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    Business oblige !

    Danielle Akakpo

     

    Mais pourquoi tous ces journaux me traînent-ils dans la boue ? Moi, quand je me regarde dans mon miroir le matin, je me félicite d’avoir pris la bonne décision l’autre jour. Ils y pensent à ma carrière tous ceux qui me jettent la pierre ?

    Poser pour des photos, apparaître dans des séries télé, tout ça exige que je prenne grand soin de ma forme physique, et de mon moral, ça va sans dire. Précisément, c’était pour mon moral que j’avais entrepris cette foutue démarche qui me vaut tant de critiques.

    Un gros coup de vague à l’âme, un soir, un immense besoin de compagnie. J’avais déjà tout essayé. Un chien d’abord. Tout le monde se retournait sur nous quand, vêtue de noir de la tête aux pieds, lunettes fumées sur le nez, je promenais Zaza, un superbe bichon blanc comme neige.   Seulement, au bout de quelques jours, il m’a pompé l’air Zaza : je détestais qu’il me lèche les doigts de pied ou me colle sa truffe dans le cou. Et le sortir régulièrement, ça ne m’a amusée qu’un temps. J’ai pris ma bagnole et je suis allée l’abandonner sur une aire d’autoroute.

    Je me suis rabattue sur Minouche, une petite chatte tigrée. Pas embêtante du tout. Il suffisait que je lui laisse du lait à volonté, elle se débrouillait toute seule. Et j’aimais bien qu’elle vienne s’installer le soir sur mon lit. Jusqu’à ce qu’elle dépose sa crotte sur mon oreiller, la dégoutante ! Une fois endormie avec un de mes somnifères, une petite marche arrière dans mon garage, et hop, à la poubelle Minouche la cochonne !

    Quant au canari, cui cui cui quand on rentre à la maison, ça va une fois, deux fois, mais à la longue, ça use et puis faut nettoyer la cage. Sinon, ce que ça pue ces petites bêtes ! J’ai ouvert la cage et surtout la fenêtre en grand. Envolé le canari, sans doute boulotté par un chat du quartier.

    Un homme ? Oui, je vous entends : « Pourquoi pas un homme ? » J’ai fait l’expérience, plus d’une fois, croyez-moi. J’ai vite compris. Soit ils s’attachaient trop, commençaient à parler vie de couple, mariage : pas de ça, pour moi. Y a qu’à voir mes copines Sarah et Gwendo : depuis la robe blanche, c’est popote, cellulite et bourrelets. Mais surtout y a les autres, les pires, ceux qui ne sont attirés que par ma beauté parce ça en jette de coucher avec une star. D’ailleurs, Léo, le dernier en date s’est vendu : chaque fois qu’on avait fait l’amour et que je tentais d’avoir une conversation avec lui, il me mettait un doigt sur la bouche en murmurant : « Sois belle et tais-toi ! »Limpide, non ?

    C’est alors que j’ai repensé à mes visites à l’orphelinat de la ville : j’ai bon cœur et dans mon job, ça compte aussi. J’ai donc repensé à Juju, un ange blond de trois ans qui me rappelait mon petit frère et avec qui j’avais bien sympathisé. Un enfant tout prêt, qui ne m’aurait pas déformée pendant neuf mois et qui gazouillerait à la maison. Les religieuses ont bien voulu me le confier pour un week-end, pour qu’on fasse plus ample connaissance. Quelle belle soirée ! Un vrai petit dîner d’amoureux, plein de guili-guili et dodo après une berceuse. Seulement à partir de minuit, Juju s’est mis à hurler comme un perdu, je n’ai pas pu fermer l’œil. Le lendemain matin, vous auriez vu ma tête : teint vert, cernes noirs qui me descendaient jusqu’aux pommettes. Vous n’auriez pas fait comme moi, vous ? Vous n’auriez pas ramené ce sale braillard chez les nonnes ?

     

    Brève : 17 juillet 2014

    Après avoir adopté un enfant, elle le rapporte à l'orphelinat. Monica C., une starlette roumaine, avait pourtant annoncé son intention d'adopter l'enfant dans les médias.

