• Les cent premiers jours après la fin du monde, 81

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    Remords radioactifs

    Vieufou

     

     

    Nous sommes les humains de l'avant-dernier âge
    Derniers colocataires de ce caillou si grand
    Qui n'a pu contenir la force des orages
    Jaillis en tourbillons de nos cerveaux déments

    Voici le bon vieux temps, celui qu'on attendait
    Voici venue la fin du siècle de la honte
    L'âge de la retraite pour notre race usée
    Rattrapée par ses rêves à la fin du décompte

    Quelques A 320 en pleine migration
    Déchirent en rugissant notre ciel carbonique
    Des baleines bourrées de bébés à neutrons
    Sillonnent un océan défunt, mais pacifique

    Dinosaures d'acier rouillés et grimaçants
    De vieux Caterpillar pareils à des dragons
    Dévorent les forêts, engloutissent les champs
    Puis défèquent en grinçant des tonnes de béton

    Et dans ces gris étrons aux formes pipédiques
    Nous nous précipitons pour tisser des cocons,
    Insectes prétentieux frappés par la panique
    Nous croyons trouver Dieu dans l'éclat des néons

    Et nous nous entassons, fourmilière anarchique
    Et nous nous débattons pour nous faire une place
    Et nous nous disputons sur des questions d'éthique
    Tuant pour les besoins de survie de la race

    Nos esprits connectés au circuit vidéo
    Sont maintenus en vie par d'innombrables chaînes
    Et nous applaudissons d'ennuyeux No-one Shows
    Sans nous apercevoir que nous sommes à l'antenne

    Nous faisons tournoyer des roues de l'Infortune
    Croyant pouvoir un jour empocher le million
    Mais nous arrivons juste à décrocher la lune
    Croyant être tombés sur un précieux filon

    Nous nous laissons aller à d'annuels mamours
    Qui n'ont d'autre dessein que la procréation
    Et en toute saison nous pensons que l'amour
    C'est regarder ensemble la même télévision

    Nous pratiquons souvent, et avec quels délices
    La culture intensive des champignons géants
    Charmés par les couleurs de ces feux d'artifice
    Qui nous ont redonné nos sourires d'enfants

    Corrigés les gauchers, gommés les trisomiques
    Plus d'homosexuels et plus de révoltés
    Finis les agités, les poètes utopiques
    On vous bricole un gène et vous êtes parfait

    Notre sport favori est l'écrase-piétons
    Rien n'émeut désormais notre âme aseptisée
    La conscience lavée de tout regret bidon
    Nous avons oublié nos rêves démesurés

    Je voudrais m'excuser de ces remords tardifs
    Je demande pardon pour notre race entière
    Mais j'ai du mal, vraiment, à me sentir fautif
    Je suis morteterrien et je n'en suis pas fier


  • Commentaires

    1
    Mercredi 13 Mars 2013 à 12:11

    Je n'ai rien contre le béton et en tout cas je préfère un hopital en béton qu'une barraque insalubre.

    Par contre, j'ai une dent contre les marchands de béton, surtout quand ils squatent une chaîne nationale qui était le bien de tous et qui est devenue leur propriété privée pour mieux abrutir la population !

    2
    le Belge
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    Que voilà un vieux fou bien lucide!

    3
    danielle
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    Je ne te savais pas poète! Je découvre et j'apprécie!

    4
    SophiE
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    Et un bon coup de pied dans la fourmilière, c'est quelquefois un défoulement salutaire! Bravo pour le poème en tout cas.

    5
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    ...Non, la terre n'est pas morte, elle survit, hélas!

    Ses miasmes à l'affût, ils vous guettent, ceux qui passent.

    Vous qui venez d'ailleurs, surtout, n'approchez pas

    Vous pourriez devenir aussi fous : on vous chasse!

    6
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    Tous ces financiers envahissent le domaine public et parasitent toutes nos activités. On en vient à les repérer... pour éviter d'acheter leurs produits.

    7
    Jordy
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    Poème très efficace, qui décomptent les vérités qui blessent. Bravo

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