• L'oiseau migrateur

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    C’est à un voyage d’espoir et d’insoumission entre l’Afrique et l’occident que nous convie Claude Romashov. Une traversée de la vie où fraternité et tendresse empoignent à bras-le-corps l’infortune.

     

     

    Les nuages de coton s’étiolent avec paresse au-dessus du fleuve Congo. De grosses mouches bourdonnent dans l’air saturé de chaleur. Il contemple les flamands et les ibis, nichés sur un îlot de sable qui déploient leurs ailes de couleur. Comme au temps d’avant. Immuable ! Du linge est étendu sur les rives, les femmes ont fait la grande lessive. Elles s’interpellent en riant et les gosses aux corps luisants plongent avec délices dans les eaux boueuses.

    A l’heure où la savane bruissera du mouvement furtif des bêtes sauvages, il partira. Il n’emmènera pas beaucoup de bagages, juste son costume de marié et la chemise rose. La route sera longue et semée d’embûches. C’est une traversée dangereuse, il le sait. Il n’a pas le choix…

    Le train file sur les rails qui serpentent. Un train qui relie une banlieue pauvre à la capitale. Il dormira à Paris chez un ami et demain à l’aube, il sera au rendez-vous.

    Les poteaux, les câbles électriques défilent. Il n’y a pas d’oiseaux bleus perchés sur les fils. Les rails se multiplient, s’entrecroisent. Des murs gris, des cheminées d’usines sous un ciel plombé. Il a froid bien qu’on soit en juin. Ce pays n’a pas de couleurs, pas d’odeurs et qui n’aime pas beaucoup les nuances de brun ou de noir. Couleur de peau différente, culture différente. On lui une fois même jeté au visage " qu’il n’était qu’un macaque descendu de l’arbre ". Quel arbre ? Un baobab, l’arbre des sages !

    Il se fait petit, n’aime pas se faire remarquer. Il paye sa place dans les trains, il est toujours correct et poli avec les gens, toujours habillé proprement. Sa mère le lui a enseigné dès son plus jeune âge.

    Une infinie tristesse l’étreint. Le manque du pays, de sa famille, qui a mis tous ses espoirs en lui. Il sait qu’il a de la chance d’être parvenu jusqu’ici. La France est un bon pays, riche et démocratique. Alors qu’elle mouche le pique ?

    Il va rejoindre un ami. Ensemble ils évoqueront son village, l’installation d’un puits, les courbes gracieuses des femmes et les éclats de rire des gosses. C’est pour le sien qu’il est parti. Pour lui assurer un avenir. Il veut aussi refaire le toit de la maison de sa mère et acheter de l’or pour le voir briller dans les yeux de gazelle de Zayenda, sa dernière promise. Et demain commencera le travail salvateur… Peut-être !

    Le train est arrivé en gare Montparnasse. Son bagage s’est encore allégé. Mamadou lui fait de grands signes. Il le serre dans ses bras. C’est si bon de retrouver un frère ! Ils sortent de la gare. Les néons de la ville lui font mal aux yeux.

    Mamadou est malin. Il connaît les combines. Que des choses honnêtes : des plans pour le travail au noir. L’expression l’a toujours fait sourire. Comme si les travaux les plus éreintants leur étaient destinés.

    La chambre ou plutôt le réduit sent la moisissure et les égouts. Ils sont plusieurs à s’entasser sur des matelas crasseux. L’eau suinte du plafond, le papier se décolle des murs en arrachant le plâtre et les toilettes sur le palier sont indescriptibles. C’est cher du matelas mais encore une fois, il doit s’estimer heureux de ne pas dormir à la belle étoile.

    Il grelotte. Les lueurs de l’aube transpercent le ciel. Le supermarché est assez loin. Il suit docilement Mamadou qui lui a prêté des vêtements de travail. Des employés de la mairie nettoient les caniveaux. Des plus chanceux que lui.

    Les sans-papiers sont déjà en place. Ils attendent les camionnettes des entrepreneurs qui feront le tri et choisiront les plus costauds d’entres-eux. Dix, douze heures de boulot pour un salaire de vingt cinq euros. A prendre où à laisser !

    Il a de la chance. Il l’a saisie à l’arraché. Il parle le français couramment et cela fait la différence. Ce matin, Ismaël, c’est son nom sera manœuvre sur un gros chantier. Quand il l’aperçoit, une gamine aux yeux affolés, une petite roumaine sans doute qui porte une charge énorme sur le dos. Leurs regards se croisent un court instant. Il existe donc plus misérable que lui. Surmontant son malaise, Ismaël se redresse. Il est de l’ethnie des bantous. De valeureux guerriers. L’espoir renaît en lui comme le soleil majestueux qui se pose sur les eaux boueuses du fleuve Congo.


