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    Comment bien foirer en essayant de faire la grasse matinée

    Ysiad (avec la collaboration de Poiluchet)

     

     

     

    Nous poursuivons la série « foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux » en abordant un sujet qui nous est vital, à savoir le sommeil. Le sommeil, c’est tabou. Faut pas s’aviser d’y toucher.

     

     

    Il est étonnant de constater à quel point les choses se liguent pour vous empêcher de dormir au moment où vous en avez le plus besoin. Il est d’autant plus important de bien dormir que du lundi au vendredi, vous vous épuisez à prendre des transports en commun bondés pour aller travailler, lesquels vous ramènent au bercail en vous faisant subir toutes sortes d’avaries qui plombent le moral et dilapident le peu de temps de détente dont vous disposez avant de vous relancer, dès le lendemain, dans le bruit et la fureur. Une fois à la maison, les choses ne s’arrangent guère. Le quotidien exerce une telle emprise que bien souvent, au lieu de faire de beaux rêves auxquels vous pourriez légitimement prétendre à l’issue d’une journée passée à subir les humeurs du patron, voilà qu’à peine la tête posée sur l’oreiller, vous plongez dans un enfer de monstres grouillants à queue de reptile. Vade rétro, sale cauchemar. Et toi, le chat, va au pied du lit, tu pèses. Pas possible, vraiment. Comment faire pour pouvoir dormir sereinement, et sans bestiau sur le ventre, surtout le week-end ?

     

    Pour bien baliser le terrain, il faut éliminer les obstacles, au premier rang desquels figure le bruit. Le bruit est votre ennemi numéro un et bien sûr, il est omniprésent. Une seule solution : la Boule Quiès (BQ). Il vous en faut une paire, parce que vous avez deux oreilles. Une dans chaque. Pas de jaloux. Pas deux dans la même, non, ça ne marche pas.

     

    Bien évidemment, le tiroir de la salle de bains ne renferme que d’immondes résidus poussiéreux vaguement rosâtres, qui furent un jour de magnifiques BQ enrobées dans une délicate couche de ouate, mais qu’il est inenvisageable aujourd’hui de se refourrer dans les oreilles sous peine d’attraper une méga infection du conduit auditif. Commencez par jeter les vieux résidus immondes et poussiéreux et courez acquérir à la pharmacie une nouvelle boîte de ces BQ vitales pour votre équilibre. Le pharmacien vous attend derrière le comptoir (il n’y a pas que le bar qui possède un comptoir, la pharmacie aussi). Et, ô miracle, il n’y a personne devant vous, l’idée d’être tout de suite servie vous grise, cependant méfiez vous de votre fougue habituelle qui pourrait vous amener à dire : Bonjour Monsieur, je voudrais une paire de Boules Q. Même si le pharmacien n’a rien d’un pépère pervers, il pourrait croire que vous sous-entendez un truc cochon derrière votre air sage et cela vous mettrait dans une situation embarrassante. Dites sobrement qu’il vous faut une boîte de boules Ki-Yesse et basta. Bien. Le pharmacien s’éclipse pour revenir avec la sympathique petite boîte blanche et plate qui renferme les clés de votre sommeil, et si par hasard il vous demande si vous savez comment vous les loger, les Boules Q, dites que oui, vous avez une grande habitude de la chose, et arrêtez-vous là, car à supposer que vous n’en ayez pas la moindre idée, il y a un dessin en guise de mode d’emploi dans la petite boîte blanche et plate que le pharmacien vient de vous remettre en vous jetant un regard lubrique. Obsédé, va.

     

    Le premier obstacle à votre sommeil réparateur étant éradiqué, passons à la suite.

     

    Sur le seuil, alors que vous tentez d’introduire la clé dans la serrure déglinguée, un deuxième obstacle vous attend derrière la porte, en la personne du matou. Le vôtre fait partie de ces animaux très casse-bonbon qui réclament à bouffer sur le coup de six heures du mat’ et qui ne conçoivent pas de faire leur nuit ailleurs que sur votre lit. C’est comme ça. Il n’y a rien à faire. Le chat, c’est avec vous qu’il veut dormir. Avec personne d’autre. Oh bien sûr, vous avez tenté de l’en dissuader en claquant fermement la porte de la chambre, mais le lendemain, la cuisine ressemblait trop à Fukushima pour envisager qu’il se la prenne une deuxième fois dans la truffe. Donc Poiluchet dort avec vous, plus précisément il ventouse votre ventre, une habitude qu’il a prise en devenant ce gros mâle sénescent qui vous lorgne de son oeil jaune en vous signifiant qu’on n’a pas intérêt à badiner avec l’horaire de ses repas. Pour avoir la paix, remplissez bien sa gamelle ; lesté comme il est, il y a très peu de chances qu’il vienne faire sa danse de la faim avant neuf heures. Et s’il vous réveille, gare. A défaut de pouvoir le faire entrer dans le four, vous essaierez de le vendre sur e-Bay. Encore quelques croquettes, mon Poiluchet ? 

     

    Ce deuxième obstacle étant évincé, buvez une tisane, détendez-vous, retapez les oreillers, écoutez de la musique de chambre, lisez quelques pages de doctrine comptable, vissez vos Ki-yesse à gauche, à droite, et dodo. Et toi, le bestiau, tu restes au pied du lit. Allez. On dort.

     

    A trois heures une, une mouche entre dans la chambre. A trois heures deux, Poiluchet se gratte vigoureusement l’oreille gauche. A trois heures trois, il s’étire. A trois heures quatre, une boule Q glisse de votre oreille droite. A trois heures cinq, vous ouvrez un œil. 

     

    Bravo, en plein dans les esgourdes, tout est parfaitement normal, c’est foiré !

     

    Ben maintenant, y a plus qu’à chasser la mouche hors de la chambre, retrouver la boule qui a glissé sous le lit, la revisser du bon côté, pousser Poiluchet qui s’est mis en travers du lit, et vous rendormir en espérant faire de beaux rêves.

     

    … Mais si par miracle, à sept heures cinquante deux, votre belle-mère appelle pour vous apprendre qu’aujourd’hui, Monoprix fait des offres promotionnelles sur les lots de saucisse fumée au bois de hêtre, alors vous pourrez estimer que la grasse matinée est bien foirée.

     


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    Comment bien foirer en essayant d’effacer les rides de l’âge

    Ysiad

     

     

     

    Aujourd’hui, dans le droit fil de l’ébouriffante série intitulée « foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux », nous allons tenter de mettre en œuvre une stratégie consistant à paraître dix, voire quinze ans de moins que son âge véritable, ne lésinons pas. Ce n’est pas une mince affaire. En dépit des nombreuses solutions que proposent les magazines féminins pour effacer les rides ou les atténuer, celles-ci ne s’enlèvent pas si facilement. Même en frottant bien. Prenons pour exemple les efforts que déploie Aschenbach pour plaire à Tadzio dans Mort à Venise, en particulier la scène tournée au salon de coiffure. Le vieil homme va en ressortir rajeuni de vingt ans, absolument méconnaissable. Ses sourcils ont été passés au crayon, ses cheveux sont teints jusqu’à la racine, ses joues poudrées sont blanches et lisses comme le lait, les taches de l’âge ont momentanément disparu. Le voilà prêt à courir derrière l’objet de son désir dans les rues enfumées d’une Venise dévastée par une épidémie de choléra. Et il court, Aschenbach, il se hâte sous les sottoportego, il transpire dans les vapeurs du mal qui se répand partout, à la suite du jeune homme à la beauté troublante. La teinture coule sur ses tempes, se mêle à la poudre. Le fard s’efface graduellement, les rides réapparaissent. C’est ainsi, que voulez-vous. Quoi que l’on fasse, l’âge reprend toujours ses droits.

