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    Nous avons eu le plaisir de d'accueillir Patrick Ledent à plusieurs reprises au cours de l'épopée des 100 derniers jours, Magali Duru nous présente aujourd'hui le nouvelliste chevronné et son dernier recueil publié en mars dernier.  

     

     

    Deux lignes de force dans ce recueil : d’abord -et c’est l’aspect que j’en préfère-, des nouvelles de fiction, savoureuses, sensibles, fantaisistes souvent ("Touquet final "), tragiques parfois ("Table rase"), quand elles ne sont pas aussi drôles que le coquin "Cinéma de quartier". "Chemin faisant "ou "Piékouagami" proposent d'intéressants duos, couples trop ou pas assez assortis. Il y a de vraies pépites comme "Martingale" qui réunit efficacité, sobriété, suspens, bonne chute. Ledent est aussi à l’aise pour installer que pour décaler une ambiance polar (« Et s'il subsistait un doute") que dans l’écriture subtile d’un fantastique « à la Jean Ray » : merveilleuse et belgissime « Frontière », impressionnants, les deux "chapitres" de « Lettre » puis de « Retour à Nice », en forme paradoxales d’odes à la lumière et à la vie, où l'action progresse avec le portrait psychologique, tout en proposant une subversion personnelle, originale des "codes" du genre. Ecrire une histoire de vampires qui se démarque de la production stéréotypée du jour est un sacré défi, le relever aussi brillamment, en y introduisant ce qui y est en général le plus étranger au genre, l'émotion, la compassion, la poésie, était une gageure et elle est réussie.

    Mais l’auteur est généreux, prolixe, tribun dans l’âme, l’éditeur peu crispé sur la doxa d’un choix cohérent de textes (ou trop oulipien pour penser marketing ?). Ce recueil touffu, foutraque, véritable caverne d’Ali-Baba, propose donc aussi le trésor de textes véhéments, où la fiction, simple fil conducteur, laisse place à une indignation de bon aloi. On ne cherchera donc pas ici une logique, une progression, une série bien rangée de produits en rayon clairement signalés par les têtes de gondoles. On piochera simplement à l’envi dans cette multitude de petits et grands bonheurs, suivant ses goûts, ses humeurs et ses besoins du moment, comme dans ces minuscules boutiques de souk oriental où tout se côtoie, se chevauche, s’empile, pour que tout désir soit satisfait. C’est qu’au propre comme au figuré, « A vos caddies » ne fait pas exactement la promotion des supermarchés….

    M.D. 

    A vos caddies ! de Patrick Ledent, aux Editions Calliopées, 247 pages, 17,20 €.

     


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    Si vous pensiez que c'en était fini avec les foirades d'Ysiad, c'est que vous ne saviez pas à quel point notre talentueuse chroniqueuse était particulièrement habile pour chaque jour remettre l'ouvrage sur le métier et faire sienne la maxime Shadokienne : plus ça rate, plus ça a de chances de réussir...

     

    Comment bien foirer en choisissant de se dépayser

    Ysiad

     

     

    Face au succès planétaire de la série « foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux », qui se pourrait comparer à la trajectoire fulgurante d’un Jean Dujardin ou à l’essor irrésistible de la boîte de conserve au XIXème, vous avez résolu de raconter à vos lecteurs (qui tapent d’excitation leur oreiller et s’en retournent les pouces d’impatience), le récit de la fille qui s’est méchamment plantée en choisissant la destination la plus géniale de tout le monde entier, à l’occasion de ses vacances de Pâques 2010. Pourquoi Pâques 2010, et pas Pâques 2009 ? Parce que si c’était Pâques 2009, ce serait pas marrant. Et puis la fille en question, c’est pas n’importe laquelle, hein. Non. C’est vous, quoi. The artist. Ben ouais. Bon. Allez, en avant, mauvaise bête, zou, et plus vite que ça, on tire la patte, là, on lambine, on n’a pas que ça à faire, y a tout le linge à sortir de la machine et le chat à nourrir ensuite.

     

    Aussi étrange que cela puisse paraître, ce que vous chérissez par-dessus tout, dans le contexte d’un voyage, ce n’est pas le moment où vous posez un pied en terre étrangère, non, ni celui où l’autochtone se précipite pour vous aider à descendre du chameau et vous ouvre sa porte avec un grand sourire pour une dégustation de thé à la menthe, non, ni celui où vous partez au petit jour en excursion dans la forêt encore trempée de rosée pour entendre le cri du toucan, toujours pas, c’est celui, absolument magique et unique, qui consiste à imaginer tout ce qui vous attend, là-bas, tout là-bas, avant le départ.

