• Apropos de la politique du... mou

    Numéro 6 de " A propos de… ", une chronique signée Gilbert MARQUÈS



    En ces périodes troublées où les denrées de première nécessité deviennent aussi l'objet de spéculation au point d'affamer et d'appauvrir plus encore les populations laborieuses, où les grèves fleurissent en se trompant de cible, je suis de plus en plus sollicité en tant qu'auteur pour unir ma voix et ma plume à des associations prônant la paix et tout ce qu'elle implique.

    Je m'efforce de rester poli en répondant toujours à mes interlocuteurs en déclinant cependant leurs sollicitations.

    Pourquoi ?

    Permettez-moi, pour répondre, de reproduire partiellement une réponse faite récemment à l'initiateur d'un mouvement qui borne ses actions à la discussion et à des actes mineurs, d'où le titre de ce propos. Cette correspondance s'adresse à un combattant de la paix, tel qu'il se présente :" J'ai pris connaissance de vos arguments en faveur de la prévention pour une paix durable et s'ils sont certes déterminants, je ne m'y rallierai pas pour autant. Je pense en effet que vous ne m'avez pas bien compris. Ecrire, parler, essayer de convaincre, il faut évidemment continuer à le faire mais ce n'est plus suffisant car il y a… URGENCE !

    Permettez-moi de reprendre les exemples que vous citez comme des éléments devant me convaincre.

    - Victor HUGO aurait contribué à faire reculer la peine de mort jusqu'à l'abolir dans certains états. De quand date son œuvre et quand cette mesure a-t-elle été prise ne serait-ce qu'en France ? Plus d'un siècle… alors qu'elle demeure d'actualité dans certains pays réputés civilisés.

    - André BRINK a lutté contre l'apartheid mais combien d'années a-t-il fallu pour que ça devienne une réalité d'ailleurs remplacée par le racisme y compris entre communautés noires notamment en Afrique du Sud ? Des exemples récents le prouvent…

    J'ai passé l'âge de croire en des chimères et croyez qu'en chemin, j'ai perdu beaucoup d'illusions notamment en la sagesse de l'homme. Je suis par ailleurs historien et l'étude de cette matière prouve que si l'homme a su avancer sur bien des points, son esprit n'a pas évolué dans les mêmes proportions de sorte qu'il en est au même stade que dans l'antiquité.

    Et je vous le répète, il y a maintenant urgence. Nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre un, deux ou trois siècles ni même cinquante ans ou dix. Toute tergiversation entraîne inévitablement des morts supplémentaires par les armes, la faim, la maladie au nom d'intérêts qui n'ont rien d'humanistes.

    Si les résistants de la dernière guerre mondiale avaient attendu la bonne parole, nous serions probablement aujourd'hui sous le joug nazi. Aussi y a-t-il des moments où il faut agir autrement et lorsque je parle de combat, ce n'est pas nécessairement à la violence que je pense mais effectivement à une résistance qui peut être passive notamment au moyen de la désobéissance civique. Il en existe d'autres comme de contester systématiquement devant les tribunaux toutes les mesures vexatoires et réductrices des libertés individuelles prises par les autorités qui en sont prodigues actuellement. J'ai pratiqué ces méthodes assez souvent pour savoir que c'est souvent payant.

    Vous me dites que mon devoir d'écrivain est de promouvoir la paix au travers de l'écriture. Croyez-vous sincèrement que je vous aie attendu ? Je l'ai fait depuis fort longtemps et le ferai probablement encore mais certainement pas avec les seuls moyens que vous préconisez, ils sont insuffisants. Vous me conseillez ensuite de choisir un thème allant dans le sens de l'intérêt de l'humanité et m'affirmez que les gens suivront. C'est beau de rêver mais dans la vraie vie, les choses ne se passent pas de cette façon.

    Réfléchissez un instant à ceci : allez vers quelqu'un qui a faim, n'a pas de toit, pas de travail et offrez-lui d'une main un livre et de l'autre un morceau de pain ou quelques pièces. Que croyez-vous qu'il va saisir en premier ? Les nourritures spirituelles sont bonnes pour ceux qui ont le ventre plein et pas d'autres soucis de survie à gérer. Les pauvres, ceux qui crèvent un peu partout dans le monde pour différentes raisons se fichent pas mal de nos débats de riches. Ils attendent de nous des actes concrets, pas seulement des paroles. Pensez-vous sincèrement que parmi eux un seul a lu l'anthologie que vous avez produite ? Ne croyez-vous pas que cette sorte de réalisation, certes concrète, n'est pas seulement un coup d'épée dans l'eau plus propre à satisfaire une forme d'ego en se disant "Tiens, j'ai réalisé au moins ça" que d'une utilité évidente pour ceux auxquels elle est censée s'adresser ?

