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    Le barman de Calipso a le plaisir de vous annoncer la sortie du premier roman publié par Zonaires éditions : Le radeau de Victoire de Marie-Thérèse Jacquet

     

     

    Elle « rame », cette enfant, dans le monde tel qu’il se révèle à ses yeux naïfs et implacables.

    Petit Quinquin, née dans un vieux quartier lillois, rame parce que c’est la Seconde Guerre mondiale.

    Elle rame parce que dans la boulangerie familiale, ses parents, leurs proches se livrent à des guerres où tous les coups sont permis.

    Elle rame dans la débâcle vers le sud, l’exode vers l’est. Sa mère, gagnée par les terreurs de l’époque, fuit au volant de sa voiture. Son père alsacien reste dans sa boulangerie, se livrant à des commerces louches.

    Quand l’enfant perd sa boussole, elle retrouve calme, ten-dresse et protection auprès d’une vieille dame sur sa terrasse aux géraniums, chez des oncles et tantes dans la famille de substitution de son petit frère.

    Elle apprend à protéger sa frêle périssoire en dépit des nau-frages menaçants. Son héros c’est Tarzan, protecteur des ani-maux de la Jungle, figure paternelle sans peur et sans reproche.

     

    En 2010, l’auteure a publié aux éditions Alzieu un recueil de nouvelles  « Allumez le four » très apprécié par Françoise Xénakis 

    « J’ai lu vos nouvelles et je les trouve excellentes, drôles, couillues, vraies. Continuez, allez-y !

    Décidément, vous êtes bourrée de talents. Vous savez quoi ? Nos écritures se ressemblent. C’est pour cela que vous aimez ce que je fais et que j’aime ce que vous faites ; nous utilisons le même terreau. »

     

    Le radeau de victoire de Marie-Thérèse Jacquet chez Zonaires éditions, http://www.zonaires.com

    218 pages, 17€ (+2€ de participation aux frais de port)    

     


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    Les cent derniers jours, le livre, parait demain. En avance de trois jours. Quelques grands vernis seront servis dans la journée (voir photo). De plus petits attendront un jour ou deux. Après cela, ceux qui l’auront pourront tirer la langue à ceux qui ne l’auront pas. Sauf bien entendu, ceux qui resteront bouche bée après en avoir  parcouru quelques pages. Espérons que par la suite cela ne les empêchera pas de pratiquer le bouche à oreille.

    De deux choses l’une : soit vous allez l’offrir, soit vous allez le recevoir. À partir de là, sûr que les fêtes seront bonnes. Avec votre cadeau, vous serez intarissable. Mais attention, si autour de la table certains convives boiront vos paroles et se laisseront aller à rire à pleine gorge, d’autres éprouveront des difficultés à déglutir et vous demanderont de bien peser vos mots et même de les mesurer avant de poursuivre plus avant.

    Si toutefois, quelques farfelus ne parvenaient pas à reprendre totalement leurs esprits et continuaient à bégayer d’enthousiasme, il vous faudra sortir de votre hotte secrète un ouvrage qui les fera revenir sur terre sans pour autant leur infliger un coup au moral. Bien au contraire, avec Bref, ils ont besoin d’un orthophoniste de Gaëlle Pingault, chacun ira de sa contribution à l’exercice délicat de la parole et sera en mesure d’aborder les lendemains de fête avec une belle assurance. Magnifique, non ?

     

    Les cent derniers jours, collectif d’auteurs chez Zonaires éditions, 132 pages, 13€

    Bref, ils ont besoin d’un orthophoniste, de Gaëlle Pingault, chez Quadrature, 116 pages, 15€


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    Au printemps dernier, en pleine campagne présidentielle, une trentaine d’auteurs se retrouvaient dans l’anonymat d’un bar virtuel avec l’idée de revisiter, cent jours durant, les clairs-obscurs du jubilé républicain. Depuis des années, on ruminait ferme sur la crise, le manque à gagner en temps de bonheur disponible était dans toutes les têtes et il y avait un peu partout cette envie de donner un peu d’ivresse aux attentes, d’instiller de la couleur sur les pages tristement convenues des discours officiels.