     


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    Douce mort

    Elisabeth Le Tutour

     

    Nous étions soulagés d'apprendre qu'il serait enfin exécuté, après tant d’années, il serait enfin puni, il le méritait bien ! Nous sommes venus nombreux assister à cet événement tant attendu !

    Il a mis presque deux heures à succomber à une injection soi-disant létale. Nous l'avons vu se tordre, étouffer, nous avons entendu ses râles et je crois que ce sera un cauchemar qui me reviendra souvent !

    Maintenant, je comprends que commettre un nouveau crime n'efface pas le précédent. Ce sont les abolitionnistes qui ont raison quand ils disent qu'imiter les criminels, c'est les justifier.

     

    Brève, 23 juillet 2014

    Exécution aux U.S.A : le condamné met deux heures à décéder.

     


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    La guerre, la vraie

    Jacqueline Dewerdt

     

    Un chien pleure dans la rue, juste sous sa fenêtre. L’homme frappe du poing sur la table.

    - Nom de dieu, les salauds !

    Il fixe sur l’écran de télévision les restes d’un avion calciné quelque part en Ukraine. Sa main va et vient sur la table, s’ouvre et se ferme comme pour broyer tout ce qui s’y trouverait.

    - Bande de lâches!

    Un moulinet du bras renverse le bol de café à moitié bu. Le bol roule, hésite au bord de la table, retenu par un pli de la toile. Il se fracasse sur le carrelage au moment où, sur l’écran de télévision, des habitants de Gaza fuient en hurlant. Nuages de poussière, maisons en ruine, voitures calcinées, trêve violée. Images de la foule. On enterre des morts. Gros plan sur un linceul. Le visage ravagé d’un enfant.

    - Mais c’est pas de la guerre honnête, ça.

    Dehors, le chien aboie, pleure, gémit. L’homme a bondi. Il se frotte les yeux, le visage, comme pour chasser les images dans sa tête. Du sang, de la terre, la chaleur, la poussière. Il tourne autour de la table. Il cogne. Il cogne des pieds, des poings, les chaises, le buffet, le mur. Il grogne. La guerre, c’est des soldats qui se battent. Des hommes, des corps d’hommes qui se voient, qui se sentent, s’affrontent, se cognent. Des soldats. La guerre. Champ de bataille. La guerre.

    Mais bon dieu, va-t-il se taire se clebs ? Suffit pas que leurs poules viennent gratter dans mon jardin, que leurs pigeons mangent mes petits pois ? Suffit pas qu’ils laissent grainer les chardons et pousser le liseron ? Suffit pas qu’on soit au tribunal depuis des dizaines d’années parce que leur grand-père avait grugé le mien en déplaçant la borne du champ? Suffit pas qu’il fasse courir des rumeurs sur mes enfants ? Ah ! Ils veulent la guerre ? Ils l’auront ! La guerre, la vraie.

    A la télévision, Stéphane Bern présente son émission « Les plus beaux villages de France ».

     

    Brève, 22 juillet 2014

    Un conflit de voisinage dégénère : un homme tué avec une fourche. 


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    Dans la jungle

    Claude Romashov

     

     

     

    Le temps a changé et vire à l’orage. Déjà les nuages s’amoncellent et de larges gouttes s’écrasent sur les feuilles vernissées. Je n’aime pas le vent qui décoiffe et transporte les relents nauséeux de la ville. Les copains se fichent de moi, me traitent de fillette, de poule mouillée. J’en rigole dans un premier temps, mais bon, il ne faut pas trop me chercher ! Ils le savent. Nous sommes bien équipés avec nos machettes dans leurs fourreaux de cuir, nos couteaux finement aiguisés sans oublier les cannettes de bière pour étancher notre soif de fauves en maraude.

    La rue est agitée de soubresauts furieux. Les volets claquent et les vieux gémissent derrière leurs rideaux de dentelle. L’anaconda de bitume avale sa proie de poussière et de papiers sales. Les singes hurleurs se réfugient au sommet des arbres. Nous marchons d’un pas élastique, heureux de sentir se contracter nos muscles. Nous sommes invincibles, nous faisons la loi.  

