• Après un mois de périples divers et de remise en forme, Suzanne Alvarez est de retour, avec dans la soute de son bateau quelques hauts faits maritimes. Aujourd’hui :

     

    La pêche miraculeuse

     

     

    On était presque à la fin de l’été. Ils longeaient la Costa Del Sol. La mer était presque d’huile et le soleil était au zénith. Un calme olympien régnait sur le pont, seulement troublé par un bruit sourd qui remontait du carré.

    - Râ ! Râ ! Râ ! faisait la lame de l’éplucheur qui roulait la peau des pommes de terre.

    - Les poissons nous boudent… ça fait une semaine qu’on n’a rien pris… et cette belle dorade coryphène qu’on a laissé filer… je suis dégoûtée… elle faisait au moins cinq kilos ! pesta en reniflant l’adolescente qui surveillait les moulinets des lignes de traîne.

    Son père, le nez dans une revue d’accastillage, daigna relever la tête pour lui lancer un regard désabusé tout en caressant d’une main distraite le chat niché contre lui.

    - J’ai perdu mon plus beau rapala*… encore cent vingt francs de fichus ! fit-il en poussant un profond soupir d’exaspération pour bien manifester son mécontentement. Puis il se replongea dans la lecture de la page des sondeurs*.

    - Et c’est quoi le menu du jour ! claironna la moussaillonne à l’intention de sa mère.

    Silence radio.

    - Tu vas voir qu’on va avoir droit à des maquereaux en boîte avec des patates ! ajouta-t-elle, railleuse.

    Le Maître coq * qui ne perdait pas une miette de ce qu’il se disait sur le pont, fit une apparition au-dessus de la descente du carré, ignora l’équipage et scruta l’horizon, comme si les mots de ses paroles y étaient inscrits :

    - Et pourtant…il faudra bien vous contenter de ça….Si je compte sur tout le poisson que vous avez pêché ces jours-ci ! fit Anna, morose, en retournant à sa cuisine.

    A présent, le vent venait de tomber complètement et les voiles battaient en claquant lamentablement.

    - Mince, c’est la pétole* ! Allez ! On affale ! Comme ça, on en profitera pour déjeuner tranquillement. On a le temps ! décida le capitaine.

    Après avoir laissé filer cent mètres de chaîne dans un fracas assourdissant, l’ancre s’enfonça dans l’eau.

    - Il y a un pêcheur qui nous fait des signes. Je vais voir ce qu’il veut et je vais en profiter pour lui demander s’il peut nous vendre un peu de poisson. Maman, passe-moi vite quelques pesetas ! cria Carole, tout en sautant dans le dinghy* amarré à l’échelle de bain, et toute contente de se rendre utile et de perfectionner son espagnol.

    Sur les lèvres du pêcheur, un sourire narquois s’est dessiné, et de loin, ceux de Pythagore, munis de jumelles, ont compris à ses gesticulations la réponse humiliante de son refus qu’il a fait à leur fille, et qui veut dire :

    - Tu te fous de ma gueule !

    Puis l’annexe a fait demi-tour et les gaz à fond, elle est revenue dare dare s’amarrer à leur bateau.

    - Vite ! Il faut partir en vitesse… Ce type est cinglé… Il m’a traitée de tous les noms… Il dit qu’il y a des casiers et des filets tendus un peu de partout… On est dans une zone interdite aux plaisanciers… Si on reste ici, lui et les autres pêcheurs vont nous tomber dessus !

    On ne se fit pas prier. On remonta l’ancre, on remit le moteur en route. On oublia le déjeuner.

    Le silence qui s’était à nouveau installé était entrecoupé par un sens de l’humour plutôt noir :

    - Vivement qu’on sorte de ce pays… jamais vu des gens aussi désagréables que ces pêcheurs espagnols ! On croirait toujours qu’on va leur bouffer leur soupe ! dit l’un d’eux.

    Moins d’un mille* plus loin, le moteur se mit à caler.

    Le bosco se pencha par-dessus bord :

    - A tous les coups, un sac plastique s’est pris dans l’hélice ! Il ne manquait plus que ça…Il va falloir plonger !

    - Je vais aller voir ce qui se passe là en dessous ! fit la jeune fille tout en enfilant ses palmes et en ajustant son masque et son tuba. Elle disparut un moment sous l’eau puis réapparut comme électrisée :

    - Incroyable ! Vous ne devinerez jamais !

