• C’est avec quelques jours de retard que nous publions la chronique mensuelle de Gilbert Marquès " A propos de… " On pourrait vous dire que c’est la faute à la Crise mais on aurait tôt fait d’apprendre qu’au café on pensait plutôt à la fête ces derniers jours…

     

     

    Une chanson exaltait jadis le temps des cerises…

    Aujourd'hui, les médias brodent à l'envie sur la crise…

    Ce pourrait être le début d'un poème satyrique aux accents pamphlétaires même si pour toute nourriture, il reste de la cerise seulement le noyau. Malgré tout, le planter peut donner naissance à un nouvel arbre qui avec de la patience, du temps, de la persévérance mais aussi un peu d'amour accompagné d'eau fraîche, sera susceptible d'offrir quelques fruits.

    Un proverbe prétend qu'à quelque chose malheur est bon. Il implique ainsi théoriquement que des enseignements peuvent être tirés de cette crise que nous subissons afin d'éviter qu'à l'avenir, pareil phénomène se reproduise. Je suis sceptique. L'histoire prouve en effet que l'homme, depuis son apparition, se montre inapte sinon incapable d'approfondir le passé afin de ne pas recommencer les mêmes erreurs. Si tel avait été le cas, guerres et famines auraient disparu depuis longtemps. Cependant, l'intérêt particulier primant sur l'intérêt général, défaut atavique de l'esprit humain, le chaos règne sur la planète.

    L'homme n'est pourtant pas si bête qu'il ne puisse faire preuve de suffisamment de discernement ou de lucidité pour lui permettre de se sortir des pires situations. Il le peut d'autant plus facilement aujourd'hui s'il le veut, qu'il a à sa disposition des outils prévisionnels pouvant l'aider dans ses analyses. Ne procède-t-il pas à des études de marchés ? Mais à toute raison s'opposent cupidité et pouvoir, deux armes délétères impossibles à maîtriser jusqu'à ce qu'un accident de parcours l'oblige à réagir autrement.

    Alors, curieux, j'ai voulu savoir ce que disait mon dictionnaire à propos du mot CRISE. Si j'excepte les significations médicales, j'en trouve trois autres selon le Larousse Lexis. Je les cite :

    1/ Période difficile dans la vie d'une personne ou d'une société, situation tendue, de l'issue de laquelle dépend le retour vers un état normal.

    2/ Manque de quelque chose sur une vaste échelle

    3/ Rupture périodique entre la production et la consommation.

    Chacune de ces définitions correspond à ce que nous vivons depuis quelques semaines au présent. Elles entraînent immanquablement quelques questions.

    - D'abord, qu'est-ce qui peut être considéré comme un retour à l'état normal ? Celui qui existait avant les crashes boursiers où l'argent roi enrichissait les riches et appauvrissait les pauvres ? Ou bien celui de l'idéal révolutionnaire de 1789 ayant donné la devise "Liberté - Egalité - Fraternité" et resté à l'état utopique ?

    - Ensuite, que manque-t-il sur une vaste échelle ? L'absence soudaine de liquidités mais dans ce cas, d'autres crises bien plus graves comme la faim dans le monde, sévissent depuis bien longtemps sans que nul ne s'en émeuve sinon au moyen, parfois, d'actions humanitaires ponctuelles. Ce sont des endémies qui n'ont pas de répercussions planétaires. Que des pauvres meurent de faim n'est pas en soi un événement si important qu'il vaille de s'y intéresser mais lorsque les bénéfices des grands fortunés sont amputés de quelques millions spéculatifs, il faut immédiatement tirer la sonnette d'alarme et ameuter les populations.

    Il y a dans cette réaction quelque chose que je ne comprends pas. La bourse ne s'apparente-t-elle pas à un jeu ? Elle a ses propres règles et comme dans toute partie de poker, il y a des gagnants et des perdants. Pourquoi faudrait-il que les perdants soient mauvais joueurs en exigeant réparation de leur malchance alors qu'ils sont les seuls fautifs ?

    - Enfin, la rupture périodique d'équilibre entre la production et la consommation qui détermine la crise financière, est consommée depuis longtemps. Elle a commencé depuis la fin des années 1950, lorsque les banques n'ont plus à assurer leurs avoirs par la contrepartie or. Dès lors, monnaie a été battue à tort et à travers pour favoriser le développement économique, autant dire compensée par du vent. La spéculation s'en est mêlée au point que l'argent virtuel s'est finalement suffi à lui-même pour s'auto-produire, indépendamment de la production et de la consommation et donc de l'humain. Tout s'est joué ces dernières décennies sur des théories et non du concret : travail, biens, thésaurisation. On se rend compte aujourd'hui que tout ce que nous croyions avoir gagné n'a aucune valeur. Le marché de l'immobilier s'effondre et à part se consoler en disant avoir un toit sur la tête, il n'est plus négociable pour éventuellement dégager des fonds sauf à le brader. Ainsi le robinet des crédits est-il brusquement coupé pour avoir été trop longtemps ouvert trop généreusement de façon inconsidérée. Résultat ? L'inévitable récession même si les gouvernements se refusent à employer ce terme et se veulent rassurants. Pour ce faire, ils injectent des sommes colossales pour tenter d'enrayer le processus de dégringolade en empruntant eux aussi mais... à qui ? Aux banques ? Elles sont exsangues ! Aux particuliers ? Sans aucun doute et non par un appel à la générosité publique mais par l'impôt de sorte que cet argent a priori destiné à d'autres secteurs fera tôt ou tard défaut pour aider les populations à mieux vivre. D'une manière ou d'une autre, le peuple contribuera contre son gré à creuser plus encore le fossé qui sépare les différentes couches de la société si l'attitude des autorités se borne essayer de sauver de la ruine ce qui est déjà délabré.

    Au temps des cerises, un foyer dépensait ce qu'il gagnait. Depuis, les états comme le simple quidam vivent au-dessus de leurs moyens, souvent en empruntant au bout du compte plus qu'ils ne perçoivent et ne peuvent par conséquent rembourser d'où la spirale du surendettement. Pour reprendre une expression populaire, nous avons tous voulu le beurre, l'argent du beurre et la crémière en prime. Cette fuite en avant vieille d'environ un demi-siècle, ne pouvait pas se poursuivre sans risque. L'histoire qui se répète, présente la note.

    Ne serait-ce pas cette fois les vrais prémices de la chute du capitalisme libéral après une lente érosion des valeurs monétaires et marchandes ? Depuis quelques décennies, l'argent ne naît pas de l'échange mais en tant qu'entité hermaphrodite, s'auto produit au travers des marchés boursiers sans aucune contrepartie. Ainsi est apparue une hydre de plus en plus gourmande au point qu'elle finit aujourd'hui par ressembler au serpent qui se mord la queue et que son insatiable faim entraîne à se bouffer entièrement. La bestiole a les tripes à l'air et le phénomène semble irréversible malgré les plans de sauvetage lancés en urgence. Il s'étend vers tous les pays réputés riches. Les banques sautent les unes après les autres de sorte que les gouvernements vont exploser avec s'ils ne modifient pas rapidement leur stratégie. Va falloir à un moment ou à un autre et ce le plus rapidement possible, qu'ils aillent chercher le fric où il se trouve s'ils ne veulent pas sombrer au niveau des pays les plus démunis. Même si c'est malheureusement catastrophique pour les peuples qui n'ont pas su non plus réagir notamment en votant pour des gens tels que les dirigeants des vieux pays réputés développés, c'en est peut-être fini de l'économie basée sur le seul profit financier qui a pris les peuples pour des quantités négligeables. Va certainement falloir compter maintenant avec le facteur humain pour de bon et revoir de nombreuses ambitions grandioses à la baisse. Va falloir s'occuper des gens car sans eux, pas de salut possible et si les grands argentiers continuent à les ignorer, ils ont du souci à se faire pour leur avenir qui n'est plus tout tracé même s'ils essaient de sauver les meubles. Serait temps que les vrais responsables de toute cette chienlit paient pour leurs manipulations, les politiques compris qui ont fermé les yeux sur ces agissements souvent d'ailleurs parce qu'ils ne pouvaient pas faire autrement puisqu'ils étaient aux ordres des économistes quand ils ne les ont pas favorisés en étant partie prenante.