    Nous avons pisté leurs traces. Ceux-là nous ne les aimons pas. Ils sont adulés pour leur force, leur tactique de jeu et de plus ils sont riches sans la moindre parcelle de gras qui dépasse. Frimeurs, grandes gueules. Des brutes sans cervelle qui tombent toutes les filles, y compris nos cousines et nos sœurs…

    Nous arrivons dans le carré réservé de la jungle. La lumière tournoie et les cris jaillissent des poitrines. Nous sortons les machettes et tailladons les jarrets de ces abrutis qui ont osé envahir notre territoire. J’en attrape un. Il se protège la tête de ses bras. Hum, j’aimerais bien me découper une crinière. Un super trophée de chasse ! Ça ferait joli, encadré de mes sabres japonais sur le mur du salon de ma mère.

    Et les deux autres, poursuivis par les copains braillant d’une joie sauvage, ils s’enfuient en pleurnichant. Mes amis, quelle belle tranche de rigolade !

     

    Brève, 20 juillet 2014

    Millau : trois rugbymen de Clermont attaqués à la machette…

     


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     claude-bachelier-en-seance-de-dedicace.jpg Ils n’ont pas rencontré « Angèle Cartier » mais ont fait sa connaissance grâce au livre de Claude Bachelier publié chez Zonaires éditions. Voici quelques témoignages de lecteurs qui ont souhaité partager leur plaisir…

    N’hésitez pas à les rejoindre en commandant le livre sur http://www.zonaires.com

     

    Premier livre, certes pas un premier écrit, mais un coup de maître ! L’auteur nous brosse un portrait saisissant d’un personnage ayant eu une histoire hélas fréquente au cours de 2 conflits mondiaux. Ce qui est intéressant et remarquable est le choix d’alterner l’histoire factuelle avec les dialogues avec son héroïne ainsi que sa démarche. Il y a des périodes, des situations vécues par l’auteur et une réelle connaissance du milieu rural et de sa région, les faits historiques sont également bien mis en exergue. Bravo en tout cas ! Jacques M.

    *** 

    Et bien ça y est ! Je l’ai reçu, je me suis jetée dessus, je l’ai lu et… ça m’a plu !

    J’ai particulièrement apprécié l’alternance des chapitres, donnant le point de vue de deux personnes, l’un très vivant, l’autre plus guindé, classique d’une biographie conventionnelle. Ce qui préserve d’un écrit plat et sans relief. C’est un procédé astucieux qui m’a emballée.

    Et le personnage d’Angèle Cartier ! Quel bonheur ! Voilà une dame que j’aurais aimé connaître. A-t-elle réellement existé ? Ou est-elle sortie toute fraîche du talent de Claude ?

    Par conséquent, livre à recommander à ceux qui veulent passer un bon moment de lecture. Yvonne O.

    ***  

    La lecture du livre Angèle CARTIER de Claude Bachelier par la véracité de ses évocations de la vie du monde agricole au début du XXe siècle fait revivre, tant par les situations que les expressions, le passé connu ou raconté par nos parents, passé souvent difficile et laborieux.

    La présentation en parallèle de l’interview madame Cartier et du récit de sa vie fait qu’à la fin de la lecture, Angèle Cartier nous semble si proche, au point de croire, qu’elle a fait partie de notre voisinage, voire de notre famille.

    Nous avons lu avec intérêt et passion ce livre. Éliane et Marcel L.

        ***  

    Quand vous commencerez « Angèle Cartier » vous ne pourrez plus le lâcher.

    Angèle au crépuscule de sa vie, retrace son existence à François écrivain public.

    Elle nous fait vivre de l’intérieur la vie paysanne du début du siècle dernier avec ses us et coutumes, ses forces et ses faiblesses et surtout avec beaucoup de dignité les conséquences des deux guerres sur la vie des humbles. Elle est sans complaisance avec les « combattants de la dernière heure » et exprime avec beaucoup de lucidité l’hypocrisie humaine.

