• Le 26 janvier dernier, Françoise Guérin publiait sur Mot Compte Double une " Lettre à un lecteur qui commence les livres par la fin " dont nous vous conseillons vivement la lecture avant d’entamer celle du présent billet.

     

     

    Pour poursuivre un débat très fructueux entamé sur Mot Compte Double à propos de la question " Doit-on mettre en prison les lecteurs qui commencent les romans en lisant la fin ? Jean Calbrix veut apporter sa pierre ici sur Calipso.

    Puisque c’est un phénomène d’époque de commencer à lire les romans par la fin, monsieur Yaka dit : " commençons à écrire par la fin ". Un peu simpliste ? D’accord, comme la fin veut les moyens, mettons la fin au milieu, quitte à mettre le milieu au début, ce qui, à la fin, ne laisse qu’une place pour le début.

    Pas satisfaisant ? Bon, une autre solution : ne pas écrire de fin et annoncer qu’il y aura une suite. Dans la suite - moitié moins longue que le premier tome car vous êtes fatigué, vous réservez vos forces pour l’avenir et vous ne voulez pas lasser le lecteur - ne pas faire de fin et annoncer qu’il y aura une suite (deux fois moins longue évidemment). L’indentation (*) est ainsi enclenchée. Le lecteur va courir après la fin par laquelle - oh désespoir ! - il n’aura jamais pu commencer. Feinté le pressé, le je-veux-savoir-tout-tout-de-suite, le celui-qui-met-toujours-la-charrue-avant-les-boeufs, le léger, le frivole, l’inconscient. Il n’aura la fin qu’à la fin de sa vie. Je vous vois venir, l’indentation se poursuivant théoriquement à l’infini, le lecteur ne verra jamais la fin. C’est compter sans la limitation physique du phénomène d’indentation ; le saucissonnage des phrases et des mots s’arrête forcément à un temps t. La fin sera donc une lettre. Ecrivain, choisis cette lettre la plus belle possible, il en va de la qualité de ton ouvrage, de ta notoriété et de la belle ambition que tu as de ne pas laisser le lecteur sur sa fin.

    Si malgré tout, tu as raté ta fin dis-toi bien que tu viens d’inventer, non le feuilleton, c’est déjà connu, mais le feuilleton à terme car même si tu coupes les lettres en quatre, tu finiras toujours par tomber sur le dernier atome d’encre (à condition bien sûr d’avoir encré ton bouquin dans le bon port). A bon entendeur, salut.

     

    (*) L’indentation est un processus mathématique repris par les informaticiens dans le but de programmer scientifiquement toutes sortes de choses. Exemple pédagogique : vous pratiquez le casting pour découvrir la femme canon et les candidates recrutée par petites annonces se présentent à vous. Première étape, vous les numérotez. Deuxième étape, vous les mettez en file indienne par ordre de numéro. Troisième étape, vous les faites passer à tour de rôle sur la balance. Si la balance marque plus de quarante-cinq kilos, vous balancez la candidate (mais pas la balance, elle servira encore à n+1). Si la balance marque moins de quarante-cinq kilos, vous retenez la candidate. Après ce premier tri, vous renumérotez les candidates retenues et vous les soumettez au mesurage du tour de poitrine. Si le centimètre indique moins de 90 et plus de 120, vous éjectez la candidate. Si le centimètre indique entre 90 et 120, vous retenez la candidate. Vous procédez ainsi suivant tous les critères de la femme canon. Si au bout de ces processus d’indentation, votre compteur tombe à zéro, vous n’avez plus qu’à repasser votre petite annonce pour obtenir un nouvel échantillon. Ne vous découragez pas, le succès est au bout, la gloire et les feux de la rampe avec. Les mathématiciens ont prouvé qu’après un boudin n, il y a forcément un canon n+100.


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  • Un petit divertissement ce soir au café. Ysiad nous raconte combien il est difficile pour un ancien haut fonctionnaire de poursuivre son œuvre …

     