     

     

    Aujourd’hui, c’est votre anniversaire et franchement, vous auriez donné cher pour éviter de devoir y assister. Vous changez de dizaine, c’est la poisse, et comme un malheur n’arrive jamais seul, la famille veut fêter ça. Vous n’aimez pas trop quand elle fait cercle pour vous aider à souffler vos bougies, qui sont si nombreuses aujourd’hui qu’il est impossible de les faire tenir toutes sur un gâteau, à moins, bien sûr, d’envisager la pièce montée. Vieillir, c’est franchement barbant, et sans doute est-ce pour cela que vous avez décidé de prendre le taureau par les cornes et vos rides en main. La tâche est ardue, car enfin, rien n’est plus compliqué que de paraître jeune quand on est vieux, et franchement, ce soir, le miroir ne vous épargne rien, qui vous renvoie l’image de quelqu’un qui fait beaucoup plus que son âge.

    Mais oui, bien sûr que si, et puis ne trichez pas quand vous souriez, ne faites pas semblant. Il est loin le temps où les actrices américaines s’exerçaient à sourire sans avoir recours aux muscles du visage, afin de ne pas attraper ces rides disgracieuses que les créatures médiatiques d’aujourd’hui, les people, combattent en allant se faire piquer les joues au Botox et regonfler tout ce qui peut l’être avec des implants de silicone. Vous n’en êtes pas là. Vous n’avez jamais envisagé ce genre de recours. Ces créatures au facies de poupée russe sont pitoyables. Quand elles n’ont pas un sourcil plus haut que l’autre ou une bouffissure à l’endroit des pommettes, leurs joues sont beaucoup trop rondes pour être honnêtes, à la différence des vôtres, qui sont bien creusées, regardez, bien affaissées aussi, l’un n’allant jamais sans l’autre.

    Par quoi allez-vous commencer ? Ce soir, inutile de se tartiner la face avec les doses d’essai des parfumeries. Votre peau en a assez vu comme ça. Poudre aux yeux que toutes ces crèmes censées effacer les outrages du temps, oui ! Halte au bluff ! Les prodigieux onguents ont ceci de commun qu’ils n’effacent rien, mais laissent la peau aussi flasque que la veille. De la même façon que le lama crache à la figure du capitaine Haddock quand celui-ci s’amuse à lui gratter le menton (quand lama fâché, lui toujours faire ainsi, souvenez-vous), la peau se venge. Plus on lui administre des produits miracle, plus elle s’adonne au relâchement cutané : c’est l’effet retour et c’est bien fait pour vous. Que vous reste-t-il d’autre à faire que de bannir la station devant le miroir ? Moins on se voit, plus on se perd de vue, et mieux ça vaut. Ou alors, pourquoi ne pas tenter le tout pour le tout avec les petites pinces à linge en bois qui servent à fermer les sachets d’épices dans le garde-manger ? Au point où vous en êtes…

    Qu’elles sont belles, ces petites pinces à linge en bois ! Et puis elles ne font pas mal quand on les pose de chaque côté des joues. C’est toujours la même chose, il suffit de trouver le bon endroit. Elles font encore moins mal quand on les pose sur les sourcils pour effacer la griffe du lion. Et tant qu’on y est, on peut essayer aussi du côté des commissures, un peu plus bas, là, ça ne mange pas de pain, et encore deux autres du côté du menton. Il ne reste plus qu’à espérer qu’elles auront le même effet de tension sur les tissus cutanés que sur le linge froissé.

    Une heure plus tard, vous pouvez le constater : absolument pas ! Une fois les pinces ôtées, la peau a récupéré son flétrissement d’origine, les rides ont repris possession des lieux. Pour couronner l’ensemble, des plaques rouges de dimensions variées sont apparues de chaque côté des joues, autour des sourcils et de la bouche. Cela fait comme une allergie qui se propage un peu partout sur le visage. 

    Bravo ! En plein dans la patte d’oie, c’est foiré !

    Ben maintenant, y’a plus qu’à se maquiller pour cacher le vilain eczéma.

     

    … Mais si par miracle, au moment du dîner, votre neveu pré pubère, apercevant les tâches que vous n’avez pas réussi à dissimuler tout à fait sous le fond de teint, hurle à pleine voix : « Dis donc, Tata, on peut avoir encore de l’acné sur les joues à cinquante ans ? » alors seulement, vous pourrez considérer que la petite tentative de lifting à la pince à linge en bois est bien foirée.


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    Comment bien foirer en essayant de flinguer son patron
    Ysiad
     
     
    Nous tentons ce soir, alors qu’il est un peu tard pour pilonner des touches, de reprendre le fil de la série qui s’intitulait « foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux », en abordant aujourd’hui l’art et la manière de flinguer son patron sans en mettre partout sur les murs. Il s’agit ni plus ni moins de lui envoyer un pruneau dans la caboche en évitant de maculer la paroi de particules de cartilage et de lambeaux de chair sanguinolents, ces trucs répugnants qui demandent ensuite de dépenser bêtement de l’énergie à frotter le mur avec des détergents pour tenter d’effacer ce qui n’est en somme qu’une simple petite anicroche au code d’éthique de l’entreprise. Lequel stipule, dans son article premier, que tout employé est censé supporter son supérieur hiérarchique, même quand celui-ci est un énarque septuagénaire et surpayé du nom de Jean Aimard Dumarasme, qui passe son temps à lire Le Monde les pieds sur la table, parce qu’il le vaut bien, alors que vous, non, voyons : vous n’êtes qu’un pauvre ectoplasme mou tout juste bon à attraper des gastro-entérites. C’est quoi, ce boulot, hurle Jean Aimard en ouvrant une parenthèse, on doit pas être absent, on doit bosser, on doit pas attraper de gastro-entérite, on doit pas, sous aucun prétexte, on doit répondre aux demandes des supérieurs, on doit. Et vous, l’ectoplasme mou, de répondre : oui chef, bien chef, à vos ordres chef, je pouvais pas prévoir que je tomberais malade, ah si j’avais susse, jamais j’aurais eu la chiasse, encore eût-il fallusse que je le sachiasse.
     
