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    Bientôt l’été et le numéro 200 du café littéraire.

    Et si, une fois encore c’était le lecteur qui, entre deux gorgées de mots, y allait de ses propres souvenirs, de sa part de vérité, de son lot de fantasmes, de ses errances et découvertes, de son jeu de questions éternelles, de ses mises à l’épreuve, de son désir d’y comprendre quelque chose, de sa soif d’être et de faire connaissance, de son goût pour l’utopie, de ses ruptures avec la langue de bois, le ressentiment, la haine, de son attraction pour les bouquets de poèmes, de ses attentes déçues ou fêtées, de ses regrets obstinément commémorés, de ses moments de chagrin remis à plus tard, de son retour dans l’intimité du vivant…

    Bref si le lecteur se prenait à parler de ce point où nous nous sentons parfois bien obligés d’inventer pour se mettre à l’abri du rien…

    Récits, poèmes, réflexions, dessins, photos sont les bienvenus pour célébrer la saison à venir.

    assocalipso@free.fr


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    Une nouvelle de Patrick Essel


    Pendant dix sept ans je n’ai jamais rien fait pour me rappeler. Je n’aime pas les souvenirs. Même quand je n’arrive pas à dormir, j’évite de me raconter des histoires. Les souvenirs les plus lointains sont les pires. Cela ne ressemble plus à rien : visages embarrassés, voix hésitantes, odeurs trompeuses, phrases énigmatiques, comment peut-on appeler ça mémoire ? Ce ne sont que de pauvres miettes, des flétrissures, des parasites ou alors des mauvaises pensées.

    C’est cette fouineuse d’Angéla qui a eu l’idée de me faire revenir sur les traces de mon passé. Je ne sais pas comment elle a eut vent de mes démêlés avec ma femme mais cette voyante a débarqué un jour à mon bureau sans que je ne puisse rien empêcher.

    - Personne n’aime baigner dans le jus, a-t-elle prétexté, et encore moins un homme marié, mais rassurez-vous, j’ai très certainement la solution.

    Elle a tout de suite sorti de son sac les tarots, les osselets, les coquilles d’œufs, les marcs, les fioles et quelques poils de bête d'un autre âge, bref tout l’attirail de l’exorciste. J’ai fait la mine de l’homme sceptique et me suis mis à regarder longuement la pointe de mes chaussures en marmonnant des âneries sur les marabouts.

    Je ne sais pas comment elle s’y est prise pour me prendre les mains mais je n’ai rien dit et j’ai très vite compris. Elle connaît l’enfer comme personne.

    - Du sable s’écoulait lentement entre ses cuisses, s’insinuant entre les poils dorés, elle était prête, pleine de sel, de mousse et de remous... a t-elle commencé à raconter, comme si elle y était.

    - Elle prend votre main, vos yeux tourbillonnent, vos viscères vous étranglent, vous criez d’une voix sèche mais elle ne vous entend pas ; ses lèvres sont gonflées, elle s’étire, elle vous attire, elle soupire, elle s’épanche, elle s’entrouvre... vos doigts s’engluent dans une mousse amère...

    - Non ! C’est faux ! Il n’y a jamais rien eu de tout cela ! Qu’est-ce qui vous fait penser que ces révélations me concernent ? J’ai en moi tellement de sales histoires qui ne m’appartiennent pas. Et qu’est-ce que tous ces suintements ont à voir avec mes pannes d’aujourd’hui ? 

    - Je n’invente rien, affirme-t-elle après chaque investigation, tout ce que je vous rapporte m’a été révélé ; dans cette affaire, il n’y a que vous et l’autre fille, celle de la plage, celle que vous avez repoussée, celle qui est aujourd’hui avec le gynécologue ; lui aussi, il la déçoit, mais allez savoir pourquoi, c’est sur vous qu’elle se venge. Je peux même vous donner tous les détails de l’envoûtement, souffle-t-elle pour finir de m'ensorceler.

    C’est vrai qu’elle n’invente rien. Elle me guide maintenant depuis près d’un an. Dieu merci, elle sait parfaitement voir dans les ténèbres et connaît ce qui est bon pour moi. Elle veille avec miséricorde sur mes souvenirs les plus turbulents et me dit de ne pas m’en faire et d’aller de l’avant. Seulement il y a des jours où je sens que les choses vont mal tourner et que quelqu’un va y laisser sa peau. Alors la peur me reprend. Peur de ce sang ivre qui coule dans mes veines, peur de ces douleurs subites qui surgissent les soirs d’amour, peur de ne plus être capable d’entreprendre.

    Les jours passent et rien ne s’arrange. J’ai attrapé une espèce de fièvre qui me brûle les intestins. Angéla ne me donne aucun remède, au contraire, elle attise les braises, elle me pousse même à me jeter tout entier dans le feu ; je lui répète que ça va mal finir, mais ça, elle ne veut pas l’entendre. Personne ne veut rien entendre de mes avertissements. Pas même ma femme. Elle, les envoûtements ça la fait rire. De toutes façons, ma femme est trop ardente pour comprendre des choses comme ça. Elle, il n’y a que l’amour qui l’intéresse. L’amour qui remplit l’espace du sexe, de son sexe. Elle ne voit pas ce qui est ailleurs comme le cœur ou l’âme. Tout ce qui n’est pas du côté de son exubérante toison n’existe pas. Elle ne sait que bourdonner et haleter, du matin au soir. Et depuis qu’Angéla s’occupe de mon affaire, c’est pire encore : d’un côté, elle est complètement remontée contre moi m’accusant de toutes sortes de méfaits et de l’autre, elle exige ma totale coopération à une multitude de jeux absolument éprouvants qu'elle va chercher dieu sait où. C’est une boulimique, une goulue, une vorace, une exaltée, oui voilà ce qu’elle est : une exaltée. Je voudrais bien la voir Angéla avec une femme qui veut tout l’amour du monde.