    Voilà qui commence à ressembler à la morale de l'arroseur arrosé, non ?

    Aussonne, le 16 octobre 2008

    Gilbert MARQUÈS


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  • Numéro 9 de " A propos de… ", une chronique signée Gilbert MARQUÈS

     


    Lors de mon précédent Propos, j'évoquais la médiatisation à outrance des Jeux Olympiques qui pouvaient faire croire qu'il ne se passait rien d'autre d'important. Aujourd'hui, la rentrée effectuée pour la plupart, les problèmes irrésolus ressurgissent des coulisses vers le devant de la scène mais sont à nouveau occultés par la grandiose réception du Pape qui mobilise toutes les attentions.

    A cette occasion, l'échange des discours semble édifiant pour endormir les consciences. Le religieux parle de "laïcité raisonnée" et le politique de "laïcité positive" mais à les en croire, les termes bien que différents, ont à peu près la même signification à savoir défendre le respect et la tolérance des peuples et des individus. Belle déclaration d'intention mais…

    L'église selon ses traditions et ses dogmes, refuse toujours de voir la réalité quotidienne dans laquelle nous évoluons et campe sur des positions vieilles de plusieurs siècles en outrepassant son rôle de guide spirituel pour dicter aussi comment agir au quotidien. Non contente de favoriser une résurgence d'intégrisme au nom de l'unité catholique, elle renforce sa démarche en plaçant dans des diocèses stratégiques, des prêtres issus de l'Opus Dei, fille de l'Inquisition. Fallait-il s'attendre à une autre attitude quand elle entend aussi se mêler de politique et de culture ?

    Le politique, selon un refrain qui commence à être connu, prêche des lieux communs dont les lois qu'il impose sont très éloignées. Je ne reprendrai pas les exemples déjà cités dans mes précédents propos mais j'y ajouterai deux nouveaux exemples significatifs.

    Le premier, récemment médiatisé, fait débats. Il s'agit de ce fichier baptisé "Edwige". Le second est par contre passé totalement inaperçu et concerne la modification de la loi du 10 août 1981 tendant à modifier sinon à abroger les dispositions relatives au prix unique du livre dans le cadre de la modernisation de l'économie. Je laisse à chacun le soin de reprendre le texte originel et de prendre connaissance du communiqué de presse rédigé par la Société des Gens de Lettres. Avec d'autres professionnels du secteur, elle attire notre attention sur les risques socio-économiques encourus non seulement par l'ensemble des partenaires intervenant dans ce milieu mais aussi sur les périls menaçant le développement de la culture et son accessibilité. Déréguler le prix du livre revient à favoriser l'industrialisation de ce qui est de plus en plus considéré comme un produit de consommation au même titre que n'importe quoi d'autre au point de fabriquer une culture de masse prédigérée sans plus aucune possibilité de choix pour le public. L'autre possibilité est de transformer le livre en produit de luxe de sorte qu'il ne sera plus accessible qu'à une élite. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'une manipulation visant à laisser aux mains d'une minorité à fort potentiel financier le moyen de contrôler l'opinion en programmant la disparition de toutes les petites entreprises permettant la survie de ce secteur économique mais aussi sa diversité. Plus insidieusement, il peut aussi s'agir de museler une certaine forme d'opposition idéologique au pouvoir en place en développant la censure économique déjà existante. Si les petits éditeurs disparaissent, si les vrais libraires ferment boutique, quels moyens les auteurs qui ne seront pas jugés politiquement corrects, auront de s'exprimer pour tirer les sonnettes d'alarme sur les abus de pouvoir ?

    Voilà qui nous ramène dans le droit fil de ce nouveau fichier joliment prénommé EDWIGE. Il serait a priori nécessaire pour identifier chaque individu susceptible de porter atteinte à la sécurité de l'état.

    Qu'est-ce que cela signifie ? Les hautes autorités auraient-elles soudain une peur panique de ses concitoyens dont une majorité les a pourtant élues ? Veut-on une France lisse, sans ride ni tache au point de l'uniformiser non seulement dans ses pensées mais aussi dans son comportement ? A quand le bracelet électronique pour chaque citoyen ?

    Autant de questions dont les réponses sous-entendues laissent à penser que toutes les nouvelles mesures prises sous prétexte sécuritaire sont en réalité des moyens pour réduire les libertés individuelles et a fortiori, le droit de vivre différemment même si ça ne dérange personne.

    Ne nous leurrons pas, il y a beau temps que nous tous, auteurs ou acteurs de la culture, sommes fichés par les Renseignements Généraux même si nous n'avons pas la célébrité complaisante de certaines… stars. Les autorités entendraient-elles maintenant, en ajoutant de nouveaux détails sur notre façon de vivre, exercer un chantage sur nos créations ? A quand la prison au secret et pourquoi pas le goulag pour délit d'opinion ?

    La culture telle que dictée par l'état ne m'intéresse pas personnellement et pas davantage le respect tel qu'il est envisagé. L'une et l'autre sont bafoués dans les faits malgré les déclarations de bonnes intentions clamées haut et fort. Nous sommes théoriquement dans un état démocratique et laïque où, paradoxalement, les appartenances religieuses de nos instances sont clairement affichées. Est-ce compatible avec la fonction des élus qui devraient faire preuve de neutralité ? N'est-il pas contradictoire d'interdire les signes ostensibles de prosélytisme mais de déclarer par ailleurs que la religion est une nécessité pour éduquer les foules à certaines valeurs ? Cela voudrait-il dire qu'un athée ou un agnostique est incapable d'avoir les mêmes idéaux de paix, de partage et de liberté qu'un croyant ? Ne peut-on considérer les enseignements religieux comme n'importe quelle autre théorie philosophique à laquelle chacun peut adhérer selon ses convictions ?

    Si nous vivons réellement dans un état laïque respectant chaque individu dans son intégrité morale et physique, pourquoi aujourd'hui recevoir le Pape en grandes pompes mais avoir reporté la réception du Dalaï Lama ? Certes, il ne fallait pas froisser les Chinois mais… occulter une culture par rapport à une autre, est-ce réellement une attitude positive ou contradictoire ?

    Hypocrisie, quand tu nous tiens !

                                                                                            Aussonne, le 13 Septembre 2008


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  • Numéro 8 de " A propos de… ", une chronique signée Gilbert MARQUÈS

     

    Quatorze juillet / Quinze août

    Deux fêtes rallongeant les congés ; l'une symbole de la laïcité et l'autre religieuse mais passons sur la contradiction donc…

    Période morte durant laquelle rien d'extraordinaire n'est censé se produire !Rien = mot merveilleux synonyme de vide, d'absence ou, pour les optimistes, voulant dire que tout va bien dans le meilleur des mondes.

    En cet été mirifique illuminé par les feux d'artifice du 14 juillet et ceux moins sympathiques des Jeux Olympiques accueillis par une Chine prompte à jeter de la poudre aux yeux, il ne se passe presque rien sauf que :

    - Le peuple tibétain est toujours victime des violences du totalitarisme chinois mais qui s'en soucie ?

    Exemple de conversation dans un couple ordinaire de notre univers franchouillard :

    - Chérie, qu'est-ce qu'on mange ce soir ?

    Peu après, la bouche pleine, juste quelques commentaires, admiratifs ou ironiques ?, à propos des images déversées par la télé sans avoir de nausée :

    - Tu te rends compte, après avoir réquisitionné des travailleurs dans tout le pays et les avoir fait bosser comme des forçats

    (sous-entendu des nègres parce qu'on a gardé un fond de racisme dans la mémoire inconsciente), le gouvernement les renvoie dans leur lointaine province. Décidément, les Chinois ont l'art de faire place nette ! (Dans un lointain passé, ce fut avec les chars mais la place Tian' anmen de sinistre souvenir a-t-elle conservé gravé dans l'asphalte l'empreinte des chenilles ?)