     

    Yeux fermés, bien installée au fond du canapé (avec en option un animal de fourrure faisant bouillotte sur votre estomac), vous vous concentrez sur cet instant où tout est encore intact et reste à vivre, cet instant fragile au cœur duquel vient s’inscrire une merveilleuse série de possibles que vous avez entrevus au fil d’un documentaire, et soudain, voici que transportée sous des cieux changeants, vous rêvez à des geysers de vingt mètres de haut, des sources chaudes et des coulées de glace, des déserts blancs et des falaises de lave, des promenades sur une terre rouge d’où jaillit toutes les cinq minutes un jet d’eau chaude, et voilà, de longs panaches de vapeur cernent le canapé et vous transportent en terre d’Islande, vous flottez, là où les sources sont chaudes et où les lacs arborent des bleus que vous n’avez jamais vus nulle part.

     

    Jusque-là, pas de cata, tout va bien.

     

    Et vous avez fort bien fait les choses ! Vous avez pris votre billet cinq mois à l’avance et prévenu le bureau que vous assureriez la permanence à Noël, pour prendre des vacances à Pâques. D’où le slogan inventé pour l’occasion : Noël au burlingue, Pâques en bourlingue, que vous chantez gaillardement en faisant vos photocopies sous le néon de la salle des machines. Votre fille vaillante et dynamique vous accompagne, le voyage sera assurément grandiose, car après le feu et la glace, vous lui avez promis New-York. Dès les premiers jours de janvier, l’Empire State Building fait irruption dans la conversation, et le pont de Brooklyn, et les arbres en fleurs de Central Park, et la Statue de la Liberté dresse un bras vainqueur au-dessus de Hudson River, comme si elle vous disait : Frenchies ! Venez vite !

     

    Tout cela est bien beau et bien glorieux mais il ne faudrait pas oublier qu’il s’agit d’une foirade, n’est ce pas, et que les choses vont prendre un tour légèrement différent quatre semaines avant le départ. N’oublions pas non plus que même si l’Islande ne peut se targuer d’avoir autant de volcans que la France de fromages, elle en a tout de même cent trente qui ne demandent qu’à se réveiller, surtout quand l’occasion s’y prête.

     

    En ce mois de mars 2010, elle s’y prête vachement. Le volcan au doux nom de  

    Eyjafjallajökull (restons poli, hein) a dormi durant 180 ans, la petite sieste est finie, on se réveille, youplaboum, feu ! Paaaaaaf !

     

    C’est le 20 mars. Nous sommes à trois semaines du départ, l’écran de la télé se remplit de fumées noires et blanches, y en a partout, le combiné Reykjavik-New-York a tendance à disparaître chaque jour un peu plus au profit de ce que vous appelez le « truc », faute de pouvoir prononcer correctement cette saloperie d’Eyjafjallajökull, et ce « truc » est d’autant plus énervant qu’il devient la star médiatique du moment, et qu’il n’est pas une radio ou une chaîne de télé ou un journal qui n’en parle et ne nous décrive une situation apocalyptique. Et les jours passent. Et ça empire. Et l’espace aérien ferme. Et les aéroports d’Europe, l’un après l’autre. Et l’agence vous dit que c’est un peu fichu. Et on vous rabâche qu’il n’y a plus aucun espoir de départ. Et on vous dit qu’à moins d’être Haroun Tazieff, vous seriez complètement frappée de partir là-bas avec votre fille. Et le « truc » continue de cracher ses paquets de fumée à l’écran. Et y en a marre. Et si ça continue, faudra que ça cesse.

     

    Noël au burlingue, Pâques en… comment déjà ?

     

    La veille du départ, les vents changent de sens, les avions d’Icelandair n’ont pas peur des particules de cendre, allez les touristes, on embarque ! Une fois dans l’avion, vous êtes tellement soulagée que vous demandez du champagne. Du champagne ? L’hôtesse à tête de viking vous regarde comme si vous aviez demandé les bijoux de la couronne, puis elle vous dit en fronçant les sourcils : Ekkert kampavín. Y en a pas, quoi. Elle vous sert un grand verre d’eau pour vous rafraîchir et un repas chaud, ce qui est exceptionnel sur les lignes d’Icelandair.