    Quand elle en a fini avec moi, elle n’ouvre la bouche que pour me parler de son amant, un administrateur des eaux et forets qu’elle a du rencontrer dans un bar, un type plutôt fier avec du rose aux joues et une carrure de bûcheron. " Tu vois, me dit-elle, lui et moi on se comprend, il ne fait pas ça en vitesse et puis surtout, il y met de l’entrain.". Je ne suis pas jaloux, il a l’air de connaître son affaire. Mais tout de même ! Il débarque à la maison à n’importe quelle heure et ni une ni deux, sans un salut, sans même m’adresser un regard, il empoigne ma femme et l’entraîne sans ménagement dans notre chambre. A les entendre, je suis sûr qu’il la piétine et qu’il la déchire, parfois elle braille comme une damnée. C’est terrifiant. Chaque jour c’est la même chose et quand il s’en va, je me précipite au pied du lit et je m’agenouille, elle me colle alors le visage contre son ventre humide et c’est moi qui sanglote et qui lui demande pardon. Mais cela ne sert à rien, elle ne m’écoute même pas, elle en veut encore, encore, encore. Quoique je fasse, elle me trouve toujours trop tendre, il y a même des jours où elle juge que je ne vaux plus rien :

    - T’étais pas comme ça avant, si tu ne t’arranges pas, je pars avec lui, jure-t-elle en fixant la porte. Pourtant, je fais exactement comme me dit Angéla, je me fouette les sang plusieurs fois par jour et je me badigeonne de ses décoctions juste avant d’aller vers elle. Bien sûr, je sens monter en moi une formidable force, une vraie ferveur. Mais à quoi bon ! Elle me presse toujours plus et ses lubies deviennent épouvantables. Quoi que je fasse c’est toujours autre chose qu’elle attend :

    - Viens ! Viens par là ! Oui, par là mon chéri ! Je veux que tu m’engloutisses ! Non, attends ! Attends ! Attends, je te dis ! Ah, je suis trop bonne avec toi. Je t’ai expliqué cent fois comment il faut t’y prendre ! Tu ne comprends donc rien aux besoins des femmes ? Allez viens maintenant, viens, donne-moi ce que je veux ! Oui ! Oui ! Non, attends ! Mais attends ! Ah, ce que tu peux être bête des fois !

    Plus rien n’existe que ces mots insensés. Plus rien n’est sacré. De quel souvenir faut-il puiser ses convictions pour échapper au mauvais œil ? J’en veux à cette sorcière d’Alice qui ne m’a pas oublié. Et même à Angéla qui s’entête à explorer les trous noirs de mon existence :

    - C’est elle qui vous fait du mal, c’est elle qui gît dans les méandres de votre femme, répète-t-elle inlassablement.

    Elle me fait trop de confidences, ses lumières me sont d’un secours trop pesant. Mais quand elle me prend la main tout renaît si brutalement. La mer se faufilant. Les ombres flottantes. La communion interrompue. Ma vie est toute entière retournée vers Alice. J’ai honte pour ma femme ; je ne devrais pas l’embêter avec ces fichues histoires. J’ai honte de tout. De tout ce qui est en moi. Mais comment pourrais-je oublier maintenant que je sais que cette fille me regarde tous les jours en train de mourir, de disparaître du monde, tous les jours, encore et encore, à petits feux. Et tous les jours je me dis pourquoi ? Pourquoi n’irais-je pas moi aussi au bout du mal, au bout du maléfice ? Tout devrait pouvoir s’effacer. Tout.

    Il y a ce feu qui brûle tout au fond de moi. Un brasier que plus rien ne peut éteindre.

    J’entends à nouveau cette voix en haut de la falaise...

    Viens, viens défaire mon corps

    Ecorche-moi, fouille-moi

    Jusqu’au bout, jusqu’au fond
    Que je sois à feu et à sang !

    J’ai renvoyé Angéla. Je suis devenu un homme d’errance. Certains jours, il m’arrive de ne plus savoir qui je suis ni ce que je fais. 

    20 mars 1991, Alice est morte ; je ne voulais pas la tuer, juste lui infliger une blessure, une marque sur son visage, qu’elle soit regardée par son mari comme moi je suis regardé par ma femme...

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    Une nouvelle de Patrick Essel 

     

     

    20 mars 1991, l’épouse d’un gynécologue rentre chez elle quand, au sortir de l’ascenseur, une ombre l’asperge d’essence et déclenche un chalumeau...

    20 mars 1974. L’ambiance était presque parfaite. Un voyage aux Baléares, une escapade main dans la main au fond d’une crique avec une fille facile, à peine plus âgée que lui ; le soir tombait mollement...

    Du haut de la falaise une voix sensuelle chantonnait:

    Tant d’accrocs

    Et si peu de regrets,

    Tant d’aiguilles

    Et si peu de chagrin,

    Tant de fils

    Et si peu d’amour...

    Il faisait presque aussi chaud qu’en juillet. Alice en avait profité pour déboutonner son chemisier et enlever sa jupe. Elle s’était étendue les bras en croix et avait laissé ses jambes se mouler paresseusement dans le sable. Il avait gardé chemise et pantalon et s’était agenouillé face à la mer, légèrement en retrait de façon à pouvoir l’observer sans aucune retenue, à goûter cette peau de printemps encore si pâle et à profiter de formes si débordantes.

