• La mort dans l'âme

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    Comment bien foirer en essayant de flinguer son patron
    Ysiad
     
     
    Nous tentons ce soir, alors qu’il est un peu tard pour pilonner des touches, de reprendre le fil de la série qui s’intitulait « foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux », en abordant aujourd’hui l’art et la manière de flinguer son patron sans en mettre partout sur les murs. Il s’agit ni plus ni moins de lui envoyer un pruneau dans la caboche en évitant de maculer la paroi de particules de cartilage et de lambeaux de chair sanguinolents, ces trucs répugnants qui demandent ensuite de dépenser bêtement de l’énergie à frotter le mur avec des détergents pour tenter d’effacer ce qui n’est en somme qu’une simple petite anicroche au code d’éthique de l’entreprise. Lequel stipule, dans son article premier, que tout employé est censé supporter son supérieur hiérarchique, même quand celui-ci est un énarque septuagénaire et surpayé du nom de Jean Aimard Dumarasme, qui passe son temps à lire Le Monde les pieds sur la table, parce qu’il le vaut bien, alors que vous, non, voyons : vous n’êtes qu’un pauvre ectoplasme mou tout juste bon à attraper des gastro-entérites. C’est quoi, ce boulot, hurle Jean Aimard en ouvrant une parenthèse, on doit pas être absent, on doit bosser, on doit pas attraper de gastro-entérite, on doit pas, sous aucun prétexte, on doit répondre aux demandes des supérieurs, on doit. Et vous, l’ectoplasme mou, de répondre : oui chef, bien chef, à vos ordres chef, je pouvais pas prévoir que je tomberais malade, ah si j’avais susse, jamais j’aurais eu la chiasse, encore eût-il fallusse que je le sachiasse.
     
    A ce stade, tout le monde comprendra qu’il est vital de trouver des palliatifs, faute de quoi c’est la balle dans la tête, et encore, vous risqueriez de vous louper et de vous la mettre dans le pied.
    Cette parenthèse refermée, continuons notre bonhomme de chemin et allons nous poster derrière la paroi vitrée, à côté de l’ectoplasme mou avachi sur sa chaise, qui cache en fait un redoutable tireur d’élite.
    Ou une tireuse d’élite. Tout aussi redoutable
     
       
     
    Pour passer d’ectoplasme mou à redoutable tireuse d’élite, il faut réunir deux conditions, dont la première doit être l’ennui, et la deuxième, l’exaspération. Simple en apparence, cependant attention : pas n’importe quel ennui et pas n’importe quelle exaspération. L’ennui que l’on éprouve le dimanche en contemplant le ciel ennuagé ne suffit pas. C’est de l’ennui banal, superficiel, vaguement romantique, de l’ennui de salon entraînant des bouffées de nostalgie, des états d’âme de poète, de la p’tite bière, quoi. Pour être une bonne tireuse d’élite, il faut un vache de gros ennui bien lourd qui plombe sur la chaise et vous fait éprouver un spleen terrible. Quant à l’exaspération, elle doit être proportionnelle à cet ennui-là, d’autant que Jean Aimard Dumarasme vient de vous balancer un message avec un point d’exclamation rouge devant, lisons vite : « Je vous prie de bien vouloir me préparer de toute urgence un projet de refus dans un anglais correct à la délégation d’asiatiques qui veut visiter nos locaux. Ce sont de dangereux espions industriels. » est-il écrit.
     
    Ben voilà. C’est parti dans un anglais correct. Plus que cinquante trimestres à tirer, youplaboum.
    Dear Mister Ping,
    Nous avons le regret de vous faire savoir que notre meeting room a malencontreusement  brûlé dans un big fire three days ago, this is why this is pas possible for us to welcome your delegation… et vous balancez le tout à Dumarasme avec les mots de « big fire » en caractères gras.
    Dzoing !
    Avec ça, vous êtes tranquille. C’est de l’excuse en béton armé.
    Vous attendez. Pas longtemps. Dzoing ! Un énarque, ça répond toujours au quart de tour.
    Prétexte absurde. Faites-leur savoir que la Direction a pris la décision de ne plus recevoir de délégation.
    Et voilà ! En plein dans le citron ! C’est foiré !
    L’exaspération monte. Ce type fait très salement braire. Il ne connaît rien à l’insistance des Asiatiques. A moins d’une bombe posée dans la pagode, ces gens-là reviennent à la charge. Au moins le feu aurait-il eu cet avantage de les tenir à distance pour un temps. 
    Et c’est reparti, dans la joie et la bonne humeur.
    Et toujours dans un anglais correc’.
    We duly received your mail… Unfortunately this is pas possible de…
    Au bout de douze versions mettant en jeu de cruciaux déplacements de virgule, Dumarasme débarque avec un nouveau message donnant des directives sur la présentation des notes de frais à diffuser à tous les comptables du monde entier.
    Et n’oubliez pas Monsieur Baloche comme la dernière fois !
    Gardez votre calme. Il tourne les talons, s’éloigne. A peine a-t-il fait trois mètres que votre main se transforme en pistolet. Elle se lève et le suit, l’index et le majeur pointés dans l’axe de la tête. Vous vous êtes si souvent exercée derrière la paroi vitrée que c’est devenu un réflexe. Le voilà pile dans la ligne de mire. C’est à vous. Armez, visez : PAN ! Bravo ! En plein dans la caboche ! Ah, que ça fait du bien ! Que ça soulage ! Allez, encore une fois, faites-vous plaisir, que diable : PAN ! La tête a complètement éclaté ! PAN ! PAN ! Ouais ! On lui troue la peau ! On se gave !...
     
    … Mais si Dumarasme se retourne subitement et vous surprend en train de faire feu, puis d’agiter vos doigts en l’air en faisant mine de chasser une mouche, alors seulement, vous pourrez estimer que la redoutable tireuse d’élite a bien foiré son coup.
     

  • Commentaires

    1
    Mardi 23 Avril 2013 à 02:36

    Superbe retour des foirades d'Ysiad, on en redemande !

    2
    Mercredi 24 Avril 2013 à 09:07

    Il y en aura d'autres, n'en doutez pas !

    3
    Mardi 16 Juillet 2013 à 19:52

    En tout cas, faut pas avoir la déripette quand on lit ça, sous peine de dégâts colle à terreau dans le caleçon. C'est très drôle, bravo Ysiad.

    J'ai cru voir quelque part qu'un recueil de tes foirades était en lecture. Me trompje ? Tiens-nous au courant, hein.

    4
    Ryko M
    Samedi 23 Août 2014 à 18:01

    Extra. J'ai pris un grand plaisir à vous lire.

    5
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 18:01

    Pour décourager les visiteurs espions, peut-être pourriez-vous leur annoncer une épidémie de peste ...

    6
    Joël H
    Samedi 23 Août 2014 à 18:01

    J'ai ri pas mal de fois. Après une journée harassante, je ne te dis pas comme ça fait du bien.

    Encore!

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