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Par Barman le 15 Juillet 2011 à 08:00
Second épisode de la série proposée par Corinne Jeanson
Jour J
J'ai mis mon casque
j'ai accroché mon paquetage
je me suis assis dans la chaloupe
j'ai craché dans la mer attentive
j'ai regardé mes compagnons
nos coeurs en vrac avaient le même tempo
j'ai pas parlé
j'ai pas prié
j'ai regardé le ciel gris en reflet dans les eaux
là-bas la côte fumait
là-bas la brume accrochait son manteau de mort
j'ai sauté dans les vagues d'écume
rien de vénus
il fallait faire le boulot
j'aurai lancé ma lance
j'ai lancé un cri
je ne savais pas
que la fureur m'envahirait
je ne savais pas
que la fureur me donnerait la force
j'avais plus de mémoire
j'avais plus de paradis
j'allais mourir ou bien vivre
dans les airs sifflaient les obus
autour de moi les balles éclataient les corps
je les ai vus flotter dans les nuages
tous les guerriers de l'Histoire
aux visages creusés, aux visages noirs
ils se déployaient à nos côtés
nous transmettaient leur rage
et la mer vomissait ses vagues
et le ciel noircissait le temps
le jour J j'ai posé mes pieds
sur une plage explosée
y paraît qu'au bout la Liberté s'éveillait.
4 commentaires -
Par Barman le 8 Juillet 2011 à 09:00
Note du barman.
Les conflits d'intérêts ou de sentiments, les querelles de voisinage comme les embrouilles économiques, politiques, spirituelles et sexuelles sont autant de lignes de front largement ouvertes dans le champ des relations humaines. Le passage à l'acte est devenu la monnaie courante et le branle-bas de combat général le ferment de l'information.
La guerre laisse toujours plus de traces que la paix. La littérature s'en repait autant pour dénoncer les blessures qu'elle génère que pour défendre, justifier, sauver ses protagonistes.
Si l'écriture peut panser bien des blessures, elle peut tout autant en raviver au point d'envenimer la pensée. L'homme est ainsi fait qu'il lui faut sans cesse faire face aux dégâts causés par ses pulsions agressives et à sa propension à vouloir n'y être pour rien. La blessure est ressentie comme un échec, un défaut de résistance, une défaite qui enferme dans un lieu vide ne laissant plus de place à autrui. A vouloir s'en débrouiller par la seule voie de la dénonciation de l'autre, l'homme blessé érige une défense mortifère qui le conduit à guerroyer davantage. Certains se retrouvent dans les causes désespérées, s'érigent en justicier, écrivent des manifestes ou sombrent dans un cynisme débridé ; des répliques qui font que l'essentiel reste sur l'estomac, alimentant le ressentiment.
Et puis, il y a ceux qui essaient de mettre un voile sur leurs cicatrices et de faire entendre autre chose que la déchirure, qui entreprennent de faire signe au monde et de donner corps à une parole escamotée par la souffrance. Cette résistance-là est dure à mener. Il faut être un peu poète pour l'exercer.
Durant l'été, chaque vendredi , Corinne Jeanson nous propose de revisiter ces conflits qui nous occupent tant et tant...
Hommes blessés
En ces moments
ils se tiennent quelque part
assis sur un rocher
après les grands combats
ils mêlent leurs repos
la route est encore longueautour du feu de camp
offre-leur un verre de vin
et deux cigarettes
cela leur fera du bien
reste silencieuse
ou chantonne de vieux refrainslà couchés sous le grand arbre
un lit de feuilles brunes
pour manteau
ils hument les fougères
aux frondes dressées
leurs tuiles arrondies évoquent
des airs de toit materneldans la nuit étoilée
sous vénus et la lune
ils campent
en hommes blessés
demain à l'aube
ils repartiront
pour l'ultime combat
tu veilleras sur eux
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