• Point de piqûre

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    Comment bien foirer en essayant d’effacer les rides de l’âge

    Ysiad

     

     

     

    Aujourd’hui, dans le droit fil de l’ébouriffante série intitulée « foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux », nous allons tenter de mettre en œuvre une stratégie consistant à paraître dix, voire quinze ans de moins que son âge véritable, ne lésinons pas. Ce n’est pas une mince affaire. En dépit des nombreuses solutions que proposent les magazines féminins pour effacer les rides ou les atténuer, celles-ci ne s’enlèvent pas si facilement. Même en frottant bien. Prenons pour exemple les efforts que déploie Aschenbach pour plaire à Tadzio dans Mort à Venise, en particulier la scène tournée au salon de coiffure. Le vieil homme va en ressortir rajeuni de vingt ans, absolument méconnaissable. Ses sourcils ont été passés au crayon, ses cheveux sont teints jusqu’à la racine, ses joues poudrées sont blanches et lisses comme le lait, les taches de l’âge ont momentanément disparu. Le voilà prêt à courir derrière l’objet de son désir dans les rues enfumées d’une Venise dévastée par une épidémie de choléra. Et il court, Aschenbach, il se hâte sous les sottoportego, il transpire dans les vapeurs du mal qui se répand partout, à la suite du jeune homme à la beauté troublante. La teinture coule sur ses tempes, se mêle à la poudre. Le fard s’efface graduellement, les rides réapparaissent. C’est ainsi, que voulez-vous. Quoi que l’on fasse, l’âge reprend toujours ses droits.

     

     

    Aujourd’hui, c’est votre anniversaire et franchement, vous auriez donné cher pour éviter de devoir y assister. Vous changez de dizaine, c’est la poisse, et comme un malheur n’arrive jamais seul, la famille veut fêter ça. Vous n’aimez pas trop quand elle fait cercle pour vous aider à souffler vos bougies, qui sont si nombreuses aujourd’hui qu’il est impossible de les faire tenir toutes sur un gâteau, à moins, bien sûr, d’envisager la pièce montée. Vieillir, c’est franchement barbant, et sans doute est-ce pour cela que vous avez décidé de prendre le taureau par les cornes et vos rides en main. La tâche est ardue, car enfin, rien n’est plus compliqué que de paraître jeune quand on est vieux, et franchement, ce soir, le miroir ne vous épargne rien, qui vous renvoie l’image de quelqu’un qui fait beaucoup plus que son âge.

    Mais oui, bien sûr que si, et puis ne trichez pas quand vous souriez, ne faites pas semblant. Il est loin le temps où les actrices américaines s’exerçaient à sourire sans avoir recours aux muscles du visage, afin de ne pas attraper ces rides disgracieuses que les créatures médiatiques d’aujourd’hui, les people, combattent en allant se faire piquer les joues au Botox et regonfler tout ce qui peut l’être avec des implants de silicone. Vous n’en êtes pas là. Vous n’avez jamais envisagé ce genre de recours. Ces créatures au facies de poupée russe sont pitoyables. Quand elles n’ont pas un sourcil plus haut que l’autre ou une bouffissure à l’endroit des pommettes, leurs joues sont beaucoup trop rondes pour être honnêtes, à la différence des vôtres, qui sont bien creusées, regardez, bien affaissées aussi, l’un n’allant jamais sans l’autre.

    Par quoi allez-vous commencer ? Ce soir, inutile de se tartiner la face avec les doses d’essai des parfumeries. Votre peau en a assez vu comme ça. Poudre aux yeux que toutes ces crèmes censées effacer les outrages du temps, oui ! Halte au bluff ! Les prodigieux onguents ont ceci de commun qu’ils n’effacent rien, mais laissent la peau aussi flasque que la veille. De la même façon que le lama crache à la figure du capitaine Haddock quand celui-ci s’amuse à lui gratter le menton (quand lama fâché, lui toujours faire ainsi, souvenez-vous), la peau se venge. Plus on lui administre des produits miracle, plus elle s’adonne au relâchement cutané : c’est l’effet retour et c’est bien fait pour vous. Que vous reste-t-il d’autre à faire que de bannir la station devant le miroir ? Moins on se voit, plus on se perd de vue, et mieux ça vaut. Ou alors, pourquoi ne pas tenter le tout pour le tout avec les petites pinces à linge en bois qui servent à fermer les sachets d’épices dans le garde-manger ? Au point où vous en êtes…

    Qu’elles sont belles, ces petites pinces à linge en bois ! Et puis elles ne font pas mal quand on les pose de chaque côté des joues. C’est toujours la même chose, il suffit de trouver le bon endroit. Elles font encore moins mal quand on les pose sur les sourcils pour effacer la griffe du lion. Et tant qu’on y est, on peut essayer aussi du côté des commissures, un peu plus bas, là, ça ne mange pas de pain, et encore deux autres du côté du menton. Il ne reste plus qu’à espérer qu’elles auront le même effet de tension sur les tissus cutanés que sur le linge froissé.

    Une heure plus tard, vous pouvez le constater : absolument pas ! Une fois les pinces ôtées, la peau a récupéré son flétrissement d’origine, les rides ont repris possession des lieux. Pour couronner l’ensemble, des plaques rouges de dimensions variées sont apparues de chaque côté des joues, autour des sourcils et de la bouche. Cela fait comme une allergie qui se propage un peu partout sur le visage. 

    Bravo ! En plein dans la patte d’oie, c’est foiré !

    Ben maintenant, y’a plus qu’à se maquiller pour cacher le vilain eczéma.

     

    … Mais si par miracle, au moment du dîner, votre neveu pré pubère, apercevant les tâches que vous n’avez pas réussi à dissimuler tout à fait sous le fond de teint, hurle à pleine voix : « Dis donc, Tata, on peut avoir encore de l’acné sur les joues à cinquante ans ? » alors seulement, vous pourrez considérer que la petite tentative de lifting à la pince à linge en bois est bien foirée.


  • Commentaires

    1
    Mardi 16 Juillet 2013 à 10:37

    Merci,Ysiad, d'avoir ajouté quelques pattes d'oie à ma collection avec ce texte marrant. Tu me paieras ça.

    2
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:01

    Rien ne vaut l'eau froide pour raffermir (un peu) la peau, et aussi la laisser respirer. Et puis, quelques rides, ça donne de la personnalité à un visage. La vieillesse, c'est mon cas, j'ai largement dépassé les 50 ans, n"est pas une maladie honteuse.

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    3
    Joël H
    Samedi 23 Août 2014 à 18:01

    Ce n'est pas une maladie non plus (un naufrage ?). En tout cas, c'est la seule manière de rester en vie..

    4
    le Belge
    Samedi 23 Août 2014 à 18:01

    Des outrages de l'âge, celui qui touche ma peau et affecte mon apparence (appât rance?) est de loin le moins préoccupant. Il me ferait presque rire, en regard de tous les autres. Rire et m'arrêter, pour regarder la vieillesse en face et lui dire: "parce qu'il te faut ça aussi! Ben dis donc, je te savais si minable".

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