pas exactement les avantages ; les gens batifolaient dans les vallées de larmes d’un monde cruel. C’était ce monde justement qui devait disparaître le 21 décembre prochain. La bonne et grande nouvelle discutée et commentée au bord des comptoirs ! Si seulement c’était vrai.

       Il ne se souvenait plus si la prédiction était Aztèque, Maya ou Hottentote mais il constatait, un peu agacé, que bien des gens avaient trouvé là un sujet de conversation digne de leur bêtise. Une manière pour les imbéciles de se donner des frissons sans prendre un très grand risque. Les hommes aiment se faire peur pour oublier leurs peurs. Près de lui, faisant face à des verres de pastis, il y en avait deux qui s’excitaient sur le sujet. Le premier, un petit jeune pourtant d’allure très sérieuse, banquier ou agent d’assurance si on en jugeait à sa mine avenante d’escroc patenté, affirmait s’être remis à boire et à fumer puisque le jour de la destruction arrivait et qu’il n’avait donc plus rien à perdre. Son voisin immédiat, un syndicaliste, braillait comme dans une manif : Tous ensemble, tous ensemble ! Les pauvres types ! Ne voyaient-ils pas que le monde avait commencé de finir le jour du big-bang et que naître était une condamnation à mort assurée ? Lui seul semblait se rendre compte que la fin était contenue dans le commencement. Il avait compris très tôt que sa vie ne serait jamais qu’une mort lente. Pas vraiment désagréable mais totalement insupportable quand il y pensait. Il avait résolu le problème et décidé d’en finir bien avant que le monde – Ah ! Ah ! Ah ! – n’explose. Avant même les fêtes de fin d’année. Il se demandait quel sens pouvait avoir le comportement compulsif de ses semblables, acharnés à courir les magasins tout en pensant plus ou moins que le père Noël risquait de ressembler cette année à une victime d’Hiroshima. Après tout, c’était une éventualité, cette fin du monde. On avait sur terre assez de moyens de destructions à notre disposition. Ça pouvait péter d’un instant à l’autre. Alors pourquoi pas le 21 décembre. Lui même possédait son arme fatale, bien rangée dans une armoire : un calibre 12 chargé de chevrotine. Ça ne pardonne pas si on s’en sert convenablement. Il s’était fixé une limite : le 18 décembre, sa date anniversaire, histoire de faire un compte rond et de devancer tout le monde dans l’hypothèse où la prédiction se révèlerait exacte. Au fond, il savait bien que sa mort ne troublerai personne et surtout pas des gens affairés à acheter leur foie gras ou à faire la queue aux restos du coeur – selon leur position sociale - tout en se demandant s’ils auraient, cette année, le loisir de déboucher le champagne ou de mettre à cuire leurs nouilles. Se doutait-ils, ceux là, que, de toute façons, la fin du monde du 21 décembre serait une réalité pour environ 150 000 d’entre eux sur terre, le nombre de terriens qui meurent chaque jour. Un total de 55 millions par an largement compensé par les 130 millions de naissances annuelles. Vertige ! Accoudé au bar, il faisait ses calculs. Savoir que sa fin du monde personnelle le 18 décembre serait celle aussi de 150 000 autres individus accentuait sa déprime. Il décida d’avancer la date fatale, ne serait-ce que pour éviter à ses pensées de tourner plus longtemps comme du linge sale dans une machine à laver.

       Le 15 décembre il appuya le canon du fusil contre son cœur et le 31 mars il se réveilla dans une chambre d’hôpital. L’infirmière se pencha sur lui qui venait d’ouvrir un œil. Elle souriait. Un beau sourire. Il ne comprit pas tout de suite où il se trouvait mais il aperçut le soleil qui jouait derrière les stores et il entendit des chants d’oiseaux par la fenêtre entrouverte.

       La fin du monde était à refaire mais ce serait plus difficile car il sentit son estomac gargouiller. Il avait faim, le temps était au beau et l’infirmière avait sacrément la main douce.

      


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    Merle de la fin du monde

    Jean Calbrix

                 

     

    Merle picore en mon jardin

    La pomme de la fin du monde.

    Il n'a pas peur. Il vagabonde,

    Jouant, dans l’herbe, le dandin.

     

    En sifflotant, vite, il me sonde,

    Dans son frac noir de fier gandin.

    Merle picore en mon jardin

    La pomme de la fin du monde.

     

    Il ne croit pas, ce vil gredin,

    Qu’il périra dans la seconde,

    Quand s’abattra le plomb immonde,

    Que plus rien ne sera matin.

    Merle picore en mon jardin.

     

     


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    Mme González, 97 jours après la fin du monde

    Dominique Chappey

     

     

    – Cabrón !

    Surpris par la voix, Jules sursaute et veut se relever beaucoup trop précipitamment. Il teste au passage la résistance des matériaux, front contre châssis de véhicule à quatre roues. Des deux mains, il repousse le bloc moteur sous lequel il est allongé et rampe vers un espace plus dégagé.

