• Sortie de bain

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    Un petit retour aux 100 premiers jours après la fin du monde avec cette chronique de Jean-Luc Lapoule qui nous arrive avec le printemps.

     

    La piscine et le voile intégral

    (les pours, les contres, tout le monde dans le même bain)

    Jean-Luc Lapoule



    Voilà.

    La France avait ce qu'elle méritait.

    Une population entièrement voilée qui circulait dans les rues grises des villes jusque dans les campagnes boueuses. Des nicabes gris pâles aux reflets mats erraient tout le jour, qui protégeaient le corps des femmes, qui protégeaient le corps des hommes. La fente au niveau des yeux n'existait plus. A la place, cet oeil unique scrutant le monde extérieur transmettait sa vision sur écran plat, qui guidait l'être à l'intérieur.

    Tout avait commencé avec ce problème de piscine.

    Une défaillance dans l'organisation, trop de remous, une tension insoutenable qui finit par envahir le débat public. Elles étaient devenues incontrôlables, tout bouillonnait et les premières explosions avaient fait basculer la population vers cet extrême et dérisoire recouvrement du corps pour seule protection du souffle démoniaque...

    Le voile avait suivi son temps.

    Il était maintenant plus confortable qu'avant, mais plus lourd aussi. Sa toile renforcée de plomb tombait toujours aussi hideusement sur l'humaine silhouette qui marchait. Dessous, il nous restait la liberté d'une intimité maladive, qui s'exprimait par des tenues extravagantes et sophistiquées (la plupart du temps sous forme de lingerie mixte, que je ne peux décrire ici, par pudeur).

    La piscine était devenue un mot tabou.

    Elle n'était pas bien sûr à l'origine de la catastrophe. Elle n'était que le chainon défaillant de tout un système mort-né, mais dont l'accouchement avait duré plus d'un siècle. Et nous, pauvres enfants impuissants, ne pouvions que nous protéger de notre irresponsable Mère-Patrie. Aucune fugue n'était possible : les drones nous attendaient dans la fosse frontalière et nous tiraient comme des lapins.

    Des slogans rythmaient nos vies.

    "La myxomatose ne passera pas" pouvait-on lire dans le ciel quand passait un drone publicitaire de l'union pan-européenne.

    "Porte le nicabe, soit pas macab" était placardé sur toutes les façades des bâtiments publics.

    "Dieu nous sauverâ du fléau" était peint devant les temples, les églises, les synagogues, les mosquées et les gymnases à prière.

    "5e République, 6e République, 7e République... Nique les R !" était taggué sur les vaches et les tracteurs qui se désossaient tous deux dans les prés gras et verts.

    "Ne sortez que pour les soldes" pour seule affiche commerciale en 4 par 3.

    Quand arrivait le soir, les nicabes prenaient leur douche, avec nos bottes.

    A peine extirpé du voile une fois rentré, presque nus et tout blafards, nous nous précipitions sur le tableau de bord pour augmenter au maximum notre chauffage, nos éclairages, nos écrans, nos enceintes, nos fours, nos frigos, nos accessoires, nos recharges de téléphone, nos fermetures automatiques des portes et volets, nos alarmes, nos relais d'oxygène, nos extractions phréatiques, nos brosses à dent électriques... Mais La coupure retenait le précieux jus au bout de quelques minutes tel un garrot trop serré. Pas de veine, la pompe centrale ne marchait plus. Nous restions encore en manque d'énergie. La cure allait être longue, longue, longue et douloureuse.

     


  • Commentaires

    1
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:01

    Le Paradis, quoi...

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