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    C’est aussi simple que ça !

    Danielle Akakpo

     

    Survêtement, baskets, l’air à la fois morose et agacé, Silvio entre dans le bureau de Francisco Molaire et prend place en face de l’homme en costume cravate et aux petites lunettes cerclées d’écaille.

    – Vraiment, je comprends pas pourquoi on m’envoie chez vous, je suis pas malade !

    – Il ne s’agit pas de votre forme physique jeune homme, mais de votre mental.

    – Il va bien, mon mental, je suis de bonne humeur, j’aime m’amuser, je déprime pas. Je vois pas ce que je fais chez un psy. C’est bien parce qu’on m’a pas laissé le choix. Mince alors, je suis pas fou, non plus !

    – Certainement pas. Toutefois votre comportement...

    – Mon comportement ? Est-ce que je marche sur les mains, est-ce que je me colle un seau sur la tête ? Est-ce que je me prends pour la Reine d’Angleterre ou le roi d’Espagne ? Faudrait pas charrier...

    – Gardez votre calme et répondez à quelques questions très simples. Parlez-moi de votre enfance, par exemple. A-t-elle été heureuse, avez-vous souffert de la faim ?

    – Stop ! Défense d’insulter mes parents, défense de les soupçonner de mauvais traitements ! En plus, la cuisine de ma mère, vous vous en seriez léché les babines !

    – Hum... Votre entraîneur vous impose-t-il un régime ?

    – Un régime de sportif, c’est sûr. Mais équilibré, j’ai jamais les crocs, si c’est ce que vous voulez dire. Et j’en ai ras le bol de parler bouffe et de vos remarques... décisives.

    – Incisives ! Alors, venons-en au fait. Aviez-vous quelque raison d’en vouloir à ce joueur italien que...

    – Putain, encore cette histoire. Je le connaissais même pas cet Italien, je l’ai vu pour la première fois pendant le match, on s’est jamais parlé. Non, j’avais pas une dent contre lui !

    – Vous l’avez pourtant mordu !

    – Je suis mordu de foot mais je suis pas un bouledogue, je mords pas. Écoutez, docteur, cette histoire, c’est juste un affreux malentendu gonflé à mort par ces connards d’arbitres et de journalistes. Comment vous faire comprendre ? Tenez, faut que je vous raconte ce qui est arrivé à un pote à moi : il traversait de nuit un parc mal éclairé, il a buté sur une racine et il s’est affalé à plat ventre dans un buisson sur une nana allongée par terre qui cuvait ses Margaritas. Ben vous savez quoi ? On l’a accusé de tentative de viol.

    – Euh...

    – Vous voyez pas le rapport ? Un affreux malentendu, je vous dis, tout comme pour moi. Je courais après le ballon en poussant mon cri de guerre, (à la Sharapova, c’est permis, non ?) la bouche grande ouverte donc, et voilà que cet imbécile de bouffeur de pizza, court sur pattes, me rentre dedans et me colle son épaule entre les deux mâchoires... C’est aussi simple que ça.

     

    Brève, 25 juin 2014

    Luis Suarez mord un adversaire en coupe du monde.


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    Devinette

    Joël Hamm

     

    Ce qu’il faut pour garder la santé, c’est l’optimisme et varier les menus.  Un jour aux Restos du Cœur, place de la République, le lendemain boulevard de Ménilmontant, près du cimetière du père Lachaise. Là-bas, c’est un peu bruyant, les gens s’impatientent mais le camion de la mairie arrive toujours à 19h30. Je suis caissière dans un hyper de banlieue. Je passe 22 stations de métro pour venir. Quand mes horaires de travail me le permettent, j’essaie d’être parmi les premiers à attendre. C’est qu’on est près de 600. La patience est une qualité de pauvres que j’ai reniée. Plus de chéquier, plus de carte bleue, mes fins de mois commencent le 10. Ils servent de la soupe à volonté. C'est chaud, c'est bon. Que demander de plus. J’ai un petit appétit. Pourtant je me fatigue au boulot. Je bosse à toute heure du jour et de la nuit, été comme hiver. Ça change tout le temps. Le travail flexible, ça vous rigidifie le dos, je vous le dis. La direction de l’hyper vient de m’augmenter. Un euros de l’heure en plus. Ça ne m’arrange pas. Je n’ai plus le droit à la CMU. Je dépasse le seuil de pauvreté, qu’ils disent.

    Devinez combien je gagne, par mois.

     

    Brève, 26 juin 2014 

     « Elle braque le supermarché où elle travaillait. »


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    Alors, ça mord ?

    Jacqueline Dewerdt

     

    Un brave pêcheur du dimanche,

    Sérieux et fier de ses prouesses,

    Pêchait, comme il se doit,

    Ayant fait à sa belle de splendides promesses.

    Un pied en avant et le poing sur la hanche,

    Ne prenant garde au froid,

    D’un œil distrait il surveillait sa ligne.

    Il savourait ce moment de bonheur

    Et songeait à son meilleur ami, homme digne

    Connu pour la qualité de ses aquariums.

    Ce point séparait nos deux hommes.

    Petit détail, de l’avis de notre pêcheur.

    L’un, de l’autre, admirait la science,

    Quand son ami de lui vantait la patience.

    Or donc, tout à ces belles pensées,

    Notre homme ne voit pas le bouchon s’enfoncer.

    Alerté par une secousse dans la main,

    Il s’ébroue, se redresse, réalise soudain

    Que s’annonce dans l’eau une prise de taille.

    Bien ferme sur ses deux pieds,

    Il s’apprête à livrer bataille,

    Le visage sérieux et le corps cambré.

    L’animal vigoureux ne se laisse point faire.