    Et en même temps, de compatir avec le désespoir de nos athlètes auxquels la médaille d'or était promise parce qu'ils avaient tout fait durant des lustres pour l'obtenir alors qu'ils n'ont en fin de compte qu'une médaille en chocolat fondant sous leurs larmes d'excuses. On ne peut pas gagner à tous les coups…

    - Mais Monsieur, c'était important, non ?

    Les Français cependant qui n'en sont pas à un paradoxe près, se lamentent sur leur pouvoir d'achat en berne mais partent tout de même en vacances. Faut bien oublier, la morosité ambiante ne pouvant pas décemment rimer avec été.

    Il sera toujours temps de voir à la rentrée pour rouspéter.

    Les Russes, toujours bien intentionnés mais éprouvant encore une secrète rancune d'avoir vu le bloc soviétique éclater, essaient de sauver les miettes de l'empire déchu. Rien de tel qu'un petit envahissement militaire pour ramener les velléitaires à plus de raison et la Géorgie à rentrer dans le rang.

    - Quelle idée de faire les yeux doux à l'Europe, hein ? Les parlementaires de l'ONU peuvent toujours causer, on va pas se laisser dépouiller de nos anciennes colonies et tant pis pour les dégâts collatéraux. Qui sait faire une omelette sans casser des œufs ? Faute d'avoir la suprématie au J.O, faut continuer à faire parler de nous !

    Voyez, il ne se passe presque rien, enfin rien d'important puisque personne ne parle plus du conflit israélo-palestinien, des otages détenus un peu partout comme si depuis la libération d'Ingrid BETANCOURT, il n'y en avait plus. Même les catastrophes naturelles semblent avoir pris des vacances !

    Les Jeux Olympiques marquent une trêve internationale durant laquelle il est convenable de ne pas aborder les sujets qui fâchent. Faut donner une image irréprochable de ce qu'est l'Occident. Rien d'autre ne doit importer puisque selon certains, ce serait l'opportunité rêvée pour permettre à la Chine de s'ouvrir aux autres nations sauf que les Chinois s'en fichent pas mal et sont sûrs de leur fait. Ils ont moins besoin de nous que nous d'eux pour maintenir le précaire équilibre du capitalisme narquois dont ils sont capables d'user pour nous étouffer.

    Dans notre immense naïveté et notre inconsidérée suffisance, beaucoup d'entre nous continuent à les considérer comme un peuple en voie de développement. C'est oublier qu'il s'agit d'une civilisation millénaire qui malgré les soubresauts de la Révolution Culturelle, a su garder intactes culture et traditions parmi lesquelles le confucianisme. Malgré les conditionnements idéologiques dont ce peuple a pu être l'objet, les sévices de toutes sortes infligés par une classe dominante, les gens… ordinaires ont conservé une liberté d'esprit qui s'est forgée au fil des siècles et qui contrairement à beaucoup d'autres mieux connues comme l'Egypte antique, a su traverser le temps et l'histoire.

    Alors, cessons de regarder les Chinois avec une condescendance hypocrite et apprenons d'abord à balayer devant notre propre porte avant d'essayer de leur donner des leçons de savoir-vivre.

    Certes, les Droits de l'Homme sont bafoués en Chine et nous devons effectivement le dénoncer. A remarquer d'ailleurs que toutes les tentatives initiées par les athlètes eux-mêmes ont été désavouées par les instances sportives ou politiques. Les deux ne feraient pas bon ménage, paraît-il…

    Toutefois, ces droits ne sont-ils pas également souvent ignorés à quelques pas de nous avec les centres de rétention, les quotas de sans papier à renvoyer chez eux et de manière plus insidieuse, au moyen de toutes les attaques portées en direction du Code du Travail, de toutes les atteintes aux libertés fondamentales vilipendées par une batterie de nouvelles lois prises sous des prétextes sécuritaires et de salubrité publique : défense de fumer, de dépasser ceci, d'oser faire cela et même de pisser dans la nature sous peine d'amende… Sans parler de la honte qu'est la survivance des Restos du Cœur, du provisoire qui dure parce qu'il y a de plus en plus de pauvres même parmi ceux qui auraient la chance d'avoir du travail ! Pouvons-nous nous permettre de donner des leçons en nous prenant en exemple ?

    A quand les caméras branchées dans les déjà semi-prisons que sont nos maisons ou nos appartements que nous transformerons bientôt en bunker ? Et quelles différences au fond avec le régime chinois ?

    Non, décidément, il ne se passe rien, enfin… rien ou presque de nouveau sous le soleil larmoyant de ce mois d'août.

                                                                                             Aussonne, le 12 Août 2008

     


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  • Que vous soyez nomade ou sédentaire, voilà une chronique de Gilbert Marquès qui vient fort à propos pour accompagner l’été et ses multiples rendez-vous avec l’imaginaire.

    Le café et ses collaborateurs prennent trois à quatre semaines de vacances. Pendant ce temps, ce texte sera en haut de l’affiche. Bien sûr, les autres pages du menu resteront disponibles à la lecture et aux commentaires. Nous vous souhaitons de trouver inspiration et plaisir d’écrire du côté des appels à textes " Soifs d’été" et " Le regard " à propos de la dépêche expéditive du numéro 20 de Blogcity, revue d'étoiles.
    A bientôt.

     

      * * *

     

    L'angoisse de la page blanche, de la toile vierge ou de la partition…

    Selon les disciplines, tout créateur a au moins une fois éprouvé dans sa vie ce vide gigantesque.

    Il a envie mais ne peut pas ! L'inspiration s'est mise en vacances. Dehors, le soleil parade et n'aide guère alors…

    Alors, prendre son courage à deux mains et forcer le destin ou la flemmardise, sacrifier la sieste, saisir par surprise une idée volatile pour l'incruster sur le papier, la toile ou la partition et tenter d'en faire quelque chose, peut-être une œuvre inoubliable.

    Que sommes-nous finalement sinon des artisans besogneux qu'un rien suffit à distraire ? Le moindre prétexte sert de mauvaise raison pour éviter de se pencher sur le papier, la toile ou la partition puis…

    Puis survient un événement, souvent dramatique, et alors, comme par miracle, l'inspiration revient parce qu'il devient urgent de figer des sensations, des émotions, des souvenirs puis de les disséquer pour les assimiler, les expliquer.

    Les vacances sont oubliées et durant une période plus ou moins longue, le créateur ne vit plus qu'au travers de ce ressenti. Plus rien n'existe autour de lui que ces choses diffuses et indéfinissables qui hantent son esprit et qu'il doit impérativement immortaliser. Il ne peut se consacrer à rien d'autre et le temps même s'est enfui comme la notion abstraite qu'il est. Le créateur jette des notes, trace des esquisses, expulse des mélodies qui nourriront dans les semaines et les mois futurs sa passion créatrice.

    Certes, toute création ne suit nécessairement ce processus mais quel créateur peut prétendre n'avoir pas cédé au moins une fois à cette forme d'inspiration née d'un événement le touchant intimement ? L'œuvre qui en jaillit, si elle n'est pas la meilleure parmi toutes celles produites, s'avère néanmoins souvent la plus touchante pour le public parce qu'elle est empreinte de sincérité, de franchise, dénuée de tout artifice. L'artiste se dénude sans penser à rien d'autre qu'à son sujet. Les mots, les couleurs, les notes viennent spontanément du cœur vers l'esprit.

    Voilà finalement qui différencie le créateur du commun des mortels. Plus que sa capacité à traduire des émotions et à les transmettre, l'hypersensibilité qui le caractérise lui permet de ressentir l'impalpable et l'improbable pour toucher l'autre dans ce qu'il possède de plus secrètement humain.

    L'apaisement vient avec le partage. Une manière de faire le deuil ou bien de se soigner, d'éviter la folie ou le suicide, de pouvoir aussi continuer à vivre dans une société où tout lui est à la fois contraire et contraintes.

    Le créateur demeure un inadapté sans quoi il n'aurait rien à dire et ne pourrait pas non plus exercer son esprit critique ni son libre arbitre. Il ne serait ni râleur ni colérique. Il ne serait pas égocentrique. Il serait simplement soumis.

    Hors, il aiguise sa plume, son pinceau ou son crayon en armes redoutables de revendications pour affirmer ses différences, son individualité indivisible, son intégrité, ses libertés de penser et de dire.