    C’était un vrai bonheur de pétrir sa jupe, de laisser filer ses doigts entre le lainage et la fine doublure satinée. Alice le regardait faire en clignant des yeux, conquise par l’ombre de ses épaules ondulant sur son visage. Par moments elle souriait, et, comme si elle voyait clair en lui, elle laissait ouvertement son regard se perdre sur les vagues. Jamais il n’avait été aussi près d’une femme. Tout était beau. Tout. Il en était sûr : personne, nulle part au monde, ne l’avait jamais regardée comme lui en cet instant.

    Une demi-heure passa peut-être. Encouragée par la douce brûlure du couchant, Alice s’abandonna tout à fait au sable et au vent de mer. Animé des meilleures intentions, il décrocha alors ses yeux de son visage pour les laisser descendre discrètement vers son ventre, puis ses hanches et ses cuisses. Il aimait particulièrement le rose un peu vif de ses cuisses, l’odeur légèrement douceâtre de la peau. Ses mains commençaient à s’animer et il souffla un grand coup avant de laisser ses prunelles remonter vers le ventre ou plutôt le bas-ventre, du côté du petit bout d’étoffe froissé, légèrement au-delà de la ligne bleue gravée par l’élastique, jusqu’au point où il pouvait entrevoir quelque chose qu’il n’avait jamais vu, quelque chose qui ne se montrait jamais en plein jour. Et c’était comme un bouquet de ces herbes folles qui poussent sur les dunes : des touffes florissantes, longues et déliées, longues et bouclées, longues et brillantes, des touffes d’une incroyable vivacité que la brise marine gavée de sel ébouriffait, gonflait et décuplait aveuglément.

    Elle s’était légèrement déhanchée quand par inadvertance, il lui avait effleuré la paume de la main. Il ne voulait jurer de rien mais il avait bien cru entendre un petit cri, une sorte de soupir mais plus vif. En tous cas, elle n’avait pas protesté. Elle s’était juste pincé les lèvres et avait fermé les yeux tout de suite après. Il resta un moment sur le qui-vive puis tendit doucement l’oreille : sa respiration était profonde, gourmande, vivifiante, comme si elle attendait qu’il la touche encore. Il ne s’imaginait pas entrer comme ça si facilement dans ses bonnes grâces et il se redressa saisi d’un doute. Il fit semblant de regarder en direction de la corniche et resta un bon moment à se masser le cuir chevelu, l'air pensif. Alice se tortillait d’aise dans le sable et il eut l’impression qu’elle ne se rendait pas compte de la situation. Le ciel se chargeait d’embruns et il se demanda un instant, si un mauvais génie n’allait pas lui jouer un tour à sa manière. Il pensait à des choses simples, superficielles, presque bêtes, des couleurs, des odeurs, des contours, des plis, des replis, des entrelacements, il ne pensait pas à mal, juste à quelques petites choses toutes innocentes mais qui le faisaient frissonner jusqu’à en avoir la chair de poule. Il se disait que s’il venait à l’effleurer à nouveau, tout en bas cette fois, du côté la cheville, il entendrait peut-être un autre cri, peut-être même plusieurs, et puis peut-être aussi des bruissements, des chuintements, des résonances de toutes sortes, des choses à la fois gaies et brûlantes surtout s’il fixait son regard du côté du léger renflement près de l’élastique ; et si, si elle laissait aller les choses, alors oui, il pourrait voir à lui frôler le mollet, puis par petites touches circulaires atteindre le genou. Il savait qu’il lui serait difficile de s’aventurer au-delà du genou, après le genou c’était un autre monde, un monde de grâces et d’opulences disait-on, mais à condition d’y pénétrer avec tact et circonspection. Mais ça, c'était une autre affaire.

    - Nom de nom, murmura-t-il en s’attardant plus que de raison sur la partie la plus éclatante de son corps.

    Jusqu’où pouvait-il porter ses yeux sans qu’elle ne s’étonne de son audace ? Jusqu’où pouvait-il s’approcher pour se délecter de cette forte odeur de pourpre ? Il était sûr qu’en laissant son regard dériver au gré du vent, entre les généreux interstices, une amande pleine et moirée ne tarderait pas à apparaître et, s’il la frôlait encore un peu, un tout petit peu, à peine au-dessus du genou, là où la peau commence à devenir très fine, il était sûr qu’elle s’étirerait pleinement en poussant quelque petit cri insolite. Et qui sait si alors les derniers millimètres de coton ne viendraient pas à s’entortiller, le laissant face à un puits de roses dont les zébrures lui étreindraient le cœur. Tout. Tout était là, derrière cette magnifique pénombre.