    Le pêcheur n’est pas né de la dernière pluie ;

    Lui, devant ce combat se sent à son affaire,

    Respecte et admire l’invisible ennemi.

    Il tire et lâche.

    Il s’arcboute et soupire,

    Doucettement, relâche.

    Derechef fermement il tire,

    Aperçoit un poisson orné de belles taches.

    Intrigué, d’efforts il redouble,

    Car pour si peu il ne se trouble.

    Ce n’est pas là chose facile,

    Mais notre homme, nous l’avons dit, est très habile.

    Par ruse et par force, il gagne le dur combat

    Et se retrouve devant un gros piranha.

    D’une main ferme il s’en saisit,

    En veut retirer l’hameçon

    Mais aussitôt, pousse un grand cri.

    De son doigt l’animal a coupé un tronçon

    Et la bouche pleine dit d’un air tendre :

    « Mon bon monsieur, tel est pris, qui croyait prendre. »

     

     

    Brève, 4 juin 2014

    À Saint-Dié-des-Vosges, un pêcheur a remonté un piranha au bout de sa ligne. Au moment d’être retiré, le poisson l’a mordu au doigt. Hypothèse des spécialistes : le propriétaire de ce poisson l’a sorti de son aquarium et l’a relâché dans l’étang.»


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    Quand ils sont trop nombreux…

    Emmanuelle Cart-Tanneur

     

    - Si c'est pas malheureux ! En plein Paris, et en plein jour ! Tombés comme ça, comme des mouches !

    - Moi j'étais passé devant la grille deux heures tout juste avant ! Si j'avais su...

    - Ils étaient trop nombreux ; ça devait arriver !

    - On aurait dû les interdire...

    - Mais comment ? Ils venaient de partout s'accrocher là ! Tous au même endroit, les uns sur les autres, depuis le bas de la grille jusqu'en haut !

    - Oui, des années qu'il en venait, du monde entier, pour avoir une place là et pas ailleurs..

    - Et pour quoi faire ? Porter un message d'amour ? La belle affaire... Aussitôt en place, aussitôt oubliés !

    - L'image était belle, et les photographes d'art s'en sont longtemps régalés : l'Amour en toutes les langues, message universel...

    - Certes, c'était beau : mais risqué aussi ! Personne n'avait imaginé que la grille s'effondrerait un jour... et puis c'est arrivé.

    - A-t-on pu en sauver certains ?

    - Je doute qu'on se soit préoccupé de leur sort ; et si certains sont tombés à l'eau on n'ira pas les repêcher...

    - Les grilles d'à-côté n'ont pas bougé, vous avez vu...

    - C'est vrai ; mais m'est avis que ça ne va pas durer...

    - La Mairie de Paris dit s'en préoccuper ; les riverains ont déjà déposé plusieurs plaintes...

    - Ils ne sont pourtant pas bruyants !

    - Bruyants, non, mais vous savez ce qu'on dit : c'est quand ils sont trop nombreux que les problèmes commencent...

     

    Brève, 9 juin 2014

    Une partie du grillage de la passerelle des Arts à Paris, où prolifèrent les « cadenas d'amour » que les touristes accrochent par milliers, s'est effondré dimanche 8 juin, dans l'après-midi, entraînant l'évacuation du pont.

     


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  • Angèle Cartier couv 6

     

    Les éditions Zonaires ont le plaisir de vous annoncer la parution ce jour, d’Angèle Cartier, un roman de Claude Bachelier. Un auteur qui ne vous est certainement pas inconnu puisqu’il participe régulièrement à l’animation du café et dont certaines chroniques ont été publiées dans les collectifs d’auteurs « Les cent derniers jours » et « Rendez-vous après la fin du monde ».

     

    4ème de couverture : François Rettaz, écrivain public, nous raconte Angèle Cartier. Née avec le siècle, elle s’était rêvée institutrice. Mais la Grande Guerre, cette horreur sans nom, a balayé ses espérances. Elle a révélé une femme qui, derrière une fragilité apparente, était en réalité une femme de caractère, à la volonté inébranlable. Il lui fallait bien cela alors que la vie ne lui laissait d’autres choix que de se battre, encore et encore.

     

    C Bachelier3Durant des années Claude Bachelier a parcouru le monde sur terre comme en mer et puis voilà qu’après avoir franchi détroits et caps, traversé gorges et défilés, il prend la plume pour raconter la vie, le quotidien de gens qui ne sont pas des héros, qui ont ce petit plus qui les rend si différents et qu’un jour, peut-être, il a croisé sans les voir.

     

    Angèle Cartier un roman de Claude Bachelier chez Zonaires éditions, 164 pages,  

    15 € (+ frais de port 2€)  Parution le 2 juillet 2014   


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    Les jeux sont faits : finalement, ce sont 90 nouvellistes qui participeront au concours Calipso 2014.

    La treizième édition de Nouvelles en fête se déroulera le samedi 4 octobre 2014 au Fontanil Cornillon (Isère) de 18h à 23h30 (ou plus…) 13 en étant le thème de l’année, nous avons associé à l’évènement le groupe Guichet 12, (qui pour l'occasion devient Guichet 13), une compagnie de slameurs et de musiciens pour une invitation à l’âge de vers et une mise à nu poésicale. Gilles Bischoff (bluesman) et Françoise Vergely (comédienne) seront également de la fête !

    Le jury délibèrera du 5 au 7 septembre dans un petit village perdu dans les montagnes entre l’Isère et la Savoie où l’accès au réseau internet sera aléatoire ; néanmoins, nous ferons tout pour conjurer le mauvais sort afin d’annoncer au plus tôt sur Calipso les titres des nouvelles sélectionnées et bien sûr les lauréats de cette treizième édition.

    D'ici là, l’équipe de Calipso vous souhaite un bel été.   


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