    Adorable Angèle… elle fait partie de ces personnages ou plutôt de ces personnes que nous aimons et qui ne nous quittent pas.

    Merci Claude pour ce magnifique livre plein d’émotions. Paulette G.

        ***  

    C’est à mon tour de dire combien j’ai aimé ce livre touchant, simple, que l’on sent, inexplicablement, « proche » des réalités de la vie, d’une vie comme tant d’autres – comme trop d’autres : ballottée entre les guerres, frappée par les morts violentes et pourtant toujours debout, Angèle reste digne et battante jusqu’à ses derniers jours… peut-être attendait-elle sans le savoir celui qui devint son (si talentueux) biographe ?

    J’ai apprécié la chronologie bouleversée et dans laquelle, pourtant, on ne se perd jamais, et comme d’autres je n’ai pas pu lâcher ce livre une fois commencé.

    Bravo à l’auteur pour sa sensibilité, et bravo à Angèle, si elle nous écoute, d’avoir su aimer, avec une belle philosophe, une vie qui ne l’a pas ménagée. Emmanuelle CT

    ***  

    Dauphiné Libéré du 11 juillet 2014  

    C’est en présence de son éditeur Zonaires éditions et de la libraire Sylvie Cuzin que Claude Bachelier a dédicacé dernièrement son ouvrage « Angèle Cartier ».

    Un personnage tout droit sorti de l’imagination de l’auteur et qui, au fil des pages, devient tellement présent que le lecteur peut avoir l’impression de l’avoir déjà rencontré.

    Passionné d’histoire Claude Bachelier voulait que l’histoire se déroule sur le long terme et englobe des périodes troublées. Il a donc choisi d’intégrer dans ce roman des évènements qui ont marqué le vingtième siècle.

    « Je me suis pris d’amitié pour ce personnage que j’ai créé au fur et à mesure que le roman avançait ». Un peu comme cet autre personnage François Rettaz, à qui il laisse le soin de raconter cette histoire et qui, jour après jour, découvre chez Angèle une femme exceptionnelle.

    « Mes personnages, dit-il encore, ne sont pas des héros. Ce sont des gens de tous les jours avec leurs bonheurs, leurs chagrins. Des gens confrontés au quotidien, avec ce qu’il a d’exceptionnel parfois, de banal souvent et de difficile trop souvent ».

    L’auteur rappelle que les personnages historiques qui sont ses références sont tous des gens qui n’ont jamais baissé les bras. Angèle Cartier est de ceux-là.


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    La montagne, ça refroidit

    Sarah-Lou Mc Neal

     

    Pourquoi Diable, tout le monde s'offusque de la réapparition de Patrice Hyvert ? C'est vrai, il est parti sans faire de bruit un matin d'été, et il n'est jamais revenu. La police est venue interroger la famille, les voisins sans trouver d'explication, ni de pistes à explorer. C'est un solitaire le Patrice ! Toujours à crapahuter dans la montagne. Pas du genre à beaucoup causer, sauf avec Marie, qui à force de ténacité a réussi à gagner une petite place dans sa vie, et s'est mis en tête de l'épouser. C'est sûr, c'est un beau parti et la vie en montagne est rude. Elle a pensé à tout pour qu'ils ne manquent de rien. Elle le presse. Il hésite. Elle sait s'y prendre la cajoleuse ! Ils se sont mariés la veille de son départ en expédition. Elle a préparé elle-même son matériel. Et puis, plus rien, pendant des mois, des années même. Oublié le Patrice, envolée la Marie... Lui, qui n'était pas pressé de s'engager, il ne s'est pas pressé pour revenir. Voilà qu'aujourd'hui, 32 ans après, le glacier se décide à nous le rendre : il n'a pas pris une ride.

    Hibernatus n'a qu'à bien se tenir !

     

    Brève, 9 juillet 2014

    Le corps d’un alpiniste retrouvé 32 ans après sa disparition dans le massif du Mont-Blanc


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    Bon appétit !

