• Mise en garde

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    Aujourd’hui, nous nous aventurons sur le terrain de l’âge tendre en compagnie du slogan "foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux", à l’occasion d’un petit baby-sitting.

    Comment bien foirer sa petite séance de baby-sitting

    par Ysiad

     

    Cela fait déjà un petit moment que vous rêvez de gagner votre argent de poche. Vos parents ont l’impression de perdre un bras chaque fois que vous leur demandez trois sous pour recharger le portable, il est grand temps que vous ayez un peu d’autonomie ; à quinze ans, vous en êtes tout à fait capable. D’ailleurs vous avez une patience d’ange et vous adorez les enfants, c’est ce qu’ils ont dit récemment à des gens qui cherchent une gentille baby-sitter dévouée qui puisse surveiller leurs petits amours de quatre et deux ans.

    Et comme la vie est bien faite, le téléphone sonne ! Ces gens-là vous demandent un coup de main vendredi soir après les cours, entre 18h 30 et 20h 30, pour distraire les petits, leur faire prendre leur bain, les faire dîner, jouer avec eux, leur lire des histoires et les coucher. C’est tout. Ce n’est pas sorcier. Ton prix sera le nôtre, a dit la mère au téléphone. Vous ne connaissez pas les tarifs, vu que c’est votre premier baby-sitting, mais bon, ça devrait s’arranger, au besoin, on arrondira.

    Les amis de vos parents habitant à l’autre bout de la ville, en quittant le lycée, vous prenez le métro, puis un bus, et un autre bus. Il est dix-huit heures trente quand vous arrivez au pied de l’immeuble, essoufflée et en nage tant vous avez couru pour être ponctuelle. Le père est là, qui a besoin de silence pour préparer son intervention. Il n’a pas que ça à faire, le père, il est conférencier à l’étranger, il vous briefe rapidement dans la cuisine, vous montre où sont les provisions et la chaise haute où il faut attacher Benjamin, lequel n’est pas toujours propre, vous glisse-t-il en confidence en vous conduisant jusqu’à la chambre des gamins qui vous regardent d’un œil malin en vous voyant entrer. Blandine, Benjamin, dit-il, voilà votre nouvelle baby-sitter. Soyez sages !

    Ben voilà. C’est à vous de jouer !

    Blandine a quatre ans et des nattes amusantes que son frère s’amuse à tirer toutes les vingt secondes, pendant que vous leur lisez l’histoire de la chèvre trop gourmande, qu’aucun des deux n’écoute. Pourtant vous mettez le ton, mimez, amplifiez les effets de la crise de foie de la chèvre qui à la page 4 a la bonne idée de gerber toute l’herbe qu’elle a broutée sur les sabots du fermier, en même temps que Benjamin se met à baver copieusement sur votre jean tout neuf, sans doute pour imiter la chèvre. Cette histoire est répugnante, vous changez de livre, démarrez celle du loup aux grandes dents qui boulotte tous les agneaux, mais ce n’est pas une bonne idée, voilà les mômes qui se mettent à trépigner. Allez, on va faire un plouf ! déclarez-vous avec entrain. Dans la salle de bain, vous déchantez en déshabillant le petit qui a bien lesté sa couche. Le thermomètre censé prendre la température ne marche pas, l’eau est glacée. Vous ajoutez de l’eau chaude pendant que Benjamin se roule par terre de rage, il ne veut pas se baigner. Après un quart d’heure d’âpres négociations, vous l’avez convaincu, et le voilà qui barbote à côté de sa sœur. Quinze secondes se passent avant que la guerre de l’eau éclate entre les deux camps ennemis. Benjamin claque la flotte des deux mains, Blandine riposte en lui vidant un gobelet de plastique sur le crâne, ça gicle, ça déborde, y en a partout, la salle de bains ressemble à une piscine. Tu t’en sors ? demande le père attiré par le boucan. Oui, mentez-vous avec le sourire, ils se sont juste un peu amusés. Il repart d’un air contrarié, non sans vous avoir indiqué où se trouvait la serpillière, et pendant que vous jouez à Cosette, les genoux dans le marécage, les gamins se dispersent en répétant comme des perroquets deux mots composés de deux syllabes identiques, le premier qui trouve reçoit un paquet de Pampers. Alerté par les cris, le père sort de son bureau, pour voir où vous en êtes. Il faudrait les faire dîner, vous suggère-t-il d’une voix plutôt impatiente. Bon, oui, bien sûr : direction la cuisine, et qu’ça saute !

    Plus qu’une heure pensez-vous, en tournant au fond de la casserole les épinards surgelés. Vous émincez du blanc de poulet que vous faites rissoler, dans un calme un peu trop parfait pour être honnête. C’est prêt !, annoncez-vous en cherchant les fruits que vous aviez posés à l’instant sur la table. Les enfants se sont réconciliés et les jettent à tour de rôle par-dessus le balcon. Va falloir vachement vous magner pour sauver une poire… Trop tard ! Elle s’est écrasée sur le trottoir ! Il ne vous reste plus qu’à séparer les complices, attacher Benjamin à sa chaise, nouer les bavoirs, remplir les gamelles, une bouchée pour Papa, une bouchée pour Maman, une bouchée pour faire plaisir à Julie, votre gentille baby-sitter, sans l’éclabousser, pas de blagues, les mioches, sinon ça va sévèrement barder ! Un quart d’heure plus tard, votre tee-shirt est maculé d’éclats d’épinards, le pyjama de Benjamin dégouline de confiture, quant à Blandine, elle a fait glisser ses morceaux de poulet derrière le radiateur. C’est la bérézina, le père vous surprend en train d’essayer de les récupérer avec une fourchette.

    Bravo. En plein dans la purée. C’est foiré.

    Il est bientôt vingt-et-une heures et la mère n’est toujours pas rentrée. Repli stratégique dans la chambre, en espérant qu’elle ne tarde plus. Vous êtes sur les rotules. L’histoire du matou doux, roux et mou est presque achevée quand enfin, la clé tourne dans la serrure. Il est pile la demie. Trois heures que vous suez pour les petits chéris, et c’est rien de le dire ! Heureusement, ils viennent de s’endormir.

    Bonsoir, dit-elle. Je suis très en retard. Tout s’est bien passé ?A merveille, répondez-vous avec un grand sourire de pro qui a vingt ans de métier. – Parfait. Nous avons un peu de mal à trouver quelqu’un de fidèle… Ça fait combien ?Ben… Euh… Cinq euros, répondez-vous, histoire de faire un peu d’humour.

    Mais si par miracle, trop contente de l’aubaine, la mère vous prend au mot et dégaine de son sac un petit billet gris tout chiffonné en vous suppliant de revenir dès vendredi prochain, alors seulement, la petite séance de baby-sitting aura été bien foirée.


  • Commentaires

    1
    Mercredi 11 Mai 2011 à 00:15

    Ah, Ysiad, Julie démarre mal dans la vie. Cinq euros, ça ne paye même pas le pressing... mais ça va résoudre le problème du chômage. A ce tarif, les patrons ne vont plus hésiter à embaucher !

    Merci pour celle nouvelle tranche d'humour !

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