• Bon appétit !

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    Bon appétit !

    Danielle Akakpo

     

     

    Ma foi, je ne l'ai pas mal réussi mon veau au paprika, considérant que la viande n'était pas du veau. Mais tout est dans l'accompagnement, l'assaisonnement, n’est-ce pas ? Ne pas oublier l'oignon, le jus de citron, de belles tomates bien juteuses, forcer sur le paprika évidemment, voire rajouter une pincée de gingembre et résultat est là : tendre à souhait, du veau à s'y tromper. D'ailleurs, ça a toujours été mon dada de jouer avec les recettes de cuisine, d'y apporter ma touche personnelle. Mon pot au feu à la viande de porc par exemple, mes pigeons aux petits pois– de simples coquelets, allez en trouver des pigeons par les temps qui courent – ma pintade au pot –moins coriace que la poule–, et le must, mon poulet fermier à l'orange – il suffit d'être généreux avec les oranges et battu, le sacro-saint canard ! Elles t'amusaient, mon vieux,  mes fantaisies culinaires. Dommage que tu ne puisses pas y goûter, à mon veau au paprika, tu te serais régalé.

    Hier aussi, d'ailleurs, je suis sûre que tu aurais adoré que l'on partage cet énorme steak épais de trois centimètres, que je me suis fait griller, saupoudré de poivre du moulin, et que j'ai accompagné de pommes frites. Avec deux verres de  bourgogne, ce fut un délice. C'est vache que tu n'aies pas été là ! Et le soir, parce qu'en dépit de mes efforts je n'ai pas pu le finir à midi ce méga steak de peur de me faire péter les sous-ventrières –  c’est toi qui employais toujours cette expression– !une fois passé au gril et repoivré, je lui ai trouvé comme un parfum de viande de cheval, de la vraie. Parce que la bête ne venait pas de Roumanie, ça je peux le certifier. Mais tu n'étais pas là...

    Non mais, je ne vais pas me mettre à pleurnicher maintenant. Surmonter l'épreuve avec courage. Ne pas me laisser abattre, c'est ce que j'ai décidé.

    C'est décidé aussi, demain je me mijote un gigot boulanger. Quoique... il va vraiment être énorme... Tant pis. Il me fera la semaine. Réchauffé, c'est encore meilleur, comme disait ma grand-mère et si je m'en lasse, ce qui m'étonnerait, pourquoi ne pas passer les restes à la moulinette et me confectionner de succulentes tomates farcies, ou un hachis Parmentier, hein ?  

    J'aime la viande. Ça vous tient au corps, c'est infiniment plus goûteux que le poisson. Quant aux légumes, c'est de la décoration, ni plus ni moins. Nos deux voisins végétaliens, il faut voir la gueule qu'ils se traînent : épais comme des salsifis, le teint blême, et pour ce qui est de l'entrain et de la bonne humeur... des bonnets de nuit !

    Avec les réserves que j'ai dans mon congélateur, j'ai de quoi me mitonner de bons petits plats pour  l'hiver. Une sacrée aubaine, cette pièce de viande. Pour sûr, je m'en suis vue pour la débiter en morceaux, ça m'a bien pris une journée entière. Mais ça y est, tout est emballé, rangé, étiqueté. J'ai même réussi à récupérer du sang pour les civets. Ah ! Les bons civets, la sauce épaisse fleurant bon la marinade dans laquelle on trempe le pain frais... Le boudin, non, je ne crois pas que j'aurais eu la patience de me lancer dans cette entreprise délicate.

    Avec les économies que je vais faire, je pourrai m'offrir un petit voyage, pour me changer les idées.  Je le mérite bien.

    Ah ! Jules, je regrette un peu que tu ne sois plus là. On s'entendait  bien. Tu partageais mon goût pour la bonne chère. A quatre-vingts ans, t’avais encore de sacrées chagnotes et un bon coup de fourchette. Quel coup de folie t’a pris après ces quarante ans de bonne entente? Tu as voulu partir avec une jeunesse qui aurait pu être ta petite-fille, vieux dégoûtant ! Ma colère une fois passée, c'est le chagrin qui m'a envahie. Je n'en ai pas l'air, comme ça, mais je souffre. Et si je mange toujours avec appétit, c'est aussi pour oublier ma peine.

    Décidément, ce veau au paprika est un vrai bonheur. Tu as cessé de m'aimer, Jules, mais tu sais quoi, mon vieux, je t'aimais tellement, je t'aime encore tellement ... que je vais me resservir.

     

    Brève, 21 juin 2014

    Elle avait fait cuire son mari : une septuagénaire interpellée à Longwy pour le meurtre de son mari....


  • Commentaires

    1
    Samedi 19 Juillet 2014 à 14:45

    bon appétit!!!

    2
    Dimanche 27 Juillet 2014 à 21:23

    Elle a fait cuire son mari ? Ce n'est que justice. Toute la vie, il n'avait cessé de la faire bouillir.

    3
    Dimanche 27 Juillet 2014 à 23:53

    Elle avait toujours été aux petits oignons avec lui, mais cela ne l'empêchait pas d'aller aux asperges et de rentrer beurré ; ça avait fini par tourner au vinaigre. Les bouillons de poule qu'elle lui préparait amoureusement ne lui redonnaient même plus la banane. C'est à coup de pilon de mortier qu'elle lui régla son compte. Depuis le temps, c'était bien à son tour de passer à la casserole...

    4
    Yvonne
    Samedi 23 Août 2014 à 17:56

    Je n'y aurais pas pensé : au paprika ! Finalement, c'est une bonne idée. La viande d'une vieille bête demande à être plus longuement mijotée. C'est d'ailleurs mon point fort, les viandes en sauce. Et c'est bien, Danielle, de nous donner de bonnes idées, comme ça, en passant...

    5
    Lza
    Samedi 23 Août 2014 à 17:56

    Très bien pour la viande! Même Landru n'y avait pas songé. C'est vrai que sans congélateur...Mais pour les os, qu'avez-vous fait?

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