    A ce stade, tout le monde comprendra qu’il est vital de trouver des palliatifs, faute de quoi c’est la balle dans la tête, et encore, vous risqueriez de vous louper et de vous la mettre dans le pied.
    Cette parenthèse refermée, continuons notre bonhomme de chemin et allons nous poster derrière la paroi vitrée, à côté de l’ectoplasme mou avachi sur sa chaise, qui cache en fait un redoutable tireur d’élite.
    Ou une tireuse d’élite. Tout aussi redoutable
     
       
     
    Pour passer d’ectoplasme mou à redoutable tireuse d’élite, il faut réunir deux conditions, dont la première doit être l’ennui, et la deuxième, l’exaspération. Simple en apparence, cependant attention : pas n’importe quel ennui et pas n’importe quelle exaspération. L’ennui que l’on éprouve le dimanche en contemplant le ciel ennuagé ne suffit pas. C’est de l’ennui banal, superficiel, vaguement romantique, de l’ennui de salon entraînant des bouffées de nostalgie, des états d’âme de poète, de la p’tite bière, quoi. Pour être une bonne tireuse d’élite, il faut un vache de gros ennui bien lourd qui plombe sur la chaise et vous fait éprouver un spleen terrible. Quant à l’exaspération, elle doit être proportionnelle à cet ennui-là, d’autant que Jean Aimard Dumarasme vient de vous balancer un message avec un point d’exclamation rouge devant, lisons vite : « Je vous prie de bien vouloir me préparer de toute urgence un projet de refus dans un anglais correct à la délégation d’asiatiques qui veut visiter nos locaux. Ce sont de dangereux espions industriels. » est-il écrit.
     
    Ben voilà. C’est parti dans un anglais correct. Plus que cinquante trimestres à tirer, youplaboum.
    Dear Mister Ping,
    Nous avons le regret de vous faire savoir que notre meeting room a malencontreusement  brûlé dans un big fire three days ago, this is why this is pas possible for us to welcome your delegation… et vous balancez le tout à Dumarasme avec les mots de « big fire » en caractères gras.
    Dzoing !
    Avec ça, vous êtes tranquille. C’est de l’excuse en béton armé.
    Vous attendez. Pas longtemps. Dzoing ! Un énarque, ça répond toujours au quart de tour.
    Prétexte absurde. Faites-leur savoir que la Direction a pris la décision de ne plus recevoir de délégation.
    Et voilà ! En plein dans le citron ! C’est foiré !
    L’exaspération monte. Ce type fait très salement braire. Il ne connaît rien à l’insistance des Asiatiques. A moins d’une bombe posée dans la pagode, ces gens-là reviennent à la charge. Au moins le feu aurait-il eu cet avantage de les tenir à distance pour un temps. 
    Et c’est reparti, dans la joie et la bonne humeur.
    Et toujours dans un anglais correc’.
    We duly received your mail… Unfortunately this is pas possible de…
    Au bout de douze versions mettant en jeu de cruciaux déplacements de virgule, Dumarasme débarque avec un nouveau message donnant des directives sur la présentation des notes de frais à diffuser à tous les comptables du monde entier.
    Et n’oubliez pas Monsieur Baloche comme la dernière fois !
    Gardez votre calme. Il tourne les talons, s’éloigne. A peine a-t-il fait trois mètres que votre main se transforme en pistolet. Elle se lève et le suit, l’index et le majeur pointés dans l’axe de la tête. Vous vous êtes si souvent exercée derrière la paroi vitrée que c’est devenu un réflexe. Le voilà pile dans la ligne de mire. C’est à vous. Armez, visez : PAN ! Bravo ! En plein dans la caboche ! Ah, que ça fait du bien ! Que ça soulage ! Allez, encore une fois, faites-vous plaisir, que diable : PAN ! La tête a complètement éclaté ! PAN ! PAN ! Ouais ! On lui troue la peau ! On se gave !...
     
    … Mais si Dumarasme se retourne subitement et vous surprend en train de faire feu, puis d’agiter vos doigts en l’air en faisant mine de chasser une mouche, alors seulement, vous pourrez estimer que la redoutable tireuse d’élite a bien foiré son coup.
     

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    Comment bien foirer son départ du burlingue le vendredi après-midi

    Ysiad

     

     

    En ce glorieux jour du mois de mai, malgré un ciel tant soit peu couvert et un chat trop mou pour chasser le pigeon, nous sommes d’humeur à exposer au lecteur les astuces que jamais personne n’a osé imaginer jusqu’à présent pour se tirer incognito du burlingue le vendredi après midi.

     

     

    Le vendredi après-midi correspond à ce moment très particulier de la semaine où la chaise sur laquelle vous vous morfondez depuis lundi se met soudain à ressembler à ces plateaux de clous sur lesquels les fakirs posent leur séant, le temps de se réciter les cent mille vers du Mahabharata… Seulement voilà : vous n’êtes pas encore fakir, vous n’avez pas envie de rentrer en vous-même mais plutôt de vous tirer fissa, vous ne souriez pas du tout sur cette maudite chaise, vous ne voyez plus le bout de la semaine, y en a marre, c’est quand qu’on s’ barre ? Visualisons la scène un instant : soit un employé lambda qui se morfond, tapi dans son bureau, et qui attend que dix-huit heures sonnent à la grosse pendule pour bondir vers l’ascenseur, comme Rahan vers sa liane. Paaaaaf !En route vers le week-end ! Propulsion immédiate ! Driiiiing, driiiiiing, fait cette salope de pendule dès quatorze heures ; rebelote à quinze heures, driiiiing, driiiiing, quinze heures trente, diiinng, doonng… Supplice de l’horaire ! Comment faire pour que votre départ coïncide avec les dring, dring et les ding dong de cette garce de l’étage ?

     

    Là est la question, comme dirait Hamlet.

     

    Avant toute chose, pour bien foirer votre départ du burlingue, il faut que vous soyez animé d’une très forte envie de vous tirer avant l’heure. Sans cette très forte envie qui vous saisit à la gorge et vous colle des frémissements d’impatience jusqu’au bout des doigts, vous n’arriverez à rien, sachez-le. L’envie de vous barrer doit être suffisamment impérieuse pour éclipser tout le reste. Elle doit vous faire perdre la tête, ou presque. Le défi est colossal : vous créchez à l’étage de la présidence, le couloir est large et bien éclairé, des caméras sont fixées dans les angles du mur, les gens sont encore éveillés, les ascenseurs sont à une minute de votre poste d’observation. Une minute, c’est énorme. Surtout le vendredi après-midi. La première astuce consiste justement à passer outre cette minute qui n’en finit pas ; il est tout à fait possible de la ramener à vingt secondes, en adoptant, - deuxième astuce -, la technique du marcher-courir, qui consiste à caresser à toute vitesse la moquette de la semelle. Vous avez déjà essayé, ça a foiré bien sûr, mais pas comme vous l’auriez souhaité : le chef du personnel qui passait dans le couloir vous a regardée d’une manière si inquisitrice que vous avez dû rebrousser chemin, façon : Ben ça alors ! L’est qu’ seize heures ! Ciel ! Mais où avais-je la tête ?

     

    C’est foiré, rien à dire là-dessus, mais c’est p’tit bras, vous en conviendrez.