    Et soudain, il eut peur que son rêve soit détruit. Plusieurs fois, Alice se passa la main sur le visage et dans les cheveux ; ses lèvres tressautaient à intervalles de plus en plus rapprochés, laissant apparaître par instants un bout de langue impatient. Quelque chose semblait l’avoir piquée au vif et on aurait dit que sa belle peau se fissurait. Il cherchait un mot rassurant à dire quand brusquement elle se tourna sur le ventre et lui attrapa la main : " Tu ne m’embrasses pas ? se plaignit-elle, allez viens ! Viens donc ! Mais attends, dis voir, ne me dit pas que c’est la première fois ? Oh, mon dieu, ce que tu peux être bête ! " Voilà qu’elle le houspillait comme le faisait sa mère quand il faisait les choses de travers. Une inquiétude terrible, déraisonnable, le gagna, trouant ses pensées et empêchant son corps d’agir. Le ciel et la mer se rejoignaient en une brume mousseuse. Par vagues successives, l’eau chargée d’écume et d’algues poisseuses emplissait leur îlot de sable. Des aigreurs lui mangeaient les entrailles. Il s’allongea à son tour sur le ventre, perpendiculairement à elle et enfonça ses mains dans le sable jusque sous ses hanches. Il serra les poings de toutes ses forces. Le sable était chaud et humide et il sentit l’amour filer entre ses jambes. Lentement, il se mit à ramper, à reculons, à reculons...

    En haut de la falaise la voix s’était faite plus langoureuse :

    Lune, demi-lune à honorer,

    pour une heure, pour une nuit,

    lune, lune, lune,

    pour toi mon ami, mon bon ami,

    je sais,

    oui, je sais que tu viendras à moi,

    je le sais.

    Lune, demi-lune...

     

    à suivre…


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    La suite des aventures de Scipion Lafleur, le feuilleton du printemps écrit par Désirée Boillot en alternance sur Mot compte double et Calipso. 

    Episode 9

       

    C’est fou ce que l’on peut perdre comme temps dans la vie avec des lettres difficiles à écrire et dont les mots se dérobent et glissent sous la plume qui dérape : Chère, ou : Très Chère ? Chère Madame, ou : Chère Comtesse ? Madame la Comtesse, ou : Comtesse tout court, virgule, à la ligne ? On barre, on s’énerve, on fait des pâtés, on lance par-dessus l’épaule des boules de papier qui dérivent sur le parquet comme des icebergs, mais surtout on casse les pieds du conjoint qui ramasse, remplit la corbeille, la vide, descend aux poubelles, court acheter une nouvelle ramette de papier chez Mignon, le papetier au coin de la rue, et soudain voici qu’il craque, le conjoint, tout bonnement, les coudes sur la caisse : J’en peux plus, cette lettre, c’est moi qui vais l’écrire, foi de Lola !

    Dunque :

    Chère Madame,

    Croyez bien qu’il n’entre pas dans nos projets de perturber le cours de votre vie avec des requêtes inopportunes et intempestives, mais il se trouve que nous avons l’honneur de solliciter de votre très haute bienveillance un rendez-vous pour une affaire urgente, dont nous souhaiterions vous entretenir, le bail venant malheureusement à échéance sous très peu de temps. C’est pourquoi nous vous saurions infiniment gré de bien vouloir nous recevoir dans les jours prochains. D’ores et déjà, nous vous remercions très vivement d’avoir la gentillesse de prendre langue avec nous, dès que vous aurez connaissance de cette lettre.

    C’est pas un peu ampoulé pour un rancard ? hasarda Scipion.

    Signe là, dit Lola d’une voix à sens unique.

    Et Scipion signa.

    La Comtesse Rubano di Falabala n’habitait pas le quartier de Montmartre mais l’un de ceux situés sur la Rive Gauche en bordure du fleuve, plus chic et plus cher, où de hautes portes cochères fraîchement repeintes dans des tons vert sombre et parfois chocolat abritent de splendides hôtels particuliers restant difficilement accessibles au tout-venant, sauf aux gentlemen cambrioleurs et à ceux qui en détiennent les codes d’accès.

    C’est ainsi qu’un vendredi d’été, aux alentours de dix-huit heures trente, Scipion et Lola tapèrent une première combinaison de chiffres et de lettres, poussèrent des battants lourds, traversèrent une large cour ornementée de buis en pot taillés en arrondi et de statues de pierre drapées dans des toges, dont le front pur était ceint d’une couronne de lauriers. Impressionnés par la beauté des lieux, ils grimpèrent d’un pas mal assuré une volée de marches blondes, composèrent un deuxième code tout aussi compliqué que le précédent, retinrent leur respiration, une voix leur répondit qu’on descendait leur ouvrir. Alors ils attendirent, le cœur battant, face à la porte antique au centre de laquelle était sculptée une tête de lion tenant dans sa gueule un gros anneau de fer forgé. Au bout de cinq longues minutes, il y eut un déclic et une dame d’un certain âge, dont les cheveux étaient rassemblés en un chignon argenté savamment roulé sur la nuque, vêtue d’une simple robe de soie grège à col montant et d’un boa de plumes blanches jeté sur les épaules, parut sur le seuil, aussitôt rejointe par une petite foule de miniatures jappeuses.

    Oscar ! Jumper ! Rose d’Orient ! Anasthasia ! Youpi ! Pimprenelle ! Vilains petits voyous ! Aux pieds tout de suite ! fit la dame courroucée. Ces chiens ! Je suis la Comtesse Rubano di Falabala. Enchantée. Le personnel étant aux trente-cinq heures, je suis obligée d’ouvrir moi-même avant la relève du soir, de nos jours on ne trouve plus de domestiques, et disant cela elle leur tendit une senestre sévèrement baguée. Entrez je vous prie et ne faites pas attention à eux, ils sont insupportables quand j’ai de la visite !

    Intimidés, Lola et Scipion pénétrèrent dans le hall dallé de marbre rose où tout n’était que luxe et volupté mais pas que calme, les aboiements des miniatures cassant les tympans, c’était pénible, vraiment.

