• Transit 22

    Elle était en retard et sa poitrine battait encore la chamade lorsqu’elle entra dans le compartiment. Après un rapide coup d’œil sur les voyageurs, elle avait pris place en face de lui, côté fenêtre, en sens inverse de la marche. La course l’avait mise en chaleur et pour échapper aux regards, elle ferma presque immédiatement les yeux. C’était un de ces jours heureux où l’on s’imagine être au premier matin du monde. L’air était doux, encore pailleté des étoiles de la nuit. Il lui semblait que le train ne transportait que des gens occupés à parvenir à bon port et il remercia le ciel de lui avoir accordé une compagne de voyage aussi lunaire que lui. Il aimait les femmes qui voyageaient seules en train. Il se disait qu’elles y montraient volontiers le meilleur d’elles-mêmes. Jamais il n’avait forcé un regard. Il se contentait de laisser aller le flot de vœux qui coulaient du cœur et sans faire de bruit attendre que les prunelles se mettent au beau. 

    Peut-être s’était-il assoupi quelques instants, ébloui par la seule attente. Une légère rosée avait enveloppé ses paupières. On avait quitté le pays pour un autre et en chemin le paysage s’était altéré. Le ciel charriait des tourbillons de nuages enfermant la lumière dans des grelots d’argent. Une multitude de petites étincelles, portées par le vent, venaient pleurer sur les vitres du compartiment. Le train tout entier tanguait, ébranlé par le relâchement des rails.

    Elle ne s’était pas réveillée, enfouie dans la touffeur épaisse d’un rêve. Sur ses lèvres bruissait une horde de personnages aux contours bourgeonnants. De sa chevelure parfumée à l’encre bleue il voyait s’ouvrir les perles de la féminité. Sa peau, devenue perméable à l’eau, entamait une troublante métamorphose. Son corps tout entier ne tarda pas à baigner dans une mousse finement duvetée. Dehors, le ciel avait basculé et le train était parti en oblique à la suite d’une nuée de papillons géants. A son tour, il avait senti ses poumons se gonfler d’eau et alors que le train s’éloignait rapidement de la terre, elle avait pris congé, le laissant seul à la lisière des astres, dans une étroite courbure du temps.


  • Commentaires

    1
    Lundi 24 Août 2009 à 23:30
    Merci Sardine pour ces quelques mots qui jaillissent enfin de votre boîte... Mais dites voir, pourquoi diable pensez-vous qu'ils ne veulent rien dire....
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    2
    Vendredi 28 Août 2009 à 12:23
    Sardine, si tu n'aimes pas et c'est ton droit,  dis-le en toute simplicité. Pas besoin d'agresser, d'en faire des tonnes. Et pourquoi ne pas aller voir ailleurs puisqu'apparemment, rien ne te convient ici ?
    3
    Vendredi 28 Août 2009 à 19:51
    Merci Chantal, merci Laurence, merci Danielle, merci Ysiad, merci a celles et ceux qui rêvent encore.
    Bon voyage sardine, les océans vous sont grands ouverts...
    4
    sardine
    Samedi 23 Août 2014 à 18:28
    Des mots mis bout à bout...
    5
    chantal blanc
    Samedi 23 Août 2014 à 18:28
    J'aime ce rêve tintinnabulant qui s'ennuage alors que la fée s'est arrêtée dans le temps d'un autre monde pour jouer de sa baguette...
    6
    chantal blanc
    Samedi 23 Août 2014 à 18:28
    J'aime ce rêve tintinnabulant qui s'ennuage alors que la fée a fait escale dans le temps d'un autre monde pour jouer de sa baguette étoilée...
    7
    sardine
    Samedi 23 Août 2014 à 18:28
    Mouais ou alors : j'aime ce rêve tinnabulant au Tibet avec sa gouaille percée de mille reflets d'azur tamisé. Dans la fraicheur de la neige éclatée d'éclair saillants sur la grève brune de ses épaules embrigadées de musc et de chien-dent...
    Je sais ça veut rien dire. Donc ce doit être magnifique, non ?
    8
    chantal blanc
    Samedi 23 Août 2014 à 18:28
    Pourquoi, Sardine? Moi, je trouve de la force dans vos mots (qui ne veulent rien dire pour vous...) force et vie. Il suffit de fermer les yeux pour visualiser couleurs et mouvements et se laisser emporter par le rêve et la poésie de Patrick, quiconque peut continuer d'imaginer une suite infinie...?
    9
    Laurence M
    Samedi 23 Août 2014 à 18:28
    " Des mots mis bout à bout"  . Il me semble qu'une phrase n'est rien d'autre qu'une succession de mots mis bout à bout ! Ceux de Patrick sont délicatement agencés et cela forme de très  jolies phrases.
    10
    chantal blanc
    Samedi 23 Août 2014 à 18:28
    Bien sûr, tout écrit est composé de mots bout à bout, par exemple :"les pommes de terre rigolent sur le cerisier fané"? J'exagère...
    11
    sardine
    Samedi 23 Août 2014 à 18:28
    Non, l'oeuvre littéraire n'est pas faite de mots mis bouts à bouts. Tout comme la musique n'est pas faite de morceaux de bruits, ou la peinture de taches de couleur posées ça et là sur la toile. C'est parce qu'il y a trop de pseudo amateurs qu'il y a tant de pseudo artistes. Arrêtons donc d'encourager à la production d'écrits qui n'ont aucun sens, qui se nourrissent de formules et d'expressions opaques. Halte à ce snobisme littéraire. La richesse n'est pas là, elle est dans la simplicité, la pureté qui font la force de l'expression écrite. N'encourageons pas aux gribouillages de mots, si extravagants soient-ils. Redonnons aux récits la force et la beauté qu'ils méritent. Et arrêz de vous émouvoir devant des séries de mots qui ne veulent rien dire.
    12
    chantal blanc
    Samedi 23 Août 2014 à 18:28
    Bien sûr, vocabulaire, syntaxe, orthographe, grammaire, ponctuation, figures de style et encore plus...et l'âme, et l'unicité de l'écrivant avec sensations, sentiments, connaissances, expériences, imagination et encore...
    Et puis, il y a des cris, des couleurs, des césures...
    Ce texte m'a fait "vibrer" doucement, O.K. ce n'est pas du V. Hugo, ni du Baudelaire, ce n'est pas du Mozart, ni du Haydn, ce n'est pas du Monet, ni du Vermeer...
    Prévert, Pérec, Satie, Moussorsky, N; de Staël, Picasso ont rompu avec l'harmonie pour mieux faire vivre leurs émotions, pris au hasard de ma pensée, tous ceux-là me plaisent différemment...Je comprends votre réticence cependant. Emotion, intelligence et santé équilibrées font peut-être la beaut pure...?
    13
    ysiad
    Samedi 23 Août 2014 à 18:28
    C'est un texte onirique d'où s'échappent des images. Le train est un lieu où l'être humain rêve, il suffit de traverser les voitures pour le constater. Le rêve est un récit composé de mots et d'images mis bout à bout, j'ai lu ce texte sous cet angle sans chercher à m'interroger sur son sens.
    14
    chantal blanc
    Samedi 23 Août 2014 à 18:28
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