    Viens voir Papa, mon poulet. Tu sais combien Papa t’aime, lui. Papa te pige au quart de tour, mon mignon, c’est pas comme ta Maman qui te rationne honteusement. Une virago sans pitié. Jamais rien compris aux bêtes. C’est pas comme moi. Poulet poulet poulet ! Comme il est beau le poulet de Papa ! Non. D’accord. Tu n’aimes pas quand Papa t’appelle Poulet. Tu as raison. C’est pas beau, poulet. Papa doit t’appeler Sumo. Oui, mon trésor. J’obéis. Comme il est mignon le trésor de Papa. Oui, mon coco. Pardon, pardon, pardon. Mon Sumo. Viens voir ce que Papa a déniché pour son Sumo sur Wanimo. Heureusement que Papa s’est mis à Internet. Tout le temps branché, Papa. Surf à fond les manettes à l’affût d’une promo. Tous les cadeaux qu’on trouve sur Internet pour son bichon mignon. Un nouvel os en peau de buffle, certifié écologique. Absolument. Et des baballes en hochet. Oui mon chéri. Tout ça pour toi. Et une vraie niniche en plumes d’autruche bien douillette et moelleuse. Ouais. Rien n’est trop beau, tu le sais. C’est bien. Lèche la main de ton grand Papa Jacquot. Comme je t’aime, mon bon bichon. Mords bien ton bon nonos de bubuffle. Ouais. Vas-y à fond, c’est bon pour tes canines, comme lorsque Papa mordait dans de bons poulets gratuits offerts par la Mairie de Paris. La faim, je sais c’ que c’est. Et après le bon nonos, qui c’est qui va avoir sa bonne sousoupe ? C’est Sumo ! Et ouais ! Ha ha ! Jacquot est un grand ami des bêtes et des bichons maltais. Jacquot était aussi un grand ami des Français. Tu sais que maintenant, mon Sumo, la moitié de la France regrette le grand ami des Français qui tapait goulûment su’l cul des vaches durant la foire annuelle aux bestiaux en s’enfilant du sauciflard ? Et ouais. C’est la vie. Maintenant, Jacquot, il a son bichon et il a Wanimo et il compense et voilà. C’est la vie. Viens sur ton grand Papa. Là. Regarde tous les beaux produits sur Wanimo. Sans compter que c’est l’avalanche de prix en ce moment. Regarde-moi ça. Putain, font du rab sur les oreilles de porc. Tout s’écroule comme les cours de bourse. Ha ha. L’orgie. 15 kg de Royal Canin plus 5 kilos gratos. Et des sticks Porks en packs de six à prix sacrifiés. Je te commande 3 kilos de stick Porks. N’empêche que ça a l’air vach’ment bon, ces sticks Porks. J’en goûterai avec toi. Livraison gratuite. On va s’en met’ jusque là. Y a aussi des matelas glamour ouate et des bonbons à la menthe pour rafraîchir l’haleine et des nouveaux cirés. Idéal contre la pluie qui mouille. Trois tailles, existe en écossais. Ah la la. Ecossais ou uni ? Zat is the Kouechtione. Va pour l’écossais. Ouais. Et un sac à roulettes pour quand on partira en voyage avec Maman si elle nous prend pas la tête avec ton régime. Elle fait rien que nous embêter, Maman. T’as pas besoin de faire de régime, toi.

    - Jaaaacques !

    - Présent, Bernadette.

    - Tu n’as pas encore nourri Sumo j’espère ?

    - Mais non. Je t’attendais.

    - Pas plus de trente grammes.

    - OK.

    - Je surveille. Attention.

    - OK.

    - Pèse les avant.

    - OK.

    - Léger, le poignet.

    - Léger. Une plume. Juré craché. Papa ne ment jamais.

    Mon pov’ Sumo. 30 grammes. Une misère.

    Viens mon coco. On se rattrapera. Attention, je verse….

    Aouch ! Mais pourquoi tu mords Papa comme ça mon poulet ? Aouch ! Coco joli ! Aouch ! Ma main est en sang !

     

    - Bien fait. Cette bête déteste les vieux gâteux qui le suralimentent. Viens mon Sumo. Vas-y, mange tes croquettes de régime. Ta Maman n’achète pas des cochonneries dégoûtantes sur Internet, elle. Elle les a achetées spécialement chez le vétérinaire.

    Cause toujours, virago. Cause toujours.

    La photo de Sumo, elle est déjà sur Wanimo. Dans les bras de son Papa.


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  • Grenoble 29 janvier 2009


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  • Pendant un quart de siècle Ana Surret a écrit pour diverses rubriques d'un quotidien régional. Pour elle, il s'agissait de rendre compte, comme témoin, de la vie des autres, de mettre en lumière des situations, des événements, voir se susciter des réactions à ses écrits. Elle a été une "correspondante locale de presse", nom pudique des gens dont on apprécie la collaboration, mais que l'on se refuse d'intégrer comme professionnels.