    Le créateur reste un être unique, à part, en marge, solitaire par définition et sociétaire par obligation. Il observe le monde, le palpe, le déguste puis le recrache transformé en idéal utopique que les hommes interprètent jusqu'à en édulcorer l'essence à leur profit.

    Dès lors, le créateur peut parfois se sentir incompris et en vérité, il l'est toujours parce que ceux avec lesquels il communique n'ont pas sa pureté de pensée. Ils ne savent ni comment ni pourquoi l'œuvre est née. Ils cherchent alors à comprendre mais comment y parviendraient-ils quand le créateur lui-même souvent ne sait pas répondre à ces questions ?

    C'est aussi à cause de cette incapacité à résoudre ces problèmes que les autorités de toutes obédiences craignent les créateurs étiquetés dans une élite dangereuse. Ils sont incontrôlables et parfois incompréhensibles et c'est bien connu, on a toujours peur de ce que l'on ne comprend pas et plus encore de ce que l'on ne connaît pas. Alors, la censure fut inventée pour tenter de maîtriser ce qui est par définition indéfinissable. D'autres, plus catégoriques, ont créé le lavage de cerveau et les prisons mais parvient-on véritablement à encager le rêve ? De plus malins ont essayé d'acheter les idées pour museler l'opposition mais qui est assez fortuné pour pouvoir se les offrir toutes en croyant les rendre muettes ? Les derniers enfin, les plus catégoriques, ont décidé de fusiller l'être afin de n'avoir plus que des moutons à leurs bottes mais est-il possible d'assassiner la pensée même si on peut parfois la juguler par la peur ?

    Tous ces potentats ont cependant oublié un détail important : l'inspiration n'a pas d'étiquette. Elle ne se soigne pas comme un vulgaire rhume. Elle ne s'enferme pas. Elle ne se laisse ni soudoyer ni commander et elle ne craint rien ni personne.

    Et ses serviteurs, les créateurs, sont des hydres immortelles renaissant sans cesse de leurs cendres pour essaimer la liberté malgré les coups qui leur sont portés depuis les temps plus reculés où l'homme a tenté d'asservir ses semblables. C'est le rôle qui leur incombe, parfois malgré eux, et c'est en cela que leur existence n'a pas de prix. Ils ne connaissent ni loi ni morale sinon la leur devenant quelques fois celles des autres. Alors…

    Alors toutes les sirènes de nos marchands actuels pourront déployer leurs charmes pour tenter de les séduire, ils ne se laisseront pas circonvenir et resteront maître de leur destin, y compris dans l'adversité dont ils ont l'expérience. Ils sont au service de l'inspiration et des autres hommes mais en toute indépendance. Ils sont maîtres de leurs idées et n'obéissent pas à celles des autres.

    L'inspiration ne s'embarrasse pas des conventions sociétaires même si certains veulent la transformer en produit manufacturé de grande consommation à leur seul et unique profit. Ainsi prétendent-ils vouloir instaurer une pensée unique dans un monde aseptisé.

    Rassurez-moi, ce n'est pas possible ?

    Aussonne, le 18 Juillet 2008


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  • Numéro 6 de " A propos de… ", une chronique signée Gilbert MARQUÈS



    En ces périodes troublées où les denrées de première nécessité deviennent aussi l'objet de spéculation au point d'affamer et d'appauvrir plus encore les populations laborieuses, où les grèves fleurissent en se trompant de cible, je suis de plus en plus sollicité en tant qu'auteur pour unir ma voix et ma plume à des associations prônant la paix et tout ce qu'elle implique.

    Je m'efforce de rester poli en répondant toujours à mes interlocuteurs en déclinant cependant leurs sollicitations.

    Pourquoi ?

    Permettez-moi, pour répondre, de reproduire partiellement une réponse faite récemment à l'initiateur d'un mouvement qui borne ses actions à la discussion et à des actes mineurs, d'où le titre de ce propos. Cette correspondance s'adresse à un combattant de la paix, tel qu'il se présente :" J'ai pris connaissance de vos arguments en faveur de la prévention pour une paix durable et s'ils sont certes déterminants, je ne m'y rallierai pas pour autant. Je pense en effet que vous ne m'avez pas bien compris. Ecrire, parler, essayer de convaincre, il faut évidemment continuer à le faire mais ce n'est plus suffisant car il y a… URGENCE !

    Permettez-moi de reprendre les exemples que vous citez comme des éléments devant me convaincre.

    - Victor HUGO aurait contribué à faire reculer la peine de mort jusqu'à l'abolir dans certains états. De quand date son œuvre et quand cette mesure a-t-elle été prise ne serait-ce qu'en France ? Plus d'un siècle… alors qu'elle demeure d'actualité dans certains pays réputés civilisés.

    - André BRINK a lutté contre l'apartheid mais combien d'années a-t-il fallu pour que ça devienne une réalité d'ailleurs remplacée par le racisme y compris entre communautés noires notamment en Afrique du Sud ? Des exemples récents le prouvent…

    J'ai passé l'âge de croire en des chimères et croyez qu'en chemin, j'ai perdu beaucoup d'illusions notamment en la sagesse de l'homme. Je suis par ailleurs historien et l'étude de cette matière prouve que si l'homme a su avancer sur bien des points, son esprit n'a pas évolué dans les mêmes proportions de sorte qu'il en est au même stade que dans l'antiquité.

    Et je vous le répète, il y a maintenant urgence. Nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre un, deux ou trois siècles ni même cinquante ans ou dix. Toute tergiversation entraîne inévitablement des morts supplémentaires par les armes, la faim, la maladie au nom d'intérêts qui n'ont rien d'humanistes.

    Si les résistants de la dernière guerre mondiale avaient attendu la bonne parole, nous serions probablement aujourd'hui sous le joug nazi. Aussi y a-t-il des moments où il faut agir autrement et lorsque je parle de combat, ce n'est pas nécessairement à la violence que je pense mais effectivement à une résistance qui peut être passive notamment au moyen de la désobéissance civique. Il en existe d'autres comme de contester systématiquement devant les tribunaux toutes les mesures vexatoires et réductrices des libertés individuelles prises par les autorités qui en sont prodigues actuellement. J'ai pratiqué ces méthodes assez souvent pour savoir que c'est souvent payant.

    Vous me dites que mon devoir d'écrivain est de promouvoir la paix au travers de l'écriture. Croyez-vous sincèrement que je vous aie attendu ? Je l'ai fait depuis fort longtemps et le ferai probablement encore mais certainement pas avec les seuls moyens que vous préconisez, ils sont insuffisants. Vous me conseillez ensuite de choisir un thème allant dans le sens de l'intérêt de l'humanité et m'affirmez que les gens suivront. C'est beau de rêver mais dans la vraie vie, les choses ne se passent pas de cette façon.

    Réfléchissez un instant à ceci : allez vers quelqu'un qui a faim, n'a pas de toit, pas de travail et offrez-lui d'une main un livre et de l'autre un morceau de pain ou quelques pièces. Que croyez-vous qu'il va saisir en premier ? Les nourritures spirituelles sont bonnes pour ceux qui ont le ventre plein et pas d'autres soucis de survie à gérer. Les pauvres, ceux qui crèvent un peu partout dans le monde pour différentes raisons se fichent pas mal de nos débats de riches. Ils attendent de nous des actes concrets, pas seulement des paroles. Pensez-vous sincèrement que parmi eux un seul a lu l'anthologie que vous avez produite ? Ne croyez-vous pas que cette sorte de réalisation, certes concrète, n'est pas seulement un coup d'épée dans l'eau plus propre à satisfaire une forme d'ego en se disant "Tiens, j'ai réalisé au moins ça" que d'une utilité évidente pour ceux auxquels elle est censée s'adresser ?