    Ce furent cent jours d’effervescence littéraire et l’occasion de soulager le grimoire électoral d’une partie de son épaisse couche de fard. L’affaire fut réjouissante, jubilatoire, plébiscitée jusqu’au clap de fin, un jour de mai.

    Ce livre rassemble une cinquantaine de ces « brèves de comptoir » ; des prises de parole incisives, impertinentes, parfois visionnaires, agrémentées de quelques dérives poétiques, d’un brin de mauvaise foi et d’une brassée de frissons romantiques, le tout relevé d’une bonne dose d’humour.

     

    Auteurs au sommaire :

    Danièle Akakpo, Claude Bachelier, Désirée Boillot, Jean Calbrix, Benoit Camus, Emmanuelle Cart-Tanneur, Emmanuelle Della Monica, Annick Demouzon, Patrick Denys, Jacqueline Dewerdt, Alain Emery, Sophie Etienbled, Franck Garot, Jordy Grosborne, Jean Gualbert, Joël Hamm, Corinne Jeanson, Jean-Luc Lapoule, Patrick L’Ecolier, Patrick Ledent, Lunatik, Laurence Marconi, Yvonne Oter, Claude Romashov, Castor Tillon, Bastien Zukkas.

     

    132 pages, 13 €. Frais de port 2,40 €

     

    Parution le 20 décembre 2012 chez Zonaires éditions http://www.zonaires.com

     


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    Les auteurs ont parfois de ces idées ! Par exemple, Georges Flipo, tout le monde ici connait ce nouvelliste chevronné et romancier de haut vol, eh bien figurez-vous qu'il s'est mis à l'éthologie et qu'il vient de consacrer tout un livre sur la vie des animaux. Sur la vie des pingouins, plus exactement. On savait bien peu de choses sur ces créatures, et c'est extraordinaire de voir avec quelle acuité Georges Flipo rend compte de leurs moeurs.

    Il y a deux choses essentielles à connaître sur les pingouins : la première est leur propension à vouloir vivre ensemble et au minimum en couple, la seconde est leur fâcheuse tendance à se chamailler dès qu'ils se rassemblent et encore plus quand ils se mettent en couple. Dans un style toujours aussi limpide, Georges Flipo nous rapporte des observations particulièrement pointues sur leurs turpitudes et quantité d’anecdotes hautes en couleurs qui nous rappellent certaines légendes humaines.

    Avec un dos noir et un ventre blanc, le pingouin est endimanché pour la vie. Son allure solennelle lui permet de dissimuler sa gêne et d’échapper aux sarcasmes des étrangers de passage. Si les pingouins sont vite en froid avec ceux de leurs congénères qui passent la journée à clabauder, ils n’ont aucune pitié pour  les intrus, vous savez, les vieux, les pauvres, les moches qui font irruption dans un groupe au nom de la mixité sociale et qui à peine installés veulent changer ses habitudes. Le pingouin passe beaucoup de temps à ruminer ses frustrations. Il peine à comprendre combien la convoitise, la rivalité, le mensonge organisent son monde et jusqu’à quel point la détresse, l’angoisse peuvent l’ébranler. Il se méfie de l’autre, de sa dangerosité, jamais de ses propres pulsions agressives. Il n’est pas rare de voir un pingouin battre de l’aile et il est très intéressant de constater que les autres en profitent pour lui faire porter le poids de ce qui ne va pas. Comme tous les boucs émissaires, le pingouin déclassé se débrouille avec les moyens du bord, se dandine et se trémousse tant qu’il peut et quand ça craint trop, il prend la tangente quitte à se retrouver à côté de la plaque, hors jeu, sans autres perspectives que de se ronger les ailes et finir manchot. Ceci étant, Dame Nature ne manque pas de ressources et elle a eu la fabuleuse idée de doter le pingouin d’un clapet plutôt ravageur en forme de lame de couteau. À ce qu’on dit, ce serait d’une redoutable efficacité pour trancher les différends en cas de prise de bec.

