• JamesTouray 

     Une rentrée toute en fraîcheur et pleine de promesses avec notre illustre commémorateur... 

     

    James comment déjà ?

    Jean-Claude Touray

    - Tu vas me prendre, pour un drogué du numérique en manque… Mais j’ai mes raisons : voilà une heure que je cherche un nom dans tous les sites de rangement de mon cerveau et rien à faire ! Si j’avais eu accès à Google, l’affaire était réglée en une minute.

    - On n’a pas de computer mais on a une tête… Je peux peut-être t’aider !

    - Le comble, c’est que j’ai retenu à peu près tout de ce James…sauf son patronyme, ça me gonfle et ça me gêne considérablement dans l’écriture de mon roman : c’est le trisaïeul du héros. Il est né et mort à Londres où il vécut pendant la seconde moitié du dix-huitième siècle et les débuts du suivant. Comme Alphonse Allais, il était fils d’apothicaire et s’intéressait à la politique, mais à la différence du natif d’Honfleur, il ne l’abordait pas avec l’humour que donne la pratique d’une certaine forme d’absurde. Il avait l’intrépidité et la détermination d’un défenseur de la cause du peuple, élu par le peuple à la Chambre des Communes.

    - Je suppose qu’il a d’autres titres de gloire ?

    - On le connait pour sa contribution active à la structuration de la Géologie, nouvelle science de la nature vers 1800. Ses travaux de collecte de description et d’interprétation des restes fossilisés d’animaux et de végétaux ont conduit certains à voir en lui le père de la Paléontologie. Mais il n’était pas le seul au monde sur ce créneau où le « coquillard amateur » était légion et l’on peut penser que d’autres demandes de reconnaissance en paternité ont été formulées. La science des fossiles est assez composite : elle a des domaines et des applications diversifiés et il est          arbitraire de lui chercher un géniteur unique. C’est là que je me demande si James…

    - Dalton ?

    - Non ! … James « le géologue » avait une autre corde à son arc et suffisamment de notoriété pour mériter la promotion de sa mémoire dans le « Cercle des pipoles disparus ».

    - Alzheimer ?

    - Mais non, je cherche un Anglais, pas un Bavarois

    - Parkinson ?

    - Oui !! Je ne sais pas comment tu as fait, mais tu as trouvé… J’avais oublié de préciser que notre homme était également docteur en médecine. Il a été le premier à décrire une maladie d’origine nerveuse qu’il a dénommée « Paralysis agitans ». Il a fallu une cinquantaine d’années pour que l’importance de la découverte soit reconnue et qu’en hommage au découvreur la maladie porte son nom, sur la proposition d’un éminent savant français

    - Pasteur ?

    - Non, mais tu vas rire, j’ai oublié son nom.

     


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    Pour lire cette chronique, merci de laisser un message au barman ; il le transmettra à l'auteur.

     


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    Il y a quelques mois de cela, Jean-Claude Touray nous avait conté la vie singulière de personnages mémorables tombés dans les oubliettes de l'histoire comme Ravaillac, Mandrin, Caïn. Le temps faisant également son œuvre, il était à son tour menacé de passer à la trappe. Fort heureusement, notre chroniqueur en a vu bien d'autres et il nous revient pour honorer un homme qui en a vu de toutes les couleurs

     

    John Dalton : je pense à lui quand en saison, les cerises sont rares.

    Je ne sais pas si chez vous c’est comme chez moi, mais la variété précoce (l’Early Rivers d’Olivet) a mûri cette année avec beaucoup d’avance, la production étant malheureusement faible. Peu de ces grappes de " pendants d’oreille " qui font les fortes récoltes et que le poète a chantées, il fallut se contenter de ramasser une par une les cerises, points rouges dispersés dans une masse de feuillage vert : un challenge pour les malheureux atteints de l’anomalie de la vision, décrite en son temps par John Dalton.

    "Quand j’entends ce nom, je sors mon Lucky Luke". Voila le genre de réponse en forme de bon mot que te font les gens quand tu leur demandes s’ils connaissent John Dalton. Uniquement histoire de jouer les branchés en montrant qu’ils en savent plus que tu ne crois. Mais c’est à Joe l’aîné des quatre frères, bandits de bédé qu’ils pensent : un homonyme.