    Ils sont d’un pénible, remarqua la comtesse avec un étonnant à-propos en menant ses hôtes sous cinq mètres de plafond à travers le hall, vous n’avez pas idée !, soupira-t-elle en ouvrant une porte (située, depuis l’entrée, à main gauche d’un vaste escalier de marbre blanc) donnant sur une pièce claire aux tons pastel. Entrez dans le boudoir, installez-vous, et elle leur indiqua trois grands canapés recouverts de tissu vert pâle et garnis de petits coussins mauve et rose, qui étaient disposés en U autour d’une haute cheminée sur le manteau de laquelle trônait une collection de statuettes en pierre de savon représentant des personnages portant toutes sortes de charges, cages à oiseaux, paniers de poissons, ballots de linge, malles cerclées de cuivre.

    Scipion et Lola s’assirent l’un à côté de l’autre en face de l’imposante cheminée, laissant le canapé de droite aux six aboyeurs qui se livrèrent à une série de figures tordantes avec les coussins, les grattant, les griffant, agaçant leurs dents dessus, frottant leurs truffes et se roulant dedans, allant même jusqu’à les prendre pour partenaires sexuels.

    La comtesse marcha vers la horde en folie, lança sur un ton terrible : Maintenant les chiens ça suffit, sinon c’est à la S.P.A. ! et il faut croire que le chihuahua dispose malgré tout d’un cerveau, car la retombée de ces trois lettres donna lieu à un grand silence humide. Sur ce, elle alla se poser dignement sur le canapé libre, rectifia son chignon, croisa ses mains embijoutées sur ses genoux de soie et dit : Je vous écoute.

    Voilà, commença Scipion d’une voix un peu troublée (c’était à lui de commencer, Lola s’étant acquittée de la lettre), ma femme et moi sommes si merveilleusement logés chez vous que nous voudrions occuper les lieux encore un certain temps et même nous agrandir un peu, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, bien sûr, je crois savoir que la petite pièce adjacente au studio est vide.

    C’est exact, répondit la comtesse d’une voix posée, seulement je crois me souvenir qu’elle est insalubre. Elle est mansardée et pleine de salpêtre. Il faudrait la retaper mais je n’ai vraiment pas le temps de m’en occuper avec tous ces chiens, c’est l’inconvénient voyez-vous.

    Nous comprenons fort bien, reprit Scipion en lançant un sourire stratégique à la meute aplatie, c’est pourquoi je vous propose de le faire, je n’ai pas de chien, je peux tout à fait m’en charger, si vous m’y autorisez.

    Vous êtes bricoleur ? demanda la comtesse, soudain intéressée. Et que savez-vous faire, au juste ? Huiler les gonds ? Planter les choux ? Réparer les fuites ? Les joints ? Les parquets qui craquent ? Les dalles qui se descellent ? Les tuiles qui tombent ? (barrer la mention inutile)

    Oui, déclara Scipion d’une voix intrépide, sous l’œil navré de Lola, je sais faire tout cela, je sais même changer les ampoules qui claquent.

    C’est formidââââble, s’exclama la comtesse, il se pourrait fort que je fasse appel à vos services, disons même heure la semaine prochaine pour un coup de peinture dans la cuisine, j’adore les hommes qui relèvent des défis, feu mes six maris auraient pu en témoigner. En échange, vous occupez la pièce, vous faites ce que vous voulez avec, je vous la laisse gratis, tope-là !

    Et ils topèrent.

    Mais quelle pomme ! fulmina Lola en sortant de l’hôtel particulier, le seul homme qui serait assez bête pour retaper le château de Versailles à l’œil, c’est toi ! et elle shoota dans une canette jusqu’aux quais de Seine, pour faire passer sa méchante humeur.

    à suivre…


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    La nouvelle est écrite depuis belle lurette. La grande enveloppe traîne sur le bureau. Pas encore cachetée. En souffrance pour ainsi dire. Il ne se résout pas à l’expédier. Parfois, il ressort un feuillet, le parcourt avec précaution. Il a presque l’impression de deviner les mots, de respirer ses pensées, d’entendre ce qu’il n’a pas osé. Il pense à tous ces instants où il triturait ses méninges à la recherche du meilleur angle d’attaque. Il pense à toutes ces choses diffuses qu’il aurait aimé rassembler en deux ou trois paragraphes. Il pense à ces idées bizarres venues de l’intérieur et qui lui assombrissent le visage, à ces visions qui lui font tourner la tête, à ces élans d’amour qui l’ont laissé exténué. Il pense au bruit que ses tournures feront si jamais il était distingué et lu. Il pense aussi à ce personnage qui ne tient pas tout à fait la route et à cette dernière phrase qui le fera peut-être chuter. Il pense à l’inquiétude qui le prendra chaque matin en ouvrant sa boîte aux lettres. La tentation est grande de tout reprendre à zéro. C’est toujours comme ça. Reprendre dans l’idée d’aller jusqu’au bout des choses. Au risque de la douleur. De toutes façons, le soir est arrivé. Il a toute la nuit devant lui pour se refaire. Aux premières lueurs du jour, il en aura terminé. A moins qu’il ne se dise une nouvelle fois ce n’est pas encore ça…

    En fait, il dispose d’encore quarante quatre jours. Quarante quatre ! C’est le 16 juillet 2007 que le concours de nouvelles Calipso 2007 " Sens dessus dessous " sera clos. 

    anti_bug_fck

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    anti_bug_fck

    Cher lecteur,

    Vous trouverez ci-dessous le courrier que Madame Aube Dumatin vient de nous faire parvenir en ce début de soirée. Il nous a semblé essentiel de vous en faire part au plus tôt tant cette missive nous apparaît témoigner de l’importance de la constance et de la fidélité en matière d’écriture ; vous comprendrez naturellement à sa lecture que l’attraction naturelle qui existe entre gens de lettres n’est pas seulement de l’ordre de l’irrésistible mais bien une affaire qui engage au-delà de l’impérieuse nécessité et que l’on ne peut s’en débrouiller durablement qu’avec l’intime conviction que le temps n’est rien d’autre que ce que nous en faisons.