     

    Une fois à Reykjavik, le programme est chargé. Durant les visites, vous chercherez désespérément à apercevoir les fumées de l’Eyjafjajallala… le truc, quoi, mais celles-ci resteront invisibles tout le temps du séjour. A défaut de volcan en éruption, vous verrez des poneys sauvages et des lacs céladon, des lagons et des sources chaudes, le parc de Thingvellir, la faille terrestre, des sources chaudes, le petit Strokkur qui explose toutes les six minutes sous un ciel limpide, les chutes d’or, encore des sources chaudes jusqu’à ce que les vents rechangent de sens et qu’il faille tomber du lit un matin par -10°C pour attraper un car jusqu’à l’aéroport d’Akureyri, au nord de l’île, sous un soleil de glace.

     

    Et là, patience.

    L’avion pour Glasgow avant New-York n’est pas encore arrivé. On se calme. On s’assoit. C’est une foirade. On est sur les listes d’attente. Y a du monde. On n’est pas sûrs de pouvoir embarquer.

     

    Vous avez le temps de vaquer à vos occupations pendant que le deuxième volet de cette foirade se rédige.

     


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    La série des 100 derniers jours est terminée (enfin presque car le projet d'édition est toujours d'actualité). Place donc aux affaires littéraires et artistiques dans ce respectable café. Et pourquoi pas commencer par un petit rappel à participer à la onzième édition du concours de nouvelles Calipso. Il reste en effet une cinquantaine de jours pour que les auteurs les plus audacieux, les plus inventifs, les plus entreprenants, les plus ensorcelants, les plus drolatiques, les plus engagés, les plus poétiques...  bref, les plus porte-plume, sortent du bois la tête haute et se retouvent conviés à Nouvelles en fête au Fontanil le 13 octobre prochain.

    Nous avons d'ores et déjà prévu de les accueillir en grande pompe avec notre bande de comédiens, poètes et jurés et de les faire profiter aussi de la compagnie de :

    - Katia Bouchoueva, une slameuse pleine de talent, d'origine russe et grenobloise d'adoption

    - La Jongle des Javas, un excellent groupe de musique, avec Céline Dumas (chant/accordéon), Guillaume Lannoy (contrebasse/guitare/basse), Benoit Rey (accordéon/claviers), Simon Clochard (batterie/percussions)

    - Gilles Bischoff, notre fidèle bluesman harmoniciste.

     

    Alors n'oubliez pas que passé le 30 juin 2012 il sera trop tard pour Sortir du bois  


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    Merci à toutes celles et ceux qui ont animé le café durant ces 100 jours, merci aux auteurs commentateurs et aux visiteurs commentateurs ou non , merci à Lza pour sa participation active chaque matin, merci à Pilgrim - Lastrega - Blanc Chantal - Le Belge- Emma Bovary - Rêveur - Benjamin - Nanou - Claude Masson - Lévitte - Jay - Elodie - Perrette - Bourbier - Ryko - Swiss - Revol - Dominique Guérin - Annie - Victorin - Artotal - Gene - Liliane - Marlène - Maxime Carignan - Adrien D. - Bernard H. - Dominique Hasselmann - Barbara - Huberts - Charier - Mangin - JLM - Chloé...

     

     


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    6 mai 2012  -  23h

     


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    La campagne électorale pour le second tour a pris fin vendredi à minuit, «passée cette date, tout acte de propagande à visée électorale est interdit sur l’ensemble du territoire de la République».

     

     

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    Le sang, c'est la vérité. Il ne dit pas de mensonges quand il sort et ne revient pas en arrière. C'est ainsi que doivent être aussi les paroles, une fois dites, tu ne peux pas les retirer.

     

    Erri De Luca - Le jour avant le bonheur

     


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    BLEU

    Patrick Denys

     

     

    Une étoile bleue était née et depuis, la lumière avait changé dans le ciel et sur les murs de la ville. On disait que cette étoile se rapprochait dangereusement et c’était grande peur. D’un grand froid soudain ou d’un embrasement.

    En des temps plus anciens, le bleu avait bonne réputation : splendeur de la terre vue de là-haut, pureté du ciel après la pluie, bleu « majorel », bleu des yeux… On disait que le bleu faisait miracle sur la peau, on racontait son pouvoir sur les humeurs, on prétendait encore qu’il délivrait de la dépression et éveillait de la torpeur. Mais, des gens plus instruits disaient aussi que le bleu était la lumière des ondes courtes.

