• Les cent premiers jours après la fin du monde, 85

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    Chronique de la joncaille

    Jean-Claude Touray

     

     

    Un peu étrange l’atmosphère, mais à peine décalée. On aurait pourtant dépassé depuis deux bonnes semaines la date officielle de la fin du Monde telle que les savants l’avaient déterminée sur la base des manuscrits Mayas… rien. Comme si l’on attendait un enfant Jésus refusant de quitter le ventre de sa mère. Un malin qui aurait compris que dans cette période de crise, fin du monde ou pas, il était préférable de rester planqué au chaud.

    Chutes de neige normales pour la saison, principalement là où on les attendait. Des avalanches et du verglas comme à l’accoutumée. Rien des scenars apocalyptiques avec tempête dans la poudreuse et centaines de villages isolés en montagne.

    Tout s’était déroulé comme si rien d’extraordinaire ne s’était passé. La traditionnelle période des Fêtes avec réveillons, Père Noël et semaine des confiseurs, avait fait son temps sans éclats. Pas plus d’automobiles transformées en feux de joie que d’hab pendant la nuit de la Saint Sylvestre : mêmes incendies, mêmes incidents en dents de scie. Aucun changement qui aurait pu être attribué à la fin de quelque chose. On n’était pas encore parvenu à savoir si une fin du monde nécessairement « light » avait eu lieu ou s’il fallait l’attendre encore longtemps.

    L’annonce de la fin du monde en 2012, LUI avait causé une joie indicible. C’était, pour l’anarchiste égocentré qu’il était, la preuve d’un échec total des différents collectivismes-panurgismes qui avaient confisqué le pouvoir écono-politique tant à Pékin qu’à Paris,Wall Street ou La Havane.

    Les colonnes de la presse des matins blêmes, avaient été ouvertes à l’imagination de lecteurs, pour qui le Monde finissait dans les torrents de sang d’une ambiance tragique illuminée de chandelles romaines.

    Il fallait que par n’importe quel moyen les gouvernements définissent une position claire sur la date de l’évènement et s’y tiennent : l’annonce discrète que la vraie fin du monde n’était pas pour 2013 ni même pour 2014 n’eut de retentissement que pour quelques-uns, mais qui firent part de leur mécontentement.

    Il y eut au premier chef les évêques, pasteurs, rabbins et imams. L’approche supposée de la fin du monde avait décuplé la fréquentation des lieux de culte, le montant des quêtes et le prestige des Églises. Aubaine désormais perdue pour longtemps…

    Le pape en avait profité pour rendre sa soutane.

     

    Cette décision (du jamais vu !) était la conséquence logique de la désaffection de fidèles que n’effrayait plus la perspective d’une éternité en enfer. Ces mauvais sujets considérant que la fin du Monde n’était pas pour demain, refusaient maintenant de financer l’organisation de la catholicité, au grand dam de la banque du Vatican.  Comble d’insolence, ces malotrus ironisaient sur les réticences du successeur de Saint-Pierre au mariage des prêtres pédophiles.

    C’était la goutte d’eau qui avait fait déborder le godet de pastaga du pontife. Il refusait maintenant de porter le Bada pour tous les cardinaux réacs, position qui l’avait conduit à l’abandon de sa charge.

     

    Quant à LUI, la Fin de « fin du monde » en 2012 l’avait désargenté assez sérieusement. Il avait acheté au prix fort en octobre tous les terrains à vendre aux pieds du pic de Bugarach, la montagne soi-disant sacrée dont les occupants échapperaient au sort du commun des mortels. Maintenant, les producteurs de fromage lui proposaient avec un sourire narquois de lui racheter ces pâtures, mais à vingt pour cent du prix payé… à ces mêmes rusés paysans deux mois plus tôt. Joncaille quand tu nous tiens…

     

    Tu ne vas pas te laisser plumer comme un rat ma couille ! On t’a fait perdre du fric, on doit te le rendre avec intérêts. Attaque, attaque ! Au civil pour commencer !

    Attaquer, mais qui ?

    Les gogos qui ont le pognon et une responsabilité dans le délit !

    Quel délit ?

    Propagation de fausses nouvelles pouvant porter tort à autrui. Je te parie ma dernière burne contre ton nez de Cyrano que tu vas trouver dans tes recherches le gouvernement et la banque centrale du Mexique.


  • Commentaires

    1
    François (premier)
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    Merci. Ça fait du bien. C'est dans le thème et dans l'actualité, c'est pas toujours, faut le souligner. Et puis ça grince vraiment. C'est ecrit comme ça se respire, du coup on respire! Quand vous voulez, je suis preneur! 

    2
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    L'enfer? Mais c'est fini. Depuis que Rabbi Moshé Loeb, qui aimait son prochain et à qui son rabbin avait promis l'enfer après sa mort, qu'en arrivant en cet endroit il avait rencontré le dit Rabbin, et qu'il avait refusé de se rendre au Paradis, puisqu'on avait éteint tous les feux et qu'on les rallumerait après son départ.  

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