    - C’est quoi bon sang ! fit le père avec agacement.

    - Un filet de poissons … on a accroché un filet de poissons. Il y en a … je sais pas, moi… au moins un millier !

    Armé d’un couteau, Marc descendit à son tour, donna un grand coup dans le filet qui libéra le produit de la pêche, en même temps que l’hélice. Anna remonta avec précaution les deux bouts* fixés aux seaux frétillants et remplis à ras bord qu’elle avait pris soin de glisser sous les filières, le long de la coque. Souriant dans le vide, elle songeait à sa fille et à l’affront subi par le refus du pêcheur ; pensant que quelquefois, dans la vie, il arrive que justice s’accomplisse.

    C’est ainsi que la soirée se passa à vider, à écailler, et à mettre en bocaux. L’un coupait des rondelles de citron, l’autre cassait des branches de fenouil en petits morceaux, pendant qu’un troisième surveillait l’autoclave*. La bonne humeur et l’entrain comique de l’équipage eurent raison du malaise qui s’était glissé comme un ver dans le fruit de cette journée.

     

    * Rapala : leurre (poisson artificiel) utilisé pour piéger le poisson.

    * Sondeur : appareil servant à mesurer la profondeur des fonds marins.

    * Maître coq : cuistot sur un navire.

    *Pétole : expression utilisée pour signifier qu’il n’y a pas un pet de vent.

    *Dinghy : canot pneumatique, appelé aussi youyou ou annexe.

    *mille marin : 1852 mètres.

    *bouts : cordages fins.

    * autoclave : appareil de cuisson (genre cocotte-minute) destiné à cuire et stériliser (ici, les bocaux à conserves).

     


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  • Ce soir, tournée générale de Ti punch offerte par le capitaine Alvarez en personne ! Et pendant que vous le dégustez, écoutez donc cette histoire…

     

    Le Tee-Shirt " possédé "

     

    Le climat guyanais est impitoyable.

    " L’Enfer vert " vomissait son trop-plein de lianes et de racines enchevêtrées dans la mangrove. Des palétuviers tout proches, des oiseaux insultants et splendides s’envolaient dans des battements d’ailes rouges et bleus. La plainte des singes hurleurs et des sifflements inquiétants montaient de la forêt effarouchée. Dans l’air flottaient des senteurs de marée, de brûlis et de vase.

    Après la pluie diluvienne qui s’était abattue sur le fleuve " Mahuri ", un soleil blanc et brûlant venait sécher péniblement la lessive suspendue depuis trois jours déjà aux filières* de " Pythagore", le 38 pieds, qui paressait mollement non loin de là.

    - Ah ! Non !

    Au cri poussé par la mère, une tête ébouriffée apparut dans l’encadrement d’un hublot, puis, prudente, se retira vivement.

    - Cette gamine me rendra folle !

    C’était toujours la même antienne. Cent fois qu’elle lui avait répété cette litanie :

    " Mets davantage de pinces ! Fixe bien les pinces ! Le vent va tout arracher… ".

    Elle venait de remonter de moitié le capot de descente puis le redressa rageusement à la vertical. Ses yeux affolés ont évalué peu à peu la distance qui la séparait du tee-shirt vert " fluo " de sa fille gisant à même le pont. L’Armatan commençait à souffler et menaçait dangereusement de projeter à l’eau le vêtement à peine étrenné.

    Elle s’élança à l’avant du bateau et d’un bond fut sur l’objet de son courroux… Avec un étonnement mêlé de stupeur et de dégoût, son regard heurta en même temps que sa main " la chose fluo " sortie d’un autre âge et dont les yeux à fleur de tête sous les paupières mobiles la fixaient bizarrement. Elle se figea, effarée.

    Après un pfttttt ! de sa bouche épaisse, ourlée d’un beau rouge vif, le monstre préhistorique se mit à la courser et fit deux fois le tour complet du pont de " Pythagore ".

    A la vue de la gaffe* brandie devant elle et qui allait lui fracasser les reins, " la chose fluo " piqua une tête entre les filières étroites. Maudissant son armure d’écailles et d’épines qui l’entravait. Puis disparut dans un grand " plouf !" dans l’eau couleur mastic. Elle était retournée à sa solitude.