    Danielle Akakpo

     

     

    Ma foi, je ne l'ai pas mal réussi mon veau au paprika, considérant que la viande n'était pas du veau. Mais tout est dans l'accompagnement, l'assaisonnement, n’est-ce pas ? Ne pas oublier l'oignon, le jus de citron, de belles tomates bien juteuses, forcer sur le paprika évidemment, voire rajouter une pincée de gingembre et résultat est là : tendre à souhait, du veau à s'y tromper. D'ailleurs, ça a toujours été mon dada de jouer avec les recettes de cuisine, d'y apporter ma touche personnelle. Mon pot au feu à la viande de porc par exemple, mes pigeons aux petits pois– de simples coquelets, allez en trouver des pigeons par les temps qui courent – ma pintade au pot –moins coriace que la poule–, et le must, mon poulet fermier à l'orange – il suffit d'être généreux avec les oranges et battu, le sacro-saint canard ! Elles t'amusaient, mon vieux,  mes fantaisies culinaires. Dommage que tu ne puisses pas y goûter, à mon veau au paprika, tu te serais régalé.

    Hier aussi, d'ailleurs, je suis sûre que tu aurais adoré que l'on partage cet énorme steak épais de trois centimètres, que je me suis fait griller, saupoudré de poivre du moulin, et que j'ai accompagné de pommes frites. Avec deux verres de  bourgogne, ce fut un délice. C'est vache que tu n'aies pas été là ! Et le soir, parce qu'en dépit de mes efforts je n'ai pas pu le finir à midi ce méga steak de peur de me faire péter les sous-ventrières –  c’est toi qui employais toujours cette expression– !une fois passé au gril et repoivré, je lui ai trouvé comme un parfum de viande de cheval, de la vraie. Parce que la bête ne venait pas de Roumanie, ça je peux le certifier. Mais tu n'étais pas là...

    Non mais, je ne vais pas me mettre à pleurnicher maintenant. Surmonter l'épreuve avec courage. Ne pas me laisser abattre, c'est ce que j'ai décidé.

    C'est décidé aussi, demain je me mijote un gigot boulanger. Quoique... il va vraiment être énorme... Tant pis. Il me fera la semaine. Réchauffé, c'est encore meilleur, comme disait ma grand-mère et si je m'en lasse, ce qui m'étonnerait, pourquoi ne pas passer les restes à la moulinette et me confectionner de succulentes tomates farcies, ou un hachis Parmentier, hein ?  

    J'aime la viande. Ça vous tient au corps, c'est infiniment plus goûteux que le poisson. Quant aux légumes, c'est de la décoration, ni plus ni moins. Nos deux voisins végétaliens, il faut voir la gueule qu'ils se traînent : épais comme des salsifis, le teint blême, et pour ce qui est de l'entrain et de la bonne humeur... des bonnets de nuit !

    Avec les réserves que j'ai dans mon congélateur, j'ai de quoi me mitonner de bons petits plats pour  l'hiver. Une sacrée aubaine, cette pièce de viande. Pour sûr, je m'en suis vue pour la débiter en morceaux, ça m'a bien pris une journée entière. Mais ça y est, tout est emballé, rangé, étiqueté. J'ai même réussi à récupérer du sang pour les civets. Ah ! Les bons civets, la sauce épaisse fleurant bon la marinade dans laquelle on trempe le pain frais... Le boudin, non, je ne crois pas que j'aurais eu la patience de me lancer dans cette entreprise délicate.

    Avec les économies que je vais faire, je pourrai m'offrir un petit voyage, pour me changer les idées.  Je le mérite bien.

    Ah ! Jules, je regrette un peu que tu ne sois plus là. On s'entendait  bien. Tu partageais mon goût pour la bonne chère. A quatre-vingts ans, t’avais encore de sacrées chagnotes et un bon coup de fourchette. Quel coup de folie t’a pris après ces quarante ans de bonne entente? Tu as voulu partir avec une jeunesse qui aurait pu être ta petite-fille, vieux dégoûtant ! Ma colère une fois passée, c'est le chagrin qui m'a envahie. Je n'en ai pas l'air, comme ça, mais je souffre. Et si je mange toujours avec appétit, c'est aussi pour oublier ma peine.

