• Ecarts de conduite

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    Finis les RTT ? Terminés la plage, les pistes de ski, les bars à tapas ? Faut pas s'en faire, aujourd'hui on va rouler des mécaniques…

    Comment bien foirer son retour de vacances sur l’autoroute

    par Ysiad

     

    Aujurd’hui, sans trop savoir pourquoi, nous avons choisi d’offrir au lecteur un petit voyage sur l’autoroute, à l’occasion d’un retour de vacances, à partir de la région PACA jusqu’à la capitale. De même qu’il y a Dupont et Dupond, il y a voyage et voyage. Celui-ci consiste en une sorte de huis clos avec matou, enfants, conjoint et bagages, dans l’habitacle d’une bagnole du quatrième âge équipée d’un rétroviseur extérieur gauche retenu sur son pivot par plusieurs tours de scotch brun, d’un rétroviseur intérieur capable de se décrocher à la moindre aspérité de la route, d’un pare-brise fêlé sur toute sa largeur, d’appuie-têtes déglingués, de dossiers de siège refusant de se redresser, d’un tapis de sol troué et de pédales trop souples. Quant au kilométrage, ma foi, on sait pas trop, le compteur est bloqué. Toujours envie de prendre la route, les p’tits loups ?  

    Cependant, attention. On ne se moque pas du véhicule. Cette poubelle, c’est la vôtre, ça fait toute la différence. Vous y êtes attachée. Vous connaissez à fond ses caprices, ses petits travers, cette façon qu’elle a de chasser à gauche, ce qui vous oblige à maintenir les roues au ras des lignes blanches pour éviter les louvoiements intempestifs, ce petit hoquet dont elle est affligée lorsque vous tournez la clé de contact, (un peu d’autoallumage, sans doute), ce grondement lourd du moteur à partir de 130-140 kilomètres/heure (un léger encrassage des bielles, qui sait ?) les facéties du tableau de bord où s’allument soudain, mais toujours à tour de rôle, les voyants de la batterie, de l’air bag, de l’eau, du thermomètre, des essuie-glaces, du cric, comme pour vous rappeler qu’il est impératif de prévoir une prévision : tout cela vous est extraordinairement familier. Vous la connaissez si bien, cette guimbarde, que vous n’avez pas besoin de plonger la jauge dans ses entrailles pour deviner que le dernier jour des vacances, Madame ne démarrera pas du premier coup. C’est comme ça. Madame ne démarre jamais du premier coup. Le moteur tousse. S’ébroue, rechigne. C’est tout à fait normal, c’est le début de la foirade.

    Comme il fait jour, c’est vous qui allez conduire. Vous, soit une personne du sexe féminin qui ne voit pas très bien, entend encore moins bien, ne flaire pas les innombrables opportunités que propose la route pour maintenir la moyenne à un niveau acceptable, s’obstine à poser ses mains sur le volant à huit heures vingt et non à dix heures dix, (terrible, cet entêtement), ne sait pas déboiter au moment voulu, se prive d’accélérations vitales, oublie de passer ses vitesses ; une conductrice lamentable, en somme, qui n’ose pas dépasser les gros culs en provenance d’Almeria mais se laisse doubler par trois caravanes, ne prévoit jamais assez de sandwichs mais aime écouter du Polnareff en traversant la Drôme. Bon, on va s’arrêter là, encore un tour de scotch autour du rétro, parfait, ça tient bien. Il est treize heures douze, le coffre est bourré à craquer, on a tout, les valoches, les sacs de bottes, les cannes à pêche, la guitare électrique, la carte routière, le chat, la litière, la gamelle, les enfants. Surtout, te fais pas flasher, vous recommande le conjoint pour la énième fois.

    Ô merveille, ça roule. Ça roule même très bien. Putain, comme ça roule aujourd’hui ! Du beurre. Grisant, ce ruban. Le dernier déplacement avait duré douze heures trente, souvenez-vous. Vous aviez eu droit à la totale, embouteillages à la sortie de la ville, nationales bouchées, camions en file indienne, tout cela dans la chaleur de juillet, douze heures au terme desquelles vous vous étiez juré de ne plus jamais reprendre la route, et lorsque de guère lasse, vous aviez rejoint l’autoroute après le tunnel de Lyon, un carambolage spectaculaire avait bloqué les voies dans les deux sens. Le cauchemar. Heureusement, il n’en est rien aujourd’hui, tout baigne à mort, vous roulez à 135 en écoutant du Polnareff en sourdine, parfait. L’asphalte s’écoule, fluide, et personne devant vous, c’est le pied. Holidays… Flûte. Juste au moment où tout va bien, le chat vient de sauter sur vos jambes. Le conjoint somnole, les enfants ont mis leurs écouteurs, personne ne peut rien pour vous. Le matou cherche un peu sa place, tourne sur lui-même pour finalement écraser ses kilos de fourrure sur votre jambe droite. Voilà. Il ne bouge plus. Il est très bien. Vous, beaucoup moins. Argl. Il est lourd. Heureusement, il y a une station service dans vingt kilomètres.