    Alors le capot avant se souleva lentement, et la tête ébouriffée réapparut :

    - Non ! Mais je rêve ! C’était un iguane ! Hein ? Maman.

    - Oui ! Il a dû monter par la jupe* de l’échelle de bain ! fit la mère d’une voix où palpitait encore une formidable émotion.

    Suzanne Alvarez

    * jupe : plage arrière d’un bateau.

    *gaffe : instrument composé d’un croc et d’une pointe métallique, fixé au bout d’un manche en bois et qui sert dans la marine à accrocher, accoster.

    *filières : protections pour s’agripper en navigation et pouvant supporter un filet de sécurité.


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  • Si les errances ferroviaires de la série Transit n’en finissent plus de vous étonner (ou de vous lasser ?) elles ne seront dorénavant plus les seules : Suzanne Alvarez vous propose de découvrir une nouvelle série Histoires d’eau, errances maritimes qui vous transporteront bien plus loin encore …

    Pythagora

     

    Au début, ils n’avaient eu qu’une idée en tête : fuir la Capitale où ils étouffaient depuis trop longtemps.

    C’est ainsi qu’ils avaient atterri, un peu comme " cheveux sur la soupe " dans le quartier juif de Marseille pour tenir cette petite librairie. Et puis, quand, plus tard, le tabac et le loto s’ajoutèrent à leur commerce, une idée nouvelle commença à germer dans leur esprit. Une idée qui n’allait plus les quitter : partir en mer ! Prendre le large ! Tout plaquer !

    Bien sûr, pour concrétiser cela il fallait de l’argent, et même beaucoup d’argent. Alors, jonglant avec des sommes qu’ils n’avaient pas encore gagnées, ils commencèrent à faire des comptes où se mêlaient confusément recettes, dépenses, chiffre d’affaires et bénéfice.

    Et ce fut au terme de huit années d’un travail acharné et grâce à cette ténacité à vouloir partir un jour qu’ils quittèrent le petit port de l’Estaque un matin d’avril, à bord de leur beau 38 pieds* en acier, un JNF38.

    Immédiatement, le bonheur fut partout : il scintillait dans le bleu du ciel et dans les fentes jaunes du regard du chat vautré au pied du mât, il éclatait dans les rires de Carole, il frétillait dans les lignes de traîne, il tintait dans les glaçons des verres, ruisselait sous le halo de la lampe Coleman, s’infiltrait dans les coffres remplis à ras bord, rampait le long des coursives* et se mêlait au goût salé des lèvres desséchées.

    Trois semaines, déjà, qu’ils avaient quitté la France. Trois semaines sans anicroche. Ils avaient caboté* de port en port pour s’amariner. Le temps s’était arrêté. Ils étaient libres ! Absolument libres !

    Ils longeraient d’abord les côtes espagnoles. A partir de Gibraltar, ils tireraient droit sur le Maroc. Après, ce serait Madère où ils s’arrêteraient au moins un bon mois, et aussi les Canaries. Ensuite, les Iles du Cap-Vert. Puis la traversée de l’Atlantique et cap sur la Guyane. Après ça, on verrait bien.

    La nuit était tranquille et douce. La faible houle venait heurter la coque du cotre* dans un clapotis bas et régulier. Une brise languide venait du large, apportant un entêtant parfum de marée.

    - Alto !  hurla un porte-voix au moment où ils étaient sur le point d’accoster dans ce petit port de Tarragona.

    Ils se regardèrent tous les trois, incrédules, mais n’obtempérèrent pas.

    Carole et Anna se rapprochèrent l’une de l’autre et demeurèrent calées entre les winches, muettes et tremblantes de peur, condamnées à se taire, un projecteur de pont braqué sur elles. " Ils " les tenaient en joue, mitraillette au poing, à peine à un mètre d’elles, leur vedette adossée et maintenue fermement au voilier. Il y avait aussi cette grosse mitrailleuse posée sur cet énorme trépied au milieu d’eux et qui leur faisait face, prête à les pulvériser s’il le fallait. Et tout ce qui se déroulait devant elles leur semblait flou, hors d’atteinte, irréel. Combien étaient-ils ? Dix, douze peut-être ? Sans compter les trois en bas.

    Celui qui paraissait être le chef accula Marc, le skipper du Pythagore, contre la cloison, dans le coin de la banquette, après que ce dernier eut étalé tous les papiers du bateau sur la table du carré.

    - Où sont les drogues ? demanda-t-il dans un français impeccable, sur un ton doucereux qui laissait présager le pire.

    - Je… ne… comprends pas ! bredouilla Marc, apparemment abasourdi par une suspicion aussi injustifiée.

    L’autre sourit, mielleux et dubitatif tandis que ses deux acolytes fouillaient, retournaient les tiroirs, jetant rageusement à même le sol vêtements et objets divers. Souriant tels des forcenés, ils commençaient à démonter les vaigrages*.

    Les hommes qui étaient en face d’elles donnaient l’impression d’être surnaturels, sans épaisseur. Alors, il sembla à ces deux femmes qui vivaient depuis toujours une relation totalement fusionnelle, qu’elles ressentaient la même impression : elles eurent au même instant l’horrible certitude que, remontant simultanément le cours de leur existence, elles étaient en train de revivre leur enfance dans ce pays qu’elles venaient de quitter. Avec l’effroyable sentiment qu’arrivées au terme de leur vie, elles étaient déjà virtuellement mortes.

    On entendait la respiration de la mer.

    Carole n’osa pas détourner les yeux pour regarder sa mère… Cette dernière, sous le coup d’une impulsion ou dans un sursaut qu’elle n’avait pu contrôler, avait détendu son bras qu’un raidissement soudain rendait affreusement douloureux.

    Et cette réaction n’échappa pas à leurs geôliers. Les yeux de pierre roulèrent dans leurs orbites. Etait-ce le fruit de leur imagination ? Il sembla même à ces deux malheureuses qu’elles surprenaient un léger pivotement de leur corps. La jeune fille, pour montrer qu’elle était courageuse et qu’elle était capable de protéger sa mère coûte que coûte, resserra un peu plus son étreinte comme pour venir à son secours mais elle en profita surtout pour se blottir un peu plus contre elle.

    A présent, une seule chose comptait pour elles : se maintenir en vie. Car ces mécaniques désincarnées, figées comme des automates, les yeux rivés sur le viseur de leur arme, semblaient incapables de sentiments mais capables du pire. Le moindre faux mouvement, la moindre distraction, et ils opéreraient à coup sûr en tir groupé. Les réduisant à un souffle, un rien.

    C’est alors que, sans que l’on sût pourquoi, l’un de ceux qui se trouvaient sur le pont d’en face sembla être la proie d’un terrible doute. Sans quitter son arme, il sortit sa V.H.F portative de sa poche et parla longuement. Puis :

    - Detenga todo ! 

    Alors, les mitraillettes se posèrent, ceux d’en bas remontèrent. On défit les amarres, on remonta les pare battages*. Bref, on les planta là, les laissant impuissants, anéantis et défaits.

    Après le départ de ces hommes, ils se regardèrent en silence, consternés devant l’étendue de toute cette pagaille qui régnait dans les cabines. Alors, ils s’inquiétèrent de savoir quelle heure il pouvait bien être. Il était plus de minuit. Marc ouvrit un sachet de soupe lyophilisée parce qu’ils avaient parcouru beaucoup de miles* dans la journée sans prendre le temps de se restaurer, et qu’ils pensaient avoir faim. Puis ils se mirent à manger en silence. Ensuite, ils rangèrent tout et se couchèrent sans avoir prononcé un seul mot.

    Le lendemain, très tôt, alors qu’ils dormaient encore, une vedette de la Guardia Civil vint les trouver. Les militaires frappèrent contre la coque, poliment, et présentèrent leurs excuses : ils avaient fait une grosse prise de drogue à bord du bateau Pythagora qu’ils pistaient depuis six mois au moins, et dont une voix anonyme leur avait signalé le passage au port de Tarragona, non loin de leur voilier.

    - Une méprise ! Une regrettable méprise ! dit le capitaine.

    - La oscuridad …Un omonimo…Pythagora/Pythagore

    - Comprende ? renchérit un autre.

    Non, ils ne comprenaient pas. Mais que pouvaient-ils faire ? Alors, sans plus tarder, ne voulant pas rester une minute de plus dans ce lieu qui, tout à coup, leur paraissait horrible, ils mirent le moteur en route, sans prendre le temps de hisser les voiles.

    Leur colère de la veille, en même temps que leur amertume et leur désabusement, leur dégoût des gens et des choses, s’était dissoute dans un profond apaisement. Et cette soudaine liberté leur apparaissait comme un rêve et la nuit qui s’achevait, comme un cauchemar.

    Alors chacun se laissa gagner par la contagion de l’allégresse. On se promit de fêter l’arrivée dans le prochain port, par une orgie de tapas dans le premier resto venu.

    Ils entonnèrent en la massacrant, une vieille chanson de matelots. On aurait pu croire que toute une existence de bonheur était contenue dans cet instant, tant ils se sentaient à nouveau heureux de vivre. Un vent léger s’était levé, doux comme une caresse de fille. On hissa la grand voile et le foc*.

    Ce fut juste après qu’une vague surgit d’un coup d’on ne sait où. Haute comme un immeuble. Elle vint heurter la coque avec une violence inouïe tandis qu’une autre submergeait le pont et les trempait de la tête aux pieds. Anna évita de justesse la bôme* qui allait l’assommer en changeant brutalement de direction. On venait d’empanner*.

    Ils se regardèrent tous les trois, chacun cherchant du secours dans les yeux des deux autres.

    S’acharnant à redresser la barre qui roulait entre ses mains, Marc cria ses ordres. Le foc était en train de se déchirer sous la fureur du vent qui venait de se lever. Il fallait vite affaler.

    Puis on verrouilla tous les capots.

    A l’intérieur le désordre était indescriptible. La radio surtout était inutilisable. Ils ne pourraient  même pas signaler leur position, donner des nouvelles du large. Ils étaient  seuls, complètement isolés.

    Maintenant, soudés les uns aux autres derrière les hublots battus par un grain qui n’en finissait pas, ils observaient, impuissants, ballottés, et le souffle suspendu, la tempête qui faisait rage. Attendre. Il n’y avait que ça à faire. Et cette réclusion forcée, en même temps que la répétition de leur malheur, réveillait en eux tout une foule de regrets, enflammant leur douleur aussi sûrement qu’une rage de dents !

    Pour Marc, le cauchemar recommençait, empoisonnait chaque goutte de son sang. Malgré tout, il lui fallait taire cette angoisse qui l’étreignait, ce mauvais pressentiment qui devait se lire dans ses yeux. Il fallait qu’il fît semblant d’être fort, au moins pour elles qui s’en étaient remises complètement à lui, à qui elles devraient leur survie. N’était-ce pas lui le capitaine, le seul maître à bord après Dieu ?

    Alors, comme pour conjurer sa peur, il se saisit du paquet de fruits secs et commença une lente mastication…

    Un grattement derrière eux les fit tous trois se retourner en même temps. De derrière le fouillis de la table à cartes, deux lucarnes jaunes apparurent. Le chat qui n’avait pas donné signe de vie depuis la veille vint d’un bond se lover contre eux. Marc savait par expérience que cette réapparition soudaine était le signe annonciateur d’une prochaine accalmie, tandis qu’il sentait monter en lui le baume de la délivrance.

    Suzanne Alvarez

     

    Petit glossaire de la marine à voile

    Tout lecteur n’est pas tenu de connaître parfaitement le vocabulaire utilisé par les marins lorsqu’ils communiquent entre eux. Aussi ai-je pensé que quelques explications s’imposaient… 

    *pied : mesure anglo-saxonne valant 12 pouces soit 30,48 cm. todo : Arrêtez tout !

    *cotre : petit bâtiment à un mât et deux focs.

    *vaigrages : revêtement intérieur de la coque.

    *pare battages : défenses destinées à protéger des chocs, la coque d’un navire adossé à un quai ou à un autre bateau.

    *mile : mesure anglo-saxonne valant 1,852 m.

    *Guardia Civil : gendarmerie maritime espagnole.

    *foc : voile triangulaire placée à l’avant d’un voilier.

    *bôme : arbre de mât qui supporte la grand-voile.

    *empanner : faire passer rapidement la grand-voile d’un voilier d’un bord à l’autre, au moment

    du virement de bord vent arrière.

    *caboter : naviguer le long des côtes.

    *Detenga

    *La oscuridad : l’obscurité.

    *Un omonimo : un homonyme.

    *Coursive : passage réservé entre les cabines, dans le sens de la longueur d’un navire.


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