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    Texte de Corinne Jeanson - Interprète : Nicole Amann - Compositeur : Hervé Jeanson -

    avec l'autorisation du site Bonnes Nouvelles

     

     

    Cœur de l'Afrique noire. Bière bouteille de pays. Chaleur et vent rafraîchissant. Solitude avec paysages nouveaux en décor. Je suis au cœur de l'Afrique. Dans une ville basse avec toute sa vie, ses musiques, ses bruits, ses vendeurs des rues, derrière leurs tables de bois aux pieds cassés mais tenant bons car la verticale n'est pas une loi de la nature. Les sorcières ont mangé mon âme. Dans la maison aux génies, je cherche mamy wata. Je sais que je ne la trouverai pas ou bien elle se nomme habitude. Je m'habitue.

    Les Africaines rient fort dans les cafés. Un homme porte sur sa tête une machine à coudre. Marque : Éléphant (les lettres sont effacées). Pour rythmer ses pas, il joue avec une paire de ciseaux. Les ânes ont les pieds de devant attachés. Les cochons sont noirs, les jarres renversées et les maisons de terre enfumées. La meunière en sueur écrase le mil sur la large meule en pierre. On entend les crissements du broyage. La farine de mil blanc tombe sur le sol de terre battue, la terre rouge africaine. La cabaretière plonge les calebasses dans ses canaris de bière. Les Africains sont emplis d'amour jamais perdu qui leur donne une force tranquille. Cette force tient tout leur corps. Ils sont comme les arbres plantés dans la savane qui étendent leurs branches lourdes, au-dessus des troncs pleins, jamais écrasants.

    L'orage et le bruit du tonnerre emplissent l'espace et le rendent moins menaçant. Sa présence -qu'elle soit divine ou naturelle- suffit à estomper tous mes désarrois. Si je pleure sous la pluie battante, c'est parce que je me libère enfin, comme le ciel, de la pesanteur des jours sans noms. L'amour passé reste l'amour, bien qu'on n'ose plus tout à fait le nommer ainsi à force d'usure. Quand le cœur doucement écoute les silences d'hier, tout autour les colons aux jambes rudes s'assoient et fument, jusques aux cieux africains, leur félicité commune. L'heure du thé, moment privilégié, s'accompagne de la silhouette respectueuse du boy, habitué ici aux manières de l'aristocratie servante. Dehors, les enfants jouent dans les détritus et les femmes aux seins flasques se baignent dans le marigot boueux.

    Tout cela se déroule alors que toi, dans le même temps, du fond de l'Europe blanche, tu souris à la jeune danseuse en sueur. Sous le ciel africain, je songe à notre rencontre et à sa fin.

     


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     Dernier Tango

    par Corinne Jeanson

     

     

    Dans les rues noires de la ville

    Ivres nous marchons

    la lune dans le caniveau

    Ivre je pleure dans la pluie

    Ivre de toi, de tes mains dans ma peau

    Assoiffée à la veine de ton bras.


    Là-bas sous le porche noir

    Ta langue a tourné

    Sur mon visage

    Ça ne suffisait pas

    Tu as déchiré mes vêtements

    Tu m’as retournée

    Pour déchirer mon corps

    Par ton corps planté.


    Mais ta violence

    N’a pas calmé l’effroi d’aimer

    Dans le silence de tes pleurs

    Tu me déchirais encore.

    Ivres nous rampons dans les rues

    Noires de la ville

    Vaincus par le noir désir.


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    Avec l'aimable accord de Nicole Aman du site Bonnes Nouvelles, Corinne Jeanson nous propose un retour sur ses Musicales. Nous sommes bien sûr ravis ! 

      

    La vague de sa robe noire

     

     

    La vague de sa robe noire dans la nuit immobile danse sur ses mollets. Je l’invite à me suivre dans le bar. Elle acquiesce, avec cette indifférence absolue que je prenais pour de l’insolence et qui est sa parure, sa force unique. Derrière le masque, pas de masque. Elle choisit d’être là et n’exprime rien parce qu’elle n’a pas à dire pourquoi ni comment elle est avec moi. Si choisir signifie encore quelque chose, aujourd’hui, elle a choisi d’entrer dans ce bar avec moi.


    Dans le bar, d’autres clients sont assis, spontanés et insolents comme tous les gens qui fréquentent ce côté-ci de la rive. Elle les connaît, elle leur ressemble. Et pourtant elle est d’ailleurs. Nous ne parlons pas. Nous regardons autour de nous. Curieux des autres plus que de nous. Soudain, elle se met à parler très bas et longuement. Elle me raconte mon histoire, notre histoire. Avec les mots que j’attendais. Sans complaisance, elle décrit tous les temps de notre histoire, lentement. Bien avant moi, elle en avait déroulé le sens caché.


    Un homme entre qui la connaît. Il s'approche de notre table et s'assoit sans se présenter. Elle me sourit étrangement, un sourire qui signifie que tout est dit, que s’il n’y a pas d’espoir, il n’y pas non plus à en souffrir. Elle fait signe à l’homme et ils repartent ensemble. Je ne sais pas où l’homme l’entraîne, s’il est son amant, s’il lui a donné rendez-vous là. Elle part avec lui, avec le vague de sa robe qui bat ses mollets.

     


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