  • Commentaires

    1
    Mardi 27 Avril 2010 à 21:54

    Très bon ce texte, Claude. Dans la lignée j'avais écrit le texte suivant il y a bien longtemps déjà.

     

     

     

     

     

     

    Cent cinquantenaire de l'abolition de l'esclavage

     

     

     

     

     

    "L'esclavage, c'est la droite !"

    dit Jospin un peu gauche.     

     

     

     

     

     

     

                                                                           Jospin soulève un lièvre.

                                                                           Le bourgeois tout en fièvre

                                                                           Prend un air offusqué

                                                                           D'être ainsi attaqué.

     

                                                                           Comment esclavagiste ?

                                                                           Quel con ce socialiste !

                                                                           L'humanisme c'est nous,

                                                                           De Thiers à Pompidou !

     

                                                                           Dans sa chambre de bonne,

    2
    Mardi 27 Avril 2010 à 21:59

    J'ai tenté de faire un copier-coller. La moitié de mon  texte a été bouffé. On réessaye !

     

     

     

     

     

     

    Cent cinquantenaire de l'abolition de l'esclavage

     

     

     

     

     

    "L'esclavage, c'est la droite !"

    dit Jospin un peu gauche.     

     

     

     

     

     

     

                                                                           Jospin soulève un lièvre.

                                                                           Le bourgeois tout en fièvre

                                                                           Prend un air offusqué

                                                                           D'être ainsi attaqué.

     

                                                                           Comment esclavagiste ?

                                                                           Quel con ce socialiste !

                                                                           L'humanisme c'est nous,

                                                                           De Thiers à Pompidou !

     

                                                                           Dans sa chambre de bonne,

                  &

    3
    Mercredi 28 Avril 2010 à 03:22

    Décdément, ce texte qui la deuxième fois apparaissait entièrement vient d'être coupé avec une esperluette. Re-rebolote

     

     

     

     

     

     

    Cent cinquantenaire de l'abolition de l'esclavage

     

    "L'esclavage, c'est la droite !"

    dit Jospin un peu gauche.     

     

     

    Jospin soulève un lièvre.

    Le bourgeois tout en fièvre

    Prend un air offusqué

    D'être ainsi attaqué.

     

    Comment esclavagiste ?

    Quel con ce socialiste !

    L'humanisme c'est nous,

    De Thiers à Pompidou !

     

    Dans sa chambre de bonne,

    Conchita de Lisbonne,

    Enfermée nuit et jour,

    Exploitée de toujours,

     

    Pense être moins esclave

    Que la petite slave

    Que Monsieur ramena,

    Un soir, de Roumania.

     

     

    5/10/98  Jean Calbrix                                   

     

    4
    Mercredi 28 Avril 2010 à 09:40

    Oui, c'est terrible...

    5
    Jeudi 29 Avril 2010 à 19:15

    Bonne continuation

    6
    Jeudi 29 Avril 2010 à 20:16

    Des thèmes qui me touchent énormément, le racisme, l'exploitation des plus faibles. La honte pour un pays qui se veut civilisé et prétend donner des leçons de droits de l'homme. Merci pour ce beau texte.

    7
    claude
    Samedi 23 Août 2014 à 18:24

    Merci Jean. J'ai écrit ce texte pour tous les invisibles qu'on exploite et à qui le pays de la liberté ne donne aucun droit.

    8
    claude
    Samedi 23 Août 2014 à 18:24

    Oui je sais. Bonjour à la belle ville d'Angers.

    9
    claude
    Samedi 23 Août 2014 à 18:24

    Je suis toujours touchée quand on me fait ce genre de commentaires. Si j'ai réussi à transcrire la souffrance des "forçats de la misère", j'ai atteint mon objectif. Merci à vous Lastrega et belle journée.

    10
    Lastrega
    Samedi 23 Août 2014 à 18:24

    Avec pour thèmes les problématiques du racisme et la ségrégation, la déchirure des liens familiaux, l'exploitation des plus faibles, la détresse sociale, l'indifférence... , ce récit doux-amer, extraordinairement juste et profondément bouleversant, mêle admirablement rêve et réalité, poésie et quotidien. Mais surtout, c'est une formidable explosion de fraternité et de tendresse palpables que l'on retrouve chez ces laissés-pour-compte qui, pris dans l'étau de la misère et piégés par leur condition sociale, sont venus pour partager leurs rêves et leur infortune. Avec toujours au bout, l'espoir d'une vie meilleure.

    Un grand BRAVO ! Donc, à l'auteur pour ce voyage à travers une histoire humaine et émouvante -qui n'est point de la promenade académique-, dans un monde qui tend de plus en plus à se déshumaniser. Histoire qui mérite franchement, d'après moi, quand même un peu plus qu'un simple commentaire...

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