    Premier arrêt. Votre jambe est complètement ankylosée. Le chat miaule derrière la vitre. A-t-il soif ? Oui. Il lape un peu d’eau au creux d’un bouchon. Il a faim aussi, comme les enfants, qui dévorent à belles dents leur sandwich. Bien. Un petit café, et zou. On ne va pas s’éterniser chez Carrefour. Comme il fait encore jour, vous gardez le volant, le conjoint le reprendra au nord de Lyon. Sur la banquette, les enfants se révoltent. Ils n’en peuvent plus, de Polnareff. Trop éthéré. Ils veulent un truc qui arrache bien, du viking metal par exemple, et la route se complique. Il y a du monde, soudain. Beaucoup. Des fourgons, des camionnettes, des voitures à remorque. Les camions se suivant sur la file de droite, le chat a bondi dans l’angle gauche du pare-brise pour mieux les observer. C’est très pénible, ces camions, surtout quand ils se tirent la bourre. Le moteur de la voiture s’est mis à bourdonner, et vous voilà coincée derrière un trente tonnes espagnol qui vient de déboiter sur la file centrale sans mettre son clignotant. Allons bon. Mais qu’est ce que tu fous au milieu de ce convoi, fait le conjoint. Cent mètres plus loin, le trente tonnes se rabat brutalement dans un énorme nuage d’essence. La visibilité est nulle et l’odeur atroce. S’ensuit une discussion âpre sur l’art de ne pas se faire dépasser. L’autoroute passant sur deux voies, vous ralentissez, et cette baisse de régime perturbe le chat. Il quitte son poste d’observation pour rejoindre les enfants sur la plage arrière. Gardez-le entre vous, ordonne le conjoint.

    Déjà que Maman conduit comme un pied, s’il revient l’embêter, on va se prendre un semi-remorque entre les essuie-glaces.

    Et comme si ces paroles odieuses avaient tiré du sommeil tous les mauvais esprits de l’autoroute, le rétroviseur intérieur se décroche. Net. C’est embêtant. Très. Heureusement, la barrière de péage est annoncée dans deux kilomètres. Je reprends le volant après, décrète le conjoint qui tient le rétroviseur d’une main et vous indique de l’autre la meilleure des files à suivre. Vas-y, mets-toi derrière la grise, il y a beaucoup moins de monde, vous enjoint-il en pointant un index impérieux vers une voiture grise qui ressemble étrangement à une autre voiture grise. Résultat ? vous vous gourez. Pourquoi ? Vous êtes une femme et c’est une foirade.

    C’était l’autre file qu’il fallait prendre, pas celle-ci ! se lamente le conjoint. Ah flûte alors. C’est ballot de votre part, mais bon. On peut plus reculer, là, on doit attendre sagement son tour derrière les autres voitures, pendant que le conjoint se passe les nerfs sur le rétroviseur, qu’il réussit à emboiter d’un coup de poignet dans le bitoniau rouillé fixé au pare-brise. Bravo. Pourvu que ça tienne jusqu’à la fin du voyage, c’est tout ce qu’on se souhaite. Au bout d’un long quart d’heure, c’est enfin à vous. Vous tendez votre carte au préposé qui la passe dans son lecteur. Rien. Nouvel essai. Silence, soupirs. Toujours rien. Nouvelle tentative. Le préposé se penche. Votre carte est illisible. Après plusieurs essais infructueux, il sort de sa guérite. Il va passer votre carte dans un autre lecteur, ça vient peut-être du sien, il se renseigne. Dix minutes plus tard, il revient avec le reçu en vous souhaitant une bonne route. Cette file vous a fait perdre un temps précieux. Les enfants grognent, le chat miaule, viking metal beugle et il reste encore quatre cents kilomètres à faire. Vous avez beau essayer de détendre l’atmosphère en faisant remarquer que vous avez jusqu’à présent échappé à tous les radars, le conjoint qui a repris le volant est en colère. On va arriver à trois heures du mat’, fulmine-t-il, comme si vous étiez seule responsable de ces coups de Trafalgar autoroutiers contre la sacrosainte moyenne. Il reste des sandwichs au saucisson? demande-t-il entre ses dents. Vous farfouillez dans la glacière. Bien sûr que non. S’il restait des sandwichs au saucisson, ce serait un succès, ce trajet, pas une foirade. En revanche, il y a des chips. Au vinaigre. Elles sont dégueulasses ! dit le conjoint furieux.

    Bravo. En plein dans le mille. C’est foiré.

    … Mais si par miracle, aux abords de la capitale, le conjoint s’offre une petite accélération libératrice pour oublier cette putain de route et se fait méchamment flasher par un flic tapi dans son véhicule à cinq cents mètres du bercail, alors seulement, le retour de vacances sur les autoroutes de France aura été… bien foiré.


  • Commentaires

    1
    Vendredi 11 Mars 2011 à 17:58

    Eh bien, c'est là qu'on apprécie d'être resté bien tranquillement chez soi! Au lieu de voyager en poubelle, on  a desendu la sienne tous les jours au local adéquat, une petite promenade, quoi! Au lieu de se faire coincer dans les bouchons, on en a fait sauter un pour un anniversaire! Des vacances pas foirées du tout en somme!

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    2
    Jeudi 24 Mars 2011 à 11:29

    Là, tu nous bourres le mou, Ysiad. La voiture n'a quand même pas pu passer le contrôle technique !

    En tout cas merci pour cette nouvelle tranche de boyautage... qui échappe à trois jours près au 8 mars que c'en eût été le pompon !

    3
    ysiad
    Samedi 23 Août 2014 à 18:18

    Contrôle technique ? késaco, Jean ?

     

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