     

     

    Monsieur le directeur de la collection Miroirs de la mémoire,

     

    Vous trouverez ci-joint la dernière version retouchée de mon roman autobiographique, Mémoires d’une vingtenaire.

    Vous pouvez commencer votre lecture directement à la page 3822, puisque vous avez déjà pris connaissance au fil des décennies, des précédents chapitres. Mon premier envoi, il y a quelques années, au tout jeune assistant d’édition que vous étiez alors d’un manuscrit intitulé Mémoires d’une nonagénaire  ne vous avait " convaincu qu’à moitié " .Vous m’avez alors conseillé, dans votre lettre de refus, que j’ai conservée, écrite à l’encre violette et à la plume, de " travailler avec persévérance ". Ainsi fis-je, vous faisant parvenir tous les dix ans le résultat de mes efforts acharnés.

    Hélas, l’année des Mémoires d’une octogénaire, vous avez préféré publier la biographie d’une star avec laquelle on vous voyait souvent dans les soirées parisiennes.

    J’ai reçu la lettre de refus pour les Mémoires d’une septuagénaire quand tous les critiques encensaient le Journal d’une crétine, recension hardie des frasques d’un mannequin de vingt ans avec laquelle la rumeur dit que vous avez eu un enfant.

    Quelques mois après l’envoi des Mémoires d’une sexagénaire, vous leur avez préféré les gribouillis d’une débutante, ingénue de seize ans que vous avez épousée l’année suivante.

    Les Mémoires d’une quinquagénaire  m’ont été retournés la semaine où paraissaient les souvenirs de ce très jeune homme mince, si blond et maniéré, dont vous aviez fait votre bras droit avant qu’il ne se pacse avec un metteur en scène.

    Les Mémoires d’une quadragénaire n’ont pas attiré davantage votre attention. Vous voyagiez souvent en Thaïlande et aux Philippines cette année-là, pour des raisons assez floues, on parlait de parrainage d’enfants...

    L’année où les Mémoires d’une trentenaire, ont été perdus par votre service des manuscrits votre biographie de l’inventeur du Viagra était en tête de console dans tous les supermarchés. Ce qui a redressé vos comptes (entre autres) pour la décennie suivante.

    L’édition conserve bien.

    Vous avez déclaré récemment aux journalistes du MagLittéraire à l’occasion de votre quatre-vingt-quinzième anniversaire que " seule la mort pourrait vous arrêter ", ajoutant que vous l’attendiez avec résignation quoique sans impatience. Cette perspective funèbre me paraît assez désastreuse, car de nature à interrompre prématurément notre collaboration, à peine amorcée.

    L’âge aidant, j’ai perdu de ma naïveté et je me suis laissé dire que les manuscrits n’étaient pas toujours lus jusqu’au bout par les éditeurs. Pourrais-je donc attirer votre attention sur la note du bas de la page 876 ? Elle vous signalait que je peux faire parvenir sur simple réception d’un contrat classique avec préférence pour 5 romans ou essais les coordonnées de ce chercheur génial qui a découvert le secret de la jouvence et de l’immortalité dont je suis moi-même l’heureuse bénéficiaire.

    Ayant été son premier (et unique) cobaye, je n’ai qu’à me féliciter de l’avoir rencontré il y a soixante-dix ans. C’est lui qui m’a conseillé de rajeunir mes titres afin de suivre ma propre régénérescence. Peu pressé d’encombrer la planète de mutants, ce chercheur, par ailleurs aussi mon mari, refuse de faire connaître à d’autres une invention qu’il s’est réservée. Il serait cependant d’accord pour faire une exception en votre faveur.

    Notre collaboration à tous trois, longue et fructueuse, ne sera-t-elle pas gage d’immortalité ?

    Aube Dumatin

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    C’est un vieil habitué du café. Il exerce aujourd’hui ses talents de reporter en campagne sous le nom de Gamey. Saurez-vous le reconnaître ?

     

    Lièpvre-sur-Cresson,

    par Gamey

     

    Vous qui aimez la campagne, connaissez-vous Lièpvre sur Cresson (on prononce " lièvre sur creusson ") ? Ce coin de France profonde est situé à mi-chemin entre Orléans et Vierzon. Quelque part au milieu de cette contrée riante, marécageuse et vrai royaume des guernouilles au temps jadis : la Sologne. Blotti entre les fourrés et les forêts, les bois et les guérets, le bourg de Lièpvre est arrosé par un roussiau, le Cresson, où il n’y a pas si longtemps, on pêchait la truite à la main.

    Les maisons sont en brique et l’église est prolongée par le traditionnel caquetoire, cette sorte de visière de casquette, permettant à la sortie de l’office de jacasser à l’abri de la pluie. Cachet solognot pur jus. J’allais oublier le bistrot. Face au saint lieu, fermé depuis " belle burette ", l’auberge du Cerf volage est largement ouverte. La patronne, accorte, est une blonde de chez Blonde que les habitués appellent " Bichette ". Et on y boit autre chose que du vin de messe. La clientèle va du Liépvrien de souche, qui picole à crédit et qui a son ardoise, au couple de touristes japonais égarés, cherchant le château de Chambord en voiture de location.