    Du bout des doigts, il se tâte le crâne. Une bosse commence sa croissance sous l’entaille toute neuve qui poisse son front de sang frais. Jules maudit en silence les voitures, les vidanges du dimanche matin et les garagistes hors de prix. Et puis aussi, pendant une demi-seconde, il est pris d’une grande envie d’étrangler toutes les Mme González de la création. Il ferme les yeux, tente sans succès la visualisation de la salutation au soleil et renonce à se détendre. Après une grande respiration, il se relève doucement et se tourne vers la vieille dame, plantée bien droite sur le coin de pelouse qui lui sert de jardin.

    – Bonjour Mme González. Comment ça va ce matin ?

    – Maricón !

    – Oui c’est gentil, merci. De toute façon, j’avais presque fini, je vous raccompagne.

    Mme González sourit et passe gentiment son bras sous celui de Jules. De sa main libre, elle lui assène de grandes claques sur l’épaule en répétant :

    – Guarro ! Guarro !

    Jules traverse la rue avec précaution, la vieille dame accrochée à son bras. Il s’efforce de ne pas salir la robe de chambre avec le cambouis qui lui maquille les mains. Devant le pavillon d’en face, le portillon de fer est grand ouvert. Avant d’entrer dans la petite cour, Jules donne un coup de sonnette. Il referme le portillon et, accompagné de la vielle dame, contourne la maison pour trouver M. González dans le jardin qui bêche son potager. Mme González a cessé de marteler l’épaule de Jules, elle lui essuie maintenant les doigts avec la manche de sa robe de chambre pour en ôter le cambouis, elle crache un peu dessus pour que cela parte plus vite :

    – Maldito !

    M. González lève la tête. Son regard transparent se pose sur le couple. C’est un petit monsieur tout sec, à la peau parcheminée. Les cernes qui lui soulignent les yeux évoquent bien plus que des nuits sans sommeil.

    Il pose la bêche contre la petite barrière de bois qui borde son jardin potager, ôte ses gants qu’il fourre dans la poche de sa veste. Il porte un bleu de travail à la couleur passée, sous le col on devine une chemise impeccable et un petit gilet de costume. M. González enfile chaque jour chemise et costume trois pièces, peu lui importe l’activité au programme. C’est sa façon à lui de résister au lent travail du temps. Au jardin, il troque sa veste de tweed pour le bleu et consent à abandonner le nœud de cravate. Le reste du temps, il promène son costume où qu’il aille, chez le boucher, le marchand de journaux, sur le chemin de halage au bord du fleuve ou à la bibliothèque.

    – Rosa, il ne faut pas aller importuner M. Jules. Et puis, tu sors en robe de chambre, tu vas attraper mal. Viens, je vais t’aider à t’habiller et puis ensuite nous irons marcher au Parc, voir les poissons.

    Mme González se laisse docilement conduire vers la maison. Elle semble avoir oublié jusqu’à la présence de Jules. Son mari la fait asseoir doucement sur le fauteuil du salon qui donne sur le jardin.

    – Je reviens tout de suite, ne bouge pas.

    M. González raccompagne Jules à la porte :

    – Elle vous a frappé encore une fois.

    – Mais non, mais non, je l’ai ramené, c’est tout.

    – Vous avez du sang plein la figure, et du cambouis aussi. Il faut désinfecter.

    – Non, non, ça n’a rien à voir, je me suis cogné sur le carter de la voiture, je faisais ma vidange…

    M. González hoche la tête. Il n’y croit pas vraiment, mais apprécie la délicatesse du mensonge.

    – Il faut fermer le portillon à clef, M. González. On ne sait pas, un jour, elle peut décider d’aller n’importe où. Pas seulement dans mon jardin. Se perdre. Elle ne regarde jamais quand elle traverse la rue, c’est dangereux.

    – Oui, je sais, vous avez raison. Mais je n’y arrive pas. Fermer à clef, l’enfermer.

    Jules acquiesce à son tour, comme chaque fois qu’il ramène Mme González. Depuis le fauteuil du salon, elle semble lui sourire avant de détourner son regard. Les mains posées sur ses genoux, elle observe à travers la porte-fenêtre, le lent mouvement des branches dans le vent.


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    Giboulées

    Patrick Ledent

     

     

    Près de cent jours plus tard, je n’y pense presque plus. Encore un peu le soir, avant de m’endormir. Alors, je regarde le ciel qui n’a pas changé – qui semble ne pas vouloir changer –, et je me dis que je me suis montré bien crédule. Je fais mine de me donner quelques gifles, pas bien méchantes, comme un père bienveillant qui gronde son fils en secouant l’index. J’exorcise ainsi, à ma façon, les fessées et les coups qui ont fait de mon enfance et de mon adolescence cette nuit de quinze ans où la souffrance et la peur ne toléraient qu’elles-mêmes.

    Aujourd’hui, tous les meubles ont retrouvé leur place. Je les ai remontés de la cave où je les avais entreposés avant le solstice d’hiver et la fin du monde annoncée. Je suis revenu à l’étage. Je mange à nouveau dans la cuisine, regarde la télévision au salon et dors dans ma chambre. La nuit dernière, j’en ai même ouvert la fenêtre. Je me suis endormi dans le courant d’air tiède et parfumé qui montait du jardin.

    Le docteur a marqué son accord pour adapter les posologies, me laissant entendre que si je continuais ainsi, il se pourrait qu’à Noël, je sois complètement guéri. Nous nous en sommes réjouis. Il m’a même touché l’épaule, lui qui d’ordinaire se garde de la moindre familiarité. Son geste m’a réconforté et m’a rendu une confiance en moi qu’aucun mot, aucun discours ne m’avaient jamais inspirée.

    Je me risque au jardin. Les crocus vivent leurs derniers jours et les jonquilles assurent la relève, comme chaque année. Rien n’a changé, pas même en sous-sol, puisque les bulbes eux-mêmes répondent à l’appel du printemps. Si, même sous terre, la vie suit son cours, pourquoi n’en serait-il pas de même au ciel ? Les astres poursuivent leurs voyages et leurs révolutions. La mécanique céleste est immuable. Les Mayas se sont trompés. La menace est levée, si tant est qu’elle ait jamais pesé.

    La terre roule sous ma bêche, exhalant un parfum unique, caractéristique des premiers jours du printemps, un parfum qui me rappelle ces pluies d’été qui s’évaporent aussitôt le sol touché. La terre, trop longtemps gelée, privée d’échanges et de mouvements, redevient perméable. À chaque pelletée, elle se délite en centaines de petites boules, comme autant d’éclaboussures, qui se gorgent d’air avant de retomber et de se reformer, fertilisées, impatientes de nouveaux enfantements.

    Je pleure sous la douche. Est-ce fini, cette fois ? Vraiment fini ? Les gifles et les coups ont-ils enfin cessé ? Ce printemps est-il le bon ? J’ai la chair de poule sous le drap de bain, dans la vapeur d’eau qui achève de s’évaporer. Je n’ose pas y croire et, dans un même temps, jamais je ne me suis senti aussi proche de la délivrance.

    J’enfile mon pyjama, en équilibre sur un pied, quand un terrible craquement retentit et secoue la maison de part en part. Je tombe, empêtré dans mes jambes. Me relève, cours vers ma chambre. La fenêtre est brisée, le sol parsemé d’éclats de verre. La neige s’engouffre jusqu’à mon lit. Mes pieds saignent. L’air est glacial. Des éclairs déchirent un ciel méconnaissable et lourd, courant d’un bout à l’autre du monde comme un chien fou.

    J’arrache couette et matelas, jette le tout dans la cage d’escalier. Dévale les marches à leur suite et recommence au rez-de-chaussée. Jusqu’à la cave dont je ferme la lourde porte de métal derrière moi. Je me terre dans mon coin, recroquevillé sur le matelas et sous la couette, la tête entre les mains. Au-dessus, la maison s’effondre. Chaque brique qui tombe semble vouloir crever le béton et m’ensevelir. Papa est fou de rage. Ses poings m’atteignent jusque sous la couette, pas même amortis par la cellulose : « Maman ! Au secours ! Maman ! »

    Elle tambourine contre la porte, ajoutant au vacarme. Mais je ne peux plus bouger. Les coups m’ont brisé les os.

    – Georges, calme-toi, je t’en supplie, Georges, calme-toi ! Ouvre ! Ce n’est rien, un orage. Une giboulée, c’est déjà fini.

    Elle ne le pense pas. Tout recommence et elle le sait. D’ailleurs, ses coups contre la porte faiblissent déjà : elle n’y croit plus.


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    Yapat’ soussi

    Ysiad

     

    Yapat’ soussi

    Comme ils disent tous ici

    Moi je dis : si, si,

    Y a un gros souci

    Entre les sourcils

    Noirs du libéralisme

     

    Un souci qui vous en donne

    Du souci

    Il y a maldonne

     

    Entre les sourcils

    Noirs du libéralisme

    Couve un gros souci

    Aussi noir que la belladone

     

    Yapat’ soussi

    Comme ils disent tous ici

    Moi je dis : si, si,

    Y’a un gros souci

    Y’en a qui vivent

    Hagards dans des hangars

    Sous des tentes de fortune

    Sans une thune

    Ou avec trois francs six sous

    Six sous six sous six sous si

    Bien que c’est pas de trop

    Pour survivre

    Sur les banquettes du métro

     

    Pat’ sous pat’ sous pat’ soussi

    Comme ils disent tous ici

    Moi je dis : si, si

    Avec trois francs six sous

    Y’a un vache de gros souci

    Qui grossit, grossit, grossit

    Par là-bas et par ici

     

     

     

    Pour accompagner Ysiad...

    (désolé pour les 5 secondes de pub, les investisseurs sont à la manoeuvre...) 


    la Parisienne Libérée - les investisseurs par Mediapart

     

     

     


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