• Les cent premiers jours après la fin du monde, 18

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    Jackpot

    Alain Emery

     

     

    Cette fois, j’ai eu de la chance : je suis sorti juste à temps de prison pour la fin du monde. Parce qu’on dira ce qu’on voudra mais je connais peu de combines qui rapporte autant avec si peu. Quand on arrive à conjuguer la trouille et la connerie, c’est le jackpot assuré.

    Au fond, si je suis là, aujourd’hui, allongé sur une des plus belles plages du monde où ne sont autorisés à se vautrer que les gagnants du loto et les évadés fiscaux, je n’ai pas de mérite. Je dois tout à ma bonne étoile. C’est dans le journal et par hasard que j’ai découvert l’article qui précisait que l’Apocalypse n’épargnerait que quelques endroits sur le globe, pour la plupart inconnus. Et moi, futé comme je suis, j’ai dit : Et pourquoi pas mon grenier ? C’est ni plus ni moins une idée de génie. Je n’ai pas peur des mots. Du reste non plus, d’ailleurs. Parce qu’il en faut, de l’audace, pour monter une arnaque pareille. Surtout quand il s’agit de faire croire à des types pleins aux as que s’ils me confient une partie de leur oseille et qu’ils se planquent à l’heure dite dans mon grenier, à condition d’y rester au moins deux semaines, ils échapperont au carnage. C’est énorme. C’est d’ailleurs pour ça que ça fonctionne au petit poil. La preuve : j’en ai plumé 86. Attention, sans leur faire de mal. Je suis un véritable escroc. Je laisse aux fanatiques religieux et aux courtiers en bourse le soin de pousser les braves gens au suicide. Je ne saigne pas, je ponctionne : je leur ai laissé à tous assez de pognon pour se refaire après le 21 décembre… J’avais vraiment tout calculé. Enfin presque. Dans la précipitation, j’avais omis qu’avec tout ce beau monde, on dépassait les sept tonnes de barbaque. C’est beaucoup pour un grenier du début du siècle. J’étais déjà planqué ici, échoué sur le sable, quand j’ai appris la nouvelle. J’aimerais pouvoir jurer qu’ils n’ont pas souffert mais j’en doute. Pour un pro de mon gabarit, c’est toujours un coup dur de se planter à ce point-là mais j’essaie de relativiser. Après tout, comparé aux Mayas...


  • Commentaires

    1
    Mardi 8 Janvier 2013 à 12:32

    Géniale idée cher monsieur ! et maintenant à toi les plages de sable fin et les cocotiers... jusqu'à la prochaine...fin du monde.

    2
    Samedi 12 Janvier 2013 à 04:56

    A la base, c'est pas plus idiot que d'aller faire le poireau à Bugarach.  En parlant de base, je note que les étages sous le grenier n'étaient pas censés échapper à la fin du monde, ce qui atténue la responsabilité de l'aigrefin.

    3
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:05

    Vous n'aviez pas prémédité l'effondrement du bâtiment: on ne peut pas tout prévoir...Et ces gens sont morts heureux, croyant qu'ils survivraient. Mais c'étaient des égoïstes, puisqu'ils voulaient survivre seuls. Alors c'est bien fait pour eux.

    4
    Jean
    Samedi 23 Août 2014 à 18:05

    Bravo, voilà de l'argent chèrement gagné ! Mais attention, on vous surveille, pas question de vous laisser filer en Mordovie avec le magot.

    5
    Liliane
    Samedi 23 Août 2014 à 18:05

    Comme quoi, il ne faut pas croire les média et rester vigilants quand on nous propose un plan de survie. Je me méfierai du prochain bonimenteur !!!

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