• Un jouet

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    Un jouet

    Dominique Chappey

     

     

    – Allo, Capitaine, tout va bien à la caserne ?

    On dit mon capitaine. Abruti !

    – On ne peut mieux, Monsieur le Comte, que me vaut le plaisir ?

    – Bientôt fin mars et je ne vous ai toujours pas remercié pour la Noël, je suis impardonnable.

    – Je vous en prie Monsieur le Comte, c’était un plaisir.

    – Enguerrand a adoré son camion de pompier, il en parle encore.

    – Vous savez que je ne peux rien vous refuser.

    – Oui, je sais, je sais. Il vous l’a rendu en bon état, j’espère ?

    – Pensez-vous ! Pas une égratignure.

    Le pare-brise, les vitres à changer, une peinture complète et deux ailes à redresser, il en a bien profité, le fils à papa.

    – Parfait, parfait ! Justement, samedi en huit, Enguerrand organise un petit raout avec ses amis du patronage ! Vous savez à quoi j’ai pensé ?

    Qu’est-ce qu’il a encore imaginé, l’idiot à particule ?

    – J’avoue mon ignorance, Monsieur le Comte.

    – En ce moment, Enguerrand est très petits soldats, gendarmes et voleurs. Qu’est-ce que vous voulez, il faut bien qu’adolescence se passe. Alors pour le changer un peu de ses écrans d’ordinateur, un fourgon de police serait parfait. Mais entendons-nous ! Seulement à titre provisoire, comme pour le camion de pompier.

    Ben voyons, juste le temps pour l’héritier du domaine de passer ses nerfs dessus, j’imagine déjà le résultat.

    – C’est que, voyez-vous, la police est un peu en dehors de ma juridiction. Caserne de pompiers, je peux jouer avec la ligne. Commissariat de police, c’est une autre affaire.

    – Allons ! Allons ! Fourgon rouge, fourgon blanc, c’est juste la couleur qui change. Vous savez ce que c’est, hein ? Blonde, brune. Blanche, noire. Majeure, pas majeure. Une question de point de vue en somme. Comme sur des photographies d’art où au beau milieu de la composition, on ne verrait que vous avec votre képi sur la tête… Tout dépend où se porte notre attention.

    Merde…

    – Oui, bien sûr. En y réfléchissant, il y aurait bien la Compagnie de CRS, à côté de la caserne.

    – Les CRS ! Ils ont des fourgons, eux aussi ?

    – Oui, Monsieur le Comte, qui ressemblent beaucoup à des fourgons de police.

    – Parfait, parfait ! De toute façon, Enguerrand n’y connaît rien. Et puis c’est juste pour s’amuser, il ne fera pas la différence. Alors, on dit samedi 16 h. Vous passez par les communs et vous le laissez dans la cour, comme d’habitude. Au plaisir, Capitaine, mes hommages à Madame !

    Mon capitaine, on dit mon capitaine. Dégénéré !

     

    Brève, 18 mai 2014

    Un fourgon d’une compagnie de CRS basée à Vaucresson (Hauts de Seine) s’est mystérieusement volatilisé alors qu’il était garé dans l’enceinte sécurisée de l’unité. Les policiers ont dû inscrire le fourgon au fichier national des véhicules volés, une enquête interne a été ouverte.


  • Commentaires

    1
    danielle
    Samedi 23 Août 2014 à 17:57

    J'adore les dialogues. celui-ci vaut son pesant d'or ! Le petit diable, il ne pourrait pas se contenter d'une gyrophare. Il lui faut la totale !

    2
    possety
    Samedi 23 Août 2014 à 17:57

    Génial, on s'y croirait ! Un camion contre un carrosse et on change d'époque, mais les nantis, quels qu'ils soient font toujours les mêmes caprices !

    3
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 17:57

    !Les gens ordinaires ne comprennent pas que nous, les  aristocrates, ne respirons pas le même air qu'eux.   A nous, tout est permis. Et si nous leur octroyons volontiers du travail, il ne faut pas qu'ils s'imaginent recevoir de l'argent en sus!

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