    Aujourd’hui, elle cultive l’écriture sous d’autres formes et d’autres cieux. De passage au café, elle nous a confié cette lettre où il est question du bon usage de la liberté comme principe de résistance aux idées reçues…

     

    Ana à Juliette, salut

     

    A quoi bon tourner autour du pot, ne vaut-il pas mieux entrer dan le vif du sujet ? C’est d’une certaine manière s’ouvrir la porte de la liberté. Liberté dont je veux t’entretenir puisque tu me dis te sentir enfermée. Certes ce terme de liberté est une notion abstraite et pourtant elle se traduit par des éléments palpables. Mais pour jouir de cette liberté sous la forme du bien propre à chacun, qui peut se trouver très éloignée de l’idée de liberté lorsque celle-ci concerne un groupe, une masse de gens, voire une population toute entière, il faut avoir conscience de son existence.

    J’affirme donc que pour jouir de cette liberté dont je veux te parler, il faut tout d’abord que tu définisses, pour bien le connaître et être en mesure de le neutraliser et même de t’en débarrasser, ce sentiment d’enfermement. Du moment qu’il ne s’agit pas d’un empêchement physique à te mouvoir ici et là, cet enferment relève de barrières mentales installées par toi-même, par des évènements ou des influences extérieures, sans que tu en aies eu conscience.

    La clef ouvrant la porte sur la liberté n’est pas inaccessible, bien au contraire, ce malgré le sentiment néfaste qui t’habite.

    Le fait que tu te sois ouverte à moi est porteur d’espoir et confirme que tu es déjà sur le chemin qui te mènera à cette liberté à laquelle tu aspires ; car cette démarche même, procède de la liberté. En venant vers moi, tu as franchi un obstacle qui te contraignait, tu a donc fait acte de liberté, même si pour toi cette démarche ressemblait plus à une bouée jetée à la mer qu’à cette notion de libre arbitre dont chaque être est investi à sa naissance.

    Sache néanmoins que cette liberté est fragile, qu’elle doit être protégée de beaucoup d’ennemis et qu’il est nécessaire que sa flamme soit sans cesse entretenue.

    Les règles de la vie en société sont parfois des entraves mais ne représentent que rarement un empêchement à l’exercice de cette liberté. Je ne parle pas bien sûr de situations extrêmes que sont les guerres et les affrontements armés ou non, où la vie d’être humains est en jeu.

    Non je me place à l’échelle de la vie ordinaire, celle de " métro, boulot, dodo " qui, à première vue, n’est en rien réjouissante. Même dans ce cas de figure, la liberté dont je te parle existe et le savoir, en user, rend heureux. Et le bonheur est le plus sûr rempart pour sauvegarder sa liberté intime et se protéger de tout enfermement.

    Pour atteindre cette félicité, cette jouissance, il ne faut pas brûler les étapes, il faut procéder part petites touches, se contenter d’avancées modestes, car chaque pas fait sur ce chemin doit s’accompagner de la perception aigüe de ce que tu viens de gagner.

    Je reprends : métro, boulot, dodo ", derrière cette expression ne réside que peu d’espoir de plaisir, élément forcément associé à la liberté. Pourtant si j’incise entre métro et boulot et insère un élément étranger, par exemple une lecture, non pas de la une des journaux qui, en ce temps de crise générerait plutôt de l’angoisse, mais de quelques auteurs, voire de philosophes anciens, voilà que s’entrouvre une porte vers la liberté. Les mots d’un autre t’interpellent et dans ton esprit, sans contraintes, d’autres mots, des idées se forment. Rien ni personne ne peut les combattre, ils t’appartiennent, font corps avec ton esprit. Toi seule a le pouvoir de les accepter ou de les refuser, c’est l’un des champs de liberté dont tu disposes.

    Et cet espace, il faut que tu en savoures l’existence. Nourrie de ce nectar renouvelé à l’envi par l’absorption de nourritures variées constituées de lectures, mais aussi de l’écoute des autres, ton territoire intime de liberté va s’agrandir, devenir plus fertile. Croîtront alors ta sagacité, ton esprit d’analyse, de synthèse, et ta personnalité s’affirmera loin des carcans imposés par ceux qui sèment les " idées reçues ", les " il faut penser ceci ou cela ". La liberté t’habitera.

    Mais prend garde qu’elle ne déborde sur le voisin qui lui se retrouverait dans la situation d’enfermement dont tu tentes de sortir.