    La vie est restée tranquille à Lièpvre. Il y a de purs paysans attachés à la glèbe et des " pendulaires " qui vont travailler à Vierzon ou ailleurs. On s’intéresse à l’équipe de foute de Romorantin, à la pêche au gros dans les étangs et surtout à la chasse. Sans négliger le barbarie qui passe, on traque le lapin de rabolière et le faisan d’élevage. On s’attaque aussi, pendant cette période, aux grosses bêtes : les porte-bois, genre Papa de Bambi dont on collectionne les " massacres ", et les cochons sauvages à la hure ravageuse. Pour le Gaspi et le Dahu, c’est ouvert toute l’année. Aut’fois, il arrivait que l’on tire une bergèze au coin d’un bois, au " fusil à un ou deux coups ", mais de nos jours les occasions se font rares…

    La vie est restée traditionnelle dans cette commune rurale. Le dimanche matin, le Cerf volage ne désemplit pas. Antan, déjà, les hommes avaient l’habitude d’y beurvacher un canon de vin en bavassant pendant que leurs femmes étaient à la messe. Aujourd’hui, ces dames restent à la maison, mais ces messieurs n’ont rien changé à des habitudes qui remontent aux premiers chrétiens.

    La vie est restée bien tranquille et très traditionnelle, jusqu’à maintenant, mais le nouveau secrétaire de mairie risque de tout bousculer avec sa manie de vouloir attirer des visiteurs  murmure-t-on au Cerf volage.

    – Ecoutez son projet de spot de promotion radio dit le cantonnier.

    A Lièpvre-sur-Cresson, l’automne est romantique. Venez vous balader gratuitement sur le chemin communal autorisé. Avec un bon zoom sur votre appareil numérique, vous pourrez réaliser de superbes photos de cèpes de Bordeaux, chanterelles et autres délices.

    – Avec des promesses pareilles aux visiteurs, il est sûr qu’en octobre on va voir débarquer tous les dimanches les Orléanais et les Tourangeaux par milliers, Sapré bon Guieu !…

    –Il est probable qu’avec leurs écriteaux " Pièges à loups ", " Tir à balles réelles ", " Champignons interdits ", " Attention : amanites "etc… les autres communes continueront d’effaroucher le visiteur et resteront donc plus tranquilles que la nôtre.

    – Et les japonais vont débouler cheux nous par charters entiers ! Tout ce monde va nous piétiner nos plates-bandes et certains promeneurs ne résisteront pas à la pulsion de la cueillette : pour aller ramasser trois bolets, ils n’hésiteront guère à pénétrer dans une propriété privée en sautant les barbelés qui délimitent le chemin autorisé…

    –Je propose de les électrifier !

    – Et vous ne savez pas la meilleure ajoute le cantonnier, mais mon godet est à sec, versez-moi d’abord, la patronne, un coup à boire… Je reprendrai du Sancy

    – C’est un blanc qui me donne le frisson, tellement il est long en bouche, dit la blonde.

    – Tais toi-donc ma Bibiche ou tu vas encore nous dire des énormités marmonne le patron, toujours aussi peu féministe. 

    – J’adore ce vin Berrichon à la robe paille, au nez de banane trop mûre, et au goût de pierre à fusil. Ce vin qui développe dans la langueur, des arômes musqués de vieux cuir et de fromage de tête…

    Le cantonnier devient poète

    – On veut la meilleure, On veut la meilleure, On veut la meilleure… .

    – La meilleure, je l’ai apprise en lisant le courrier du maire, dans son parapheur. L’ASP, Agence Sologne Presse, qui est une filiale de CPE-Romo et de l’Agence Reuters va installer ses bureaux dans les locaux du presbytère. Chaque mois l’ASP publiera une actualité sélectionnée dans le " Petit Solognot ".

    – La meilleure ? Attendons nous plutôt au pire !

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    Une chronique à la petite semaine de quelques judicieuses fabriques de littérature.

    à cliquer dans les Aiguillages :

     

    Sur Mot Compte Double

    Le feuilleton du printemps écrit par Désirée Boillot, " Les aventures de Scipion Lafleur " est toujours d’actualité et c’est à lire en alternance sur Mot compte double et Calipso.

    Parenthèse ecclésiastique : il semblerait que des hordes de grenouilles de bénitier aient pris d’assaut le site au motif que les confesses y seraient particulièrement jubilatoires.

    Sur Délit de poésie

    Le site de Cathy Garcia est tellement riche en poésie, en utopie, en inspiration, en intuition, en engagement, en cœur, en légèreté et en malices que l’on ne se demande plus pourquoi sa fréquentation est nécessaire. Et puis pour continuer à respirer l’air ambiant, la lecture de l’édito du numéro 23 de la revue (7 mai 2007) est chaudement recommandée.

    Sur le site Ainsi vit-on aujourd’hui

    De la gorge et du ventre d’Emma sortent des cris et des larmes de toutes les couleurs dispersant les nuages noirs enfouis dans les profondeurs de son corps. (Blancs)

    Sur Pour le plaisir d'écrire

    Rien qu’un petit point noir sur l’écran blanc d’une nuit sans fin pourrait-on dire, et pourtant c’est à une ode aux vivants tendre et mordante, et à un défi au temps qui s’épuise que nous convie Ernest J. Brooms dans Le point blanc.

