• Les cent premiers jours après la fin du monde, 31

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    21 janvier 2013

    Sophie Etienbled

     

     

    Un mois après la fin du monde, faut-il dresser un bilan ?

    Sur son radeau malmené par la débâcle européenne, la France médusée regarde tomber des cieux troués d’ozone les eaux qui ne la laveront pas de la tyrannie d’un CAC 40 flottant.

    Le gouvernement rame : le pauvre, il n’avait pas prévu de manœuvrer une galère à la godille !

    Perturbée, l’opposition nouvelle a perdu sa boussole Rolex et, serpent de mer schizophrène, se mord la queue à en perdre la tête, à moins que ce ne soit le contraire.

    Du mât de misaine, grimpé en grade comme son parti, la main passée du cœur au front, un ancien pote scrute un monde d’intouchables en rêvant que la Marine chavire.

    Les Verts se noient dans la grisaille, le soleil boude les panneaux abandonnés au vent mauvais qui fait tourner à tombeaux ouverts les pales éoliennes.

    A Revin, Florange ou Petit-Couronne, les sirènes ont renoncé à chanter pour des usines mises au rebut. Les mutins ont décroché, le visage de la mort n’envahit pas que les drapeaux. 

    De Noé, d’aucuns n’ont gardé que des bouteilles impropres à la plongée et les vélibs n’ont pas de palmes.

    De l’autre côté du monde, le scénario n’est pas plus réjouissant : l’ombre de Manu Reva erre dans les clapotements déchaînés et l’eau verte des mers rimbaldiennes monte, grosse d’exils irrémédiables, tandis que des cyclones aux noms d’héroïnes s’acharnent à détruire l’espoir d’un futur.

    Il faut se rendre à la raison, que ce soit à bord de jonques, de paquebots, tankers, chalutiers ou frégates, si Google et GPS nous abandonnent, nous sommes tous des boat-people.

     

    Perplexe face au naufrage, je pense à un autre 21 janvier. En 1793, c’est une autre fin du monde qui se jouait. Sur la place de la Révolution, la tête de Louis XVI, victime expiatoire, qui tombait, c’était le symbole d’un monde injuste qu’on refusait. On voulait y croire alors à l’abolition des privilèges, à l’égalité des hommes devenus frères, à la liberté de penser !

    J’avais oublié que pour mieux changer le monde on ne s’économisait pas, on avait même créé un nouveau calendrier. Nivôse n’est pas janvier : voilà sans doute pourquoi nous sommes piégés… Nous, nous allons chercher chez les Mayas en oubliant que guerres et non-respect de la nature sont de probables causes de leur disparition !


  • Commentaires

    1
    Lundi 21 Janvier 2013 à 12:40

    J'ai remarqué en particulier qu'à Paris on usait de tous les trucs et subterfuges pour créer un certain flottement chez les automobilistes. En avant, arche ! avec le patriarche de la Noé.

    2
    Mercredi 23 Janvier 2013 à 05:58

    Un bilan coup de poing, bien écrit, efficace et non dénué d'une dose d'humour...

    3
    Mercredi 23 Janvier 2013 à 15:25

    Le citoyen Louis Capet, Sophie, le citoyen !

    4
    Samedi 9 Février 2013 à 16:39
    5
    Ryko. M
    Samedi 23 Août 2014 à 18:04

    A la manière des journalistes prompts à user du "bon mot". Bel exercice. Le style est plus réjouissant que le sujet.

    6
    Liliane
    Samedi 23 Août 2014 à 18:04

    J'apprécie de nombreuses formes d'écriture et celle-ci tout particulièrement ! C'est ce que j'appelle avoir une plume, sans jeu de  mots avec le commentaire de Ryko, que je transformerais en précisant que le style est plus enlevé (léger) que le fond.

    7
    le Belge
    Samedi 23 Août 2014 à 18:04

    L'élégance de la forme pour mieux souligner la grossièreté du fond. Bel exercice, c'est vrai.

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