     

    Pour foirer en beauté, il faut avoir étudié durant des mois les habitudes des grands chefs, en cela réside la troisième astuce. Il faut avoir noté leurs allées et venues, leurs petits penchants, leurs gros travers, leur manie des réunions improvisées le vendredi - c’est vendredi, une réunion, viiiiiiiite, sinon je m’immole -, leur rythme de grands professionnels qui n’ont de leçon à recevoir de personne, sauf du Président, leur Zeus à tous, qui n’en fait qu’à sa tête et se pointe quand ça lui chante. Bref. Il se trouve qu’en ce vendredi, tout, absolument tout est réuni pour vos projets d’échappée avant l’heure : tous les grands chefs sont parqués dans leur grande salle pour une réunion au plus haut des sommets. Quant aux autres, même topo, les zélés sont partis à leur séminaire de zèle, le service du personnel suit un stage de gestion des loisirs, les employés vaquent à leurs occupations diverses et variées, les bras de la Liberté se tendent dans ce couloir vide où seules les poussières dansent, tralala, ding dooooong, il est tout juste seize heures...

     

    Vos exercices ont porté leurs fruits :  à seize heures trois, l’ordinateur est éteint, le manteau est endossé, les lacets sont noués, le sac est sur l’épaule, les clés du vélo sont dans la poche, vous vous glissez dans le couloir désert… Absolument grisant. Jouissif, pour qui n’a pas encore vécu ce moment où rien ne s’oppose au départ. Mmmmm… Et zou ! D’une traite, jusqu’à l’ascenseur, que vous décidez de ne pas prendre. Il pourrait s’ouvrir sur le chef du personnel ou tomber en panne. L’escalier est mille fois plus approprié, il n’y a que deux étages, c’est une affaire de trente secondes. Et vous voilà dégringolant les marches trois par trois, alors que du fond de l’immeuble mal insonorisé, montent des pas lourds et déterminés, bom, bom, bom, bom. Tiens, tout de même, comme c’est bizarre. Instinctivement, vous décélérez, le bruit s’amplifie, un instant l’idée de remonter quatre à quatre traverse votre esprit mais il est trop tard, vous êtes bien trop engagée dans la pente, bom, bom, bom, bom, les pas se précisent, et qui donc arrive à votre rencontre ?  

    Zeus, pardi.

    Bingo ! Cœur de cible ! Vraiment bien foiré !

     

    Zeus n’en reste pas là. Il gravit une marche, histoire de pleinement vous dominer, braque deux yeux scrutateurs sur votre personne et vous demande où vous courez comme ça, de si bonne heure, un vendredi après-midi…

    Ben maintenant, c’est à vous de jouer. On vous laisse faire. A défaut de vaincre, il faut convaincre, ne l’oubliez pas. Du deuil imprévu à l’abcès dentaire brutal, vous avez le choix... Bonne chance, et bon week-end !

     


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    Comment bien foirer sa matinée

    Ysiad

     

     

    Ce matin, nous reprenons notre bâton de pèlerin le cœur vaillant et nous lançons d’un pas gaillard à l’ascension d’une nouvelle foirade, qui consiste aujourd’hui à donner au lecteur les clés nécessaires pour enfin parvenir à bien foirer sa matinée, ce qui n’est pas si simple si l’on tient compte du fait qu’il y a matinée, et matinée.

     

     

    Pour commencer, il vous faut une matinée de temps libre. C’est très important pour bien foirer. Capital, même. Sans cette matinée de temps libre, vous ne foirerez pas comme vous le souhaitez. La notion de temps libre est un élément indispensable pour bien réussir sa foirade. Une matinée de boulot foirée, ça n’a aucun intérêt. Franchement, c’est très banal, ça arrive tous les jours. Au vu de la tête qu’arborent les patrons, en général dès qu’on les voit, la matinée se foire d’elle-même. Elle s’auto foire pour ainsi dire, elle se consume, s’effondre et se dissout dans un néant sans retour et sans même que vous ayez eu le temps de vous donner du mal pour obtenir ce résultat.

     

    Ce qu’il vous faut, pour bien foirer avec la joie au cœur, c’est une matinée en roue libre, qui sent le printemps par exemple, avec le soleil qui réchauffe l’atmosphère et entre par la fenêtre, les pigeons qui picorent sur le toit, le chat qui les guette et vous, bien sûr, qui avez prévu d’écrire un truc immense et grandiose, et qui vous penchez par-dessus la balustrade pour jeter du pain et vous mettre en train n’est ce pas, et surtout attirer les gros ramiers vers le chat qui est un peu lourd pour pouvoir les attraper, et qui a tendance à se méfier du toit en pente sur lequel il dérape, le pauvre petit. La vie est injuste mais il ne faut pas se décourager et continuer à lancer du pain à grandes volées généreuses en imitant le roucoulement du pigeon pour exciter un peu la ventouse de fourrure à filer sur la corniche et choper les emplumés, allez, du nerf, rouuuurouuuu…. rouuuurouuuu… Là, c’est bien, les pigeons rappliquent, petits, petits, petits, par ici la bonne sousoupe, le chat les guette, moustaches en avant, la chasse est engagée. Vous lancez si bien le pain que toute la baguette y passe, flûte, va falloir descendre en acheter une autre, c’est malin, votre fille rapplique pour le déjeuner, faudrait y penser. Qu’est ce qu’elle va manger ? Ça, c’est une vraie question, sans oublier son pendant : c’est quand qu’on mange ?

     

    Dans l’objectif de la nourrir, vous sortez deux tranches de cabillaud du congélateur que vous posez sur une assiette, mettez deux pommes de terre à cuire au fond d’une casserole, crac, le tour est joué, vous pouvez regagner vos pénates. Derrière la fenêtre, la situation est stationnaire. Le chat guette toujours les pigeons qui ont ameuté les copains, il y a un merle, deux tourterelles, des tas de moineaux, tout le monde picore sous les yeux du félin, vous pouvez commencer à écrire.

     

    Vous sortez une belle feuille blanche, décapuchonnez le stylo, grattez d’un poignet déterminé la première phrase… que vous n’arrivez pas à terminer, il n’y a plus d’encre. Il est inconcevable de continuer à l’écran. Le premier jet se fait à la main, toujours. Impossible de déroger à cette règle du premier élan à l’encre. Où en trouver à cette heure matinale ? La papeterie ouvre à 10 heures, le magasin Virgin une demi-heure avant et vous ne pouvez pas attendre ; tant pis, exceptionnellement, vous enrichirez les grands groupes. A neuf heures trente, vous constatez qu’il y a un mouvement de grève devant les portes du Virgin et cela vous laisse le temps nécessaire pour racheter à la boulangerie le pain que vous avez bêtement dilapidé sur le toit, (dans l’espoir insensé que le gros fourré chope enfin un volatile), et ensuite attendre avec votre baguette sous le bras devant la porte de la papeterie. Quand sonnent dix heures, elle s’ouvre, vous êtes la première à être servie. Désolée, Madame, nous sommes en rupture de cartouches de ce modèle, vous annonce-t-on avec un grand sourire. Allez, souriez aussi, que diable, this is a foirade. Le Virgin est toujours fermé quand vous repassez devant ses portes, retour au bercail.

