• Abri de fortune

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    Un écrivain s'est installé dans une ville portuaire où il exerce à la sauvette le métier de cireur de chaussures.  Il a mis de côté son amour-propre et mène une vie tranquille entre son travail, le bistrot du coin et son foyer. Le destin met brusquement sur son chemin un enfant immigré originaire d'Afrique noire qui a réussi à se sortir d'un coup de filet de la police. Au même moment, sa femme tombe gravement malade et doit être hospitalisée...

    Aki Kaurismaki écrit des films qui ressemblent à des contes philosophiques. Ses héros sont représentatifs d’une époque et d'une réalité sociale. Dotés de grandes qualités humaines mais plutôt démunis sur le plan matériel, ils sont confrontés à des êtres et à un pouvoir qui menacent leur équilibre, voire leur existence.  

    Avec la mondialisation, l'étranger est devenu l'incarnation de la misère du monde. C'est un agent double, serviteur et profiteur, pourvoyeur de plus value et de malheur, mais c'est aussi un intrus qui a l'outrecuidance de vouloir circuler sans respecter les règles de l'échange et de se présenter là où il n'est pas attendu. Il vient d'un ailleurs qui n'a de réalité que marchande et ne peut donc avoir d'existence propre.

    Hors de son pays d'origine, Aki Kaurismaki est un étranger. En réalisant un film en France, il pose la question de l'accueil et de l'ouverture à l'autre, mais pas seulement, c'est aussi une façon d'explorer sa propre relation au monde. C'est dans un port, lieu de transit par excellence, que les malmenés de l'histoire trouvent refuge, un port au nom prédestiné : Le Havre.

    Le propos général est certes engagé mais le réalisateur n'emprunte pas le discours simpliste de la dénonciation pas plus que la voie cinglante du ressentiment. Il nous fait le cadeau d'éviter  les images sombres et violentes, les dialogues pervertis par un angélisme salvateur ou une indignation de circonstance. La séparation, le rejet, le mépris sont  abordés avec une belle acuité et beaucoup de sensibilité. L'amour, l'amitié, la solidarité s'y affirment en toute simplicité et avec un penchant tout à fait réjouissant pour la poésie. La vérité n'est pas le but. La morale encore moins. Il éprouve simplement la nécessité de montrer que le monde qui s'expose et s'impose à notre regard n'est pas vraiment admirable et que bien souvent, il est franchement détestable. Si nous voulons essayer d'en modifier la nature mortifère, nous dit-il en substance, il est peut-être souhaitable de ne pas seulement entendre les larmes et les cris d'alarme comme des signes de souffrances mais également comme des occasions de faire autrement avec l'autre, de réagir différemment dans l'adversité. C'est l'un des enjeux vitaux de notre époque.  

     

    Le Havre, un film d'Aki Kaurismaki, actuellement au cinéma.


  • Commentaires

    1
    Samedi 18 Février 2012 à 11:20

    J'aime beaucoup beaucoup les illustrations de ce blog, mais je suis restée carrément scotchée devant celle là.

    Quant au film Le Havre j'aurais beaucoup de choses à dire, mais trop court ici.

    2
    Jeudi 15 Mars 2012 à 11:11

    Bonjour, billet intéressant sur un film qui m'a beaucoup plu. J'ai aimé le ton décalé, la façon de jouer des comédiens. C'est un film optimiste qui fait du bien. Bonne journée.

    3
    ysiad
    Samedi 23 Août 2014 à 18:14

    Difficile d'ajouter quelque chose à cette recension du dernier film de Kaurismaki. C'est un pur chef d'oeuvre alliant le présent à travers le jeune clandestin et le passé à travers les objets; également c'est un bel hommage à Little Bob pour ceux qui aiment le rock.

    On ne peut que conseiller d'aller voir ce film, tout comme Louise Wimmer, actuellement sur les écrans.

    4
    Joël H
    Samedi 23 Août 2014 à 18:14

    Entièrement d'accord. Très beau film.

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