    Porte-toi bien

    Ana Surret


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  • Michèle Molto Courren est une amie d'Yvonne le Meur-Rollet, comme elle prof de français à la retraite. Toutes deux s’associent pour promouvoir un jeune artiste : Kaëm est un de mes anciens élèves, nous dit Michèle, resté paraplégique à la suite d'un accident de ski à 15 ans, un an après le suicide de son père... c'est donc un garçon qui a beaucoup de choses à dire, et certainement une revanche à prendre sur la vie...je l'ai toujours soutenu et aimerait tant qu'il réussisse, ses textes sont très forts ...merci de le faire connaître… " J'ai froid, j'ai faim" est la dernière réalisation de Kaëm.

    L’équipe de Calipso vous recommande de lui rendre visite et de l’encourager en allant sur :

    http://www.dailymotion.com/video/x80woe_jai-froid-jai-faim-clip-kam_music


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  • Alors comme ça, certains conjoncturistes auraient émis l’idée que cette année le Père Noël aurait été plutôt renfrogné et le Père Sylvestre particulièrement grognon et qu’à présent le Blanc serait maussade, que les Soldes battraient de l’aile et que le meilleur de la crise serait derrière nous…

    Contrairement à nos voisins, nous, au café, résistons mieux. Ce n’est ni un don du ciel ni le fruit du hasard mais tout simplement parce que des milliers de braves gens n’hésitent pas à venir ici mouiller leur chemise (même le dimanche) pour dépasser le ressentiment et que des choses vraiment importantes soient entendues…Jean-Claude Touray est là ce soir pour en témoigner.

     

     
    Pour Noël, mon contrat prévoyait que j’incarne, avec les andouillers en éventail, le seul renne de l’attelage de Papa Christmas ayant échappé aux compressions de personnel. Tu sais bien, le p’tit Rudolf au nez rouge. Un rôle passionnant et une vraie rente de situation : "  Seul pour tirer le traineau, seul pour pomper le vin chaud ".

    Idyllique. Sauf qu’Auguste, le clown vedette, s’étant tordu le pied le 23, ne pouvait plus marcher. Gros, très gros problème. Il était Père-Noël commis d’office le 24 au soir dans une maison de retraite, pour distribuer aux pensionnaires les cendriers-cadeaux offerts par la Manufacture des Tabacs et Allumettes. J’étais, soi-disant, le seul comédien fumeur de la troupe à pouvoir le remplacer au pied levé … adieu donc ma prestation de caribou solo.

    Père Noël d’un soir pour rendre service, j’ai enfilé la houppelande, chaussé les bottes et la barbe, et tiré moi-même le traineau jusqu’à l’institution Jeanne Calment, mais le cœur n’y était pas. J’ai déposé les cadeaux à côté des charentaises, disposées en rond autour du sapin de carton. Pour ceux et celles qui voulaient utiliser leur cendrier tout de suite, il y avait de quoi fumer. Les tables se sont organisées spontanément pour un concours de crapette et je me suis échappé vite fait, après avoir signé la feuille de présence et branché Tino Rossi en boucle sur " Petit Papa Noël ".

    Je me suis dit en partant : on va bien voir ce qui me sera proposé, pour l’Epiphanie et les galettes de janvier des comités d’entreprise. Ils ne vont tout de même pas me donner à jouer Melchior, Balthazar ou le roi Gaspard !

    S’ils me sucrent le rôle du chameau, je les assigne aux prud’hommes. Je suis, par contrat, une bête de scène, il ne faudrait pas l’oublier.


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  • Quelques doigts affairés sur le clavier, un œil bercé par l’écran, l’autre égaré derrière le miroir des mots… Comment terminer l’année sans saluer toutes celles et ceux qui l’ont faite, qui l’on racontée, éclairée, commentée, poétisée et  accompagnée au gré de leurs humeurs chez le voisin ou la voisine… Merci à vous tous et particulièrement à :

    Danielle Akakpo, Suzanne Alvarez, Ernest J. Brooms, Jean Calbrix, Nicole Cavazza, Stéphanie Cornu, Olivier Delau, Alain Emery, Régine Garcia, Dominique Guérin, Sylvette Heurtel, Corinne Jeanson, Jacques Lamy, Jean-Paul Lamy, Yvonne Le Meur-Rollet, Gilbert Marquès, Dominique Mitton, Annie Mullenbach-Nigay, Cédric Studer, Marielle Taillandier, Jean-Claude Touray, Ysiad et Julie.