    John Dalton (1766-1844) est né en Angleterre, dans une pieuse famille de pauvres tisserands. Il doit sa célébrité posthume à ses travaux en physique-chimie et en médecine.

    Il est d’abord connu comme homme de loi (la loi de Dalton ? Tu m’étonnes) et vrai père de la théorie atomique. Un vieux machin proposé sans arguments sérieux par Démocrite, au joli temps de la Grèce antique et que Dalton a revisité. A ce titre, il a fait un malheur chez les chimistes qui ont donné son nom à une unité officielle au chapitre des mesures physiques. Seules quelques dizaines de personnes, comme Ampère ou Pascal par exemple ont été ainsi honorées.

    La distinction accordée par la "vox populi" des intellos à de grands esprits sympa et à leurs découvertes peut-être un nom commun en…isme, complété par des adjectifs qualificatifs en …iste et/ou plus rarement en …ien. Ainsi, John Dalton n’était pas daltoniste mais daltonien, alors que Bouddha n’était pas bouddhien mais bouddhiste. Le général était tout à la fois gaulliste et gaullien. Mais ne nous égarons pas, tout ce qui nous intéresse est de rappeler que Dalton est le premier daltonien homologué. Un de ces confusionnistes du vert et du rouge qui prennent une menthe à l’eau pour de la grenadine et voient rouge dans de verdoyants pâturages. Je ne parle même pas de leurs opinions : une simple anomalie de la rétine explique leur ignorance de l’écologie politique.

    John Dalton racontait volontiers comment à l’âge de six ans il avait, en ramassant des cerises confondu les rouges et les pas mûres. Il en avait déduit l’existence d’une anomalie, inconnue du corps médical, dans la perception des couleurs, déficience dont il était victime. Sagement, il attendit pour publier ses données d’être assez âgé pour être pris au sérieux.

    John Dalton aurait son buste au Panthéon mondial des hommes de science, si ce monument existait. De plus, il fait partie de ces savants que la petite histoire a rendus familiers : Einstein tirant la langue avec malice ou Newton le distrait qui ne prévoit pas que s’il fait la sieste sous un pommier de plein vent chargé de fruits mûrs, il risque d’en recevoir un sur la tête… pronostic à la portée d’un enfant, mais il fallait être Newton pour en déduire la théorie de la gravitation universelle et ne pas en être plus fier pour ça. Quoi de plus touchant pour le public qu’un scientifique expérimentant sur lui-même, comme Dalton découvrant le daltonisme.

    Alors pourquoi n’est-il pas plus connu aujourd’hui ? Je n’ai pas de données statistiques à présenter mais j’ai l’intime conviction qu’il a été injustement trop oublié. Je vois trois raisons principales :

    D’abord le nombre des homonymes (cf Wikipedia)

    Ensuite la quantité des "réfractaires aux beautés des gaz parfaits" qui ont, dès que possible, oublié Boyle, Mariotte, Gay-Lussac, Avogadro et donc aussi Dalton…

    Enfin le fait que John D. était anglais, facteur défavorable pour être honoré en France. Mais la question reste ouverte…


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    Où l'on retrouve Jean-Claude Touray célébrant un grand nom de l'histoire...

     

     

    Caïn : erreur judiciaire ?

     

     

    Facile de commémorer la naissance ou la mort d’un personnage dont l’existence est mythique, aucune contrainte de date. Célébrons donc aujourd’hui le vingt millième anniversaire de la venue de Caïn en ce bas-monde. Caïn, l’aîné des fistons d’Eve et d’Adam, le premier criminel de l’Histoire a-t-on écrit, celui qui aurait assassiné son p’tit frangin Abel. Condamné en première instance à l’exil, sans appel possible, par un Dieu juge et partie.

     

    Je crois à l’innocence du présumé coupable.

     

    Abel ce salopiot, avec ses menus " méchoui et barbecue " associant viandes grillées aromatisées aux herbes de Judée, salades sauvages, fromage et dessert, faisait un malheur dans le secteur de la restauration. Dieu était un client régulier. De son côté, la soupe de légumes versée sur une tranche de pain d’épeautre que Caïn offrait à la consommation n’avait aucun succès. Dieu n’était jamais venu.