     

    Sur le toit, à première vue, la situation n’a pas véritablement évolué. A seconde vue, si. Totalement. Le ballon de fourrure est maintenant cerné par une nuée d’oiseaux qui portent contre le zinc de si violents et si terrifiants coups de bec qu’il ne bouge pas d’une moustache. Pour un peu, vous pourriez presque croire que se joue sous vos yeux un remake de Birds d’Hitchcock, et cette idée est si effrayante que vous enjambez la balustrade pour chasser ces imbéciles de volatiles qui terrorisent le pauvre animal. Allez, zou, mauvais oiseaux, sale engeance fienteuse, du balai ! A l’instant de passer par-dessus la balustrade, vous manquez glisser sur une déjection et vous rattrapez in extremis à la rampe que vous enjambez en même temps que le matou, trêve d’initiative, il est grand temps de s’y mettre, place à l’écran.

     

    Qui est si blanc que les choses ne se passent pas du tout comme vous l’aviez prévu. Les phrases ne vous plaisent pas, elles sont mortes, privées de cette encre qui leur insuffle une vie propre, les mots s’alignent bêtement comme des soldats disciplinés, si bien que l’inspiration se tarit au bout du deuxième paragraphe. Flûte. Ça ne va pas du tout. Et le chat gratte à la fenêtre. Il veut ressortir. Vous allez lui ouvrir. Allons bon, il ne veut pas sauter par-dessus la balustrade. Vous l’incitez un peu, finalement il se décide, c’est bien mon petit, va chasser le gibier, le temps de faire une virée éclair à la cuisine. Y a justement Je pars qui passe à la radio, Va, Le vol de nuit s’en va, Destination Bahia, Buenos Aires ou Cuba, et sur la voix de Nicolas Peyrac, vous plantez un couteau dans la chair des pommes de terre. Elles ne sont pas encore cuites, vous pouvez continuer à écrire. Portée par l’élan de la chanson, vous retournez vous asseoir mais le chat vous a aperçue qui rappliquiez, et c’est à l’instant où vous jetez férocement vos doigts sur le clavier qu’il pousse un miaulement déchirant derrière le carreau. Miaooouuu ! Miaooouuu ! Ouvre-moi, j’ai froid, mauvaise mère ! semble-t-il vous dire en dardant sur vous deux gros yeux jaunes pleins de reproche. Bon, bon, bon. On s’énerve pas, tutto molto bene. Le temps de lui ouvrir et de revenir à la table de travail : frrrrtttt ! L’inspiration s’est envolée ! Impossible de retrouver l’idée première du petit matin, celle d’avant la panne d’encre. Et il vous semble entendre un bruit qui ressemble au bouillonnement de l’eau sur le feu. Aucun doute, ça glougloute à fond dans la pièce à côté. Vite, rush à la cuisine. Vous avez mis le bouton sur 12, pour que ça cuise vite et bien, et ça a cuit si vite et si bien que l’eau s’est répandue partout sur la gazinière et que les pommes de terre se sont complètement émiettées.

     

    Ben maintenant, y a plus qu’à réparer les dégâts. Vous sortez un torchon, épongez, égouttez les patates, les laissez refroidir à côté du poisson qui décongèle, avec tout ça, il est bientôt onze heures. Vous n’avez rien fichu, faut mettre les bouchées doubles. Un petit café et zou, faut foncer à fond les ballons ensuite, pensez-vous en engageant le filtre dans la cafetière. En attendant que le café soit fait, vous sortez une tasse, poussez le bouton de la radio qui passe Angie, et voilà que la belle voix chaude de Mick Jagger emplit la pièce, et soudain vos jeunes années emplissent les lieux, occultant complètement les crachotements de la cafetière et la fumée qu’elle lâche à grands jets de vapeur. C’est seulement à la fin de la chanson que vous revenez à vous pour constater que ce putain de filtre s’est replié et que le récipient s’est rempli d’un jus de chaussette imbuvable. Ras-le-bol ! Pas de café, plus rien ! Et toi, le chat insupportable et trop gâté, tu restes là, au piquet, dans la cuisine. Fini, les caprices ! Plus de blague !

    Y en a un peu marre des conneries tout de même. Faut travailler. Allez.

    Vos doigts cavalent sur les touches en espérant retrouver l’inspiration qui s’est barrée du côté de Bahia, de Buenos Aires ou de Cuba. Vous relisez et non, franchement, c’est nul ! A midi, on sonne à la porte. Votre fille a grand faim après ses quatre heures de cours au lycée. Et le couvert n’est pas mis. Et la purée n’est pas prête. Et vous avez oublié le pain à la papeterie. Et bim, en plein dans le capuchon ! C’est foiré !

     

    … Mais si par miracle, une fois dans la cuisine, vous constatez que le félin vous regarde d’un petit œil fin et qu’il se lèche les babines après avoir boulotté les deux tranches de cabillaud pour se venger d’avoir été ignoblement relégué dans la cuisine, alors seulement, vous pourrez considérer que la petite matinée d’écriture est bien foirée.

     


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    Comment bien foirer en choisissant de se dépayser (deuxième partie)

    Ysiad

     

     

    Pour ceux que ça intéresse, nous poursuivons l’ébouriffante série « foirer c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux », avec un périple qui consiste à décoller d’Akureyri  au nord de l’Islande pour atteindre Glasgow en zigzagant entre les particules de cendre, et à obtenir si possible un verre de champagne pour fêter les deux places que vous et votre fille avez obtenues à bord de ce vol très hypothétique d’Icelandair, mais malheureusement toujours pas de champagne, ah flûte, encore foiré, et  pour vous punir de poser des questions saugrenues, l’hôtesse à grandes moustaches et tresses blondes vous colle trois glaçons tintinnabulants dans votre verre à eau. Allez, buvez un peu d’eau fraîche avant le Scottish whisky que vous rêvez de vous jeter derrière l’épaule à l’aéroport de Glasgow pour vous remettre de vos émotions…

     

     

    Glasgow, donc, après des heures d’attente à faire les cent pas à l’aéroport. Avec tous ces décalages, vous ne savez plus quel jour on est, mais votre fille vaillante est là pour récupérer les valises avant l’enregistrement pour le vol de New-York, toujours avec l’épatante compagnie d’Icelandair. Il y a encore du retard et il faudra attendre deux bonnes heures au bar pour qu’enfin, l’avion s’arrache du sol écossais et mette le cap sur la côte Est.

    A bord de l’avion, on vous servira du poulet froid, des haricots froids, une compote froide, une grande rasade de champ… d’eau des volcans d’Islande, côté alcool festif, en plein dans le cratère, c’est foiré.

    … A la douane de JFK, ce ne sont pas des petits plaisantins qu’ils ont installé dans les guérites, ah ça non, et lorsque le douanier à la mine patibulaire se penche pour vous demander la raison de votre séjour à New-York, vous vous abstenez de sortir que vous menez une enquête sur que choisir parmi la carte du Mac Do pour devenir obèse en moins d’une semaine, vous dites que c’est pour du tourisme.

    Il est une heure du matin lorsque le taxi vous dépose devant la porte de l’immeuble de la 49ème rue où vous avez loué un studio à deux pas du quartier de Times Square. 1er étage, deuxième étage, vous y êtes. En dépliant le lit, vous pensez que ça y est, « you made it », pendant que votre fille chante New-York, New-York en dansant dans la pièce.