    Vous citez encore Martin Luther KING dont le combat fut certainement exemplaire mais ne l'a pas empêché de finir assassiné, victime en quelque sorte de son pacifisme. Ceci n'en fait pas un martyre pour autant. Et bien que ce soit contre ma nature, l'expérience m'a appris que pour réussir ce genre de pari, il faut souvent utiliser en les détournant, les moyens de l'adversaire. On peut appeler cette manière de procéder l'effet boomerang. Et si voulez comme vous l'écrivez, prévenir les conflits pour faire obstacles aux armes physiques, il ne faudra pas vous contenter d'être écrivain mais aussi dissident politique. Le temps n'est plus à l'écoute des philosophes ou des intellectuels qui jadis influaient sur la vie publique et étaient écoutés des politiciens. On sait ce qu'il en est de la considération portée à la culture. Seul actuellement l'intérêt économique sert de guide et le pouvoir n'appartient même plus aux politiques qui gèrent les gouvernements en fonction d'ordres venus des nébuleuses financières. Si vous voulez effectivement éradiquer la guerre, ce n'est pas aux potentielles victimes qu'il faut vous adresser mais aux promoteurs de ces conflits et dans ce cadre-là, j'ai bien peur que vous n'ayez pas les moyens nécessaires pour les atteindre si vous voulez résoudre pacifiquement ce qui semble être pour vous et les vôtres un cas de conscience. En fait, vous n'avez pas beaucoup d'alternative ; ou bien vous vous adressez à ceux qui sont derrière tout ce chaos ou bien à ceux que j'appelle les potentielles victimes et dans ce cas, leur seul moyen réside dans la révolte comme nous en voyons éclater ici et là lorsque la situation devient par trop intolérable. Je n'en suis pas spécialement partisan mais c'est souvent la seule solution qui reste tout en étant aussi inefficace que les autres.

    Si vous voulez vraiment parvenir au but fixé, il faudrait tabler sur le long terme malgré l'urgence pour entreprendre un travail de fond au niveau de l'éducation pour changer les mentalités et faire évoluer l'esprit de l'homme. Ceci passe inévitablement par les enfants parce que pour les adultes, c'est déjà trop tard. Vous n'êtes pas les premiers à essayer et jusqu'alors, tous se sont cassés les dents…

    Je ne peux donc que vous souhaiter de réussir même si je reste sceptique non sur votre volonté mais sur les moyens que vous préconisez pour y parvenir."

    Je terminerai ce propos en posant simplement une question :

    - N'est-il pas temps que nous revenions à un peu plus de lucidité en rétablissant un ordre humaniste plutôt qu'humanitaire et pouvons-nous penser que le seul parlementarisme peut être suffisant pour y parvenir ?

                                                                                Aussonne, le 16 juin 2008


  • Commentaires

    1
    ysiad
    Samedi 23 Août 2014 à 18:34
    Excusez moi Gilbert si je soulève à nouveau un pavé mais je préfère le jeter dans la mare plutôt que de rêver à une plage en-dessous.
    Avez-vous vu Le cauchemar de Darwin ? On ne peut rien attendre d'un parlementarisme ni que quelque autorité politique que ce soit après avoir vu ce film. On peut seulement ne plus jamais bouffer de perche du Nil de sa vie sachant ce qui se passe du côté du lac Victoria.

    27Q. Et ça continue. 
    2
    marques gilbert
    Samedi 23 Août 2014 à 18:34

    Mon cher Ysiad,

    Pas de pavé dans la mare ni de plage puisque je pense que nous sommes d'accord sur le fond. Si vous lisez bien mon propos entre les lignes, vous constaterez que j'essaie de faire comprendre à mon interlocuteur que nous n'en sommes plus au point où le parlementarisme suffit et qu'il faut peut-être songer sérieusement à agir autrement.

    L'espoir aide à vivre dit-on, comme sans doute l'idéalisme et il est vrai aussi qu'avant d'en arriver à certains extrêmes, il faut essayer toutes les voies pacifiques en préalable mais vient un moment où elles s'avèrent insuffisantes. Ils faut donc tenter de faire comme l'adversaire, de les imposer même si ce ne sera jamais le meilleur moyen.
    Pas plus qu'une grande majorité je pense, je n'apprécie la violence et je souhaite que nous n'ayons pas à y avoir recours dans un futur proche pour nous opposer à des états a priori démocratiques mais qui deviennent en fait de plus en plus autoritaires, totalitaristes et répressifs.
    Comment sortir de l'impasse dans laquelle les différents pouvoirs semblent vouloir acculer les peuples et museler la culture, arme d'opposition pouvant s'avérer redoutable ?
    Nos moyens sont réduits pour résister mais il faut néanmoins, ce me semble, les utiliser tous et de toutes les manières pour être peut-être un jour encagés, voire suicidés mais pour mourir en hommes debout !

    G. MARQUES

    3
    ysiad
    Samedi 23 Août 2014 à 18:34
    Je reprends vos propos : comment voulez vous faire évoluer l'esprit de l'homme ? L'homme ne changera pas, Gilbert. Vous jonglez avec de très belles théories mais c'est tout. Tant qu'il n'y aura pas consensus ou sursaut collectif avec volonté de renverser la vapeur, les choses resteront telles qu'elles sont, avec un fossé toujours plus profond entre les opprimés et les oppresseurs, et c'est bien ce qui se passe aujourd'hui malgré les efforts des cinéastes (je prends cet exemple après avoir vu le cauchemar de Darwin mais il y en a bcp d'autres) pour mettre au grand jour les aberrations de notre époque.
    ZAZ.
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