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  • Dans un commentaire posté hier sur Histoire d’eau 8, un certain Rodolphe nous contait en vers un terrible Noël d’avant. nous vous invitons à aller le découvrir et à y ajouter peut-être un petit mot…

    Aujourd’hui, c’est à Jacques Lamy de revenir sur un Noël d’avant…

     

     

    Sur une base militaire en Algérie... il y a quarante sept ans.

    Un officier de permanence, un "Appelé", surveille le réfectoire aux "jeunes recrues". Sa mission : animer la soirée en évitant le spleen d'un réveillon passé dans un camp, sans famille. : c'est leur premier Noël d'adolescents tardifs loin des proches aimants. Un faux Noël "sans neige", assez rare à l'époque sur une partie du territoire français.

    Les années précédentes, beuveries, disputes avaient annihilé la veillée fraternelle. Ils noyaient dans l'alcool cette désolation.

    Aussi, le sous-lieutenant improvisa-t-il un spectacle tenu par les jeunes recrues. Le repas avait été retardé d'une heure : il en restait quatre "à tenir"...

    Cette base célèbre pour la qualité des plats servis et de la propreté des lieux, plus que pour la délicatesse des propos tenus et des ordres donnés par le commandement, avait bien fait les choses : deux entrées, un entremets, un rôti de dinde, fromages et desserts le tout en abondance et servis par les "Chefs de Tables".

    Il y eut, tout d'abord, le menu en sabir, lu par "un pied-noir", à l'accent irrésistible, repris ensuite par un picard tout aussi drôle.

    Des scènes spontanées égayaient ce repas. : les sketches improvisés par des amateurs "dans le civil", des chansons dont "Old man river" par une basse de grande ampleur (un "fils de chanteur d'opéras"), des jeux aux gains utopiques et surprenants : "la reconnaissance ineffable de l'Armée – la permission aléatoire au "foyer" – la bénédiction du sous-lieutenant de veille", etc.

    Et, la "douce France" un instant oubliée, les recrues célébraient Noël, joyeusement. L'officier se félicitait de ce succès.

    C'est alors que la "Chorale des Supermacs" (des "quillards" à un mois d'être "dans le civil"), déguisés en anges, fraternellement vinrent se produire pour embellir encore cette veillée. On entendit les chants de Noël bien connus : "Mon beau sapin", "Douce nuit", "Guillot prend ton tambourin", etc.

    Au fur et à mesure que resplendissaient les chants traditionnels, s'attendrissaient les hommes : au final, les trois-quarts étaient désespérés, et les autres pleuraient sans retenue...

    "Pas de spleen à Noël !" avait dit le colon.

    "Quel gâchis" songea l'officier de permanence et il sortit "respirer", les larmes aux yeux. Il en était au second Noël loin des siens... Un troisième viendrait, il ne le savait pas...

     


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  • Photo : Attitudes passionnelles, la Salpêtrière, Paris,1877, Muséum du Dr Guislain, Gent, Belgique



    Une lettre ouverte est un texte qui, bien qu'adressé à une ou plusieurs personnes en particulier, est exhibé publiquement afin d'être lu par un plus grand nombre.

    L’histoire dont il est question dans cette lettre vous la connaissez tous. Elle n’a pas commencé à Grenoble mais vous imaginez bien qu’au café comme un peu partout aux alentours cette affaire-là fait toujours grand bruit. Et comme tant d’autres histoires dont on aimerait pouvoir s’en débrouiller autrement que par la dénonciation et l’exclusion, celle-ci est devenue une affaire d’état. Une nouvelle stigmatisation qui a déjà fait valser quelques têtes. Oui, cet acte dément est impossible à supporter, la douleur est bien réelle et pourtant il nous faut rester tranquille, ne pas se laisser prendre par la peur ou la vengeance…

     

    Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République à propos de son discours du 2 décembre 2008 à l’hôpital Erasme d’ANTONY concernant une réforme de l’hospitalisation en psychiatrie.


    Etampes, le 8 décembre 2008

    Monsieur le Président,

    Eluard écrit dans Souvenirs de la Maison des Fous " ma souffrance est souillée ".

    Après le meurtre de Grenoble, votre impatience à répondre dans l’instant à l’aspiration au pire, qu’il vaudrait mieux laisser dormir en chacun d’entre nous, et que vous avez semble t-il tant de difficulté à contenir, vous a amené dans votre discours du 2 décembre à l’hôpital Erasme d’Antony à souiller la souffrance de nos patients.