    Et les jours s’écouleront dans New-York la trépidante, et les pommiers et les cerisiers de Central Park seront en fleurs, et les écureuils ne seront pas tristes du tout le lundi (contrairement à ce que prétend Madame Pancol), et le Chrysler Building brillera de tout son éclat dans le soleil de cinq heures du soir, et Manhattan s’étalera enfin à vos pieds, grouillante et pleine de vie, et Brooklyn vous évoquera l’ambiance poétique et jazzy des films de Woody Allen. Et le temps fuira, tout simplement. Vous aurez le cœur gros le jour du départ. Si gros que vous n’entendrez pas les sirènes des voitures de police quadrillant le quartier de Times Square, et que vous quitterez l’effervescence de l’aéroport avec du retard encore une fois. Ce n’est qu’après une escale à Reykjavik que vous apercevrez enfin par le hublot les colonnes de fumée noire et blanche sortant du cratère du volcan au doux nom de Eyjafjallajökull (sois poli, petit).

    En mettant un pied sur le sol français, on vous apprendra que vous avez échappé à un attentat à la voiture piégée dans le quartier de Times Square et que pour le prochain voyage, à moins de tenir à bien le foirer, il serait sans doute préférable de consulter les oracles…

     


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    Si vous pensiez que c'en était fini avec les foirades d'Ysiad, c'est que vous ne saviez pas à quel point notre talentueuse chroniqueuse était particulièrement habile pour chaque jour remettre l'ouvrage sur le métier et faire sienne la maxime Shadokienne : plus ça rate, plus ça a de chances de réussir...

     

    Comment bien foirer en choisissant de se dépayser

    Ysiad

     

     

    Face au succès planétaire de la série « foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux », qui se pourrait comparer à la trajectoire fulgurante d’un Jean Dujardin ou à l’essor irrésistible de la boîte de conserve au XIXème, vous avez résolu de raconter à vos lecteurs (qui tapent d’excitation leur oreiller et s’en retournent les pouces d’impatience), le récit de la fille qui s’est méchamment plantée en choisissant la destination la plus géniale de tout le monde entier, à l’occasion de ses vacances de Pâques 2010. Pourquoi Pâques 2010, et pas Pâques 2009 ? Parce que si c’était Pâques 2009, ce serait pas marrant. Et puis la fille en question, c’est pas n’importe laquelle, hein. Non. C’est vous, quoi. The artist. Ben ouais. Bon. Allez, en avant, mauvaise bête, zou, et plus vite que ça, on tire la patte, là, on lambine, on n’a pas que ça à faire, y a tout le linge à sortir de la machine et le chat à nourrir ensuite.

     

    Aussi étrange que cela puisse paraître, ce que vous chérissez par-dessus tout, dans le contexte d’un voyage, ce n’est pas le moment où vous posez un pied en terre étrangère, non, ni celui où l’autochtone se précipite pour vous aider à descendre du chameau et vous ouvre sa porte avec un grand sourire pour une dégustation de thé à la menthe, non, ni celui où vous partez au petit jour en excursion dans la forêt encore trempée de rosée pour entendre le cri du toucan, toujours pas, c’est celui, absolument magique et unique, qui consiste à imaginer tout ce qui vous attend, là-bas, tout là-bas, avant le départ.

     

    Yeux fermés, bien installée au fond du canapé (avec en option un animal de fourrure faisant bouillotte sur votre estomac), vous vous concentrez sur cet instant où tout est encore intact et reste à vivre, cet instant fragile au cœur duquel vient s’inscrire une merveilleuse série de possibles que vous avez entrevus au fil d’un documentaire, et soudain, voici que transportée sous des cieux changeants, vous rêvez à des geysers de vingt mètres de haut, des sources chaudes et des coulées de glace, des déserts blancs et des falaises de lave, des promenades sur une terre rouge d’où jaillit toutes les cinq minutes un jet d’eau chaude, et voilà, de longs panaches de vapeur cernent le canapé et vous transportent en terre d’Islande, vous flottez, là où les sources sont chaudes et où les lacs arborent des bleus que vous n’avez jamais vus nulle part.

     

    Jusque-là, pas de cata, tout va bien.

     

    Et vous avez fort bien fait les choses ! Vous avez pris votre billet cinq mois à l’avance et prévenu le bureau que vous assureriez la permanence à Noël, pour prendre des vacances à Pâques. D’où le slogan inventé pour l’occasion : Noël au burlingue, Pâques en bourlingue, que vous chantez gaillardement en faisant vos photocopies sous le néon de la salle des machines. Votre fille vaillante et dynamique vous accompagne, le voyage sera assurément grandiose, car après le feu et la glace, vous lui avez promis New-York. Dès les premiers jours de janvier, l’Empire State Building fait irruption dans la conversation, et le pont de Brooklyn, et les arbres en fleurs de Central Park, et la Statue de la Liberté dresse un bras vainqueur au-dessus de Hudson River, comme si elle vous disait : Frenchies ! Venez vite !

     

    Tout cela est bien beau et bien glorieux mais il ne faudrait pas oublier qu’il s’agit d’une foirade, n’est ce pas, et que les choses vont prendre un tour légèrement différent quatre semaines avant le départ. N’oublions pas non plus que même si l’Islande ne peut se targuer d’avoir autant de volcans que la France de fromages, elle en a tout de même cent trente qui ne demandent qu’à se réveiller, surtout quand l’occasion s’y prête.

     

    En ce mois de mars 2010, elle s’y prête vachement. Le volcan au doux nom de  

    Eyjafjallajökull (restons poli, hein) a dormi durant 180 ans, la petite sieste est finie, on se réveille, youplaboum, feu ! Paaaaaaf !

     

    C’est le 20 mars. Nous sommes à trois semaines du départ, l’écran de la télé se remplit de fumées noires et blanches, y en a partout, le combiné Reykjavik-New-York a tendance à disparaître chaque jour un peu plus au profit de ce que vous appelez le « truc », faute de pouvoir prononcer correctement cette saloperie d’Eyjafjallajökull, et ce « truc » est d’autant plus énervant qu’il devient la star médiatique du moment, et qu’il n’est pas une radio ou une chaîne de télé ou un journal qui n’en parle et ne nous décrive une situation apocalyptique. Et les jours passent. Et ça empire. Et l’espace aérien ferme. Et les aéroports d’Europe, l’un après l’autre. Et l’agence vous dit que c’est un peu fichu. Et on vous rabâche qu’il n’y a plus aucun espoir de départ. Et on vous dit qu’à moins d’être Haroun Tazieff, vous seriez complètement frappée de partir là-bas avec votre fille. Et le « truc » continue de cracher ses paquets de fumée à l’écran. Et y en a marre. Et si ça continue, faudra que ça cesse.

     

    Noël au burlingue, Pâques en… comment déjà ?

     

    La veille du départ, les vents changent de sens, les avions d’Icelandair n’ont pas peur des particules de cendre, allez les touristes, on embarque ! Une fois dans l’avion, vous êtes tellement soulagée que vous demandez du champagne. Du champagne ? L’hôtesse à tête de viking vous regarde comme si vous aviez demandé les bijoux de la couronne, puis elle vous dit en fronçant les sourcils : Ekkert kampavín. Y en a pas, quoi. Elle vous sert un grand verre d’eau pour vous rafraîchir et un repas chaud, ce qui est exceptionnel sur les lignes d’Icelandair.