    Vous citez encore Martin Luther KING dont le combat fut certainement exemplaire mais ne l'a pas empêché de finir assassiné, victime en quelque sorte de son pacifisme. Ceci n'en fait pas un martyre pour autant. Et bien que ce soit contre ma nature, l'expérience m'a appris que pour réussir ce genre de pari, il faut souvent utiliser en les détournant, les moyens de l'adversaire. On peut appeler cette manière de procéder l'effet boomerang. Et si voulez comme vous l'écrivez, prévenir les conflits pour faire obstacles aux armes physiques, il ne faudra pas vous contenter d'être écrivain mais aussi dissident politique. Le temps n'est plus à l'écoute des philosophes ou des intellectuels qui jadis influaient sur la vie publique et étaient écoutés des politiciens. On sait ce qu'il en est de la considération portée à la culture. Seul actuellement l'intérêt économique sert de guide et le pouvoir n'appartient même plus aux politiques qui gèrent les gouvernements en fonction d'ordres venus des nébuleuses financières. Si vous voulez effectivement éradiquer la guerre, ce n'est pas aux potentielles victimes qu'il faut vous adresser mais aux promoteurs de ces conflits et dans ce cadre-là, j'ai bien peur que vous n'ayez pas les moyens nécessaires pour les atteindre si vous voulez résoudre pacifiquement ce qui semble être pour vous et les vôtres un cas de conscience. En fait, vous n'avez pas beaucoup d'alternative ; ou bien vous vous adressez à ceux qui sont derrière tout ce chaos ou bien à ceux que j'appelle les potentielles victimes et dans ce cas, leur seul moyen réside dans la révolte comme nous en voyons éclater ici et là lorsque la situation devient par trop intolérable. Je n'en suis pas spécialement partisan mais c'est souvent la seule solution qui reste tout en étant aussi inefficace que les autres.

    Si vous voulez vraiment parvenir au but fixé, il faudrait tabler sur le long terme malgré l'urgence pour entreprendre un travail de fond au niveau de l'éducation pour changer les mentalités et faire évoluer l'esprit de l'homme. Ceci passe inévitablement par les enfants parce que pour les adultes, c'est déjà trop tard. Vous n'êtes pas les premiers à essayer et jusqu'alors, tous se sont cassés les dents…

    Je ne peux donc que vous souhaiter de réussir même si je reste sceptique non sur votre volonté mais sur les moyens que vous préconisez pour y parvenir."

    Je terminerai ce propos en posant simplement une question :

    - N'est-il pas temps que nous revenions à un peu plus de lucidité en rétablissant un ordre humaniste plutôt qu'humanitaire et pouvons-nous penser que le seul parlementarisme peut être suffisant pour y parvenir ?

                                                                                Aussonne, le 16 juin 2008


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  • Paris, 13 mai 1968. Ce jour-là, la capitale connaissait une des plus grandes manifestations populaire de son histoire. Elle marquait l’entrée massive des travailleurs dans le mouvement de contestation de la société française de l’époque. La révolte étudiante passa au second plan et le mouvement de contestation par son ampleur et sa radicalité évolua au fil des évènements en processus révolutionnaire. C’est assurément cette orientation " incontrôlée " qui amena l’état, le patronat et les syndicats à liquider ensemble et au prix fort les dits évènements.
    Gilbert Marquès avait vingt ans en ce temps là. Il nous propose quarante plus tard d’évoquer ce qu’il en a été pour lui et ce qui anime sa réflexion aujourd’hui.

     

     

    Que reste-t-il, quarante ans après, de ce que l'histoire a retenu sous le titre générique "Les événements de Mai 68"

     Des photos, quelques films, des articles de journaux auxquels s'ajoutent des livres et pour les babas-cool de l'époque, beaucoup de souvenirs embellis et empreints d'une évidente nostalgie.

    On se demande aujourd'hui ce que ces événements ont eu de si extraordinaires pour être entré dans la mémoire collective au point que certains pensent les fêter comme on commémore le 14 Juillet 1789. Ils sont devenus une référence de la résistance populaire face au pouvoir qui n'a pas hésité à les qualifier de RÉVOLUTION.

     Quatre décennies semblent avoir été nécessaires pour parvenir à les comprendre. Ils ont été analysés, disséqués pour être finalement classés dans l'armoire des fiascos. Pas si sûr, pourtant…

    J'avais vingt ans en ce temps-là et depuis quelques années déjà grondait une certaine colère un peu partout dans le monde. La jeunesse, conçue après guerre, aspirait à autre chose que ce qu'on lui offrait comme avenir. Elle voulait davantage de liberté, la paix et surtout, se défaire des carcans moraux, politiques et religieux qui lui étaient imposés par une éducation parfois rigide. Le mouvement Hippie montrait le chemin mais si pour beaucoup ces objectifs semblaient à portée de mains, ils restaient néanmoins inaccessibles faute de moyens matériels, notamment celui de s'exprimer à cause d'une certaine censure.

    Après des mois de bouillonnement, les étudiants de nombreux pays ont lancé un vaste mouvement spontané de contestation sans concertation. Ce fut d'abord aux Etats-Unis où les jeunes refusèrent la conscription qui devait les envoyer se battre contre le spectre du communisme au Viêt-Nam. Ce fut ensuite les jeunes français dont les parents sortaient de la guerre d'Algérie, qui n'entendirent pas obéir aux diktats d'un Général DE GAULLE vieillissant se croyant toujours en résistance contre un occupant imaginaire. Ce fut enfin la Tchécoslovaquie tentant vainement de fissurer la chape de plomb posée par Moscou sur l'ensemble des pays de l'Est qui constituaient alors le bloc soviétique.

    Peut-être le temps est-il venu maintenant non pas de se souvenir mais de se rappeler d'abord comment tous ces événements s'achevèrent dans une sorte d'internationale et d'analyser plus objectivement grâce au recul, les impacts qu'ils ont eus sur les années suivantes.

    - Les Etats-Unis s'enlisèrent dans la guerre de tranchées imposée par les Viêt-Congs et malgré leur prétendue invincibilité, durent plier bagages en encaissant une défaite mais en laissant, en contrepartie, un pays exsangue.

    - En France, la protestation estudiantine fut finalement récupérée par les syndicats puis par les politiciens de l'opposition qualifiée de gauchiste. Après un sévère mois de grèves rappelant à mes parents la plus sombre période de l'occupation où ils devaient faire la queue devant les magasins aux rayons vides à cause du rationnement, le mouvement sombra dans une sorte de violence aveugle. Répressions policières puis négociations mirent un terme à la colère populaire puis, peu à peu, tout rentra dans un ordre apparent. Il ressemblait à celui d'avant mais des traces de ce qui avait été vécu par beaucoup restaient gravées dans les mémoires. Peu après, DE GAULLE abdiqua…

    - Le gouvernement praguois, enfin, avait officiellement donné acte au peuple de ses aspirations à vivre plus libre, un peu comme les Occidentaux sur lesquels ils prenaient modèle. Pour les dirigeants de l'URSS, fermer les yeux sur cette dissidence revenait à ouvrir une porte à l'éclatement de l'union. Elle mettait en péril l'autorité souveraine de Moscou et l'image de l'état infaillible. Il en résulta le Printemps de Prague, de triste mémoire, qui mit un terme dans le sang aux velléités d'indépendance.

    Vus sous cet angle, ces événements qui ont secoué le monde, se sont effectivement achevés sur des échecs dus peut-être au fait que les peuples ont trop voulu trop vite sans préparation après des années de disette. Cependant, des mouvements de cette ampleur ne pouvaient pas disparaître sans donner des idées nouvelles dont se sont emparés les jeunes après les avoir lancées. Dans un premier temps, ils avaient échoué mais ils avaient l'avenir devant eux pour faire évoluer les choses en changeant celles qui ne leur convenaient pas.

    Ainsi les événements de Mai 68 ont-ils semé des graines qui ont mis parfois longtemps à germer mais qui sans eux, n'auraient jamais permis de récolter bien des progrès apparaissant à la jeunesse d'aujourd'hui comme des acquis évidents sans… histoire.

    Quels sont-ils ?

    Ceux que je me permets d'évoquer ne sont peut-être pas spécialement représentatifs ni même exhaustifs mais marquants néanmoins parce qu'ils résultent d'une rupture avec une certaine éducation traditionaliste et conservatrice.

    Ce fut, notamment pour les femmes, l'accession à la libre contraception et dans la foulée, la légalisation de l'avortement initié par Simone WEIL. Ce fut aussi le début d'un combat acharné lancé par Gisèle HALIMI sous l'étiquette féministe. Il consistait simplement en l'obtention légale de l'égalité des sexes dans tous les domaines et notamment celui du travail afin de gommer les disparités de salaires entre hommes et femmes. Il n'est toujours pas terminé mais on parle aujourd'hui de parité.

    Plus à l'est et durant plus de vingt ans, la pression populaire dans les pays communistes se solde par la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 et l'accession progressive à l'indépendance des nations qui avaient constitué l'URSS.

    Seul le gouvernement des Etats-Unis semble n'avoir toujours rien compris, comme si les assassinats de John KENNEDDY et du pasteur Martin Luther KING n'avaient servi à rien. Il semble aussi n'avoir tiré aucune leçon de la défaite au Viêt-Nam. A cette époque, c'était la phobie du communisme qui l'avait lancé dans ce conflit sans issue. Aujourd'hui, au nom du dieu Dollar et des saints énergétiques, il s'est lancé dans une nouvelle guerre en Afghanistan et en Irak sous prétexte d'extirper le terrorisme de certains états du Moyen-Orient. Malgré sa puissance et sa richesse, ses promesses d'une guerre rapide et facile à gagner, il est toujours tenu en échec tandis que morts et blessés s'amoncellent sans résultat probant et surtout sans que l'occupation parvienne à rétablir la paix. BEN LADEN court toujours et rien n'est parvenu à venger les attentats du 11 septembre sinon un chaos de plus en plus meurtrier.

    Malheureusement, chaque période d'instabilité s'avère génératrice de progrès, comme si tous les changements fondamentaux devaient se faire dans la douleur. Tout ce que nous avons vécu depuis quarante ans et que nous vivons encore aujourd'hui est en grande partie dû à l'héritage de 1968. Beaucoup reste à faire néanmoins pour parvenir au mieux être de l'humanité et si possible, dans le respect de la paix et la liberté de chaque individu.

    L'évolution actuelle de nos sociétés, quelles qu'elles soient, n'en prend pas le chemin. Malgré une technologie envahissante de plus en plus sophistiquée, l'esprit humain stagne quand il ne régresse pas. Nous en sommes tellement loin que… ne faudrait-il pas un grand coup de pied dans la fourmilière humaine pour débloquer la situation ? Il reste à réinventer, peut-être, des événements semblables à cette année-là !    
                                                                                                        Gilbert MARQUÈS


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  • Ne restez pas sur le pas de la porte. Entrez donc ! Ce soir on discute au café. Non, ne souriez pas, on discute pour de vrai. Ce serait dommage de rester dehors, vous m’avez l’air d’avoir envie de parler, non ? Pour le moment, il n’y a pas foule mais passez donc la porte vous verrez, il y a Gilbert Marquès qui vient juste de lancer un débat sur l’actualité. Bon, je vous laisse réfléchir un instant…

     

     

    L'actualité est actuellement chargée dans de nombreux domaines et se caractérise par un qualificatif dominant : contestataire.

    Contestataire en politique avec les nouvelles mesures gouvernementales, en accord avec les changements annoncés, qui rencontrent une opposition de plus en plus ouverte.

    Contestataire encore à la fois sur les plans politiques et sportifs avec l'organisation des Jeux Olympiques en Chine qui fait débat compte tenu des événements qui secouent le Tibet.

    Contestataire mais…

    Certains diront que tout ceci est affaire de gros sous et nul ne peut le nier. 400 000 euros de deniers publics dilapidés pour le fiasco du défilé de la flamme olympique à Paris alors que les retraités, par exemple, se voient accorder royalement des miettes pour améliorer leur ordinaire… Où est l'erreur ?

    Sans doute en va-t-il de l'intérêt économique qui, malgré les protestations, supplante les intérêts humains au point de voir "Les Droits de l'Homme" bafoués même si, ne nous leurrons pas, ils le sont aussi dans les pays qui s'en déclarent les plus ardents défenseurs.

    Contestataire donc avec, sur ces différents sujets, des avis divergents ou partagés au sein desquels les gens de culture me semblent bien… silencieux. N'ont-ils aucun avis sur ces questions ? Je ne le crois pas mais, étrangement, ils ne s'en mêlent pas ou bien est-il fait en sorte que leurs voix ne soient pas entendues…

    Point n'est besoin de censurer ! La culture est malade au point que certains seraient prompts à hâter la fin de son agonie. Pas question ici de création mais plus prosaïquement de diffusion et surtout, de diffusion de masse, autrement dit populaire. La culture se débat dans d'inextricables problèmes de droit, droits d'auteur notamment, qui ne sont jamais évoqués par les médias comme si tous les artistes étaient des nantis… privilégiés.

     

    Ce point me paraît pourtant important et même vital pour la société de demain. Certes, il concerne seulement une frange minoritaire de la population active. Certains me feront également remarquer que les salles de spectacles sont pleines quel que soit le prix des places et que par conséquent, les artistes sont censés bien gagner leur vie.

    Toutefois, auteur moi-même, permettez que je me focalise sur cette activité sans laquelle aucun spectacle ne pourrait naître, quelle que soit la forme ou la technique utilisée (cinéma, musique, théâtre, danse, peinture ou livre)

    A ce propos, le numéro 31 paru en mars de "La Lettre" de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédia) est révélatrice du malaise au travers de deux articles :

    "Complémentarités"  signé" par Guy SELINGMANN reprend une réflexion… malheureuse (?) du Président de la République, mais l'est-elle vraiment, qui a par deux fois affirmé :

    "La religion est complémentaire de la laïcité"

    On sait l'attachement que semble porter le Président à la religion catholique aussi cette conviction affichée a-t-elle de quoi inquiéter. Pourquoi ? Parce qu'elle me semble être dans l'avenir une menace pour la pluralité de la culture et au-delà, de la liberté d'expression qui nous est chère.

    Ne faudra-t-il pas bientôt caresser les autorités dans le sens du poil pour pouvoir créer ou même simplement s'exprimer publiquement ? Cela signifierait-il à terme que tous ceux n'appartenant pas à un certain mouvement idéologique et/ou politique et n'épousant pas une certaine religion risquent de se voir interdits non pas de créer mais d'être diffusés et ainsi privés de leurs moyens de subsistance ? Ne reviendrait-on pas vers une religion d'Etat ou… un état religieux ? Ne s'établit-il pas de manière insidieuse un état d'esprit totalitaire s'efforçant de copier la politique chinoise ?

    - Philippe PILARD, pour sa part et selon ce que j'ai compris de son article, "Publicité, télévision et Service Public", après son analyse de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision, pose la question suivante, je cite :

    "L'idée qu'une télévision véritablement "de service public" puisse offrir des programmes pas idiots pour des spectateurs pas idiots, est-elle en France définitivement obsolète ? La "berlusconisation" est-elle déjà si avancée qu'on ne puisse plus y faire obstacle ?"

    Autrement dit, les autorités au plus haut niveau et peut-être dans le but de mettre fin à toute velléité de contestation, ne sont-elles pas en train de museler économiquement les auteurs tout en prenant le public pour… un con ? Veut-on ainsi confirmer l'œuvre de démolition entreprise en commençant par l'éducation, en continuant par un ministère de la culture fantôme et en réduisant les crédits qui lui sont alloués de sorte que les subventions diminuent dans tous les secteurs au point que les associations culturelles ou les structures publiques, MJC - Centres - -Culturels - Médiathèques et autres, ne sont plus en capacité de fonctionner correctement. Au point également que lors des discussions menées par les politiques tant sur le plan européen qu'international concernant les droits d'auteur et le droit moral, les délégations gouvernementales ne comprennent aucun représentant des principaux intéressés pour lesquels les décisions sont prises sans concertation préalable.

    - Qu'importe leur avis pourvu qu'il puisse être fait de l'argent sur leur dos et de toutes façons, ils ne comprennent rien à leurs intérêts…

    Doivent se dire ceux qui sont censés nous représenter mais ils ne connaissent rien à nos problèmes et se formalisent peu des aspirations du public. Pouvons-nous dès lors admettre que soit poursuivi cet incessant nivellement par le bas sous prétexte d'intérêts économiques majeurs ?

    Autant de questions que je pose et auxquelles j'attends de vous en me permettant de vous interpeller, que vous y répondiez comme vous l'avez déjà fait à mes précédents propos. Je vous remercie d'ailleurs de m'avoir accordé un peu de votre temps et de votre attention tant et si bien que je souhaite vos réactions.

    En effet, malgré un calme faussement apparent, bien des situations s'avèrent urgentes à résoudre et si nous ne faisons rien maintenant, il sera bientôt trop tard.

    N'oubliez pas ! Dans quelques semaines seront fêtés les quarante ans des événements survenus en Mai 1968 sur lesquels je reviendrai le moment venu et rappelez-vous, les visages d'une société ne changent que si les peuples ont la volonté d'obliger les politiques à les modifier !

    Aussonne, le 8 Avril 2008


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    Numéro 3 de " A propos de… ", une chronique signée Gilbert MARQUÈS

       

    Il existe en langue française, des mots qui cohabitent mais dont les sens sont tellement divergents qu'ils s'ignorent. Ainsi en est-il depuis 2007, nouvelle ère gouvernementale, de la politique et de la culture.

    Selon les dictionnaires, la politique est définie comme étant la direction d'un état qui détermine ses activités. A cette formule lapidaire s'ajoutent des nuances et notamment celle, ironique actuellement, qui précise :

    "Manière prudente, fine, avisée d'agir"

    Selon les mêmes références, la culture serait l'enrichissement de l'esprit par des connaissances variées et étendues, définition première assortie d'autres significations complémentaires.

    Questions !

    La culture peut-elle ou doit-elle être une des activités de la politique ? Appartient-elle à la politique ou bien le contraire ?

    Pendant longtemps, les différents gouvernements qui se sont succédés, se sont préoccupés aussi de culture. De Gaulle avec Malraux, Mitterand avec Lang mais depuis, le désert…

    Aucun souvenir durant la campagne présidentielle de la moindre allusion à la culture. La mode était lancée. Nous sommes en effet en pleine période électorale avec les municipales et les cantonales et, bizarrement, la culture est également absente des professions de foi, qu'elles proviennent d'un bord politique ou de l'autre. Rien ! Pas une toute petite ligne !

    Certes, il peut être compréhensible qu'en période réputée de crise, la culture ne soit pas le souci majeur des politiques mais dans ce cas, pourquoi faire appel au devoir de mémoire en obligeant les écoliers à apprendre la lettre de Guy Moquet ou bien d'assimiler chacun d'eux à un petit martyr en évoquant la Shoah ? Pourquoi ne pas leur demander aussi de parrainer un enfant Serbe, Hutu ou de n'importe quelle autre nationalité victime des nombreux génocides qui ont jalonné l'histoire ? Cette mesure a été désavouée et a fait long feu notamment, en dehors de toutes les bonnes ou mauvaises raisons invoquées, parce que la France n'est pas seulement juive, arabe, asiatique ni même européenne mais tout cela à la fois et plus encore.

    La France répond en ce sens parfaitement à la définition de la culture. Carrefour depuis l'antiquité entre toutes les nations, elle s'est enrichie de l'expérience non seulement des autochtones mais aussi du savoir de tous ceux qui ont décidé un jour de s'établir dans ce pays.

    Les artistes de toutes les disciplines se sont emparés de cette pluralité pour la magnifier, la développer et la colporter dans le monde entier, faisant ainsi de la culture française une entité plus durable que les différents régimes politiques qui ont conduit la nation au fil des siècles.

    Culture sous-entend échange et donc communication entre les gens, les peuples mais en sommes-nous encore là à l'heure présente ? Doute !

    Doute quand il est question d'immigration choisie !

    Doute quand il y a des reconduites aveugles aux frontières répondant à des exigences statistiques et non à des préoccupations même pas humanitaires mais simplement humanistes !

    Doute quand le Quai d'Orsay se mêle de trier sur le volet les auteurs israéliens qui sont invités au Salon du Livre, entraînant ainsi la défection des auteurs des pays arabes dont on peut d'ailleurs douter du bien fondé quand ce pouvait être un moyen de débattre en terrain neutre (?) entre intellectuels et non politiques, de la fondation d'un état palestinien !

    Doute encore que la politique veuille sincèrement développer la culture au moment où la censure économique se double de nouveau d'une censure idéologique ne supportant pas l'opposition et encore moins la contradiction !

    Doute enfin sur l'avenir de la vraie culture sacrifiée sur l'autel économique qui la tire vers le bas en faisant la une des journaux en scandale par des comportements ou des propos vulgaires, injurieux voire irresponsables !

    Le divorce entre la culture et la politique serait-il consommé ?

    Il semblerait à moins que la culture ne devienne un élément de pouvoir dont la politique pourrait se saisir à l'instar des pays totalitaires, pour asseoir son autorité comme le tente la mondialisation en favorisant la pensée unique.

    Nous n'en sommes pas encore là et finalement, l'ignorance de la politique envers la culture lui rend service en lui permettant d'acquérir sa véritable indépendance même si, en corollaire, lui sont dressées de nouvelles embûches rendant plus difficile sa propagation.

    La culture, à la différence de la politique, ne connaît pas de frontière. A nous, les acteurs possédant cette force placée au-dessus de tout clivage, de la développer toujours davantage. Nous possédons pour ce faire un outil pour l'instant difficilement contrôlable, Internet. Profitons-en et sachons ou apprenons à l'utiliser pour déborder la politique en continuant à créer et, peut-être, pallier ainsi à ses carences en nous mêlant de ce qui est censé ne pas nous concerner.

    Aussonne, le 15 Mars 2008



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  • Numéro 2 de " A propos de… ", une chronique signée Gilbert MARQUÈS

     
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    En ces temps étranges où l'hiver s'apparente au printemps sous l'effet du réchauffement de la planète, nous dit-on, l'actualité ne désarme pas. Tant sur la scène internationale qu'hexagonale, elle m'offre aujourd'hui cette petite réflexion au vu d'événements récents tenant à la fois du voyeurisme et du sensationnel savamment orchestrés par ceux qui veulent nous convaincre d'on ne sait trop quoi, en fin de compte.

    Qu'est-ce qu'une image ?

    Au sens premier, une reproduction de quelqu'un ou de quelque chose au moyen de différents procédés techniques utilisant des supports variés. Par extension, cette signification s'est enrichie de la notion de reflet, non seulement celui renvoyé par un miroir mais aussi celui projeté par le regard de l'autre, cet observateur qui guette et dont les yeux vont permettre une interprétation de ce qu'il voit.

    L'image, depuis qu'elle est apparue, est devenue un outil d'éducation, de culture, de plaisirs, en un mot un outil de communication au même sens que la parole ou l'écrit. Mais elle est également utilisée à d'autres fins : le prosélytisme, la propagande tel qu'il est de mode aujourd'hui. Souvent, les deux usages interfèrent au point qu'à l'époque moderne, l'image est devenue avec le son un élément indispensable de la vie quotidienne. Subsidiairement, exit l'écrit…

    Cette utilisation incontrôlée entraîne des dérives, évidemment, qui au lieu d'aider à la réflexion ou de favoriser le rêve en aiguillonnant l'imagination, a fortement tendance à les suppléer pour aboutir à ces produits prédigérés dont on nous abreuve jusqu'au harcèlement et que nous consommons malgré nous, contraints et forcés. Ils ont pour objectif inavoué de nous modeler selon certaines normes, une image à laquelle nous devrions nous conformer sans qu'il soit bien entendu tenu compte de nos aspirations.

    C'est ainsi qu'avec la complicité des tout puissants médias, l'image se transforme en icône.

    Qu'est-ce qu'une icône ?

    A l'origine, il s'agissait simplement d'une image sainte peinte sur un panneau de bois. Cette technique fut importée d'Orient.

    Avec l'évolution de la langue, le sens originel s'est modifié pour définir aussi une personne exemplaire à laquelle le commun devrait s'efforcer de ressembler. Nous ne sommes pas loin d'une forme d'idolâtrie telle que dans les années 60 envers des personnages publics, des artistes en général pour lesquels par contraction, le mot fanatique s'est vu amputer de certaines syllabes pour devenir dans le langage populaire fan.

