• A propos... du temps des cerises


    C’est avec quelques jours de retard que nous publions la chronique mensuelle de Gilbert Marquès " A propos de… " On pourrait vous dire que c’est la faute à la Crise mais on aurait tôt fait d’apprendre qu’au café on pensait plutôt à la fête ces derniers jours…

     

     

    Une chanson exaltait jadis le temps des cerises…

    Aujourd'hui, les médias brodent à l'envie sur la crise…

    Ce pourrait être le début d'un poème satyrique aux accents pamphlétaires même si pour toute nourriture, il reste de la cerise seulement le noyau. Malgré tout, le planter peut donner naissance à un nouvel arbre qui avec de la patience, du temps, de la persévérance mais aussi un peu d'amour accompagné d'eau fraîche, sera susceptible d'offrir quelques fruits.

    Un proverbe prétend qu'à quelque chose malheur est bon. Il implique ainsi théoriquement que des enseignements peuvent être tirés de cette crise que nous subissons afin d'éviter qu'à l'avenir, pareil phénomène se reproduise. Je suis sceptique. L'histoire prouve en effet que l'homme, depuis son apparition, se montre inapte sinon incapable d'approfondir le passé afin de ne pas recommencer les mêmes erreurs. Si tel avait été le cas, guerres et famines auraient disparu depuis longtemps. Cependant, l'intérêt particulier primant sur l'intérêt général, défaut atavique de l'esprit humain, le chaos règne sur la planète.

    L'homme n'est pourtant pas si bête qu'il ne puisse faire preuve de suffisamment de discernement ou de lucidité pour lui permettre de se sortir des pires situations. Il le peut d'autant plus facilement aujourd'hui s'il le veut, qu'il a à sa disposition des outils prévisionnels pouvant l'aider dans ses analyses. Ne procède-t-il pas à des études de marchés ? Mais à toute raison s'opposent cupidité et pouvoir, deux armes délétères impossibles à maîtriser jusqu'à ce qu'un accident de parcours l'oblige à réagir autrement.

    Alors, curieux, j'ai voulu savoir ce que disait mon dictionnaire à propos du mot CRISE. Si j'excepte les significations médicales, j'en trouve trois autres selon le Larousse Lexis. Je les cite :

    1/ Période difficile dans la vie d'une personne ou d'une société, situation tendue, de l'issue de laquelle dépend le retour vers un état normal.

    2/ Manque de quelque chose sur une vaste échelle

    3/ Rupture périodique entre la production et la consommation.

    Chacune de ces définitions correspond à ce que nous vivons depuis quelques semaines au présent. Elles entraînent immanquablement quelques questions.

    - D'abord, qu'est-ce qui peut être considéré comme un retour à l'état normal ? Celui qui existait avant les crashes boursiers où l'argent roi enrichissait les riches et appauvrissait les pauvres ? Ou bien celui de l'idéal révolutionnaire de 1789 ayant donné la devise "Liberté - Egalité - Fraternité" et resté à l'état utopique ?

    - Ensuite, que manque-t-il sur une vaste échelle ? L'absence soudaine de liquidités mais dans ce cas, d'autres crises bien plus graves comme la faim dans le monde, sévissent depuis bien longtemps sans que nul ne s'en émeuve sinon au moyen, parfois, d'actions humanitaires ponctuelles. Ce sont des endémies qui n'ont pas de répercussions planétaires. Que des pauvres meurent de faim n'est pas en soi un événement si important qu'il vaille de s'y intéresser mais lorsque les bénéfices des grands fortunés sont amputés de quelques millions spéculatifs, il faut immédiatement tirer la sonnette d'alarme et ameuter les populations.

    Il y a dans cette réaction quelque chose que je ne comprends pas. La bourse ne s'apparente-t-elle pas à un jeu ? Elle a ses propres règles et comme dans toute partie de poker, il y a des gagnants et des perdants. Pourquoi faudrait-il que les perdants soient mauvais joueurs en exigeant réparation de leur malchance alors qu'ils sont les seuls fautifs ?

