• Les cent premiers jours après la fin du monde, 80

    Chappey-06.jpg

     

    Belinda, 80 jours après la fin du monde

    Dominique Chappey

     

     

    Mon gros Roger,

     

    Même s’il est plus que probable que ce courrier moisisse dans notre boîte aux lettres, je ne résiste pas au plaisir de t’envoyer quand même quelques nouvelles. Si par miracle tu lis ces quelques lignes alors peut-être, dans un sursaut d’intelligence, t’es-tu décidé à ouvrir la porte blindée de ton bunker pour reprendre une vie quasi normale, cette petite carte postale t’évitera alors des tracas inutiles.

    Pour la maison, rassure-toi, nous n’avons pas été cambriolés. Cela va te faire du changement, mais pense à la joie des bénévoles d’Emmaüs quand ils ont tout vidé. Tu aurais dû voir leurs têtes quand je leur ai dit qu’ils pouvaient tout prendre à l’exception des deux valises qui attendaient tranquillement dans l’entrée que mon taxi arrive. Quand ils sont tombés sur l’argenterie de ta mère, j’ai eu toutes les peines du monde à leur faire avaler que ça aussi, c’était cadeau.

    J’ai pensé à ta convalescence. En cas de sortie hypothétique, après toutes ces journées passées à l’étroit dans ton béton, des grandes pièces vides, ça ne peut que te faire du bien.

    Côté finance, ne te préoccupe de rien. Ma nouvelle carte Gold transfère chaque versement de ta pension automatiquement de notre compte commun sur mon compte personnel, ça te fait un souci en moins. Tu peux bien-sûr essayer de tout annuler. Mais sans les justificatifs évacués en même temps que le buffet de la salle à manger, il paraît que c’est tout un pataquès administratif. C’est le petit Sébastien, le guichetier de la poste, celui qui est beau comme un dieu grec, qui m’a expliqué tout cela.

    Je sais que tu te fais souvent une montagne d’un rien, mais ne dramatise pas, tu n’es pas à la rue et puis dans ta gentilhommière en sous-sol, il doit te rester suffisamment de lyophilisé et de conserves pour te faire éclater le foie. Prends ça comme un retour sur investissement. Pense à poursuivre tes séances de vélo d’appartement pour alimenter les batteries du bunker, j’ai fait couper tous les compteurs de la maison, tu sais que j’ai horreur du gaspillage.

    Je t’écris du Mexique. Pour débuter mon tour du monde, c’était quand même la moindre des choses d’aller remercier les Mayas. Le site de Chichen Itza est impressionnant et la pyramide de Kukulkan magnifique. Je t’enverrais bien des photos si j’avais du temps à perdre. Je tiens une forme épatante et le soleil donne à Sébastien un teint cuivré qui lui va à ravir.

    Sébastien, qui est un peu poète, dit que ce qui est beau dans le voyage, c’est la raison qui nous pousse à voyager, pas la destination. Autant te dire que je fais un voyage merveilleux ! Prochaine étape, la Terre de Feu, le bout du bout, là où la terre s’arrête dans la mer. À chacun sa fin du monde.

    La mienne ne fait que commencer.

     

    Ta Belinda

     

    Relire la chronique de Belinda du 30 décembre 2012 ? Clic 


  • Commentaires

    1
    Mardi 12 Mars 2013 à 10:16

    Très drôle et bien trouvé, ce tour du monde en 80 jours...

    2
    Mardi 12 Mars 2013 à 13:32

    Oui, une petite merveille, vraiment !

    Et quelle photo ! De plus, elle est de saison pour nous les Normands sous les congères

    3
    M le
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    Excellent ! (J'aime les happy ends).

    4
    Joël H
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    Bravo!

    5
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    Tout cela ne me surprend pas de la part de Belinda! Mais ma foi, "comme on fait son lit, on se couche!"

    6
    danielle
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    Sacrée Belinda, latête près du bonnet! Bravo!

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :