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    Second épisode de la série proposée par Corinne Jeanson

     

    Jour J

     

    J'ai mis mon casque
    j'ai accroché mon paquetage
    je me suis assis dans la chaloupe
    j'ai craché dans la mer attentive
    j'ai regardé mes compagnons
    nos coeurs en vrac avaient le même tempo
    j'ai pas parlé
    j'ai pas prié
    j'ai regardé le ciel gris en reflet dans les eaux
    là-bas la côte fumait
    là-bas la brume accrochait son manteau de mort
    j'ai sauté dans les vagues d'écume
    rien de vénus
    il fallait faire le boulot
    j'aurai lancé ma lance
    j'ai lancé un cri
    je ne savais pas
    que la fureur m'envahirait
    je ne savais pas
    que la fureur me donnerait la force
    j'avais plus de mémoire
    j'avais plus de paradis
    j'allais mourir ou bien vivre
    dans les airs sifflaient les obus
    autour de moi les balles éclataient les corps
    je les ai vus flotter dans les nuages
    tous les guerriers de l'Histoire
    aux visages creusés, aux visages noirs
    ils se déployaient à nos côtés
    nous transmettaient leur rage
    et la mer vomissait ses vagues
    et le ciel noircissait le temps
    le jour J j'ai posé mes pieds
    sur une plage explosée
    y paraît qu'au bout la Liberté s'éveillait.

     


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    Note du barman.

    Les conflits d'intérêts ou de sentiments, les querelles de voisinage comme les embrouilles économiques, politiques, spirituelles et sexuelles sont autant de lignes de front largement ouvertes dans le champ des relations humaines. Le passage à l'acte est devenu la monnaie courante et le branle-bas de combat général le ferment de l'information.

    La guerre laisse toujours plus de traces que la paix. La littérature s'en repait autant pour dénoncer les blessures qu'elle génère que pour défendre, justifier, sauver ses protagonistes.

    Si l'écriture peut panser bien des blessures, elle peut tout autant en raviver au point d'envenimer la pensée. L'homme est ainsi fait qu'il lui faut sans cesse faire face aux dégâts causés par ses pulsions agressives et à sa propension à vouloir n'y être pour rien. La blessure est ressentie comme un échec, un défaut de résistance, une défaite qui enferme dans un lieu vide ne laissant plus de place à autrui. A vouloir s'en débrouiller par la seule voie de la dénonciation de l'autre, l'homme blessé érige une défense mortifère qui le conduit à guerroyer davantage. Certains se retrouvent dans les causes désespérées, s'érigent en justicier, écrivent des manifestes ou sombrent dans un cynisme débridé ; des répliques qui font que l'essentiel reste sur l'estomac, alimentant le ressentiment.

    Et puis, il y a ceux qui essaient de mettre un voile sur leurs cicatrices et de faire entendre autre chose que la déchirure, qui entreprennent de faire signe au monde et de donner corps à une parole escamotée par la souffrance. Cette résistance-là est dure à mener. Il faut être un peu poète pour l'exercer.

     

    Durant l'été, chaque vendredi , Corinne Jeanson nous propose de revisiter ces conflits qui nous occupent tant et tant...

     

    Hommes blessés

    En ces moments
    ils se tiennent quelque part
    assis sur un rocher
    après les grands combats
    ils mêlent leurs repos
    la route est encore longue

    autour du feu de camp
    offre-leur un verre de vin
    et deux cigarettes
    cela leur fera du bien
    reste silencieuse
    ou chantonne de vieux refrains

    là couchés sous le grand arbre
    un lit de feuilles brunes
    pour manteau
    ils hument les fougères
    aux frondes dressées
    leurs tuiles arrondies évoquent
    des airs de toit maternel

    dans la nuit étoilée
    sous vénus et la lune
    ils campent
    en hommes blessés
    demain à l'aube
    ils repartiront
    pour l'ultime combat
    tu veilleras sur eux

     


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