    Sur Mercure liquide

    A télécharger le magnifique et imposant dossier de presse du numéro 6 de cette revue littéraire et graphique, parue le 25 mai 2007.

     

    La dépêche expéditive de chez Reuters

    Une Australienne participant au Big Brother local a perdu son père pendant l’épreuve, mais elle n’en a pas été informée. Avant de succomber à un cancer, le papa âgé de 53 ans, a demandé que sa fille Emma, recluse dans l’émission de télé réalité, ne soit pas prévenue pour que ses chances de gagner restent intactes.


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    Originaire de Toulouse, ville rose aux accents ibériques où sont plantées ses racines, Gilbert Marquès se qualifie volontiers de créateur multidisciplinaire anarchisant ; il exerce depuis une quarantaine d’années ses talents d’auteur comme nouvelliste, romancier, poète mais également comme homme de théâtre et musicien. Invité du jour, il nous propose avec "Camille" une nouvelle tirée du recueil Nouvelles instantanées


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    Camille ne savait pas pourquoi elle n’aimait pas les chats. Enfant, elle se souvenait avoir eu souvent envie d’en caresser, de laisser ses doigts courir sur le pelage lustré mais leur approche la tétanisait. Elle observait pourtant avec un plaisir évident teinté de jalousie la grâce naturelle de cet animal qui se déplaçait silencieusement.

    Elle avait peur, par contre, quand un minet, même le plus inoffensif, la regardait. Ne pouvant lire dans ses yeux jaunes ou verts un quelconque sentiment, elle n’y voyait qu’indifférence dédaigneuse envers les humains.

    Camille ignorait pourquoi elle apparentait les Chinois aux chats. Pour elle, tout humain à la peau jaune était Chinois. Blanche comme du lait, toute autre couleur lui semblait une mascarade inadmissible.

    - Comment pouvait-on supporter une teinte pareille ?

    Pensait-elle.

    Pourtant, ni les Chinois ni du reste quiconque d’autre, ne lui avait jamais rien fait mais comme pour les chats, si elle enviait la beauté des femmes, elle craignait leur regard. Ces yeux noirs cachaient derrière leur deuil toute expression humaine. Les voyant, elle songeait immanquablement à des robots ou à des zombies.

    Camille se demandait pourquoi elle apparentait les hommes aux chats. Il est vrai que l’animal n’a aucune pudeur et se pavane souvent, la queue haut levée, pour montrer innocemment ses attributs. Une telle indécence, bien que parfaitement normale et naturelle, la choquait. N’importe quel homme croisé dans la rue lui paraissait tout aussi indécent bien qu’elle n’eût jamais rien su d’eux autrement que sur un plan théorique.

    Elle tremblait si un homme la dévisageait. Ses yeux, croyait-elle, avaient toujours une lueur lubrique. Elle se sentait… violée.

    Camille ne comprenait pas pourquoi elle se prenait en rêve pour un chat.

    - Etait-ce à dire qu’elle ne s’aimait pas mais savait-elle seulement ce qu’aimer signifiait ? Que connaissait-elle des plaisirs de l’amour autres que ceux qu’elle se donnait parfois solitairement ?

    Au sortir du bain, elle détaillait son corps dans la grande glace embuée. Grande mais sans trop, elle possédait de belles jambes bien galbées qu’elle mettait en valeur en chaussant de hauts talons. Ses cuisses lui semblaient musclées mais sans exagération, nerveuses sans excès. Tout se gâtait à partir de là. Ses fesses, plates, lui interdisaient de porter des pantalons. Sa poitrine, inexistante, la transformait en échalas filiforme, sans charme. Son visage même n’était pas beau avec sa bouche trop large et trop fine, son nez trop fort. Elle était somme toute ordinaire comme il lui paraissait impossible de l’être davantage.

    Ses yeux surtout la tourmentaient. Elle les avait en horreur. Elle subissait un véritable calvaire chaque fois qu’elle devait se regarder en face. Ils étaient pourtant véritablement magnifiques ; couleur de ceux des chats et bridés comme ceux des Chinois.

    Nul ne comprit jamais pourquoi Camille se suicida…

    Gilbert Marquès


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    Un jour, un événement se produit, un incident, peut-être une simple peccadille, un contretemps ou un contrecoup, un impondérable qui se révèlera probablement chargé de conséquences. Dans un bureau, un bistrot, une voiture, une chambre en ville quelqu’un observe, écoute, raisonne, saisit un fil… Faux-pas, faux-semblants, faux-fuyants sont à la noce, le noir est de mise pour les convives, on se met à table et soudain des têtes valsent. Dans la foulée les supplétifs se dérobent, les traces se ternissent, les mots se masquent, la compréhension semble toujours plus lointaine, inatteignable…
    Un type, peut-être un auteur, interroge, prend le lecteur à témoin, l’entraîne dans sa quête. Ce type-là connaît des détails, les frasques et les fautes, il délie les langues, donne une consistance aux ombres, rassemble des éclats de vie, il tient son sujet mais la conclusion reste incertaine… forcément, cette histoire n’est pas tout à fait comme les autres…

     

    Le recueil des nouvelles primées au concours Calipso 2006 " Enquêtes et filatures " nous arrive cette semaine avec, rappelons-le, au sommaire : Désirée Boillot, Dominique Le Gall, Dominique Mitton, Karine Zibaut, François Perrin, Caroline Privault, Claire Marlhens, Jean-Claude Touray, Jacques Fenimore.

    (sur commande auprès de Calipso, 5€)


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