     

    Une fois à Reykjavik, le programme est chargé. Durant les visites, vous chercherez désespérément à apercevoir les fumées de l’Eyjafjajallala… le truc, quoi, mais celles-ci resteront invisibles tout le temps du séjour. A défaut de volcan en éruption, vous verrez des poneys sauvages et des lacs céladon, des lagons et des sources chaudes, le parc de Thingvellir, la faille terrestre, des sources chaudes, le petit Strokkur qui explose toutes les six minutes sous un ciel limpide, les chutes d’or, encore des sources chaudes jusqu’à ce que les vents rechangent de sens et qu’il faille tomber du lit un matin par -10°C pour attraper un car jusqu’à l’aéroport d’Akureyri, au nord de l’île, sous un soleil de glace.

     

    Et là, patience.

    L’avion pour Glasgow avant New-York n’est pas encore arrivé. On se calme. On s’assoit. C’est une foirade. On est sur les listes d’attente. Y a du monde. On n’est pas sûrs de pouvoir embarquer.

     

    Vous avez le temps de vaquer à vos occupations pendant que le deuxième volet de cette foirade se rédige.

     


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    Voici venu le dernier acte des horribles et mirifiques prouesses de la très illustre Ysiad, Reine des déconvenues, fille de la grande et honorable Dame Infortune...

     

     

     

    Comment vraiment bien foirer à Cuba 

     

    De même que vous avez très bien retenu de vos cours d’histoire qu’Eisenhower s’était pris une claque sévère durant l’épisode de la baie des Cochons (les musées cubains sont fiers de montrer aux visiteurs les débris des bombardiers ennemis, accompagnés de commentaires victorieux à l’appui), vous ne pourrez pas non plus oublier votre premier dîner à Playa Larga, tant il vous a marqué. Après avoir quitté votre bungalow de style soviétique au toit fait d’une pièce de tôle ondulée, vous vous rendez dans une salle de réfectoire aussi vaste que glacée, dont les murs affichent d’immenses têtes de cerf à l’air si larmoyant que leur seule vue pourrait tirer des larmes à votre chef de service (un type assoiffé de sang). S’il n’y avait que ça ! La climatisation mal réglée recrache un air à 10°C. Vous grelottez. Autour de vous les tables sont vides ; seul, un peu plus loin, un gars louche vous sourit de toutes ses dents en or. Au bout de quelques instants, le voilà qui se radine pour vous proposer du tabac à des prix si bas que même chez But, ils ont pas les mêmes. Ahhhh. Vous refusez poliment, mais comme il insiste en promettant de vous offrir les dix premiers cigares de la boîte si vous lui en prenez cinquante, vous lui dites en grinçant des dents que les gens qui viennent d’arriver seront certainement beaucoup plus intéressés par son offre que vous, qui ne fumez plus du tout. Il vous regarde, surpris et incrédule. « No es posible ! » s’exclame-t-il, comme si vous veniez de lui apprendre la mort de Fidel. « Ben si mon vieux, ma mère fume plus, faut t’y faire ; t’as qu’à proposer tes feuilles de banane à d’aut’ gogos », lui décoche votre fille dans la langue de Rabelais. C’est très efficace. Le type a bien compris, il est allé proposer sa camelote à la table d’à côté.

     

    Les musiciens n’étant pas encore arrivés, vous avez bien besoin d’un bon plat pour vous réchauffer. Or il n’y a pas de langouste grillée mais du crabe « à la cubaine », vous dit le serveur, en précisant toutefois qu’il est servi avec de la sauce. Très bien, pas de problème, pourvu que vous vous réchauffiez. A peine a-t-il le temps de disparaître dans les cuisines que le revoilà, avec sur les bras deux grandes assiettes qu’il dépose en vous souhaitant un bon appétit. Allons bon. L’odeur qui monte à vos narines est si particulière que passé le premier instant de stupeur, vous promenez votre regard sur la bouillie rougeâtre où surnagent çà et là fragments de pattes, morceaux de cartilage, antennes tronquées, œil sectionné… Quelle sorte d’instrument a-t-il fallu pour écrabouiller ainsi la pauvre bête, pensez-vous un instant, mais la faim est si forte que, repoussant votre dégoût, vous goûtez la pâtée d’une fourchette intrépide, en oubliant l’épisode de l’excursion à Cayo Levisa. Ahhhhh. C’est presque aussi dégueulasse que les plateaux repas d’Air France, (en plus copieux tout de même), mais il faudra attendre le lendemain où l’on vous servira, en guise de beurre, un bol de mayonnaise luisante avec votre biscotte, pour être bien convaincue que Playa Larga est le dernier endroit au monde où l’on peut envisager de manger des choses comestibles… Vous n’êtes pas au bout de vos peines, car cette mayonnaise vous suivra jusqu’à Trinidad, lorsque, à peine arrivée dans la maison d’hôte, votre grand nigaud de fils, toujours impatient de s’illustrer, se fendra d’un appel longue distance pour justement vous demander de lui filer la recette de la mayonnaise (M’man, les jaunes, tu les mets avant ou après les blancs ?). Si cette histoire vous aura coûté une fortune en téléphone, au moins aura-t-elle fait gratuitement le tour de Trinidad !

     

    Ce n’est que plus tard que vous dégusterez la meilleure langouste de votre vie (pêchée au large de Casilda, et sans mayonnaise). Si vous fermez les yeux un instant, reviennent en ronde les danseurs de salsa, les musiciens aux maracas sous la statue de Cespedes, le rythme trépidant des tambours africains, les longs palmiers des péninsules, les crabes presque transparents filant sur le sable, la terre couleur de brique de la vallée de Vinales, un lézard bleu sur le mur du bungalow, un type qui fume avec son poulet perché sur la tête, les bleus opposés de la mer et du ciel par jour d’orage, un air de Pablo Milanes dont le refrain vous obsède encore :

     

    Yolanda, Yolanda

    Eternamente Yolanda…

     

    … Mais si par miracle, en arrivant à Roissy, encore dans les brumes du décalage horaire, vous réussissez l’exploit de vous planter de terminal en allant récupérer vos bagages (le service des réclamations vous assurera ensuite avoir vu bien des cas de valises égarées, mais encore jamais celui-ci), alors seulement, vous pourrez espérer un jour décrocher la première place dans la catégorie « foireur professionnel » du livre des records.

     


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    Peut-on imaginer un seul instant qu'Ysiad, enfin parvenue à l'ouest, se satisfasse d'une petite virée en mer et de quelques ablutions en compagnie d'une poignée d'alevins ?

     

    Comment vraiment bien foirer à Cuba

     

    La péninsule de Guanahacabibes est un endroit du bout du monde, où le slogan crétin qui proclame que « foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux » ne saurait avoir sa place !

    A moins de le faire exprès, comment pourrait-on se planter dans un endroit pareil ? En dehors des aigrettes et des crabes qui le peuplent, et de quelques plongeurs professionnels qui passent leur journée à admirer les évolutions des tortues et des poissons ballons, personne ne s’aventure sur ce bout de terre sauvage complètement à l’ouest de l’île de Fidel… A l’exception toutefois de deux gauloises avec palme, masque et tuba, qui veulent elles aussi explorer les récifs, nom d’une étoile de mer !