    Et  voilà que l’étoile s’est encore rapprochée ; son rayonnement a filtré jusqu’à l’image de nos écrans. A n’y voir plus que du bleu, dans la confusion des formes et du fond. Monstrueux amalgame des pixels, feu d’artifice de la médiamétrie, la confusion terrifiante de toutes les composantes du spectre, le rouge sang des massacres anciens, petits « détails » de l’Histoire, fondu au bleu des matins de naufrage de boat people, grand zapping de l’information, de l’encombrement des péages à la boustifaille des chefs de cuisine… Passé au bleu, le sens des mots : assistés ou démunis, troubles mentaux ou délinquance, intégration ou expulsion, préférence nationale ou fraternité, qu’importe le sens de toutes ces choses. Plus de visage, plus de sujet dans la phrase, seulement des compléments, des compléments d’objet. Et qu’importe la ponctuation nuancée de la couleur des choses. Le grand bleu, c’est l’univers des ondes courtes, de la courte vue.

    J’ai dû faire un mauvais cauchemar. Je me suis réveillé avec une peur bleue. Le bleu « marine ».

     


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    Si le clown était le maître du monde

    Serge Monseillier, compagnon d'Emmaüs

     

     

     

    Si le clown était le maître du monde

    Son habit de lumière éclairerait la terre.

    Si le clown était le maître du monde

    Son nez rouge serait le phare de l’espoir.

     

    Si le clown était le maître du monde

    Ses yeux scintilleraient des feux de l’amour.

    Si le clown était le maître du monde

    Ses grands godillots écraseraient les tyrans.

     

    Si le clown était le maître du monde

    Ses mains briseraient les chaînes de l’opprimé.

    Si le clown était le maître du monde

    Son maquillage éclairerait l’univers.

     

    Si le clown était le maître du monde

    Même les muets chanteraient de joie.

    Si le clown était le maître du monde

    Même les sourds entendraient sa musique.

    Si le clown était le maître du monde

    Toute la terre danserait d’allégresse…

     

    Mais cela ne peut être qu’un rêve

    Car ce monde est bien trop malade

    Pour qu’on respecte une trêve,

    Qu’on laisse un clown diriger la parade

    Qu’on laisse un clown diriger la terre

    Un clown semant la joie et la lumière…

     

    Alors, MUSIQUE !

     

     

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    Du faux travail au vrai chômage

    Corinne Jeanson

     

     

    - Qu'est-ce que vous faites ?

    - On trie les dossiers. C'est le boss qui l'a demandé.

    - C'est quoi ce tas ?

    - Intermittents, intérimaires et Cdd à temps partiel. Direct poubelle, intraitables.

    - Et ce dossier vide ?

    - Musicien. Auteur. Artiste. Journaliste. On a déjà jeté.

    - On en fait quoi de celui-là ?

    - Raoni. Chasseur-cueillir. Nationalité : Brésilien. Il vient d'Amazonie.

    - Il est arrivé en pirogue ? Et il fait quoi en France ? Il a des papiers en règle ?

    - Refuge politique. Inattaquable.

    - Avec sa peinture rouge sur la figure ? Et puis chasseur-cueillir, c'est quoi ce travail ? Et là c'est quoi ?

    - Des profs et des infirmières. Dans le dernier projet de loi, ils vont réduire le nombre de fonctionnaires. Ils partent déjà pour le privé.

    - Les ex-fonctionnaires vous oubliez. Et là ?

    - Secteur associatif subventionné. Poubelle.

    - Il reste quoi ?

    - On a éliminé les plus de cinquante ans, les moins de vingt-cinq sans expérience significative.

    - Significative ?

    - Tous ceux qui prétendent avoir fait des stages.

    - Il reste quoi ?

    - Ces trois dossiers : fin de CDD à temps plein, CDI licenciés pour raison économique ou pour faute, .

    - Faute ?

    - Uniquement les fautes graves. Les autres, on a peur que ce soit un arrangement pour toucher le chômage. En résumé, sur nos 1 800 dossiers, on en a gardé 200.

    - Ben, ça va nous donner moins de travail.

    - Chef, on a terminé le tri. 200 dossiers à traiter.

      C'est-à-dire ?

    - On a éliminé tous les faux travailleurs, on a gardé ceux qui avaient déjà eu un vrai travail.

    - Comment ça ? Vous n'avez pas compris les instructions. C'est pourtant clair, on doit trouver un vrai travail aux chômeurs. Vous pouvez recommencer à zéro.

     


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