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Les 100 derniers jours (J -75)
La poule et les conseilleurs
Jean Calbrix
Un jour dans une ferme, une accorte poulette,
La plume bien soyeuse et faisant des jaloux,
Se plaignait de son nid dans un buisson de houx
Attirant le renard, le putois, la belette.
Pour protéger ses oeufs et ses mignons poussins,
Elle aurait bien aimé les murs d'une bâtisse,
Un poulailler en dur, afin qu'elle jouisse
De la sécurité loin de ces assassins.
Elle aurait bien donné plumes de son plumage
Pour acquérir ce havre où l'on goûte la paix,
Où l'on couve ses oeufs sur un tapis épais
Sans souci du grand froid, du vent et de l'orage.
Elle alla demander conseil aux autres gens :
Comment construire un mur, un toit, une charpente ?
Existe-t-il ici quelque bâtisse en vente ?
Espérant la réponse à ses besoins urgents.
Le premier qu'elle vit, perché dessus des grumes,
C'était le sieur canard se dorant au soleil.
Il réfléchit et dit, que dans un cas pareil,
Il savait qui savait, ce, moyennnant trois plumes
Que paya la pauvrette ; il dit que le dindon
Etait très bien placé sur les abris en pierre.
Elle alla donc le voir. Soulevant sa paupière,
Le gros gallinacée enfla son gros bedon,
Se vanta bien d'avoir des maisons, des chaumières,
Mais qu'à l'instant, hélas, tout était retenu.
Pour l'heure, il connaissait un secret bien tenu
Qu'il confierait ici de grâce et sans manières
Contre tout un bouquet de plumes d'aileron.
Elle accepta, naïve. Il lui dit que la vache
Avait dans son étable un coin sous une bâche,
Qu'elle y serait à l'aise auprès d'un percheron...
Ainsi la pauvre poule alla de l'un à l'autre,
Subissant chaque fois un dur prélèvement,
Si bien qu'elle revint au bout de l'errement,
Nue, auprès du canard, riant, le vil apôtre.
Piteuse et déconfite, elle alla sous son houx,
Couva ses oeufs gelés du soir jusqu'à l'aurore
Mais sans le chaud de plume, ils ne purent éclore.
La pauvrette mourut d'une mauvaise toux.
Méfions-nous des conseilleurs
Ce ne sont pas eux les payeurs.
Au loin, fuyons-les comme la peste
Déplumés nous serons si l'on reste.
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Commentaires
Merci à tous et à toutes. Je n'ai pas encore barbouillé, Patrick, mais peut-être le ferai-je dans une seconde vie. Histoire d'être le mec qui devint ci. Je ne suis pas sûr, tout de même, que cela puisse enthousiasmer les foules. Je préfèrerai bidouiller les moteurs des voitures, ça, ça me branche. Mais quand il n'y aura plus de pétrole...
3M leSamedi 23 Août 2014 à 18:124Patrick LEDENTSamedi 23 Août 2014 à 18:12Magnifique fable que n'aurait pas boudé Lafontaine.
Je ne te connaissais pas, Jean, ce talent de fabuliste. N'avais eu à louer jusqu'alors que deux autres, fabuleux, mis au service de la nouvelle et du roman. Là-dessus, si tu t'avoues, par-dessus le marché, peintre, scultpteur, inventeur ou que sais-je encore, je t'appelle Léonard, t'invite au clos Lucé, abandonne mon royaume, ta France, et cours m'instruire à ton ombre.
François, dit Premier.
5LzaSamedi 23 Août 2014 à 18:12Si cette poulette avait vécu de nos jours, elle n'aurait pas eu à se préoccuper de loger sa couvée: Pas de couvée, la vie en batterie, et même pas de poulailler d'acajou. Pour ce qui est des conseillers, rien n'a changè: ils plument toujours leurs clients.
6ysiadSamedi 23 Août 2014 à 18:127VictorinSamedi 23 Août 2014 à 18:128Laurence MSamedi 23 Août 2014 à 18:129romashov.claudeSamedi 23 Août 2014 à 18:1210jordySamedi 23 Août 2014 à 18:12Quelle verve, quel talent même !! Humour, finesse et élégance. Quant aux conseiller, le Guano aurait presque pu donner son nom à un fidlèle conseiller de notre cher président, s'il n'était certain qu'il n'était engrais que pour lui et ses proches. Mais notons que de la poule à la mouette, il n'y a que quelques oisillons à plumer. Entre le chauve sourd et la chauve souris, il ne manque qu'un i. Entre le guano et le conseiller, comme dirait Fernandel, "aussi !"
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Je savais dès le début qu'elle nous couvait quelque chose.
Pauvrette poulette.