• Les 100 derniers jours (J -49)

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    Fauquet’s story

    Patrick Ledent

     

     

    Chers amis, en vos titres et dividendes,

     

    Ça va déconner sévère pendant trois mois, et je m’en excuse par avance. Je vais être bon, excellent même, car je dispose de coachs redoutables qui feraient avaler des couleuvres à des souriceaux.  Si bon que j’en viens à redouter que vous ne soyez dupes, vous aussi. Un risque que je ne veux pas courir, d’où cette lettre, à titre préventif. Des fois qu’on s’égare, qu’on se laisse emporter par cette perspective d’une victoire totale, écrasante, jouissive et plus proche que jamais.

    Quoi qu’on entende, quoi qu’on voie, quoi qu’on lise, même si c’est moi qu’on entend, moi qu’on voit, moi qu’on lit : je n’ai pas changé ! Je sers la soupe, mais je ne la bois pas. Vous me connaissez quand même ! Du blabla et rien que du blabla. Qui parmi vous doute encore de ma malhonnêteté ? Vous savez ce que c’est. On est du même bord, définitivement. Bien sûr qu’il y a encore du blé à se faire ! Y a cent soixante-huit heures dans une semaine, c’est dire si avec leurs trente-cinq heures, on est loin du compte !

    A ce propos, je vous dois des excuses. Mon bilan n’est pas fameux, je le reconnais. Quand je songe à l’Allemagne, douze millions de pauvres et pas une émeute, je m’incline. À ma décharge, l’Allemagne, ce n’est pas la France. Ils ont morflé, dans l’après-guerre, ça laisse des traces. C’est quand même plus facile de conduire à l’abattoir un peuple rongé par la honte et par l’Histoire qu’un peuple fier et sans remords comme le nôtre. Mais je vais changer tout ça : installer le doute et la culpabilité.  

    Des excuses encore quand je songe à la Grèce. La maestria avec laquelle notre émissaire de la BCE assujettit un peuple qui ne l’a même pas élu, toute cette misère, en quatre mois à peine, ça force le respect. C’est vrai, j’ai lâché du lest dans les banlieues, je craignais la contagion. Les voir monter à Neuilly, tous ces pauvres cons, ça m’aurait fait mal. Mais quand je vois ce qu’il encaisse, notre banquier, sans rien lâcher, je comprends à quel point on m’a mal conseillé. Tous des incapables, mes ministres. Une fois réélu, je les vire. Vous me donnerez des noms et on remettra de l’ordre. 

    La barre à tribord, toute, vraiment à droite, cette fois. Je vais racoler comme une vieille pute, tous azimuts. Je vais faire des frontistes des intellos et des cocos des bobos! Je vais diviser ce peuple jusqu’au point de rupture : les chômeurs contre les travailleurs, les pauvres contre les riches, les ouvriers contre les employés, le public contre le privé, les athées contre les croyants, les chrétiens contre les musulmans, les noirs contres les blancs, les hommes contre les femmes, les Uns contre les Autres, et pas façon Starmania, vous pouvez me croire. Tant que les Français se regarderont en chiens de faïence, ils se laisseront plumer. Et si je vais trop loin, basta ! Notre engraissement vaut bien un génocide. Je m’en fous. De toute façon, après, c’est fini, plus de mandat. Je me retire. Faudra bien…  On n’est pas au Sénégal, ici, pas encore. Je ne peux pas m’assoir sur la constitution comme ça, moi !

    A tribord dans les faits, à bâbord dans les annonces. La barre à gauche, toute ! Augmentation du SMIC, suppression de l’ISF et des paradis fiscaux, taxation des transactions boursières, mise sous tutelle des banques, et j’en passe. Vous allez en pisser de peur en m’écoutant ! Le Corrézien va passer pour un facho et le Marocain de l’Essonne pour un centriste ! Et le peuple va m’avaler tout ça, bien tout gober, avant d’en dégueuler partout. Mais il sera trop tard.

    Après cinq ans de mensonges, remettre un lustre sous les bravos, ce n’est plus une branlette de gamin, c’est une éjaculation d’homme mûr ! J’en bande déjà, mes amis, vous dire !

    Grâce à vous, grâce aux boulevards que vont m’ouvrir votre mainmise sur les médias, vos chantages, vos exactions, vos combines et votre fric, je gonflerai les voiles de nos yachts. Et dans cinq ans, Rolex en main, à l’heure où nous jetterons l’ancre qui à la Barbade, qui aux Caïmans, qui aux Seychelles – j’abrège, la liste est longue –, nous laisserons ce pays exsangue, déchiré, haletant et en ruines.

    Vive la République et vive la France !

    Votre dévoué.

     


  • Commentaires

    1
    Lundi 19 Mars 2012 à 08:35

    J'ai carrément adoré ! J'aime beaucoup d'articles, mais celui-ci particulièrement. Je vais le faire suivre, merci encore !

     

    2
    fg
    Lundi 19 Mars 2012 à 11:13

    On se marre bien ici !

    Franck

    3
    Lundi 19 Mars 2012 à 12:56

    Voilà que nos amis Belges font chorus pour moquer la déliquescence politique au plus haut niveau de l'Etat Français, maintenant.

    4
    ysiad
    Samedi 23 Août 2014 à 18:11

    Excellent, dans l'axe du pire qui est toujours possible. On dirait du Céline. Patrick, je n'aurai qu'un mot : bravo.

    5
    M le
    Samedi 23 Août 2014 à 18:11

    Du Céline, oui, mais avec de vrais morceaux de Victor Hugo dedans,  dirais-je, pour rimer avec mon propre "Bravo".

    6
    Yvonne Oter
    Samedi 23 Août 2014 à 18:11

    Un seul mot : chapeau, Patrick !

    7
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:11

    eh oui, voila ce qui nous menace! Il y acinq ans, je parlais de "graine de dictateur". Ce n'était pas faux.! Maintenant, il va falloir botter en touche: culpédons!

    8
    corinne
    Samedi 23 Août 2014 à 18:11

    ça fait peur,  sont-ils à ce point cyniques ?

    9
    Patrick
    Samedi 23 Août 2014 à 18:11

    Merci pour vos encouragements: ça donne du coeur à l'ouvrage. Et comme vous écrivez tous ou presque, vous voyez ce que je veux dire. A bientôt au bistrot Calipso.

    Patrick LEDENT

    10
    Annie GH
    Samedi 23 Août 2014 à 18:11

    J'ai peur !!! De telles prémonitions me terrorrisent… Au secours !!!

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