     

    Le premier jour de votre arrivée sur la péninsule, vous vous enquérez de savoir auprès d’Ernesto, le commandant du bateau, s’il serait possible que votre fille et vous montiez à bord avec les plongeurs pour observer les beaux poissons filant entre les beaux coraux et les belles algues aux reflets verts et bleus qui ondoient comme les chevelures des sirènes dans les livres illustrés. Après vous avoir jaugées de pied en cap, Ernesto vous demande si vous savez nager et comme vous hochez la tête dans un bel ensemble pour indiquer que c’est le cas, banco, c’est d’accord, on vous embarque, allez, n’oubliez pas votre équipement de super-grenouille, vous allez en avoir besoin pour observer le monde marin…

     

    Le bateau quitte la côte et voilà que vous êtes émue, accoudée au bastingage, car enfin, rien ne vient troubler à vos yeux ébahis le spectacle émouvant d’une côte vierge. Pas un immeuble. Pas une maison. Pas une âme. Et pas un bureau de tabac. Seuls quelques palmiers, entre le bleu du ciel et celui de la mer. Vous êtes bien, si bien que vous goûtez l’instant en rappelant à vous des vers anciens que vous récitiez naguère, dos au tableau, et qui renforcent l’extraordinaire sensation d’isolement sauvage qu’il vous est donné d’éprouver. Cependant la réalité vous rappelle à l’ordre, le bateau s’arrête et laisse filer son ancre, les plongeurs se préparent à plonger, on distribue les bouteilles d’oxygène ; il est temps d’enfiler palmes et masque et d’emboucher votre tuba. A peine avez-vous le temps d’entendre : Cuidado a los tiburones ! que vous avez déjà sauté dans l’eau, et comme votre espagnol remonte aux années où vous portiez des couettes, le mot de « tiburon » résonne à votre esprit comme une délicieuse marque de nougat.

     

    A chaque fois que votre fille aperçoit un poisson, elle vous le montre en pointant son doigt entre les récifs. Comme ils sont gracieux, ces poissons aux longues nageoires, comme ils sont chatoyants, ces poissons arc-en ciel et comme ils sont mignons, ces petits poissons ronds ! On dirait des gommettes ! Ah mes agneaux comme elle est belle, la faune marine, et comme il est trognon, ce gros dauphin gris profilé comme une fusée, qui passe un peu plus loin comme un vaisseau tranquille ! Votre fille, qui l’a vu aussi, n’est pas de cet avis ; elle vous pince le gras du bras, s’agite, et ses yeux écarquillés derrière le verre du masque expriment tant d’effroi que vous ne pouvez rien faire d’autre que lui emboiter la palme. Direction le bateau à grands battements de pieds, de votre vie entière jamais vous n’avez nagé aussi vite. Ernesto récupère à son bord une grenouille pantelante, une deuxième, et c’est à peine si vous sentez, de retour sur le ponton, encore toute à votre frayeur, le chariot des bouteilles d’oxygène qui vous écrabouille le pied. Quand on s’appelle Ysiad, on attend le moment où l’on vous bande la cheville à l’infirmerie pour réaliser qu’au fond, on s’en tire bien, on aurait pu servir de casse-croûte au requin.

     

    La suite au prochain numéro (faut pas abuser des bonnes choses)

     


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    Heureusement qu'elle a la pêche Ysiad et qu'elle ne reste pas comme deux ronds de flan à attendre la fin des haricots...

     

    Comment vraiment bien foirer à Cuba (2)

     

     

    Le lendemain du faux départ, en mettant un pied hors de l’hôtel IBIS, il y a un crachin de fin novembre alors que nous sommes presque au cœur du mois d’août mais bon, la navette est à l’heure pour vous conduire jusqu’à l’aéroport, sautez vite dedans avec les cent-vingt-huit autres passagers, poussez pas comme ça, y en a une autre qui arrive. A l’aéroport, c’est la cohue, les gens se bousculent comme si leur vie était en jeu, le p’tit nerveux de la veille est là et menace toujours d’appeler les flics si l’avion ne décolle pas à dix heures, voy a llamar a la policia ! et lorsqu’on annonce au micro que le décollage est justement retardé car la cabine n’est pas prête, le nerveux se met à lancer de telles injures dans la langue de Cervantes (en plus moderne) au personnel au sol qu’il faudra l’évacuer avant d’embarquer, arriba !

     

    En arrivant à l’aéroport de la Havane, il fait une chaleur tropicale. Rien à voir avec la bruine de ce matin et mon dieu que c’est bon, cette chaleur, que c’est agréable sur le visage alors que le paysage défile par la vitre, et comme l’hôtel est bien situé dans le vieux quartier !

     

    Oye como va mi ritmo

    Bueno pa gozar mulata…

     

    Oye, comme la Plaza de la Catedral est belle avec l’air de Santana sur lequel improvise un groupe de musiciens en agitant des maracas ! Oye, comme les danseurs créoles dansent bien le cha-cha-cha ! Oye, comme la paella est divine après l’immonde tambouille qu’on a osé vous servir dans l’avion ! Oye, comme la nuit est belle dans Habana Vieja, et comme tout peut être entrepris quand les vacances sont là ! Allez ! La possibilité d’une île n’a jamais été si proche, partez en excursion pour Cayo Levisa !...

     

    Le soleil est déjà haut sur le bateau s’en allant rejoindre le cayo qui ressemble aux cartes postales où il n’existe pas de frontière entre l’eau et le ciel. Vous voilà sur une très belle plage où circulent quelques touristes et autant d’oiseaux picoreurs de miettes, que les locaux appellent des « totis ». C’est après le repas sommaire avalé sous une paillotte par 35°C à l’ombre que les choses vont commencer à se gâter un peu, puis beaucoup plus sérieusement ensuite. Vous commencez à sentir dans le bide des trucs bizarres qui vous dévorent (peut-être des enzymes gloutons ?), la tête vous tourne, quelque chose ne passe pas et dans l’eau ça empire encore, et ça continue d’empirer sur le bateau très lent qui vous reconduit au rivage, jusqu’à ce que dans le car vous vous mettiez à baver et râler comme après une bonne prise d’arsenic. Voilà, c’est la fin du voyage, pensez-vous entre deux morsures, vous allez mourir sur la route qui mène à Vinales et il faudra plusieurs arrêts intempestifs au milieu des bananiers pour que ces salopiauds d’enzymes gloutons veuillent bien céder un peu de terrain. Et c’est pas fini ! Votre fille qui vous a vue un peu plus tôt en train de crever a avalé exactement le même repas, sans doute le fromage était-il avarié ou les patatas fritas pas fraîches, et c’est seulement aux alentours de vingt-deux heures que les enzymes gloutons se jetteront comme des sauvages sur son système digestif et qu’il faudra attendre l’aube pour que l’on puisse enfin envisager de sortir de la salle de bain sans risquer d’y retourner en courant. Cette trêve tombe à merveille : le jour se lève sur les mogotes, dépêchez-vous un peu, le car va partir pour la péninsule de Guanahacabibes…

     

    La suite au prochain numéro (faut pas abuser des bonnes choses)

     


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