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    Résister à la tentation de se soulager au détriment de l’autre

    Résister à l’ordinaire présence de la guerre, des massacres, des barouds d’honneur

    Résister à l’attrait des catastrophes, des calamités, des attentats

    Résister aux additions des morts pour rien, aux décomptes des survivants

    Résister aux rapports de chiffres, de pourcentages, de croissances

    Résister à l’impuissance, à la toute-puissance

    Résister au manque de mots, à l’excédent de communiqués

    Résister à l’envie de croire que nous ne manquerons jamais de rien

    Résister au train-train

    Résister à l’oubli

     


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    Retour sur terre... 


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  • Soleil

     

    Il y a un an une nouvelle fin du monde commençait. Une trentaine d’auteurs, réputés pour leur hardiesse imaginative et leur humour débridé, s’étaient donné rendez-vous ici même pour nous révéler jour après jour les premières orientations d’une société en mutation.

    C’est parce que vous avez été des milliers à suivre l’affaire de près que le barman et son acolyte de chez Zonaires éditions ont décidé de continuer l’aventure en publiant les meilleurs moments de cette épopée. C’est ainsi qu’est né au cœur de l’apocalypse le livre « Rendez-vous après la fin du monde »

     

    Couv rendez-vous après la fin du monde3Le Nouveau Monde n’ayant pas encore aboli l’échange marchand, l’ouvrage de 156 pages est proposé au public pour 14€ (frais de port pris en charge par l’éditeur). Pour le commander : CLIC !

     


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    Il faisait nuit quand ils sont venus nous chercher. Nous avons quitté le camp sans prendre nos affaires. Un train nous attendait. Des femmes et des hommes nous ont vus passer et se sont tus. Des chiens ont aboyé. Nous nous sommes serrés près des fenêtres et aucun d’entre nous n’a dormi. La campagne était noire et la terre ravagée jusqu’aux confins. Un peu partout, des cloches sonnaient et l’on pouvait apercevoir des corps tanguer au milieu des ruines. Quand le train nous a sorti de l’obscurité, la poussière du monde a commencé à nous envelopper. Au soleil de midi, nous n’étions plus que des ombres silencieuses.

      


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    C’est à une sorte de bilan de fin d’année que nous vous convions aujourd’hui. Celui-ci ravivera certainement quelques souvenirs chez certains de nos visiteurs, tandis qu’il en plongera d’autres dans d’épouvantables tourments. Pensez-y quand viendra votre tour…

     

     

    C’est bien ma veine

    par Ysiad

     

     

    Il a beau être huit heures à peine, il y a déjà du monde qui attend et plusieurs infirmières qui vont et viennent entre les cabines et le standard. J’en ai repéré une, très brune, rondouillarde, avenante, pimpante, qui roule des hanches en se déplaçant sur d’épaisses semelles de crêpe. Ses cheveux sont retenus en chignon, une pince posée en travers de la nuque. Elle sourit, s’affaire à son travail avec une bonne humeur évidente. Ce n’est pas le cas d’une autre, beaucoup plus âgée, cheveux blancs, visage émacié, l’air revêche, qui regarde ses pieds en serrant les mâchoires… Elle doit faire mal, celle-là, c’est l’évidence même ! C’est écrit sur son front, pas besoin d’avoir un décodeur pour lire sur ses traits qu’elle prend un plaisir sadique à faire souffrir… Compte tenu de son âge, elle n’a peut-être plus le geste si sûr… sa main doit trembler avant de lancer l’aiguille… il se pourrait même qu’elle rate la veine… Qu’elle le fasse exprès… Non, n’y pensons pas !

    Madame Sabatier… La brune rondouillarde a parlé d’une voix douce. Si seulement c’était elle qui pouvait me piquer... Ou alors la grande blonde qui marche avec des claquettes aux pieds, en faisant à chaque pas un bruit net de caoutchouc. Chcrouic, chcrouic, chcrouic... Une femme qui fait ce bruit-là en marchant ne peut pas être dangereuse. Elle a une bonne tête gentille, de bonnes joues rebondies, elle vient certainement de la campagne... Elle aime les bêtes et elle ne doit pas faire mal. Elle entre. Pourvu que ce soit elle…

    Monsieur Crillon, s’il vous plaît.

