• A corps perdu

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    R.E.V.E.N.I.R. C'est avec ces sept lettres piochées au Scrabble que Françoise Guérin, virtuose du mot compte double, mettait fin à la cécité de son héros Eric Lanester, criminologue parisien des plus en vue. Cinq longues années ont été nécessaires pour que le succès soit digéré et la promesse tenue. 

    C'est entre deux séances de cure analytique et dans le moment où il s'interroge sur la pertinence de son engagement dans la police que notre homme est rappelé aux affaires. Une série de disparition de jeunes filles présentées comme anorexiques met les autorités en émoi. Pour un expert en chair suppliciée, pas de quoi se lécher les babines ni saliver à l'idée de renifler une belle scène de crime, car de restes, il n'y a point. On sait combien les profilers sont attachés au détail qui tue mais Eric Lanester a été élevé à la sauce analytique et, à la lecture de rapports de gendarmerie comme aux prélèvements de larmes, de sang ou de bile, il préfère élaborer une anamnèse fondée sur les événements réels ou imaginaires rapportés par les témoins.

    L'ennui est qu'une multitude de problèmes viennent parasiter ses investigations. On y trouve pêle-mêle les pesanteurs de l'administration, les lourdeurs de la hiérarchie, les caprices des collaborateurs, les dérives comportementalistes, les secrets de famille, les amours contrariés avec une belle, les démêlés avec un animal de compagnie, les relations d'attirance-répulsion avec un commandant de gendarmerie tout feu tout flamme et, cerise sur le gâteau, le manque à parler avec son analyste.

    Comme la plupart des protagonistes de cette histoire, Lanester a la tentation du renoncement. Le coeur n'y est pas et une angoisse s'est fixée au creux de son ventre. Il se sent vaciller, évite de mettre les mains à la pâte, laisse ses subordonnés cuisiner les témoins et la gendarmerie avaler des couleuvres. Sa mission part dans tous les sens, un rien lui donne la nausée et tout bien pesé, il se laisserait volontiers fondre dans l'anonymat, voire se liquéfier comme ces jeunes filles anorexiques, avec la tête en pagaille et plus de corps.

    On l'aura compris, il ne s'agit pas d'un "polar psychologique", mais tout à la fois d'une lecture policière d'un drame humain, d'une chronique sur les institutions psychiatriques et d'un abrégé de l'expérience analytique. L'appétit perdu de Lanester nous rappelle qu'un corps, ça parle et qu'il est vain de vouloir le soustraire au regard de l'autre. Reste à savoir, et c'est la question qu'implicitement Françoise Guérin nous pose,  jusqu'à quel point nous sommes disposés à nous laisser croquer sans mot dire et jusqu'à quel état de dénuement nous pouvons aller dans notre quête d'amour sans risquer de disparaître à jamais ?

     

    Cherche jeunes filles à croquer de Françoise Guérin aux éditions Le Masque, 395 pages, 19 €


  • Commentaires

    1
    Samedi 10 Novembre 2012 à 18:03

    Voilà qui met l'eau à la bouche. Une autre aventure de Lanester, par une belle plume! A mettre sur la liste des cadeaux de fin d'année.

    2
    Samedi 10 Novembre 2012 à 20:31

    Excellente idée Danielle, l'appétit vient en lisant !

    Mais non, M, on peut le déguster depuis le 2 novembre...

    3
    Vendredi 16 Novembre 2012 à 09:44

    Oh, voila une idée de lecture tout à fait intéressante ! Merci!

    4
    M le
    Samedi 23 Août 2014 à 18:06

    Parution le 2 décembre, semble-t-il. Can't wait!

    5
    M le
    Samedi 23 Août 2014 à 18:06

    Merci de la précision, Patrick. C'est le soleil d'Austerlitz qui m'aura éblouie...

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