    Erasme, l’auteur de " L’Eloge de la Folie " eut pu mieux vous inspirer, vous qui en un discours avez montré votre intention d’en finir avec plus d’un demi siècle de lutte contre le mauvais sort fait à la folie : l’enfermement derrière les hauts murs, lui appliquant les traitements les plus dégradants, leur extermination en premier, quand la barbarie prétendit purifier la race, la stigmatisation au quotidien du fait simplement d’être fou.

    Vous avez à Antony insulté la mémoire des Bonnafé, Le Guillant, Lacan, Daumaison et tant d’autres, dont ma génération a hérité du travail magnifique, et qui ont fait de leur pratique, œuvre de libération des fécondités dont la folie est porteuse, œuvre de libération aussi de la pensée de tous, rendant à la population son honneur perdu à maltraiter les plus vulnérables d’entre nous. Lacan n’écrit-il pas " l’homme moderne est voué à la plus formidable galère sociale que nous recueillions quand elle vient à nous, c’est à cet être de néant que notre tâche quotidienne est d’ouvrir à nouveau la voie de son sens dans une fraternité discrète, à la mesure de laquelle nous sommes toujours trop inégaux ".

    Et voilà qu’après un drame, certes, mais seulement un drame, vous proposez une fois encore le dérisoire panégérique de ceux que vous allez plus tard insulter leur demandant d’accomplir votre basse besogne, que les portes se referment sur les cohortes de patients.

    De ce drame, vous faites une généralité, vous désignez ainsi nos patients comme dangereux, alors que tout le monde s’entend à dire qu’ils sont plus vulnérables que dangereux.

    Mesurez-vous, Monsieur le Président, l’incalculable portée de vos propos qui va renforcer la stigmatisation des fous, remettre les soignants en position de gardiens et alarmer les braves gens habitant près du lieu de soin de la folie ?

    Vous donnez consistance à toutes les craintes les moins rationnelles, qui désignant tel ou tel, l’assignent dans les lieux de réclusion.

    Vous venez de finir d’ouvrir la boîte de Pandore et d’achever ce que vous avez commencé à l’occasion de votre réplique aux pêcheurs de Concarneau, de votre insulte au passant du salon de l’agriculture, avilissant votre fonction, vous déprenant ainsi du registre symbolique sans lequel le lien social ne peut que se dissoudre. Vous avez donc, Monsieur le Président, contribué à la destruction du lien social en désignant des malades à la vindicte, et ce, quelques soient les précautions oratoires dont vous affublez votre discours et dont le miel et l’excès masquent mal la violence qu’il tente de dissimuler.

    Vous avez donc, sous l’apparence du discours d’ordre, contribué à créer un désordre majeur, portant ainsi atteinte à la cohésion nationale en désignant à ceux qui ne demandent que cela, des boucs émissaires, dont mes années de pratique m’ont montré que justement, ils ne pouvaient pas se défendre.

    Face à votre violence, il ne reste, chacun à sa place, et particulièrement dans mon métier, qu’à résister autant que possible.

    J’affirme ici mon ardente obligation à ne pas mettre en œuvre vos propositions dégradantes d’exclure du paysage social les plus vulnérables.

    Il en va des lois comme des pensées, certaines ne sont pas respectables ; je ne respecterai donc pas celle dont vous nous annoncez la promulgation prochaine.

    Veuillez agréer, Monsieur le Président, la très haute considération que je porte à votre fonction.

    Docteur Michaël GUYADER, Chef de service du 8ème secteur de psychiatrie générale de l’Essonne, Psychanalyste.


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  • A propos de poésie et d’engagement, Corinne Jeanson nous propose ce soir ces quelques mots… de douleur et de rage…

     

     

    J'étais jeune, j'avais envie de vivre
    Qu'as-tu fait de moi, Pablo ?

     

    Chaque jour, tes mules m'apportent
    leur lot de consolation
    Les dames blanches aspirent
    L'un après l'autre
    Mes souffles de vie.
    Dans la discothèque allumée
    Je veine de dynamite
    Mes dernières gouttes de sang.

     

    Tu m'as tout pris
    Et j'en redemande.
    Mes voyages ne sont pas
    Inscrits dans les guides
    Je les sniffe avec délice.

    Qu'as-tu fait Pablo
    Des enfants de Medellin ?
    Des Sicarios aux abonnés absents
    Des Zombies défoncés
    Qui errent dans les forêts
    Amazones abattues.
    La colombe enfarquée
    Tient dans son bec
    Le rameau sacré.

     

    J'étais jeune, j'avais envie de vivre
    Qu'as-tu fait de moi, Pablo ?


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