• Sous le signe du poisson

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    Peut-on imaginer un seul instant qu'Ysiad, enfin parvenue à l'ouest, se satisfasse d'une petite virée en mer et de quelques ablutions en compagnie d'une poignée d'alevins ?

     

    Comment vraiment bien foirer à Cuba

     

    La péninsule de Guanahacabibes est un endroit du bout du monde, où le slogan crétin qui proclame que « foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux » ne saurait avoir sa place !

    A moins de le faire exprès, comment pourrait-on se planter dans un endroit pareil ? En dehors des aigrettes et des crabes qui le peuplent, et de quelques plongeurs professionnels qui passent leur journée à admirer les évolutions des tortues et des poissons ballons, personne ne s’aventure sur ce bout de terre sauvage complètement à l’ouest de l’île de Fidel… A l’exception toutefois de deux gauloises avec palme, masque et tuba, qui veulent elles aussi explorer les récifs, nom d’une étoile de mer !

     

    Le premier jour de votre arrivée sur la péninsule, vous vous enquérez de savoir auprès d’Ernesto, le commandant du bateau, s’il serait possible que votre fille et vous montiez à bord avec les plongeurs pour observer les beaux poissons filant entre les beaux coraux et les belles algues aux reflets verts et bleus qui ondoient comme les chevelures des sirènes dans les livres illustrés. Après vous avoir jaugées de pied en cap, Ernesto vous demande si vous savez nager et comme vous hochez la tête dans un bel ensemble pour indiquer que c’est le cas, banco, c’est d’accord, on vous embarque, allez, n’oubliez pas votre équipement de super-grenouille, vous allez en avoir besoin pour observer le monde marin…

     

    Le bateau quitte la côte et voilà que vous êtes émue, accoudée au bastingage, car enfin, rien ne vient troubler à vos yeux ébahis le spectacle émouvant d’une côte vierge. Pas un immeuble. Pas une maison. Pas une âme. Et pas un bureau de tabac. Seuls quelques palmiers, entre le bleu du ciel et celui de la mer. Vous êtes bien, si bien que vous goûtez l’instant en rappelant à vous des vers anciens que vous récitiez naguère, dos au tableau, et qui renforcent l’extraordinaire sensation d’isolement sauvage qu’il vous est donné d’éprouver. Cependant la réalité vous rappelle à l’ordre, le bateau s’arrête et laisse filer son ancre, les plongeurs se préparent à plonger, on distribue les bouteilles d’oxygène ; il est temps d’enfiler palmes et masque et d’emboucher votre tuba. A peine avez-vous le temps d’entendre : Cuidado a los tiburones ! que vous avez déjà sauté dans l’eau, et comme votre espagnol remonte aux années où vous portiez des couettes, le mot de « tiburon » résonne à votre esprit comme une délicieuse marque de nougat.

     

    A chaque fois que votre fille aperçoit un poisson, elle vous le montre en pointant son doigt entre les récifs. Comme ils sont gracieux, ces poissons aux longues nageoires, comme ils sont chatoyants, ces poissons arc-en ciel et comme ils sont mignons, ces petits poissons ronds ! On dirait des gommettes ! Ah mes agneaux comme elle est belle, la faune marine, et comme il est trognon, ce gros dauphin gris profilé comme une fusée, qui passe un peu plus loin comme un vaisseau tranquille ! Votre fille, qui l’a vu aussi, n’est pas de cet avis ; elle vous pince le gras du bras, s’agite, et ses yeux écarquillés derrière le verre du masque expriment tant d’effroi que vous ne pouvez rien faire d’autre que lui emboiter la palme. Direction le bateau à grands battements de pieds, de votre vie entière jamais vous n’avez nagé aussi vite. Ernesto récupère à son bord une grenouille pantelante, une deuxième, et c’est à peine si vous sentez, de retour sur le ponton, encore toute à votre frayeur, le chariot des bouteilles d’oxygène qui vous écrabouille le pied. Quand on s’appelle Ysiad, on attend le moment où l’on vous bande la cheville à l’infirmerie pour réaliser qu’au fond, on s’en tire bien, on aurait pu servir de casse-croûte au requin.

     

    La suite au prochain numéro (faut pas abuser des bonnes choses)

     


  • Commentaires

    1
    Samedi 8 Octobre 2011 à 14:25

    Quand on s'appelle Ysiad, spécialiste de la foirade toutes catégories, même si on ne sait plus ce que tiburones veut dire, le seul mot de cuidado aurait dû t'inciter à rester sur le bateau. Du moins à remonter en vitesse après l'avoir entendu.

    Ce qui n'aurait pas évité l'écrabouillement des ripatons, j'espère.

    Pour le bureau de tabac, tu n'as pas pu t'empêcher, hein.

    Bon, je n'ai pas épuisé mon quota de rigolade, je vais aller lire la suite.

    2
    Samedi 30 Juin 2012 à 09:16

    Belle balade en mer (avec les dents) et retour sur le pont. Un remontant s'impose (Cuba libre) !

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