    L’auteur retient plutôt le côté pratique de la chose, et il observe avec une joie non feinte l’habileté avec laquelle le jeune pingouin brise la glace à la saison des amours. Seulement, souligne-t-il, ce bel appendice présente moult inconvénients quand les tourtereaux veulent se rouler un patin. C’est peut-être une des raisons pour laquelle on voit tant de pingouins faire chambre à part sur la banquise une fois le coït consommé.

    Dans les livres de Georges Flipo, il y a toujours un moment ou un autre où l’on se demande si ce qu’il raconte n’est pas tout simplement métaphorique. Connaissant le haut degré d’instruction de l’homme, son sens de l’observation, son audace et son humour, la question ne semble pas superflue.

     

    Tous ensemble, mais sans plus de Georges Flipo aux éditions Anne Carrière, 282 pages, 18€


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    R.E.V.E.N.I.R. C'est avec ces sept lettres piochées au Scrabble que Françoise Guérin, virtuose du mot compte double, mettait fin à la cécité de son héros Eric Lanester, criminologue parisien des plus en vue. Cinq longues années ont été nécessaires pour que le succès soit digéré et la promesse tenue. 

    C'est entre deux séances de cure analytique et dans le moment où il s'interroge sur la pertinence de son engagement dans la police que notre homme est rappelé aux affaires. Une série de disparition de jeunes filles présentées comme anorexiques met les autorités en émoi. Pour un expert en chair suppliciée, pas de quoi se lécher les babines ni saliver à l'idée de renifler une belle scène de crime, car de restes, il n'y a point. On sait combien les profilers sont attachés au détail qui tue mais Eric Lanester a été élevé à la sauce analytique et, à la lecture de rapports de gendarmerie comme aux prélèvements de larmes, de sang ou de bile, il préfère élaborer une anamnèse fondée sur les événements réels ou imaginaires rapportés par les témoins.

    L'ennui est qu'une multitude de problèmes viennent parasiter ses investigations. On y trouve pêle-mêle les pesanteurs de l'administration, les lourdeurs de la hiérarchie, les caprices des collaborateurs, les dérives comportementalistes, les secrets de famille, les amours contrariés avec une belle, les démêlés avec un animal de compagnie, les relations d'attirance-répulsion avec un commandant de gendarmerie tout feu tout flamme et, cerise sur le gâteau, le manque à parler avec son analyste.

    Comme la plupart des protagonistes de cette histoire, Lanester a la tentation du renoncement. Le coeur n'y est pas et une angoisse s'est fixée au creux de son ventre. Il se sent vaciller, évite de mettre les mains à la pâte, laisse ses subordonnés cuisiner les témoins et la gendarmerie avaler des couleuvres. Sa mission part dans tous les sens, un rien lui donne la nausée et tout bien pesé, il se laisserait volontiers fondre dans l'anonymat, voire se liquéfier comme ces jeunes filles anorexiques, avec la tête en pagaille et plus de corps.

    On l'aura compris, il ne s'agit pas d'un "polar psychologique", mais tout à la fois d'une lecture policière d'un drame humain, d'une chronique sur les institutions psychiatriques et d'un abrégé de l'expérience analytique. L'appétit perdu de Lanester nous rappelle qu'un corps, ça parle et qu'il est vain de vouloir le soustraire au regard de l'autre. Reste à savoir, et c'est la question qu'implicitement Françoise Guérin nous pose,  jusqu'à quel point nous sommes disposés à nous laisser croquer sans mot dire et jusqu'à quel état de dénuement nous pouvons aller dans notre quête d'amour sans risquer de disparaître à jamais ?

