• Le vieil homme et la bière

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    Le Vieil homme et la bière

    Nelly Bridenne

     

     

    André Chauvive se frotte les mains.

    Les chiffres du mois sont excellents, encore une fois. Les affaires marchent du feu de Dieu.

    Il étouffe un bâillement, en continuant de feuilleter la brochure de son voisin, le concessionnaire BMW.

    Puis, comme à son habitude, il inspecte, pour le plaisir, son entreprise lucrative : le showroom impeccable, les urnes rutilantes, attendant patiemment les futures cendres, les cercueils accueillants, invitant au dernier voyage : l’aller simple éternel.

    La salle d’habillage des défunts est pleine, l’équipe des thanatopracteurs présente (ils effectuent les 3x8)

    maquillant à la chaîne, fardant par paquet, camouflant le funeste.

    Le client est roi ! Et il doit partir pour l’au-delà dans les meilleures conditions, recevant les services

    appropriés, glissant dans les mains expertes de professionnels, qui lui permettront de devenir un cadavre en tout point exquis. Après tout, on meurt rarement deux fois !

    Son enseigne « L’autre rive » est rassurante. Mieux, elle vous convie à préparer cette ultime formalité, et à quitter ce monde, définitivement, l’esprit tranquille, l’âme déjà vagabonde…

    L’établissement de pompes funèbres s’occupe de tout, tel un cartel obséquieux : l’organisation de votre veillée funéraire, le décorum de votre mise en bière, l’originalité du cercueil, le granit de la pierre tombale, le motif de la stèle d’ornement, la réalisation du caveau, le ciselé de l’épitaphe, la composition

    florale, le transport jusqu’au lieu de culte, le rituel de la cérémonie religieuse, et enfin, le casting des croquemorts pour la grande scène finale : l’enterrement.

    Bref, tout l’attirail est déployé pour dire au revoir dignement.

    Mais André Chauvive se consacre à beaucoup plus encore… Comme tout bon entrepreneur, il connaît les ficelles pour attirer la clientèle, la fidéliser, la renouveler à l’infini. Un peu malgré elle, soit, mais

    il faut bien mourir un jour, c’est fatal. Il sait être reconnaissant et généreux auprès des multiples sous-traitants zélés et gourmands : les ambulanciers, brancardiers, pompiers, secouristes, urgentistes de tout poil, attentifs à lui livrer régulièrement des macchabées irréprochables, passés de vie à trépas entre leurs mains gantées et exercées.

    Une injection lapidaire et adieu Berthe ! Prochain arrêt la morgue, tout le monde descend !

    La morgue de «L’autre rive», évidemment, dans laquelle un médecin légiste dévoué à la cause de son patron, rédigera le permis d’inhumer. Dernière formalité.

    Et dès lors, heureux mortels, vous pénétrerez dans le Palais de la Sépulture, made in Chauvive !

    Accordez-lui votre confiance, il vous garde le meilleur pour la fin…

     

     

    Brève, mars 2014

    Les rois du « NecroBusiness » : Des personnes travaillant dans le domaine hospitalier sont accusées d’avoir empoisonné des patients en bonne santé. Ainsi, ils récupéraient une somme d’argent en échange de leur corps aux pompes funèbres de la ville.


  • Commentaires

    1
    danielle
    Samedi 23 Août 2014 à 17:57

    On ne sait si l'on doit en rire ou s'indigner. En tout cas, prétexte à une page bien envoyée ! Bravo Nelly !

    2
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 17:57

    Rassurez-vous, vous à qui la solitude et l'ennui pèsent sur votre lit d'hôpital ou dans votre maison de retraite: C'est vrai, personne ne vous rend visite, mais ils seront tous à votre enterrement, et leurs larmes... peut-être sincères, vous accompagneront dans l'autre monde, s'il y en a un...

    3
    Liliane
    Samedi 23 Août 2014 à 17:57

    Comment n'y avais-je pas pensé plus tôt!? .....

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