• Les cent premiers jours après la fin du monde, 90

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    Complément d’information.

    Yvonne Oter

     

     

    Suite à ma communication sur la disparition des poux, la revue « Animal Behaviour » m’a demandé de rejoindre de toute urgence une équipe internationale de chercheurs étudiant le comportement des grands singes à Bornéo. Il semblerait qu’ils y rencontrent certains problèmes inédits, depuis le 12 décembre dernier.

    Dès mon arrivée, j’ai pu constater que le mot « problèmes » était un doux euphémisme pour qualifier la situation qui y régnait. « Pagaille », « bordel », « apocalypse » auraient encore été très en dessous de la réalité. Les scientifiques qui m’ont accueillie ne savaient plus à quel saint se vouer, au point de craindre pour leur vie. L’équipe en place depuis de longs mois, qui avait déployé des trésors de patience et d’ingéniosité pour entrer en communication avec une population d’orangs-outans, voyaient leurs efforts réduits à néant par des bouleversements inattendus.

    Les primates hominoïdes qui passaient une grande partie de la journée à se chercher des poux, se retrouvaient brusquement désœuvrés, donc forcément déboussolés. L’épouillage était un rite social incontournable, permettant, par exemple, au petit et à sa mère de former un binôme fortement uni, ou aux femelles de se reconnaître comme compagnes de clan acceptables. La disparition des parasites avait créé un manque de repères difficile à combler. Les jeunes n’en faisaient plus qu’à leur tête, n’obéissaient aux consignes qu’en cas de châtiments corporels. Les mères abusaient des taloches aux petits passant à leur portée, les leurs et ceux des autres, puisqu’elles ne les reconnaissaient plus. Les femelles les plus jeunes tentaient de prendre l’ascendant sur leurs aînées qui n’avaient plus la ressource d’un épouillage un peu brutal pour ramener les fauteuses de trouble à raison.

    Ce qui m’a le plus interpellée, me crevant littéralement le cœur, ce sont les cris désespérés des vieux mâles hurlant leur désarroi de tous les coins de la forêt. Solitaires par essence, on aurait dit qu’ils tenaient à partager leur désespoir en émettant violemment leur détresse par des hurlements qui se répondaient d’un territoire à l’autre.

    J’ai quitté Bornéo le cœur serré. Je sais que la nature est bien faite, que les primates finiront par s’adapter à la nouvelle situation, qu’ils adopteront un autre style de vie. Mais je sais que cette génération que j’ai fréquentée pendant dix jours, ne s’en remettra pas vite. Il faudra du temps. Et beaucoup de souffrances.

     

    Lire ou relire la chronique d’Yvonne Oter : La fin du monde a bien eu lieu


  • Commentaires

    1
    Vendredi 22 Mars 2013 à 14:46

    Pas de souci, Yvonne. DSK leur enverra des morpions.

    2
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    Pourquoi pas des puces électroniques?

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