     

    Cherche jeunes filles à croquer de Françoise Guérin aux éditions Le Masque, 395 pages, 19 €


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    Patrick Dupuis, promoteur des éditions Quadrature, publie comme auteur un second recueil de nouvelles chez Luce Wilquin. Ses histoires sont courtes, sans fioritures et consacrées à l'amour en dérive. Ce ne sont que quelques images prélevées dans la mémoire de quelques spécimens de l'humanité, mais des images limpides et fulgurantes qui vont droit au coeur. On le sait, l'amour n'a de cesse de se dérober et Patrick Dupuis se fait fort de nous rappeler que l'aventure amoureuse ne se vit jamais en toute innocence. Quoi de plus ordinaire que de croiser des femmes et des hommes de tout âge qui ont un jour parié sur l'éternité de leur amour et mis au défi le ciel d'amonceller des nuages au-dessus de leur engagement. Las, si les histoires d'amour ne sombrent pas toujours dans les intempéries, nombreuses sont celles qui, balayées par les pluies acides et les vents amers, sont soumises à un couvre-feu du désir. Ici, l'idéal amoureux ne fait pas que se déliter, il se déchiquette en d'infinis petits morceaux de discorde, de jalousie, de ressentiment... Que le point de rupture remonte à des années ou qu'il ait fait irruption la veille ne change rien à l'affaire : les personnages sont tous confrontés à un autre qui, à un moment donné, fait défaut. Il n'y pas d'explications. Il y a eu l'attente, la rencontre, la première fois ; la vie s'est arrêtée dans un long sommeil amoureux et un jour une horloge s'est mise à remodeler le temps du désir. Le constat est sans appel : ça fait mal.

    On efface jamais vraiment la douleur ; au mieux on cherche à la dissiper dans une impossible quête de réconciliation. Fort heureusement, l'auteur ne se laisse pas aller à une noire contemplation du dérapage, dès lors où il pense ne plus rien avoir à en dire, il ouvre une porte...

     

    Passés imparfaits de Patrick Dupuis aux éditions Luce Wilquin, 102 pages, 11€


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    Depuis toujours, le théâtre est un formidable lieu de représentation de la nature humaine. Un cadre où se déploient les forces vives du désir et de ses désordres : amour, pouvoir, trahison, vengeance en sont des ferments incontournables. C'est dans la Grèce antique que s'est bâtie la cité d'Epidaure. Très vite, elle est devenue un haut lieu de la médecine et du théâtre. C'est là, sur un vaste plateau en plein air que les arts s'exprimaient, que les maladies de l'âme se dévoilaient, que l'émancipation et la servitude se défiaient, que la tragédie était à l'oeuvre.  

    Avec pour titre Epidaure, Patrick Denys, écrivain, philosophe et psychologue, nous annonce d'emblée le lien privilégié qu'il entretient avec la dramaturgie. Pour autant, l'auteur n'est pas l'homme d'un passé recomposé et s'il entreprend de nous faire voyager du côté de ce théâtre là, c'est pour nous faire entendre ce qui se joue encore aujourd'hui sur toutes les places du monde. Voilà donc un recueil de cinq nouvelles, un drame en cinq actes où les personnages, pris dans le huis clos du manque et du ressentiment, sont incapables d'échapper au même destin funeste.

    On le sait, pour sa tranquillité, l'homme est un animal capable de verrouiller sa mémoire, mais il reste souvent désarmé face aux images maudites qui l'assaillent, impuissant à maîtriser les mots réprouvés, et c'est dans cette force de la rumination que se fondent quelques unes des morsures qui font saigner l'écorce de la raison.

    "Folie du désespoir qui me murmure, aux heures de trop forte brûlure, l'idée de ton meurtre.C'est moi qui serait punie et cette punition, je ne la mérite pas. Pourquoi me priver à jamais du spectacle de tes souffrances ? Je ne veux pas ta mort, mon Yannis. Je ne désire que la contemplation apaisée de ton supplice."

    C'est cette musique particulière, cruelle et poignante que nous offre Patrick Denys, et elle entre en profonde résonance avec l'acoustique du théâtre antique.   

     

    Epidaure de Patrick Denys aux éditions Orizons, 144 pages, 14€ 

     


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    Comme Patrick Ledent, Jacqueline Dewerdt-Ogil a contribué activement à l'épopée des 100 derniers jours. Elle publie aujourd'hui un livre-témoignage sur son engagement humain et sur sa façon de prendre place avec l'autre dans la vie.

     

    Pas tout facile la vie

    Des clowns chez Emmaüs

    Jacqueline Dewerdt-Ogil

    Préface de d’Anne Saingier

    Postface de Montserrat González Parera

     

     

     

    Pas n’importe quels clowns. Clown-analyste, clowno-formateur, tels sont les titres de celui qui embarque l’auteur vers dix années d’une aventure exceptionnelle avec « La Bande à Léon » troupe de clowns composée de compagnons d’Emmaüs.

    Il s’agit bien de compagnonnage en effet dans ce récit à deux voix. Sous forme de journaux croisés, l’auteur nous fait partager les bonheurs et les tourments qu’elle a vécus au sein de la troupe. Les portraits de ces hommes que la vie a poussés en marge de la société nous font toucher du doigt la fragilité des destins individuels, mais aussi la force de la création collective. Compagnons d’Emmaüs, L’Ancien, Le Grand, La Flèche et les autres deviennent clowns. Parce qu’on fait confiance à leur talent, ils créent des spectacles dénonçant les travers de la société qui les a rejetés.

    Par touches discrètes, l’auteur donne à entendre les échos que la vie des compagnons réveille en elle. Comme s’il s’en était fallu de peu qu’elle aussi, que vous aussi. Comme si certains avait juste raté le mauvais virage au mauvais moment.

     

    Licenciée en lettres, Jacqueline Dewerdt-Ogil renonce à l’enseignement pour se former au conseil conjugal à l’AFCCC (Association Française des Centres de Consultations Conjugales).

    Elle exerce cette fonction en centre de planification. Parallèlement, elle met ses compétences et sa sensibilité au service d’associations engagées dans l’humanitaire, le social et la vie culturelle. Elle consacre désormais de plus en plus de temps à l’écriture.

     

    Aux Editions L'Harmattan, 234 pages, 23 €

     


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    Nous avons eu le plaisir de d'accueillir Patrick Ledent à plusieurs reprises au cours de l'épopée des 100 derniers jours, Magali Duru nous présente aujourd'hui le nouvelliste chevronné et son dernier recueil publié en mars dernier.  

     

     

    Deux lignes de force dans ce recueil : d’abord -et c’est l’aspect que j’en préfère-, des nouvelles de fiction, savoureuses, sensibles, fantaisistes souvent ("Touquet final "), tragiques parfois ("Table rase"), quand elles ne sont pas aussi drôles que le coquin "Cinéma de quartier". "Chemin faisant "ou "Piékouagami" proposent d'intéressants duos, couples trop ou pas assez assortis. Il y a de vraies pépites comme "Martingale" qui réunit efficacité, sobriété, suspens, bonne chute. Ledent est aussi à l’aise pour installer que pour décaler une ambiance polar (« Et s'il subsistait un doute") que dans l’écriture subtile d’un fantastique « à la Jean Ray » : merveilleuse et belgissime « Frontière », impressionnants, les deux "chapitres" de « Lettre » puis de « Retour à Nice », en forme paradoxales d’odes à la lumière et à la vie, où l'action progresse avec le portrait psychologique, tout en proposant une subversion personnelle, originale des "codes" du genre. Ecrire une histoire de vampires qui se démarque de la production stéréotypée du jour est un sacré défi, le relever aussi brillamment, en y introduisant ce qui y est en général le plus étranger au genre, l'émotion, la compassion, la poésie, était une gageure et elle est réussie.