    D’où, dit-on, une jalousie, un mouvement d’humeur et des coups et blessures ayant entraîné la mort d’Abel avec intention de la donner. C’est une colère froide et raisonnée qui aurait conduit Caïn à émasculer son cadet avec un coupe-cigare avant de le clouer au sol d’un coup de pioche… Colère contre son chouchou de frérot toujours favorisé, et contre Dieu qui n’était pas végétarien.

     

    Voila l’opinion officielle, qui est celle de la grande majorité de nos concitoyens. Ils ont tendance à prendre l’aîné des rejetons d’Adam pour un assassin sans moralité, un quidam franchement pas fréquentable à jeter aux oubliettes. " Rien n’est bon en lui, y’a tout à jeter " pourraient-ils chanter, paraphrasant Brassens. Victor Hugo a pourtant montré que Caïn avait une conscience qui le tenait à l’œil et cela, jusque dans la tombe.

     

    On voit bien que toute l’instruction de cette affaire est à reprendre à zéro…On n’est même pas certain qu’il y ait eu mort d’homme. Encore moins que Caïn ait été, par jalousie, l’assassin de son frère.

     

    Caïn, agriculteur sédentaire, récoltait des céréales sélectionnées. Parallèlement, c’est lui qui a lancé, cahin-caha hue dia hop là, la domestication des animaux qui nous sont familiers comme l’âne et le bœuf, le chat et la souris ou encore le morpion. C’est un bienfaiteur de l’humanité, très moderne en son temps : le Néolithique.

     

    Abel, vagabond sans feu ni lieu, se nourrissait de rats du désert et de figues de Barbarie complétés de laitages et viandes fournis par son troupeau de chèvres. Il dormait à la belle étoile avec sa chienne. C’est surtout en rêve qu’il était devenu le pape de la cuisine branchée. Nomade accompagnant ses bêtes, Abel n’était qu’un va-nu-pieds.

     

    Et l’on voudrait nous faire croire que Caïn était jaloux de la réussite de son frère au point de le trucider !


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    Après le succès d’estime remporté par le texte de Jean-Claude Touray célébrant la mémoire de Ravaillac le mal-aimé, nous vous proposons aujourd’hui Mandrin : Louis le bien-aimé, du même auteur. Rappelons que vous aussi, visiteurs assidus ou de passage, vous pouvez nous présenter une personnalité illustre qu’elle soit inconnue, ignorée, obscure ou secrète…

     

     

     

    Feuilletons quelques dictionnaires. Mandrin, nom commun, y désigne une variété de petits objets dans le domaine des techniques. Exemple de mise en phrase: Quand Paulo a le mandrin, sa perceuse fait des merveilles. Une acception supplémentaire figure dans le " trésor de la langue française " : celle d’escroc, filou, du nom de Louis Mandrin, célèbre bandit français qui fut exécuté en 1755 à Valence; ce terme est bien att. dans les parlers du quart Sud-Est et de la Bourgogne au sens de "malfaiteur, vagabond, mauvais sujet" (FEW t. 6, 1, p. 160).

    Et voila le plus grand héros du Dauphiné habillé pour l’hiver par un distingué lexicographe.

     

    Chevalier blanc apparu dans le ciel chargé d’une monarchie absolue sur le déclin (saisissante image, non ?) Mandrin " capitaine général des contrebandiers " fut un temps trop court hélas, source de migraines et d’insomnies pour bien des fermiers généraux. Ces financiers richissimes, prêtaient au roi et se remboursaient sur la bête avec de coquettes plus-values… Ils étaient si détestés par le peuple que ce fut un plaisir de les guillotiner sous la Révolution.

    Bandit malgré lui, Louis avait à la suite de la pendaison de son frère Pierre " déclaré la guerre " aux collecteurs d’impôts et à leurs sbires des bureaux et des brigades de la " Ferme Générale ". Ces percepteurs privés s’acharnaient tout spécialement à faire payer les pétuneurs, mais sans se soucier de leur santé : jamais il n’était écrit : " Fumer tue " sur les paquets de tabac. C’était aussi l’époque de la gabelle et l’addition était salée pour qui voulait mettre un peu de chlorure de sodium dans sa gamelle.