    Décidément, ce veau au paprika est un vrai bonheur. Tu as cessé de m'aimer, Jules, mais tu sais quoi, mon vieux, je t'aimais tellement, je t'aime encore tellement ... que je vais me resservir.

     

    Brève, 21 juin 2014

    Elle avait fait cuire son mari : une septuagénaire interpellée à Longwy pour le meurtre de son mari....


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  • Bêtes

     

    Vivre avec les bêtes

    Joël Hamm

     

    Dans ma vie, j’ai pas mal roulé ma bosse et croyez-moi j’ai entendu mon lot de connerie. C’est fou les avis qu’on vous donne et dont il ne faut jamais tenir compte. C’est même une question de survie. Tenez, par exemple, vous avez sans doute entendu dire que rouler en quatre/quatre est un crime contre l’environnement et que ça devrait être interdit, surtout en ville. Paraît que ça consomme beaucoup, que ça pollue et qu’un pare buffle à l’avant c’est dangereux pour les autres véhicules, les cyclistes et les piétons. Si vous avez déjà vu comment se comportent les gens à pied ou en vélo, vous savez certainement qu’ils ont leur part de responsabilité dans les accidents de la route, et pas qu’un peu ! De toute façon, au volant ou dans ses godasses, si vous allez bourré, c’est dangereux. Non ? Moi, je dis qu’un pare buffle c’est super utile. Je vais vous donner un exemple qui m’a convaincu de me mettre au Tout Terrain type brousse africaine.

    Il y a cinq ou six ans, je squattais à Berlin et je marchais encore à pied, vu mes faibles moyens. Faut dire qu’à cette époque j’aurais pu me payer une Rolls avec ce que je me mettais dans le pif. Faut bien vivre sa jeunesse ! Peu importe, ce que j’ai vu cette nuit-là, je l’ai vu, de mes yeux vu. Vous ne le savez peut-être pas mais, à Berlin, on peut rencontrer des troupeaux de sangliers en pleine ville dans certains quartiers. La nuit, ils viennent bousculer les poubelles pour se nourrir. Voilà où mènent les élucubrations de nos amis écologistes qui militent pour maintenir à tout prix un poumon vert - comme ils disent - autour des villes. Revenons à nos cochons. Je marchais tranquillement sur une grande avenue, il était à peu près trois heures du mat, la circulation était plus que fluide. Soudain, je les ai vu traverser. Une laie et ses petits, à la queue leu leu. Au même moment, deux voitures ont déboulé sous les sunlights. Un coupé Mercedes et une Passat. Ça n’a pas fait un pli, la Mercedes a percuté la truie qui a valdingué par-dessus son capot pendant que le coupé terminait sa course dans un arbre. Dans le même temps, le corps de la laie fracassait le pare-brise de la Passat et tuait net ses deux passagers avant. Bilan : quatre morts. Etant le seul témoin visuel de l’accident, les flics m’ont gardé une partie de la nuit.

    Cette aventure m’a convaincu. En dealant un peu plus que de coutume, je me suis refait une santé économique et j’ai pu m’offrir un bon vieux Range Rover d’occase. Equipé d’un pare buffle, of course ! J’ai vachement bien fait sinon je ne sais pas ce que j’aurais pu faire l’autre soir sur les quais qui longent le Jardin des plantes. Quand j’ai vu leurs yeux briller dans mes phares, mon sang n’a fait qu’un tour. Incroyable ! Quatre jeunes panthères noires déambulaient sur le trottoir comme si de rien n’était. Elles se sont arrêtées en grognant quand elles ont aperçu deux amoureux qui s’embrassaient sur le quai d’en face. J’ai foncé. Les quatre bêtes n’ont pas fait un pli. En bouillie contre mon pare buffle.

    Les tourtereaux que j’ai sauvés d’une mort certaine n’en croyaient pas leurs yeux. Ils regardaient les cadavres des animaux en hurlant. Même de moi, ils ont eu peur quand je suis descendu de ma Range pour les rassurer !

    N’empêche, sans ma détermination, leur petite histoire d’amour ils la vivraient dans l’estomac des fauves, à l’heure qu’il est.