    Flûte. Pas encore mon tour. Ce que je peux avoir peur, c’est terrible. C’est ainsi depuis l’âge de cinq ans. Jamais pu me faire à l’odeur qui règne dans ces labos. Et la lumière ! Blême. Blafarde. Ecrasante, ne laissant aucune chance. Comment peut-on travailler en subissant toute la journée cette lumière-là ? Pas étonnant que le ficus dépérisse dans son pot ! A croire que personne ne l’arrose. Ça, pour piquer, ils répondent à l’appel, mais pour ce qui est de jeter un peu d’eau dans un pot de terre desséchée, y a plus personne ! Affligeant. 

    Un type vient de s’asseoir en face de moi. Trente, trente-cinq ans. Pas plus. Regard tranquille, pas préoccupé du tout, un peu désabusé, comme si rien ne pouvait l’atteindre... Drôle comme les gens n’ont pas l’air inquiet à la perspective de ce qui les attend, comme s’ils avaient l’habitude de se faire faire des prises de sang, comme si  exposer le creux du bras à l’aiguille ne les effrayait pas le moins du monde… Aucune appréhension de la part de mon vis-à-vis, rien ! Pas la moindre petite ombre de contrariété sur le front ! Bon. Dans cette salle, y a que moi qui balise. 53 ans au compteur et j’ai les chocottes comme une gamine de cinq ans. Même pas honte. C’est comme ça. J’assume et je serre les dents en me disant qu’ensuite, j’en ai pour un an de tranquillité… Retenir l’idée le plus possible. La savourer, en profiter, plus de prise de sang durant un an… L’infirmière rondouillarde repasse, silencieuse, en roulant du bassin. Elle dépose un dossier sur le comptoir, en récupère un autre... Elle est repartie. J’aperçois la vieille avec ses cheveux blancs et sa méchanceté dans le regard. Pas de doute. Elle se dirige vers la salle d’attente. La voilà sur le seuil, avec ses lèvres pincées et son air rébarbatif… Elle lève le nez de sa feuille…

    Madame Baillard ?

    Et crac ! Dans les trous de nez ! Mais qu’ai-je fait au ciel pour mériter ça ? C’est pour moi, la méchante infirmière ! Pour moi, ce ton interrogatif, vaguement ironique, comme si elle devinait déjà les battements affolés de mon cœur… C’est bien ma veine ! Oh mon dieu, voilà que je fais de l’humour malgré moi. Vade retro, les blagues à trois balles ! Ce n’est pas le moment. Je déteste ça. Allons. Marchons derrière la méchante dans le couloir comme un soldat stoïque. Montrons-nous brave face au danger... Il me semble qu’elle a des jambes poilues sous son collant.

     Installez-vous sur cette chaise, je vous prie.

    Me voilà assise. Surtout, ne pas la contrarier. Obéir au doigt et à l’œil. Je la regarde qui sort une seringue de son étui de plastique… Ses mains sont déformées. Quelle horreur. Je crois que je vais tourner de l’œil.

    Remontez votre manche… Là, comme ça… Vous voulez un bilan sanguin avec vos analyses ? Il est gratuit.

    – Pourquoi pas...

     

    Elle me regarde. Voilà qu’elle sourit. Elle a compris au ton de ma voix que j’étais morte de trouille.

    Ne vous inquiétez pas, Madame Baillard. J’en ai pour deux minutes à peine. Respirez et serrez le poing bien fort pendant que je place le garrot… Pensez à quelque chose d’agréable…

    Quelque chose d’agréable… Elle en a de bonnes ! Ma boule de fourrure. Mon chat Patou, avec sa bonne tête, ses bonnes babines piquées de longues moustaches, sa belle fourrure rousse qui brille dans la lumière… Patou, si tu savais comme Maman a peur... Peur de la grosse aiguille qui s’enfonce dans le bras… Le sang, les veines bleues… Maman sent qu’elle va tourner de l’œil, mon Patou… Tout à l’heure tu auras fort à faire pour me réconforter… Tu t’allongeras sur mon ventre, tu mettras tes pattes sur mon cœur… Patouuuuu…. Au secouuuurs…  Je suis comme toi, lorsque la méchante vétérinaire te fait ta piqûre antirabique… Tu te terres au fond de ton panier, mon pauvre petit, tu hérisses ton poil, tu te mets à grogner… Comme je te comprends… J’ai peur de la grosse aiguille… Patouuuuuu….

    Et voilà, Madame.

    – Comment ? C’est déjà fini ?

    – Mais oui.

    – Extraordinaire ! C’est la première fois que je n’ai rien senti !

    – C’est normal. Au bout de trente-huit ans de pratique, je pique les yeux fermés…

    – Les yeux fermés ?

    – Façon de parler…

    – Vous vous appelez comment ? 

    – Thérèse.

