• Les 100 derniers jours (J -62)

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    Utopie : cirage et savon….

    Emmanuelle Della Monica

     

    Ils n’avaient plus que 100 jours pour se préparer. Le compte à rebours s’était déclenché au moment même où l’idée s’était matérialisée. Ils étaient ce soir là six ou sept autour de la table. Et personne ne saurait vraiment dire qui avait prononcé cette phrase, tellement l’évidence de ce qui venait d’être dit les avait un moment, suspendus hors du temps et de l’espace. « Et si on… que se passerait il ? ». L’onde de choc provoquée par ces quelques mots jetés dans la mare de leurs désillusions avait fait voler en éclat l’étau de leur impuissance. Tout était devenu subitement clair et limpide. Ce qu’on leur avait volé, ils allaient le reprendre.

    Il fallait être plus nombreux, s’organiser, planifier le rôle et les actions de chacun. Ils n’étaient pas des professionnels. 100 jours ne seraient pas de trop mais ils n’en auraient pas 1 de plus.

    Ils recrutèrent d’autres volontaires sur le net, Ils étudièrent les cartes, les plans et les stations de métro, les parcours possibles. Ils achetèrent des pains de savon  et des boites de cirage noir. Ils façonnèrent des masques. Ils se choisirent un nom : Les Robins des Voix.

    Ce qui les réunissait était l’absence d’horizon, l’impression très forte d’être exclus et de n’avoir plus de choix, un sentiment de lassitude, et, chevillée au corps cette petite peur des lendemains incertains.

    De mots vissés, de phrases martelées en idées verrouillées, l’échafaudage d’une pensée unique avait peu à peu remplacé  les fondations d’une vraie conscience politique. Il fallait que cela change. Ils avaient maintenant les moyens de tout faire tomber.

    Le 22 avril à 18h52, 41 bureaux de vote parisiens virent surgir des hommes et des femmes portant des masques d’Arlequin. Sous la menace d’armes à feu (on découvrira par la suite qu’il ne s’agissait que d’inoffensifs pains de savons sculptés et recouverts de cirage noir), ils se firent remettre le contenu des urnes. Ce fut ainsi des milliers de bulletins de vote qui prirent la poudre d’escampette à dos d’homme, dans des toiles de jute. L’effet de surprise fut total, sidérant les capacités d’action des personnes sur place. Ce n’était jamais arrivé, de mémoire d’homme, d’assister à un holdup de bulletins de vote.

    Une heure après, Paris médusé vit des milliers de petits papiers "volés" au gré des vents autour de la Tour Eiffel. Les enfants, accourus par centaines s’amusèrent à rattraper les bulletins vagabonds et à les lire à voix haute. Ce fut une magnifique fête improvisée.

    Il fallut organiser de nouvelles élections.

     


  • Commentaires

    1
    Mardi 6 Mars 2012 à 09:02

    Très sympahique idée! Après Robin des bois,les Robins des toits, voilà les Robins des Voix....

    2
    Mardi 6 Mars 2012 à 18:48

    c'est intéressant et passionnant

    3
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:12

    Sauf que cegenre de hold up n'a rien d'original: les bulletins de vote se font multiplier ou supprimer au gré des ductateurs, pour le bien de leurs peuples, bien entendu..

    4
    Lastrega
    Samedi 23 Août 2014 à 18:12

    Riche idée ! Clap !Clap ! Clap !

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