    Et bien que ne figurant pas encore dans les dictionnaires à ma connaissance, l'icône s'est enrichie d'un troisième sens, technique celui-là puisque désignant en informatique la petite image qui symbolise un programme ou un logiciel sur les écrans de nos ordinateurs.

    Je ne suis d'ailleurs par sûr que si nous demandions à nos enfants ce qu'est une icône, ils ne nous répondraient pas par cette interprétation, ignorant totalement ce dont il s'agit en réalité à l'origine.

    Ces différentes définitions exposées pour avoir l'esprit clair, revenons à l'actualité par laquelle nous subissons de façon pernicieuse mais efficace l'agression des images pour la fabrication d'icônes.

    En exagérant certes mais à peine, je pourrai pousser le bouchon plus loin en écrivant que la publicité notamment, contribue de manière stratégique à cette propagation. Quel homme politique en effet, pour prendre un exemple, n'utilise-t-il pas aujourd'hui les services d'un publicitaire et de conseillers en communication pour optimiser son image tant au cours de ses campagnes électorales que tout au long de sa carrière lorsqu'il parvient vers les sommets ? Ne tente-t-il pas au moyen d'affiches démesurées et de slogans chocs d'attirer davantage l'attention sur lui que sur son programme idéologique pour s'ancrer dans l'inconscient de l'électeur moyen qui ainsi le mémorise mieux ? Un visage, une attitude valent tous les discours au point de transformer un homme banal en icône, autant dire une sorte de comédien de l'absurde.

    Ce mélange des genres né aux Etats-Unis où pour arracher l'investiture, il faut déplacer famille et amis de façon à démontrer que le candidat serait un homme ordinaire, bien-pensant et bon père de famille, a ses limites notamment démontrées par certains scandales qui ont suivi les élections. N'empêche, il a été importé vers l'Europe dont la France où il prend toutefois des allures de parodie. Ce serait hilarant si ce n'était pas grotesque et surtout si les mouvements familiaux relevant de la vie privée n'avaient pas en fin de compte été utilisés pour noyer le poisson de l'état désastreux dans lequel le pays sombre. Pour la première fois peut-être, nous atteignons la perfection dans le domaine public avec un iconoclaste conservateur, paradoxe rédhibitoire offrant une image inédite dont s'enrichira l'iconographie de notre histoire.

    Que nous reste-t-il à nous, pôvres poètes et modestes écrivaillons, hormis notre plume, pardon !, notre clavier pour ruminer notre déconvenue parce que finalement, le dicton disant que la réalité dépasse la fiction se vérifie une fois de plus ? Nos stylos produisent des mots, pas des images et nous ne deviendrons jamais des icônes. Qu'à cela ne tienne !

    Nous pouvons toujours nous consoler en affirmant que l'image médiatique est comme la parole. Fugace, elle s'envole…

    Aussonne, le 13 Février 2008

     


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    Auteur de poèmes, nouvelles et romans parmi lesquels une douzaine de titres édités, Calipso a publié courant 2007 une de mes courtes nouvelles, Camille. Depuis, le responsable du site, Patrick L'Ecolier, m'a proposé de tenter l'expérience de tenir une chronique dans laquelle j'aborderai divers sujets. Dans la continuité d'une sorte de… journal commencé voilà longtemps, j'ai décidé d'intituler ces chroniques A propos de…

     

    par Gilbert Marquès  

    Le sujet m'a été offert la semaine passée par un message Internet en provenance d’une librairie en ligne X.com appelant ses clients à la rescousse.

    - La raison ? Une plainte déposée par un syndicat de libraires au motif que cette enseigne offre les frais de port. Donc et si j'ai bien compris, les plaignants jouent sur la notion de concurrence déloyale puisque ce cadeau équivaudrait à baisser artificiellement le prix du livre qui comme chacun sait depuis la loi Lang, est réglementé et unique quels que soient les modes et les points de vente.

    - Résultat ? Condamnation assortie d'une forte amende payée par cette librairie en ligne pour pouvoir, disent ses responsables, continuer leur pratique.

    Outre l'information, ce courriel comporte deux liens. Le premier vers une pétition de soutien. Le second, vers un forum sur lequel les lecteurs sont invités à débattre sur ce thème.

    En client curieux, j'ai surfé sur le forum et sans lire la totalité de la masse des réactions ni vouloir polémiquer sur la fâcheuse tendance à la répression que nous subissons tous dans tous les domaines de notre vie quotidienne, j'ai retenu trois types de réponses à la question suivante :

    La plainte suivie d'une condamnation est-elle ou non équitable ?

    - Les affirmatifs : je schématise volontairement car, en vérité, ils ne se prononcent pas de façon aussi tranchée mais affirment être prêts à payer un livre quelques euros de plus dans le but louable de permettre la survie des libraires indépendants, ces derniers offrant des services différents de la grande distribution.

    - Les négatifs : le principal argument développé s'appuie sur Internet grâce auquel des librairies comme X.com existent et auraient permis le désenclavement de zones géographiques mal ou pas desservies par les librairies conventionnelles.

    A noter cependant qu'un service identique a été créé depuis longtemps par des clubs sous forme d'envois de catalogues par la Poste, ce qui ne les empêche pas de tenir également boutique et d'avoir des sites sur le Net. D'une façon peut-être un peu différente mais avec des résultats similaires, ces maisons pratiquent aussi remises et avantages pour leurs clients. Ne détournent-elles pas aussi la loi Lang ? Pourquoi alors ce syndicat des libraires, à ma connaissance, assigne-t-il seulement X.com et pas les autres ? Par extension enfin, pourquoi les syndicats de tous les petits commerces n'agissent-ils pas de même à l'encontre des toutes les entreprises de vente par correspondance ?

    - Les extrémistes : ces derniers demandent ni plus ni moins un retour à la libéralisation du prix du livre afin, affirment-ils, de rendre la culture accessible au plus grand nombre. En tant que lecteur, je n'y suis pas fondamentalement opposé sans voir les réels avantages qu'une telle mesure pourrait engendrer puisque la loi est détournée. En tant qu'auteur, je suis partagé. Outre le casse-tête comptable pour l'éditeur contraint de calculer le montant des droits d'auteur en fonction de chaque détaillant, le pourcentage perçu par l'auteur est tellement faible par rapport à celui des autres intervenants du circuit qu'il serait plus judicieux de baisser la TVA pour rendre la lecture sinon plus attractive du moins plus accessible à tout le monde.

    N'oublions pas non plus les bouquinistes et les livres d'occasion, pouvoir d'achat oblige…

    En conclusion, par expérience d'auteur et de client des différentes structures de la distribution du livre, je suis enclin à penser que chacune d'elle a sa place. Plus que concurrentielles, je les crois complémentaires. Je trouve ainsi cette plainte sinon abusive du moins hors de propos, le rôle d'un libraire indépendant n'étant pas le même qu'X.com ou ses pareils. La majorité l'a si bien compris qu'ils se sont adaptés en se spécialisant dans un secteur culturel spécifique, un peu comme en médecine qui compte des praticiens généralistes et des spécialistes.

    Toutes les initiatives tendant à rendre la culture moins chère et plus accessible sans la galvauder sont à soutenir. Quel que soit l'artifice employé, plus le prix du livre sera bas, plus il aura de chances de séduire des lecteurs potentiels. Les auteurs, malgré les apparences, devraient également y trouver leur compte puisque leurs ouvrages seront, a priori, plus largement distribués sinon mieux.

    Dès lors, cette plainte d'une certaine catégorie de libraires m'apparaît simplement corporatiste dans le sens où elle ne semble pas devoir défendre en même temps les lecteurs et/ou les auteurs mais uniquement des intérêts ciblés sans aller d'ailleurs jusqu'au bout de la démarche. Internet fait peur dans bien des domaines et les traditionalistes répugnent à se remettre en question tout en se sentant menacés. C'est là, à mon avis, que réside tout le nœud du problème dans cette affaire.

     




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