    – Ecoutez, Thérèse… Pourrais-je vous demander de me faire ma prise de sang l’année prochaine ? Je ne veux être piquée que par vous, et seulement vous…

    – Je l’aurais fait avec plaisir, Madame, mais voilà : je prends ma retraite le mois prochain…

     

    Pour une fois que je n’ai pas eu mal…

     

    C’est toujours les meilleurs qui s’en vont les premiers.


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    Le chemin de terre finissait au pied d’un grand mur meurtri par les ans. Au lieu de revenir sur mes pas, j’ai entrepris d’en faire le tour. C’est en regardant par une banale trouée que je l’ai aperçu, engoncé dans un réduit de lumière. L’homme semblait attendre. Quelqu’un ou quelque chose, je ne sais pas. La nuit tombait et je n’avais aucune raison de m’attarder. Une pluie épaisse avait rendu le sol glissant et en voulant jeter un dernier coup d’œil par la trouée, j’ai perdu pied. Ma tête a heurté une pierre blanche et mes pensées se sont mises à zigzaguer à l’intérieur de vastes étendues obscures. Pendant que je bataillais avec les ombres pour reprendre mes esprits, l’homme se déplaçait et n’apparaissait plus que par intermittence. Il avait l’air vieux et fatigué, mais ses yeux n’étaient nullement défaits. Au contraire, on aurait dit qu’ils cherchaient le contact. J’ai fait un vague signe de la main auquel il a répondu par une sorte de hum, oui… Des voix ont commencé à suinter du mur. À ma surprise, certaines ne m’étaient pas inconnues. Elles me demandaient si j’allais bien, si j’avais besoin d’aide ou si je passais seulement prendre des nouvelles. Une autre voix – je crois bien que c’était la mienne – me commandait de me taire. L’homme avait fini par s’installer en pleine lumière et ne me quittait plus des yeux. Il avait pris un air sévère, comme s’il réprouvait mon silence. Le silence a duré. Des idées absurdes courraient dans ma tête. Des visages argentés tournoyaient autour de moi puis disparaissaient dans le sol détrempé. J’avais entendu parler de ces miroirs du rêve qui permettent de s’échapper un moment de la vie réelle et je restais dubitatif sur la conduite à tenir. Je m’efforçais de sourire quand des bruits de pas ont retenti derrière le mur suivi de chuchotements de femmes à proximité de la trouée.

    On dirait qu’il n’a plus toute sa tête.

    Je crois plutôt qu’il a perdu sa langue.

    Le pauvre, il s’est lui-même emmuré.

    N’y a-t-il vraiment rien que l’on puisse faire pour lui ?

    J’ai ouvert la bouche pour parler ou pour crier peut-être. J’aurais aimé pouvoir articuler ne serait-ce que quelques mots, dire quelque chose de réconfortant, mais rien qu’une sale grimace m’est venue.

    Heureusement, le docteur n’en saura rien. Comme toujours, il patientera dans mon dos. Seule son image continuera à bruire en moi.

     

     


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    "Le combat pour la démocratie n’a jamais été la quête d’une seule race, d’une seule classe, communauté religieuse ou genre parmi les Sud-Africains. En tant que futurs dirigeants de ce pays, vous devez relever le défi de créer une nation dans laquelle chacun, indépendamment de sa race, de sa couleur, de son sexe, de sa religion ou de ses croyances, peut participer pleinement à la cohésion sociale."

     

    Discours de Nelson Mandela à la jeunesse d’Afrique du Sud en commémoration de la marche de protestation des étudiants noirs contre l’apartheid en 1976 dont la répression fit près de1500 morts. 


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  •   Courbure

     

     

    Il fait de la musique pendant que je courbe l’échine. De la musique sacrée, composée pour les jours de génuflexion. Moi, je n’ai pas de remords et dieu merci, je ne cherche pas à sauver ma peau. Si je plie jusqu’à me rompre les os, c’est que le ciel s’effrite chaque jour davantage et qu’il est devenu presque impossible de le regarder en face. La nuit, quelques étoiles filent encore le bel amour, mais pour combien de temps ?  La terre promise n’en finit plus de sombrer dans les déjections de l’humanité. Même les anges ont pris goût au sang. Des fois je me demande s’il ne faudrait pas tenter de me relever, mais à force de rabattre mes ailes, elles se sont atrophiées et n’ont plus d’emprise sur les airs. Et puis avec ce vent mauvais, gorgé du jus bouillonnant de la mort, comment pourrai-je prendre de la hauteur ?     


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