    Mais l’auteur est généreux, prolixe, tribun dans l’âme, l’éditeur peu crispé sur la doxa d’un choix cohérent de textes (ou trop oulipien pour penser marketing ?). Ce recueil touffu, foutraque, véritable caverne d’Ali-Baba, propose donc aussi le trésor de textes véhéments, où la fiction, simple fil conducteur, laisse place à une indignation de bon aloi. On ne cherchera donc pas ici une logique, une progression, une série bien rangée de produits en rayon clairement signalés par les têtes de gondoles. On piochera simplement à l’envi dans cette multitude de petits et grands bonheurs, suivant ses goûts, ses humeurs et ses besoins du moment, comme dans ces minuscules boutiques de souk oriental où tout se côtoie, se chevauche, s’empile, pour que tout désir soit satisfait. C’est qu’au propre comme au figuré, « A vos caddies » ne fait pas exactement la promotion des supermarchés….

    M.D. 

    A vos caddies ! de Patrick Ledent, aux Editions Calliopées, 247 pages, 17,20 €.

     


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    Un écrivain s'est installé dans une ville portuaire où il exerce à la sauvette le métier de cireur de chaussures.  Il a mis de côté son amour-propre et mène une vie tranquille entre son travail, le bistrot du coin et son foyer. Le destin met brusquement sur son chemin un enfant immigré originaire d'Afrique noire qui a réussi à se sortir d'un coup de filet de la police. Au même moment, sa femme tombe gravement malade et doit être hospitalisée...

    Aki Kaurismaki écrit des films qui ressemblent à des contes philosophiques. Ses héros sont représentatifs d’une époque et d'une réalité sociale. Dotés de grandes qualités humaines mais plutôt démunis sur le plan matériel, ils sont confrontés à des êtres et à un pouvoir qui menacent leur équilibre, voire leur existence.  

    Avec la mondialisation, l'étranger est devenu l'incarnation de la misère du monde. C'est un agent double, serviteur et profiteur, pourvoyeur de plus value et de malheur, mais c'est aussi un intrus qui a l'outrecuidance de vouloir circuler sans respecter les règles de l'échange et de se présenter là où il n'est pas attendu. Il vient d'un ailleurs qui n'a de réalité que marchande et ne peut donc avoir d'existence propre.

    Hors de son pays d'origine, Aki Kaurismaki est un étranger. En réalisant un film en France, il pose la question de l'accueil et de l'ouverture à l'autre, mais pas seulement, c'est aussi une façon d'explorer sa propre relation au monde. C'est dans un port, lieu de transit par excellence, que les malmenés de l'histoire trouvent refuge, un port au nom prédestiné : Le Havre.

    Le propos général est certes engagé mais le réalisateur n'emprunte pas le discours simpliste de la dénonciation pas plus que la voie cinglante du ressentiment. Il nous fait le cadeau d'éviter  les images sombres et violentes, les dialogues pervertis par un angélisme salvateur ou une indignation de circonstance. La séparation, le rejet, le mépris sont  abordés avec une belle acuité et beaucoup de sensibilité. L'amour, l'amitié, la solidarité s'y affirment en toute simplicité et avec un penchant tout à fait réjouissant pour la poésie. La vérité n'est pas le but. La morale encore moins. Il éprouve simplement la nécessité de montrer que le monde qui s'expose et s'impose à notre regard n'est pas vraiment admirable et que bien souvent, il est franchement détestable. Si nous voulons essayer d'en modifier la nature mortifère, nous dit-il en substance, il est peut-être souhaitable de ne pas seulement entendre les larmes et les cris d'alarme comme des signes de souffrances mais également comme des occasions de faire autrement avec l'autre, de réagir différemment dans l'adversité. C'est l'un des enjeux vitaux de notre époque.  

     

    Le Havre, un film d'Aki Kaurismaki, actuellement au cinéma.


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