• Les cent premiers jours après la fin du monde, 78

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    L’origine du monde

    Benoit Camus

     

     

    Elle a surgi de son coquillage. Sa chevelure blond vénitien en oriflamme, la main gauche en conque devant son sexe, la droite doigts écartés sur un sein, le regard se détourne, indolent. La sérénité qu’elle dégage ferait presque oublier l’assurance que sa posture trahit. Elle arrive sous une pluie de roses, nimbée d’une blancheur virginale – le chromo est parfait – de sorte que, mal instruits de sa nature, nous lui donnerions d’emblée le bon dieu sans confession ; un dieu que nous aurons l’esprit de lui épargner, dont elle se moquerait si, par folie, il tentait de lui dicter une conduite. S’y risquerait-il, elle le mépriserait. Comme elle méprise ces sous-fifres, experts en manifestations éoliennes, qui s’époumonent dans le seul dessein de la guider vers la terre ferme, à moins que, à l’instar de concurrents omnipotents, et bien qu’ils ne soient pas calibrés pour, ils n’imaginent, présomptueux, carrément lui insuffler la vie. Elle ne se préoccupe pas davantage de la servante qui lui échoit, qui souhaiterait remédier à sa nudité – « de la décence ! » l’exhorte le chaperon – et couvrir ses épaules d’un voile rouge. En vain, elle le lui offre… La pauvre, nous le devinons, n’aura pas, au long de ses années de servitude, la tâche facile.

    Vénus vient au monde et elle ne doute de rien. Ne se figure surtout pas sa fin… entre les griffes de Rimbaud pour lequel, à son insu, elle rejouera le temps d’un sonnet la scène originelle, l’anadyomène à la silhouette hottentote, callipyge et hanches à l’avenant. Son corps consumé, auquel elle aura infligé, persuadée qu’ils passeraient inaperçus, d’incessants colmatages et replâtrages, émergera à nouveau de l’eau. S’étalera au grand jour sa peau vergetée ; tremblera à chaque mouvement sa chair flasque. Elle entreprendra d’enjamber la baignoire : elle s’agrippera à ses rebords, se hissera à tâtons, en recherche d’un équilibre stable, puis s’inclinant, Vénus, pied en arrière, tendra sa large croupe / Belle hideusement d’un ulcère à l’anus.


  • Commentaires

    1
    Jeudi 14 Mars 2013 à 05:13

    J'aurais bien aimé demander à Rimbaud, quand même, comment diable on peut ulcérer son anus.

    2
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    "......La beauté? _ Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle." (Baudelaire. Poëmes en prose)

    3
    Yvonne Oter
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    La Vénus telle que l'a peinte Botticelli reste un fantasme pour les uns et un modèle pour les autres, même et surtout si ses formes voluptueuses ne correspondent plus aux canons de la beauté d'aujourd'hui.

    Alors elle peut conserver sa sérénité, garder un comportement impassible, toiser de haut les mortels : elle sera vivante par delà les siècles.

    4
    Jordy
    Samedi 23 Août 2014 à 18:02

    un texte de haute volée littéraire.

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