     

    Brève, 02 juillet 21014 :

    Drogué, il tente d’écraser quatre jeunes avec sa voiture.


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    Sur les dents

    Emmanuelle Cart-Tanneur

     

    Ils me font peur. Qu'est-ce que je fous là ?

    Trois heures déjà qu'ils m'ont amené ici et assis sur cette chaise, trois heures qu'ils m'interrogent pour savoir quel tête il avait.

    Le type.

    Celui qui m'a kidnappé.

    Je le leur ai dit : je l'ai entendu arriver derrière moi, il a freiné, il est descendu de voiture et puis m'a forcé à monter dans sa voiture.

    Mais je l'ai pas bien vu, moi !

    Comment je pourrais me rappeler quelle tête il avait ?

    Les cheveux courts, ça oui, c'est sûr. Enfin presque.

    Les yeux marron, euh je crois – ou bien bleus ?

    D'abord j'étais derrière, moi, j'ai vu que son dos ou presque.

    Vont quand même pas me faire faire un portrait-robot de son dos !

    Des lunettes ? Euh, non. Ah si, oui, oui, il en avait. Oui, je suis sûr.

    Enfin, je crois.

    Non, il ne m'a pas parlé.

    Ah, ben si, oui, forcément, pour me faire monter.

    Mais après, plus.

    Ah, ben si, oui, c'est vrai, pour me laisser descendre.

    Grand, oui, très grand.

    Ou pas très. Je sais plus. Il était assis, vous savez...

    Quelle heure il était ? Ben, euh, quatre heures. Ou cinq. L'aprèm, quoi. Non, j'ai plus ma montre, j'l'ai perdue. Oui, c'est ça, il me l'a arrachée. Euh, non, j'ai pas de marques parce que le bracelet était très mou.

    Le chemin qu'il a pris en partant ? Euh... Par là-bas ! Non, là-bas ! Je sais plus...

     

    Ça y est, je crois qu'ils en ont fini. Ils se préparent à partir à sa recherche. Ils sont sur les dents. Décident des équipes, détachent les chiens et tout... Le portrait-robot sort d'une imprimante. Quel visage ! N'importe quoi, vraiment...

    Remarque, tu me diras, c'est normal, vu que j'ai dit n'importe quoi.

    Si j'avais su que ça ferait un tel foin tout ça, sûr que j'aurais inventé une autre excuse pour ne pas aller chez le dentiste...

     

     

    Brève, 20 juin 2014

    Pour ne pas aller à son rendez-vous chez le dentiste, un jeune garçon prétend avoir été victime d'un enlèvement.


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    Tour et retour

    Elisabeth Le Tutour

     

    Colette s'installe devant l'écran, munie de son tricot. Elle a bien étudié sur le journal l'itinéraire de l'étape, elle décroche le téléphone et ferme la porte, pour qu'on la croie absente. Elle ne veut pas être dérangée.

    La course est déjà commencée, les coureurs roulent groupés. Elle ne les regarde pas : voir monter et descendre ces genoux, tous à la fois, ça ne l'intéresse pas. Elle en rirait plutôt même, si elle les remarquait. C'est le paysage qui l'intéresse, qui la fascine : « Tiens, se dit-elle, le vieux chêne tordu est toujours debout !et la maisonnette de la mère Olga a été drôlement retapée. Oh ! l'école a dû être rebâtie ailleurs, celle-ci doit être habitée par une famille. Et l'épicerie est fermée, les enfants ne peuvent plus acheter de bonbons. » Elle se rapproche de l'écran, le grand moment arrive : c’est elle, je la reconnais : les roses-pompon sont en fleurs ! La caméra poursuit son chemin, la vieille femme ne regarde plus : elle revoit les murs, mi-briques mi-torchis, l'immense toit d'ardoises, la petite lucarne qui éclairait sa mansarde, son « pigeonnier ». « J'ai revu tout ça encore une fois », se dit-elle. Elle éteint la télé. Qui a gagné l'étape ? Elle s'en tape.

     

    Brève, 8 juillet 2014

    Tour de France dans le Nord : un retour très attendu


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