    Stratège remarquable, Mandrin savait berner les forces de l’ordre envoyées à sa poursuite en opérant là où on ne l’attendait pas, avant de se réfugier de l’autre côté de la frontière, dans les montagnes suisses.

    "Le peuple aime ce Mandrin à la fureur" (Voltaire). Bien naturel, Louis qui taille des croupières aux gabelous venge les petites gens que l’impôt écrase. Il les fascine par tous ces trésors qu’il cacherait dans des grottes. En plus, c’est un brigand très convenable, issu d’une bonne famille qui a eu des malheurs. Voleur, peut-être, mais il règle ses consommations dans les tavernes.

     

    " Fameux par ses forfaits, il fut grand par sa mort ". Il reste de nos jours une complainte colportée après son exécution. Chanson de geste en raccourci peu soucieuse de vérité historique, elle a fait de Louis Mandrin un héros d’épopée.

    Mais s’il était célébré hier, aujourd’hui...

    Demandez à Chloé, qui passe les épreuves de français du bac, si elle le connaît.

    - Pas soldat Louis fillette ! Louis Mandrin. Le Robin des bois français.

    - Connais pas ce ringard, mais Robin des bois, oui, j’ai vu le dessin animé.

     

    Décidément, rien n’arrêtera l’invasion culturelle anglo-saxonne.


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    Dans la série " Les grands oubliés de l’histoire " Jean-Claude Touray nous présente aujourd’hui :

     

    Ravaillac le mal aimé

     

     

    On a tendance à oublier que François Ravaillac, décédé peu après Henri IV, a quitté ce bas-monde en mai 1610.

    Le quadri-centenaire de l’évènement donnera-t-il lieu à une célébration ? Une commémoration ? A quelques articles dans la presse ? Rien de tout ça à mon sens : comme Lucifer, Caïn ou Raspoutine, François Ravaillac fait partie des " mal aimés " que l’on veut oublier.

    A l’âge de dix ans, c’était pourtant un marmouset d’un genre que, d’habitude, on aime bien : un de ces enfants de cœur que le bon peuple appelle " chouettes petits gars ". Toujours prêt à rendre service et à batailler pour la bonne cause, un vrai mousquetaire en sabots. Hélas, personne ne l’aimait.

    Il allait dès l’aube visiter taillis et futaies, pour y ramasser par tous les temps du bois mort à ranger au cellier, car les hivers étaient rudes et sa famille pauvre : le matin, au saut du lit, il lui fallait se contenter d’un quignon de pain dur, à tremper dans une tasse de lait de chèvre qu’il avait dû traire lui-même. Dans ses récoltes forestières, François Ravaillac n’oubliait jamais la part des indigents. Pour eux, il ramassait de belles bûches quand les ruisseaux étaient gelés. Et pourtant, personne ne l’aimait.

    Sur la place de son village, il faisait régulièrement le coup de poing avec les Huguenots de son âge. Il fallait le voir, très crâne, défendre la vraie foi avec un joli mouvement de menton et un coup de pied à la retourne dans la grande tradition de la savate. Avec ça, pas rancunier pour un liard, toujours prêt à verser du baume sur les ecchymoses, bleus et coquarts de ses adversaires. Malheureusement, allez donc savoir pourquoi, personne ne l’aimait, pas même monsieur le curé.

    Pire, en grandissant il allait être de plus en plus critiqué, à cause de ses visions et des voix venant du ciel qu’il entendait, à une époque où n’existaient ni la TV, ni le téléphone portable. La situation devint vraiment dure pour lui, car c’était un être sensible. Il en avait le cœur meurtri et l’âme blessée.

    Soyons clairs, les gens le détestaient et lui faisaient sentir. Ils ont fini par le faire écarteler en place de Grève, après qu’il ait été abreuvé d’huile bouillante et de plomb fondu. Tout cela au motif qu’il avait utilisé, pour poignarder le bon roi Henri, un couteau volé dans une taverne.

    Ravaillac n’avait agi ni par cupidité, ni par méchanceté, ni par haine, mais pour faire plaisir et rendre service… A trente deux ans, François était un type épatant, n’attendant que l’occasion pour se montrer sous son vrai jour : l’obligeance incarnée…

    Mais allez donc le faire comprendre aux gens… Personne, vraiment personne ne l’aimait.


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