• A propos d'hypocrisie


    Numéro 9 de " A propos de… ", une chronique signée Gilbert MARQUÈS

     


    Lors de mon précédent Propos, j'évoquais la médiatisation à outrance des Jeux Olympiques qui pouvaient faire croire qu'il ne se passait rien d'autre d'important. Aujourd'hui, la rentrée effectuée pour la plupart, les problèmes irrésolus ressurgissent des coulisses vers le devant de la scène mais sont à nouveau occultés par la grandiose réception du Pape qui mobilise toutes les attentions.

    A cette occasion, l'échange des discours semble édifiant pour endormir les consciences. Le religieux parle de "laïcité raisonnée" et le politique de "laïcité positive" mais à les en croire, les termes bien que différents, ont à peu près la même signification à savoir défendre le respect et la tolérance des peuples et des individus. Belle déclaration d'intention mais…

    L'église selon ses traditions et ses dogmes, refuse toujours de voir la réalité quotidienne dans laquelle nous évoluons et campe sur des positions vieilles de plusieurs siècles en outrepassant son rôle de guide spirituel pour dicter aussi comment agir au quotidien. Non contente de favoriser une résurgence d'intégrisme au nom de l'unité catholique, elle renforce sa démarche en plaçant dans des diocèses stratégiques, des prêtres issus de l'Opus Dei, fille de l'Inquisition. Fallait-il s'attendre à une autre attitude quand elle entend aussi se mêler de politique et de culture ?

    Le politique, selon un refrain qui commence à être connu, prêche des lieux communs dont les lois qu'il impose sont très éloignées. Je ne reprendrai pas les exemples déjà cités dans mes précédents propos mais j'y ajouterai deux nouveaux exemples significatifs.

    Le premier, récemment médiatisé, fait débats. Il s'agit de ce fichier baptisé "Edwige". Le second est par contre passé totalement inaperçu et concerne la modification de la loi du 10 août 1981 tendant à modifier sinon à abroger les dispositions relatives au prix unique du livre dans le cadre de la modernisation de l'économie. Je laisse à chacun le soin de reprendre le texte originel et de prendre connaissance du communiqué de presse rédigé par la Société des Gens de Lettres. Avec d'autres professionnels du secteur, elle attire notre attention sur les risques socio-économiques encourus non seulement par l'ensemble des partenaires intervenant dans ce milieu mais aussi sur les périls menaçant le développement de la culture et son accessibilité. Déréguler le prix du livre revient à favoriser l'industrialisation de ce qui est de plus en plus considéré comme un produit de consommation au même titre que n'importe quoi d'autre au point de fabriquer une culture de masse prédigérée sans plus aucune possibilité de choix pour le public. L'autre possibilité est de transformer le livre en produit de luxe de sorte qu'il ne sera plus accessible qu'à une élite. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'une manipulation visant à laisser aux mains d'une minorité à fort potentiel financier le moyen de contrôler l'opinion en programmant la disparition de toutes les petites entreprises permettant la survie de ce secteur économique mais aussi sa diversité. Plus insidieusement, il peut aussi s'agir de museler une certaine forme d'opposition idéologique au pouvoir en place en développant la censure économique déjà existante. Si les petits éditeurs disparaissent, si les vrais libraires ferment boutique, quels moyens les auteurs qui ne seront pas jugés politiquement corrects, auront de s'exprimer pour tirer les sonnettes d'alarme sur les abus de pouvoir ?

    Voilà qui nous ramène dans le droit fil de ce nouveau fichier joliment prénommé EDWIGE. Il serait a priori nécessaire pour identifier chaque individu susceptible de porter atteinte à la sécurité de l'état.

    Qu'est-ce que cela signifie ? Les hautes autorités auraient-elles soudain une peur panique de ses concitoyens dont une majorité les a pourtant élues ? Veut-on une France lisse, sans ride ni tache au point de l'uniformiser non seulement dans ses pensées mais aussi dans son comportement ? A quand le bracelet électronique pour chaque citoyen ?

    Autant de questions dont les réponses sous-entendues laissent à penser que toutes les nouvelles mesures prises sous prétexte sécuritaire sont en réalité des moyens pour réduire les libertés individuelles et a fortiori, le droit de vivre différemment même si ça ne dérange personne.

    Ne nous leurrons pas, il y a beau temps que nous tous, auteurs ou acteurs de la culture, sommes fichés par les Renseignements Généraux même si nous n'avons pas la célébrité complaisante de certaines… stars. Les autorités entendraient-elles maintenant, en ajoutant de nouveaux détails sur notre façon de vivre, exercer un chantage sur nos créations ? A quand la prison au secret et pourquoi pas le goulag pour délit d'opinion ?

    La culture telle que dictée par l'état ne m'intéresse pas personnellement et pas davantage le respect tel qu'il est envisagé. L'une et l'autre sont bafoués dans les faits malgré les déclarations de bonnes intentions clamées haut et fort. Nous sommes théoriquement dans un état démocratique et laïque où, paradoxalement, les appartenances religieuses de nos instances sont clairement affichées. Est-ce compatible avec la fonction des élus qui devraient faire preuve de neutralité ? N'est-il pas contradictoire d'interdire les signes ostensibles de prosélytisme mais de déclarer par ailleurs que la religion est une nécessité pour éduquer les foules à certaines valeurs ? Cela voudrait-il dire qu'un athée ou un agnostique est incapable d'avoir les mêmes idéaux de paix, de partage et de liberté qu'un croyant ? Ne peut-on considérer les enseignements religieux comme n'importe quelle autre théorie philosophique à laquelle chacun peut adhérer selon ses convictions ?

    Si nous vivons réellement dans un état laïque respectant chaque individu dans son intégrité morale et physique, pourquoi aujourd'hui recevoir le Pape en grandes pompes mais avoir reporté la réception du Dalaï Lama ? Certes, il ne fallait pas froisser les Chinois mais… occulter une culture par rapport à une autre, est-ce réellement une attitude positive ou contradictoire ?

    Hypocrisie, quand tu nous tiens !

                                                                                            Aussonne, le 13 Septembre 2008


  • Commentaires

    1
    Mardi 16 Septembre 2008 à 20:46
    Je partage en tous points cette analyse! Que peut-on attendre d'un chef d'état qui a déjà clamé haut et fort qu'un prêtre était plus nécassaire à l'éducation d'un enfant qu'un instituteur! Il y a du souci à se faire tant pour le présent que pour l'avenir de nos enfants et petits-enfants!
    2
    Polsky Robert
    Samedi 23 Août 2014 à 18:33
    merci pour cette mise au point, cela me fait du bien de savoir que je ne suis plus seul. Car j'ai honte du sllence  qui entoure la laïcité "positive" ou "raisonnée"
    assez des clows qui passent leur temps à se demander qui sera le chef .... un fou est entrain de détricoter la république
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