    - Enfin, la rupture périodique d'équilibre entre la production et la consommation qui détermine la crise financière, est consommée depuis longtemps. Elle a commencé depuis la fin des années 1950, lorsque les banques n'ont plus à assurer leurs avoirs par la contrepartie or. Dès lors, monnaie a été battue à tort et à travers pour favoriser le développement économique, autant dire compensée par du vent. La spéculation s'en est mêlée au point que l'argent virtuel s'est finalement suffi à lui-même pour s'auto-produire, indépendamment de la production et de la consommation et donc de l'humain. Tout s'est joué ces dernières décennies sur des théories et non du concret : travail, biens, thésaurisation. On se rend compte aujourd'hui que tout ce que nous croyions avoir gagné n'a aucune valeur. Le marché de l'immobilier s'effondre et à part se consoler en disant avoir un toit sur la tête, il n'est plus négociable pour éventuellement dégager des fonds sauf à le brader. Ainsi le robinet des crédits est-il brusquement coupé pour avoir été trop longtemps ouvert trop généreusement de façon inconsidérée. Résultat ? L'inévitable récession même si les gouvernements se refusent à employer ce terme et se veulent rassurants. Pour ce faire, ils injectent des sommes colossales pour tenter d'enrayer le processus de dégringolade en empruntant eux aussi mais... à qui ? Aux banques ? Elles sont exsangues ! Aux particuliers ? Sans aucun doute et non par un appel à la générosité publique mais par l'impôt de sorte que cet argent a priori destiné à d'autres secteurs fera tôt ou tard défaut pour aider les populations à mieux vivre. D'une manière ou d'une autre, le peuple contribuera contre son gré à creuser plus encore le fossé qui sépare les différentes couches de la société si l'attitude des autorités se borne essayer de sauver de la ruine ce qui est déjà délabré.

    Au temps des cerises, un foyer dépensait ce qu'il gagnait. Depuis, les états comme le simple quidam vivent au-dessus de leurs moyens, souvent en empruntant au bout du compte plus qu'ils ne perçoivent et ne peuvent par conséquent rembourser d'où la spirale du surendettement. Pour reprendre une expression populaire, nous avons tous voulu le beurre, l'argent du beurre et la crémière en prime. Cette fuite en avant vieille d'environ un demi-siècle, ne pouvait pas se poursuivre sans risque. L'histoire qui se répète, présente la note.

    Ne serait-ce pas cette fois les vrais prémices de la chute du capitalisme libéral après une lente érosion des valeurs monétaires et marchandes ? Depuis quelques décennies, l'argent ne naît pas de l'échange mais en tant qu'entité hermaphrodite, s'auto produit au travers des marchés boursiers sans aucune contrepartie. Ainsi est apparue une hydre de plus en plus gourmande au point qu'elle finit aujourd'hui par ressembler au serpent qui se mord la queue et que son insatiable faim entraîne à se bouffer entièrement. La bestiole a les tripes à l'air et le phénomène semble irréversible malgré les plans de sauvetage lancés en urgence. Il s'étend vers tous les pays réputés riches. Les banques sautent les unes après les autres de sorte que les gouvernements vont exploser avec s'ils ne modifient pas rapidement leur stratégie. Va falloir à un moment ou à un autre et ce le plus rapidement possible, qu'ils aillent chercher le fric où il se trouve s'ils ne veulent pas sombrer au niveau des pays les plus démunis. Même si c'est malheureusement catastrophique pour les peuples qui n'ont pas su non plus réagir notamment en votant pour des gens tels que les dirigeants des vieux pays réputés développés, c'en est peut-être fini de l'économie basée sur le seul profit financier qui a pris les peuples pour des quantités négligeables. Va certainement falloir compter maintenant avec le facteur humain pour de bon et revoir de nombreuses ambitions grandioses à la baisse. Va falloir s'occuper des gens car sans eux, pas de salut possible et si les grands argentiers continuent à les ignorer, ils ont du souci à se faire pour leur avenir qui n'est plus tout tracé même s'ils essaient de sauver les meubles. Serait temps que les vrais responsables de toute cette chienlit paient pour leurs manipulations, les politiques compris qui ont fermé les yeux sur ces agissements souvent d'ailleurs parce qu'ils ne pouvaient pas faire autrement puisqu'ils étaient aux ordres des économistes quand ils ne les ont pas favorisés en étant partie prenante.

    Voilà qui commence à ressembler à la morale de l'arroseur arrosé, non ?

    Aussonne, le 16 octobre 2008

    Gilbert MARQUÈS


  • Commentaires

    1
    Lastrega
    Samedi 23 Août 2014 à 18:33
    Oui, tous ces beaux parlementeurs, les guignols de la communication, les bluffeurs qui nous représentent, les verboristes de l'intox, va bien falloir qu'ils arrêtent leurs démagobillages et leurs franchementeries, et qu'ils s'arrangent pour rétablir une certaine égalité, pour que les plus humbles d'entre-nous qu'on refuse d'écouter, le soient un peu moins.
    Oui, Monsieur Marquès, votre texte traduit bien notre société de dérive.
    2
    ysiad
    Samedi 23 Août 2014 à 18:33
    "Serait temps que les vrais responsables de toute cette chienlit paient pour leurs manipulations" : Bien d'accord !

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