• Les cent premiers jours après la fin du monde, 40

    Jeanson2-copie-1.jpg

     

    Une fin du monde minable

    Corinne Jeanson

     

     

     

    Ils l'avaient annoncée. Ils étaient allés chercher le calendrier des Mayas. Ils avaient pointé un village de l'Aude. On va tous crever, chantait Didier Super. Et là on connaissait la date. Parce que sur la toile, quelques-uns s'étaient interrogés, certains y avaient vu un fait sociologique, et d'autres avaient flairé la bonne affaire médiatique. Les gourous obscurs passaient à la télé, c'était une bonne aubaine pour eux, le Mexique s'était demandé s'il pouvait attirer des touristes sur cet événement ultime.

    Pendant ce temps-là, une dictature en Syrie s'essuyait les bottes sur des cadavres, des radicaux islamistes délibéraient au Mali sur le vol et le voile et tranchaient des mains, et Sandy terminait le boulot sur l'île de Haïti après le séisme.Gérard pensait que les médias n'avaient aucun respect pour les vraies fins du monde. Gérard pensait que les Occidentaux s'inventaient d'angoissantes visions pour éviter de voir les réels dérapages du monde bien humain. Gérard savait que les Juifs attendaient l'arrivée du Messie, Gérard savait que les chrétiens attendaient l'antéchrist, Gérard savait que les musulmans attendaient l'Heure. Gérard n'aimait pas la vision monothéiste du monde. Gérard savait que ce rendez-vous n'avait rien de fatal. Gérard soulevait son verre de cru classé en regardant le ciel et saluait les dieux qui jouaient avec ses nerfs.

    Gérard devait préserver pour les siens ce qu'il avait bâti à coup d'amour et de passion. Peu importe qu'on jugeât son geste de minable. Rien ne l'arrêterait. Le 22 décembre 2012, 22, 12, 12, s'effaçait, on fêtait déjà le premier jour de 2013, 01, 01, 13. Ça fait combien de jours en calendrier chinois ?

    Il tenta d'appeler Dieu le père - en vain - aucun secours de ce côté-là. Il embrassa la main tendue de l'antéchrist qui s'était levé pour lui derrière le mont Oural. Il agita au-dessus de sa corpulence son laissez-passer. Il se déguisa en petit père du peuple. Il fit tout cela avec le talent qui était le sien, même quand il fallait prendre le mauvais rôle. Il fit tout très bien. Il avait frappé fort.

    Il se souvenait de sa fin du monde. Le jour où son ange des enfers était parti. Guillaume lui disait : « Gérard, tu es pourri par l'argent, tu veux être aimé, mais tu ne sais pas nous aimer. »

    Bien sûr qu'il continuera son périple en Russie, sentir l'âme slave, le nez au vent dans le port de la Neva ou les pieds dans la Volga. La Russie, ça sent Guillaume. Entre Fédor et Marcello, il se sentirait bien. La Russie, ça le sauvera de sa fin du monde.

      


  • Commentaires

    1
    Vendredi 1er Février 2013 à 01:32

    Heureusement qu'il ne fait pas venir ses petits-enfants. C'est un très mauvais papy russe.

    2
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:04

    Eh oui, à chacun sa campagne de Russie. Mais attention, elle est souvent suivie d'une piteuse retraite...

    3
    Liliane
    Samedi 23 Août 2014 à 18:04

    Géraaaard ! les pieds dans la Volga ET le nez dans la vodka, tralala !

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :