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    Une pétition citoyenne contre les menaces de spéculateurs :

    près de 20000 signatures pour sauver la librairie Arthaud à Grenoble. 

     

    Monsieur le Président de la République,

    Madame la Ministre de la Culture Monsieur le Maire, élus,

    Madame, Mademoiselle, Monsieur,

    Le 9 avril 2013, le groupe NAJAFI, fond d'investissement américain et propriétaire de 57 magasins ChaPitre représentant 1 200 salariés, a annoncé la fermeture définitive de 12 magasins dans toute la France !

    Dans cette liste se trouve la librairie Arthaud que ce groupe américain veut sacrifier sur l'autel du tout numérique. Après Virgin c'est maintenant toutes les libraires de France qui sont menacées. Arthaud c'est bien plus qu'une librairie papeterie, Arthaud fait partie du patrimoine de la ville de Grenoble et nous ne pouvons pas accepter cette fermeture de la part d'un groupe qui ne connait rien au monde du livre .

    Aujourd'hui, avec cette fermeture, 44 emplois sont menacés. Sauvons les emplois sauvons la culture
    NON A LA FERMETURE, OUI A LA CULTURE


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    Comment bien foirer en essayant de flinguer son patron
    Ysiad
     
     
    Nous tentons ce soir, alors qu’il est un peu tard pour pilonner des touches, de reprendre le fil de la série qui s’intitulait « foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux », en abordant aujourd’hui l’art et la manière de flinguer son patron sans en mettre partout sur les murs. Il s’agit ni plus ni moins de lui envoyer un pruneau dans la caboche en évitant de maculer la paroi de particules de cartilage et de lambeaux de chair sanguinolents, ces trucs répugnants qui demandent ensuite de dépenser bêtement de l’énergie à frotter le mur avec des détergents pour tenter d’effacer ce qui n’est en somme qu’une simple petite anicroche au code d’éthique de l’entreprise. Lequel stipule, dans son article premier, que tout employé est censé supporter son supérieur hiérarchique, même quand celui-ci est un énarque septuagénaire et surpayé du nom de Jean Aimard Dumarasme, qui passe son temps à lire Le Monde les pieds sur la table, parce qu’il le vaut bien, alors que vous, non, voyons : vous n’êtes qu’un pauvre ectoplasme mou tout juste bon à attraper des gastro-entérites. C’est quoi, ce boulot, hurle Jean Aimard en ouvrant une parenthèse, on doit pas être absent, on doit bosser, on doit pas attraper de gastro-entérite, on doit pas, sous aucun prétexte, on doit répondre aux demandes des supérieurs, on doit. Et vous, l’ectoplasme mou, de répondre : oui chef, bien chef, à vos ordres chef, je pouvais pas prévoir que je tomberais malade, ah si j’avais susse, jamais j’aurais eu la chiasse, encore eût-il fallusse que je le sachiasse.
     
    A ce stade, tout le monde comprendra qu’il est vital de trouver des palliatifs, faute de quoi c’est la balle dans la tête, et encore, vous risqueriez de vous louper et de vous la mettre dans le pied.
    Cette parenthèse refermée, continuons notre bonhomme de chemin et allons nous poster derrière la paroi vitrée, à côté de l’ectoplasme mou avachi sur sa chaise, qui cache en fait un redoutable tireur d’élite.
    Ou une tireuse d’élite. Tout aussi redoutable
     
       
     
    Pour passer d’ectoplasme mou à redoutable tireuse d’élite, il faut réunir deux conditions, dont la première doit être l’ennui, et la deuxième, l’exaspération. Simple en apparence, cependant attention : pas n’importe quel ennui et pas n’importe quelle exaspération. L’ennui que l’on éprouve le dimanche en contemplant le ciel ennuagé ne suffit pas. C’est de l’ennui banal, superficiel, vaguement romantique, de l’ennui de salon entraînant des bouffées de nostalgie, des états d’âme de poète, de la p’tite bière, quoi. Pour être une bonne tireuse d’élite, il faut un vache de gros ennui bien lourd qui plombe sur la chaise et vous fait éprouver un spleen terrible. Quant à l’exaspération, elle doit être proportionnelle à cet ennui-là, d’autant que Jean Aimard Dumarasme vient de vous balancer un message avec un point d’exclamation rouge devant, lisons vite : « Je vous prie de bien vouloir me préparer de toute urgence un projet de refus dans un anglais correct à la délégation d’asiatiques qui veut visiter nos locaux. Ce sont de dangereux espions industriels. » est-il écrit.
     
    Ben voilà. C’est parti dans un anglais correct. Plus que cinquante trimestres à tirer, youplaboum.
    Dear Mister Ping,
    Nous avons le regret de vous faire savoir que notre meeting room a malencontreusement  brûlé dans un big fire three days ago, this is why this is pas possible for us to welcome your delegation… et vous balancez le tout à Dumarasme avec les mots de « big fire » en caractères gras.
    Dzoing !
    Avec ça, vous êtes tranquille. C’est de l’excuse en béton armé.
    Vous attendez. Pas longtemps. Dzoing ! Un énarque, ça répond toujours au quart de tour.
    Prétexte absurde. Faites-leur savoir que la Direction a pris la décision de ne plus recevoir de délégation.
    Et voilà ! En plein dans le citron ! C’est foiré !
    L’exaspération monte. Ce type fait très salement braire. Il ne connaît rien à l’insistance des Asiatiques. A moins d’une bombe posée dans la pagode, ces gens-là reviennent à la charge. Au moins le feu aurait-il eu cet avantage de les tenir à distance pour un temps. 
    Et c’est reparti, dans la joie et la bonne humeur.
    Et toujours dans un anglais correc’.
    We duly received your mail… Unfortunately this is pas possible de…
    Au bout de douze versions mettant en jeu de cruciaux déplacements de virgule, Dumarasme débarque avec un nouveau message donnant des directives sur la présentation des notes de frais à diffuser à tous les comptables du monde entier.
    Et n’oubliez pas Monsieur Baloche comme la dernière fois !
    Gardez votre calme. Il tourne les talons, s’éloigne. A peine a-t-il fait trois mètres que votre main se transforme en pistolet. Elle se lève et le suit, l’index et le majeur pointés dans l’axe de la tête. Vous vous êtes si souvent exercée derrière la paroi vitrée que c’est devenu un réflexe. Le voilà pile dans la ligne de mire. C’est à vous. Armez, visez : PAN ! Bravo ! En plein dans la caboche ! Ah, que ça fait du bien ! Que ça soulage ! Allez, encore une fois, faites-vous plaisir, que diable : PAN ! La tête a complètement éclaté ! PAN ! PAN ! Ouais ! On lui troue la peau ! On se gave !...
     
    … Mais si Dumarasme se retourne subitement et vous surprend en train de faire feu, puis d’agiter vos doigts en l’air en faisant mine de chasser une mouche, alors seulement, vous pourrez estimer que la redoutable tireuse d’élite a bien foiré son coup.
     

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    À lire les commentaires ici ou là, il semblerait que le concours de nouvelles de Calipso ait la réputation d’être difficile, relevé, risqué, éprouvant, réservé à quelques grosses pointures rodées à l’exercice.

    La belle affaire !

    Il y a quantités de choses que nous n’osons jamais essayer pour la simple raison que nous nous en remettons à des réponses toutes faites du genre « ça ne me convient pas ! », « à quoi bon ? », « ça craint ! », « c’est fichu d’avance ! »... C’est vrai, quand vient le moment de s’engager, en littérature comme en toutes choses, nous sommes tous plus ou moins sujets à des variations de l’humeur qui nous font élucubrer à tout va. Ce n’est pas forcément rédhibitoire et cela peut même être profitable si l’on parvient à ne pas se laisser enfermer dans un clivage bon-mauvais, fort-faible, savant-ignorant...

    Ecrire, répétons-le, est ce qui convoque la mémoire et met en mouvement l’imaginaire, ce qui en partant de l’intime nous porte ailleurs. Tout est ouvert en quelque sorte, et chacun peut employer ici un peu de son énergie imaginatrice à réaliser quelque chose, une œuvre qui témoigne du désir d’être au monde y compris dans ce qu’il a d’imparfait.

    Maintenant, histoire d’encourager celles et ceux qui seraient sur le point de faire le pas, voici la liste des auteurs primés, publiés, avec ou sans Palmes Académiques... au cours des onze précédentes éditions. Chacun y reconnaîtra qui bon lui semblera... 

     

     

    Danielle Akakpo, Loire

    Philippe Arnaud, Loire-Atlantique

    Clotilde Aubrier- Isère

    Morgane Battioni, Paris

    Cédric Beal, Suisse

    Michele Benoit, Hérault
    Christian Bergzoll, Puy-de-Dôme

    Anna-Maria Bigot, Nord

    Sophie Boichat Lora, Paris

    Désirée Boillot (5), Paris

    Françoise Bouchet, Mayenne

    Michelle Brun, Isère

    Benoit Camus (3), Doubs

    Emmanuelle Cart-Tanneur, Rhône

    Dominique Chappey, Isère

    Isabelle Clement, Nord

    Monique Coudert, Yvelines

    Sandra Cochais, Paris

    Rachel Corenblit, Haute-Garonne

    Claudine Créac'h, Yonne

    Marie Catherine Daniel, île de La Réunion

    Emmanuelle Della Monica, Isère

    Patrick Denys, Yvelines

    Lucie Desaubliaux, Charente 

    Jacqueline Dewerdt-Ogil (2), Pas de Calais    

    Sylvie Dubin (2), Maine et Loire

    Gabrielle Durana - USA

    Magali Duru, Haute-Garonne

    Claire De Viron, Belgique

    Alain Emery (2), Côtes d'Armor

    Christophe Esmault, Eure et Loire

    Sophie Etienbled, Seine Maritime

    Carole Exbrayat, Isère

    André Fanet, Côte d'Or

    Martine Férachou, Haute Vienne

    Jacques Fenimore, Loire-Atlantique

    Jean-Michel Faure, Hérault
    Bernard Gallois, Paris

    Jérôme Gariel, Essonne

    Marc Giofredi, Isère

    Nicole Graziana, Isère

    Aline Gross-Batiot, Ille -et-Vilaine
    Jean Gualbert (2), Belgique

    Isabelle Guilloteau (2), Côte d'Armor

    Dominique Guérin, Indre-et-Loire
    Françoise Guérin, Rhône

    Joël Hamm, Saône-et-Loire 

    Jacques Hennebert (2), Isère

    Emmanuelle Hersant, Loir-et-Cher
    Sylvette Heurtel (3), Ile et Vilaine

    Sandra C. Ilas, Nord

    Christian Jacques, Hauts de Seine

    Bernard Jacquot, Haute-Garonne

    Laura Kuster, Vosges
    Françoise Lacour, Vaucluse

    Patrick Larriveau, Landes

    Patrick Ledent, Belgique
    Dominique Le Gall (2), Hauts-de-Seine

    Yvonne Le Meur-Rollet (2), Côtes d'Armor

    Laurence Marconi, Seine-et-Marne

    Claire Marlhens, Espagne

    Carole Menahem-Lilin, Herault

    Maude Mihami, Allemagne

    Dominique Mitton, Moselle

    Bernard Mollet, Alpes-Maritimes

    Annie Mullenbach-Nigay Val d’oise
    Michel Naudin, Oise

    Juliette Nicollet, Isère

    Romain Nilly, Seine-Maritime
    Sylvain Onckelet, Ille -et-Vilaine

    Elisabeth Pacchiano, Isère 

    Jean-Marie Palach, Val-de-Marne 

    Eva Pollefort, Belgique

    Isabelle Poyau, Québec

    Cécile Prili, Isère

    Caroline Privault, Isère

    Anna Raapoto, Vendée

    Charlie Raynaud, Pyrénés-Atlantiques

    Emmanuel Renart, Seine Maritime

    Ludmila Safyane, Rhône

    Geneviève Steinling, Seine-saint-Denis

    Anne-Marie Teysseire, Rhône

    Claire Thiollent, Paris

    Danièle Tournié, Paris

    Pierrette Tournier, Isère

    Jean-Claude Touray (3), Loiret

    Marie-Noëlle Touzery, Vaucluse

    Georges Valladis, Marne

    Maryse Vannier, Hauts de Seine

    Jean-Paul Vialard, Lot et Garonne

    Guy Vieilfault, Seine et Marne

    Jean-François Vielle, Ille-et-Vilaine

    Marie-Chantal Visetti, Hauts-de-Seine

    Karine Zibaut, Paris


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    Un petit retour aux 100 premiers jours après la fin du monde avec cette chronique de Jean-Luc Lapoule qui nous arrive avec le printemps.

     

    La piscine et le voile intégral

    (les pours, les contres, tout le monde dans le même bain)

    Jean-Luc Lapoule



    Voilà.

    La France avait ce qu'elle méritait.

    Une population entièrement voilée qui circulait dans les rues grises des villes jusque dans les campagnes boueuses. Des nicabes gris pâles aux reflets mats erraient tout le jour, qui protégeaient le corps des femmes, qui protégeaient le corps des hommes. La fente au niveau des yeux n'existait plus. A la place, cet oeil unique scrutant le monde extérieur transmettait sa vision sur écran plat, qui guidait l'être à l'intérieur.

    Tout avait commencé avec ce problème de piscine.

    Une défaillance dans l'organisation, trop de remous, une tension insoutenable qui finit par envahir le débat public. Elles étaient devenues incontrôlables, tout bouillonnait et les premières explosions avaient fait basculer la population vers cet extrême et dérisoire recouvrement du corps pour seule protection du souffle démoniaque...

    Le voile avait suivi son temps.

    Il était maintenant plus confortable qu'avant, mais plus lourd aussi. Sa toile renforcée de plomb tombait toujours aussi hideusement sur l'humaine silhouette qui marchait. Dessous, il nous restait la liberté d'une intimité maladive, qui s'exprimait par des tenues extravagantes et sophistiquées (la plupart du temps sous forme de lingerie mixte, que je ne peux décrire ici, par pudeur).

    La piscine était devenue un mot tabou.

    Elle n'était pas bien sûr à l'origine de la catastrophe. Elle n'était que le chainon défaillant de tout un système mort-né, mais dont l'accouchement avait duré plus d'un siècle. Et nous, pauvres enfants impuissants, ne pouvions que nous protéger de notre irresponsable Mère-Patrie. Aucune fugue n'était possible : les drones nous attendaient dans la fosse frontalière et nous tiraient comme des lapins.

    Des slogans rythmaient nos vies.

    "La myxomatose ne passera pas" pouvait-on lire dans le ciel quand passait un drone publicitaire de l'union pan-européenne.

    "Porte le nicabe, soit pas macab" était placardé sur toutes les façades des bâtiments publics.

    "Dieu nous sauverâ du fléau" était peint devant les temples, les églises, les synagogues, les mosquées et les gymnases à prière.

    "5e République, 6e République, 7e République... Nique les R !" était taggué sur les vaches et les tracteurs qui se désossaient tous deux dans les prés gras et verts.

    "Ne sortez que pour les soldes" pour seule affiche commerciale en 4 par 3.

    Quand arrivait le soir, les nicabes prenaient leur douche, avec nos bottes.

    A peine extirpé du voile une fois rentré, presque nus et tout blafards, nous nous précipitions sur le tableau de bord pour augmenter au maximum notre chauffage, nos éclairages, nos écrans, nos enceintes, nos fours, nos frigos, nos accessoires, nos recharges de téléphone, nos fermetures automatiques des portes et volets, nos alarmes, nos relais d'oxygène, nos extractions phréatiques, nos brosses à dent électriques... Mais La coupure retenait le précieux jus au bout de quelques minutes tel un garrot trop serré. Pas de veine, la pompe centrale ne marchait plus. Nous restions encore en manque d'énergie. La cure allait être longue, longue, longue et douloureuse.

     


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    Serait-ce la faute à l’hiver qui n’en finit pas, au changement qui n’arrive pas, au thème qui n’inspire pas ? Toujours est-il qu’après deux mois d’annonces tous azimuts, la douzième édition du concours de nouvelles Calipso ne décolle pas. Une poignée de textes reçu et contrairement aux années précédentes, point de questions sur le concours lui-même. Il nous faut donc tenter de relancer l’affaire mais avec quels arguments ? Comme la lecture, l’écriture est ce qui convoque la mémoire et met en mouvement l’imaginaire, ce qui en partant de l’intime, nous porte ailleurs. L’expression « de paille et de feu » peut-elle réveiller des désirs enfouis, faire émerger un flux d’images et de mots, donner à entendre une voix qui se fait personnage, qui devient histoire ? L’expérience des éditions passées nous porte à le supposer mais peut-être nous faudra-t-il au bout du conte, tourner la page ? Une chose est sûre : l’avenir du concours vous appartient.

     

    Pour l’heure, et compte tenu de la date plus tardive que prévue de « Nouvelles en fête 2013 » à savoir le 26 octobre 2013, nous sommes amenés à reporter la date de réception des textes du 15 juin 2013 au 30 juin 2013. Quant au jury, il se réunira début septembre, trois jours durant, dans une maison provençale au milieu des vignes de Bandol.

    Nous vous souhaitons une belle saison d’écritures...       


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    « Au cœur de l’homme, solitude. », écrivait Saint-John Perse dans Amers. Comme le coeur, capable de battre pour le pire et le meilleur, de s’enflammer, de s’abandonner ou de s’endurcir, la solitude peut être bonne ou mauvaise, capable d’affirmer à la fois le mal et son remède. C’est un exil intérieur rempli des bruits du monde. Elle revêt une multitude de visages et il existe mille manières de la subir, de la contempler ou de la rechercher.

    Dans son recueil de nouvelles, Emmanuelle Cart-Tanneur ne cherche pas à en faire le tour ni à en décrypter les rouages. Ses personnages sont seuls au milieu des autres, affreusement seuls, tantôt démunis, égarés, aveuglés, tantôt saisis par l’impérieuse nécessité de sortir de l’ombre, de conjurer l’absence, de briser l’effroyable résonance du silence. Les sentiers de la rencontre sont si âpres, si escarpés que certains en arrivent à entrer par effraction dans l’intimité de l’autre. Le résultat n’est hélas que la possession d’une perte, une jouissance solitaire des fruits du larcin. « L’écouteur » ce personnage sans nom, tout comme Adrien dans « Voleur », font l’éblouissante expérience de cette accumulation de liens braqués et voués à rester éphémères. On le sait, l’autre est autant porteur de folles promesses que de noires désillusions et le risque, à le côtoyer de trop près, est d’avoir à supporter un terrible sentiment de frustration et de déception. Nouvelle après nouvelle Emmanuelle Cart-Tanneur entreprend de nous conter la grande affaire du manque et de l’incomplétude. Ses naufragés de l’amour ont mal et nous font mal. Ils sont sur le fil, mais telle Ariane, l’auteure leur tricote des rêves et telle Pénélope elle reprend sans cesse l’ouvrage pour tisser mot après mot le récit de la vie.

     

    Et dans ses veines coulait la sève, d’Emmanuelle Cart-Tanneur aux éditions Terre d'auteurs, 12€         www.terredauteurs.fr 

     


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  • radeau Victoire2   

     

    Le barman de Calipso a le plaisir de vous annoncer la sortie du premier roman publié par Zonaires éditions : Le radeau de Victoire de Marie-Thérèse Jacquet

     

     

    Elle « rame », cette enfant, dans le monde tel qu’il se révèle à ses yeux naïfs et implacables.

    Petit Quinquin, née dans un vieux quartier lillois, rame parce que c’est la Seconde Guerre mondiale.

    Elle rame parce que dans la boulangerie familiale, ses parents, leurs proches se livrent à des guerres où tous les coups sont permis.

    Elle rame dans la débâcle vers le sud, l’exode vers l’est. Sa mère, gagnée par les terreurs de l’époque, fuit au volant de sa voiture. Son père alsacien reste dans sa boulangerie, se livrant à des commerces louches.

    Quand l’enfant perd sa boussole, elle retrouve calme, ten-dresse et protection auprès d’une vieille dame sur sa terrasse aux géraniums, chez des oncles et tantes dans la famille de substitution de son petit frère.

    Elle apprend à protéger sa frêle périssoire en dépit des nau-frages menaçants. Son héros c’est Tarzan, protecteur des ani-maux de la Jungle, figure paternelle sans peur et sans reproche.

     

    En 2010, l’auteure a publié aux éditions Alzieu un recueil de nouvelles  « Allumez le four » très apprécié par Françoise Xénakis 

    « J’ai lu vos nouvelles et je les trouve excellentes, drôles, couillues, vraies. Continuez, allez-y !

    Décidément, vous êtes bourrée de talents. Vous savez quoi ? Nos écritures se ressemblent. C’est pour cela que vous aimez ce que je fais et que j’aime ce que vous faites ; nous utilisons le même terreau. »

     

    Le radeau de victoire de Marie-Thérèse Jacquet chez Zonaires éditions, http://www.zonaires.com

    218 pages, 17€ (+2€ de participation aux frais de port)    

     


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    Un monde : cent fins

    Jordy Grosborne

     

     

    Un long silence parcourut l'assemblée alors que des bourrasques de vent s'immisçaient jusque sous la porte, faisant frémir le lourd rideau de velours rouge protégeant l'entrée. Je levai la tête, imperceptiblement, comme si chaque mouvement risquait de me faire exclure de cet endroit. La discrétion était plutôt dans mes habitudes, je n'avais dès lors pas à forcer ma nature. Surtout, j'étais trop heureux de me trouver enfin ici, lieu quasi mystique tant visité par l'esprit et jamais encore foulé du pied, voire des deux. Tout amateur ou joueur de jazz rêverait de se retrouver au New Morning, au Duc des Lombards ou au Blue Note. De la même façon, tout nouvelliste aspire à passer un moment là ou la critique littéraire, la libre pensée artistique, l’image et les mots se retrouvent : Le café Calipso.

    Un nouveau satellite passait au-dessus de nos têtes depuis 2006. Sa mission : Étudier l'atmosphère en captant la lumière et en observant les nuages. Savoir vers quoi va le climat, la vie quoi. Son nom : Calipso. Ce ne peut-être un hasard. Ici aussi on essaie de capter les variations de lumière du monde par les mots, on la transfigure par les idées et on la transmet vers les autres par l'écrit, pour se faire entendre, telle une silhouette de Munch, se tenant l'âme à deux mains, pour réfléchir, ou se rendre sourd aux maux qui nous entourent. Ici aussi, on se demande où va le monde, où va la vie. Et justement, ce qui nous réunissait ce soir, c'était la fin du monde.

    Comme dans la chanson de Patrick, on s’était dit rendez-vous dans 100 jours, histoire de faire un état des lieux après la fin du monde. Comme dans tous les bars, on voyait tout de suite les habitués, content de se retrouver, qui se donnaient des nouvelles de leurs nouvelles, qui parlaient de la chronicité de leurs chroniques et qui critiquaient leurs critiques. «L’important dans les concours, c’est qu’on court après l'épris», avais-je lancé à la cantonade pour me donner du courage et me faire une place au forceps de l’humour. J’ai bien senti que ma remarque tombait à plat. Patrick avait le dos tourné et remettait en place quelques photos au-dessus du zinc et le lourd silence gêné qui ponctua ma remarque me fit reprendre précipitamment ma place au fond sur le tabouret gainé de cuir, petitement recroquevillé sur mon outrecuidance. Un petit remue-ménage, pourtant, attira mon attention. C’était Castor T. qui, dans un coin, n'arrêtait pas de tâtonner par terre en pestant : "Bon dieu, où il est passé ? Je l'avais encore y a pas cinq minutes ? Ça, c'est sûr, ça va être moins pratique après " On mit du temps à comprendre qu'en éclatant de rire, il avait perdu un zygomatique qu’il cherchait désespérément sous la table. Ses onomatopées tranchaient le calme au scalpel et quelques sourires s'affichèrent de-ci de-là.

    « Fait pas attention, lança Patrick sans que je le voie arriver, y a des bourrus, y a des lunaires, y a des militants, y a des solitaires, y a des belles et y a des bêtes, y a des désespérés, y a pas mal de bizarres, y a beaucoup d'humanistes, mais y a surtout un paquet de sympas ! »

    Il avait dit ça sans se retourner et je me demandais même si la voix venait de lui ou du bar tout entier tant il faisait corps avec son antre. Il semblait évoluer comme dans son appartement et je me demandais même s’il n’avait pas aménagé un studio/kitchenette/salle de bains dans la partie basse du vieux meuble-bar en acajou qui lovait toute une partie de la pièce. Des dizaines de liquides alcoolisés répondaient aux jus de fruit, joyeusement ordonnés comme arbres, bosquets et graminées, faisaient miroiter leurs éclats au travers de bouteilles aux formes multiples. Quelques spiritueux ne manquaient pas de faire l'esprit du haut de leur étagère. On se serait cru dans un jardin cultivé à la Voltaire, mais nul Candide n'habitait ici.

    Sur un bout de canapé dans un coin de la salle, Ysiad était en pleine discussion métaphysique avec son chat, vautré on ne peut plus confortablement sur le dos sur une peau de mouton et pour qui, "Non, décidément non, la fin du monde n'a pas à concerner les vieux matous de mon espèce". Il avait ponctué sa totale désapprobation par un miaulement rauque en soufflant quelques volutes bleutées d'un cigare d'une contrebandière siamoise en lissant ses moustaches de la pointe de la griffe.

    Les conversations allaient bon train de groupe en groupe et les lettres coulaient à flots sur des phrases au long cours. Décidé à avoir mon mot à dire, je m'approchai d'un groupe où Benoit C. essayait d'extorquer quelques signatures pour faire grossir sa pétition en vue de "l'inscription des Duchemin sur la liste des espèces protégées". Bien campé sur ma ponctuation, les mains sur les hanches et le verbe haut je dis à qui voulait l'entendre, et même aux autres, "Moi, j'écris sans thème, mais que des nouvelles noires et juste à la Toussaint". C'est que Bibi y voulait pas jouer les seconds drôles pendant toute la soirée ! Quelques conversations suspendirent leur vol et on entendait le cuir des Chesterfields craquer sous les séants interloqués. Au début, j'ai cru que c'était la fin, puis Patrick est apparu en demandant si quelqu'un reprenait quelque chose. Un Vieufou demanda quelques vers d'acide carbonique avec des glaçons à neutrons radioactifs, Ryko sollicita juste un quatrain de vers de Prévert. "Et toi ?" me demanda Patrick. "Une petite bière est de mise" je dis faussement nonchalant, pas peu fier d'avoir ainsi été adoubé par le seigneur des lieux.

    J'allais trinquer à la fin du monde quand Dominique G. rappela avoir été la première à l'évoquer jusqu'à en préciser l'heure ce à quoi Patrick L. rétorqua qu'on ne joue pas avec le ciel et sur ces mots obscurs se servit un "verre d'eau grand comme un déluge".

    Claude B., qui menaçait d'en appeler au Conseil Supérieur de la Littérature fut interpellé par Claude R. qui estimait que la discorde était plutôt du ressort du Comité d'Intervention Originel. Heureusement, la sono choisit cette poussée de formalisme kafkaïenne pour lâcher un énorme larsen avant que Dominique C. mette tout le monde d'accord en hurlant sur la scène nimbée d'une lumière sépulcrale "Quand est-ce qu'on mord", ce qui réveilla un court instant Corinne J. qui avait manifestement choisi la gueule de bois à la fin du monde.

    À la fin de la chanson, on tambourina à la porte. C'est Jacqueline D. qui alla voir. On l'entendit juste dire " Ah non, monsieur, vous vous trompez, CEPALA" avant de rabattre le rideau. Il a dû perdre le nord ajouta-t-elle. "Ah ben justement, s'écria Emmanuel C.T. en levant les bras au ciel comme pour le prendre à témoin, j'ai là des montagnes de boussoles à prix sacrifiés dont j'aimerais bien qu'on me débarrasse avant que je ne perde la boule !". "Si t'arroses les vents, peut-être te porteront-ils sous d'autres cieux", lui dis-je malicieusement. Elle allait me répondre que j'étais trop débile quand elle fut interrompue par Danielle A. qui essaya de lui expliquer que ce n'était pas avec sa retraite de 650 € qu'elle allait malheureusement pouvoir s'offrir de quoi s'aimanter à un point cardinal.

    Moi, je me régalais de ces échanges impromptus à bâtons rompus. C’est vrai que le virtuel, c'est bien, mais pour descendre une bonne bière et se taper sur l’épaule, y a mieux. Et là le mieux, j'y étais. J'étais tout feu, tout paille pour ce baptême et j'en oubliais presque que le sujet était grave. Franck G. se chargea juste à ce instant de nous le rappeler par un "OYEZ, OYEZ" sonore, mais non belliqueux avant de vite noter sur son carnet dont il ne se séparait jamais les 100 choses qu'il avait à faire.

    Subitement j'entendis des "oh" et des "ah" admiratifs qui venaient du fond de la salle. C'était Dominique C. qui après avoir terminé sa chanson montrait à qui voulait les voir les photos de quelques-unes de ses groupies qui le suivaient dans ses tournées. Sur une des photos, on pouvait voir une ravissante dame, plus souriante qu'une gagnante à l'euromillions, et qui semblait faire signe à Dominique C. de le rejoindre dans des contrées lointaines et ensoleillées. "C'est qui ?", demandais-je curieux.  "Ah, elle… C'est Belinda…." susurra-t-il avant de sombrer dans ses pensées.

    "Ah, l'amour… " Soupira Castor T. Je lui parlerais bien d'une amie qui s'est fait avoir par un bellâtre nommé Govind, mais ça jetterait un froid. En attendant, la pauvre, elle a changé de monde direct !"

    Je les laissai à leur réflexion métaphysique et parti à la recherche de Joël H. C'était le seul que j'avais eu la chance de rencontrer par une soirée pluvieuse de pas mal d'années, et il ne semblait pas là. C'était étonnant et j'étais attristé de ne pouvoir converser avec lui. Je demandai à Patrick s'il avait une idée d'où il était. " Oh, Joël, à cette heure-ci il est enchaîné, sans doute pour une façon durable, à une voie ferrée sur laquelle doivent passer des trains de déchets radioactifs. La dernière fois que j'en ai entendu parler, c'était sur un reportage de France 3 Dijon. Il faisait tinter ses chaines en chantant – J'ai d'lamour à r'vendre, Brûlant sous les cendres-"

    Je fus fort désappointé de n'avoir la chance de le revoir, mais admiratif de voir qu'il allait au-delà des mots, sur le terrain, se battre pour ses idées, fidèle à lui-même, acceptant de porter sur ses épaules le poids du monde. Benoit C. intervint pour dire que lui aussi il s'inquiétait des poils du monde, surtout depuis qu'il s'était destiné à en repeindre l'origine. Yvonne O. entendant parler de poils rappela que la fin du monde avait eu lieu pour les poux. On lui suggéra de mettre en place, après la journée de la femme, la journée de l'époux, ce à quoi elle ne put répondre que "Putaing".

    Je me resservais une bière quand Patrick L. vint vers moi, l'air pas t'hibulaire, mais presque, pour me proposer de venir manger dans son nouveau restaurant "A la fourchette Buissonnière", rue de l'école. Certes, ce n'était pas la saison des champignons, mais bon… Méfiance me dis-je. Entendant que nous parlions cuisine Jacqueline D. vint nous dire, solennelle, que nous avions besoin de l'art comme du pain de l'esprit. Patrick L. renchérit en disant qu'il mettait aussi du lard avec ses champignons.

    Le temps passait et quelques convives, ayant sans doute peur du lendemain, prétextèrent l'heure avancée pour s'en rentrer chez eux. Claudine C. n'arrêtait pas de parler de temps, de montre, de courir après sa trotteuse, et cherchait à s'en aller comme une furie poursuivit par un leurre. Alain E. prétextait, lui, qu'il devait encore nettoyer son grenier de 86 cadavres et qu'il lui fallait alors rentrer urgemment. Sophie E. s'empressa de lui dire que chez Fourrecar le liquide vaisselle "un monde plus propre" était cinq centimes moins cher que chez Delil. Quant à Frédéric G., il devait partir replanter des cailloux à Bugarach. En attendant, il sifflotait La java des bombes atomiques en boucle.

    Jean-Luc L. se moqua gentiment d'eux en leur rappelant que la domotique existait et que lui, grâce à sa télécommande, il faisait tout fonctionner chez lui à distance. "Domus, Domine, Domotique", conclut-il fièrement. Claude B. se dit choqué qu'on parlât ainsi latin et qu'il était particulièrement déçu et inquiet que la crise de religiosité vienne jusque dans ces murs nous narguer.

    L'ambiance du bar retombait peu à peu et j'allai m'assoir à côté de Jean C. "Et toi, tu pars quand ? ", je lui demandai. Il prit un air inspiré et asséna avec aplomb "Je ne partirai que le 13/13/2013 à 13h13". Je ne me risquai pas à lui demander pourquoi.

    Patrick D. regarda tout ce beau monde avec une certaine tendresse et dit simplement que nous avions une araignée au plafond, mais que c'était normal, car nos plus beaux jardins sont désormais dans nos têtes, là où fleurit l'inspiration.

    "Et si la fin du monde avait bien eu lieu ?" Demandais-je soudain pris d'angoisse. "Après tout Jean Rochefort a peut-être fait son dernier film, Stéphane Hessel est mort, le pape aussi, La reine Elisabeth two a eu une gastro et on annonce déjà le retour du président qui ne voulait pas partir, sans compter qu'en Syrie, naitre n'est pas un avoir sur la vie."

    Les deux Patrick me regardèrent amusé. "Tu es mieux ici en tous cas, quoiqu'il se passe à l'extérieur"

    C'est à cet instant que Joël H. rentra avec fracas, couvert de cendres, les chairs brûlées, plus radioactif qu'un réacteur de Fukushima, mais toujours souriant. " J'ai entendu vos voix… J'ai voulu revenir. Même les vents se déchaînent de leurs liens !". Par la porte entrebâillée, je vis ce que je ne pensais jamais voir. Au dehors du Calipso des tornades gigantesques arrachaient des monceaux de terre brûlée. Le ciel était rouge et des larmes de cendres en coulaient sans discontinuer. En place des lumières de la ville que j'aurais dû voir au loin, il n'y avait que de l'obscurité impénétrable. Mais le plus effrayant était ces silhouettes hurlantes, se tenant la tête qu'elles avaient nues et dénuées de sourcils au creux des mains, poursuivies par des arabesques aux couleurs d'apocalypse. Elles erraient telles des âmes mortes dont seul le cri éternel semblait encore les porter. L'horizon en était recouvert comme autant de scories d'un volcan explosé en deux temps, trois mouvements.

    Jean Luc L. regarda aussi dehors et, étonné, demanda à la cantonade ; "C'est à qui le bourrin qui attend sagement devant la porte ? Il ne sait pas que c'est l'enfer ?" "Ce n'est pas un bourrin" grogna une forme fantomatique dans le recoin le plus sombre du bar, dont seul un chapeau à large bord et une capeline aux allures de montagne s'offraient au regard, comme dans le meilleur des Léone.  Jean-Luc L. poursuivit, "J'ai pas voulu vexer… Le canasson quoi !". "Ce n'est pas un canasson" poursuivit la voix rauque. 'Bon", continua Jean-Luc L, passablement irrité, "j'ai pas bien vu peut-être, désolé. C'est quoi alors, un bœuf bourguignon !" Il partit dans un grand éclat de rire, mais les autres hésitaient comme s'il connaissait le propriétaire du cheval. "Faut te mettre les points… sur les "i" à toi. C'est un Percheron, il vient d'Auvergne et il est à moi". "C'est pour labourer ?" termina Jean-Luc L. "Parce que moi je n'ai pas le permis pour ça". "Pourquoi, tu veux danser ? Il s'appelle Jori et là d'où on vient, tu ne serais qu'une petite chose dans la cour de ma ferme".

    Heureusement, les hostilités furent interrompues par Jean C. qui vint nous dire à sa manière et en quelques vers "qui manie rondel ne fait pas le printemps" et Jean-Claude T. refit sourire tout le monde quand on vit qu'il avait un nez de Cyrano bien mal placé suite à un pari un peu osé sur ses bijoux de famille! 

    Je me tournai vers Patrick, mais il devina tout de suite ma question. "L'ombre Auvergnate là-bas, c'est Lunatik. Parle peu, observe beaucoup, et a commis un magnifique roman qui s'appelait "Des chevaux et des hommes".

    Je me disais que ce cheval à la force brute, au-dehors, pouvait tout autant, eu égard aux décombres et au chaos qui l'entouraient, être un des chevaux de l'apocalypse. Aux côtés des silhouettes erratiques hurlantes, il achevait de donner à cette fin du monde un air définitivement pictural. J'en étais là de mes réflexions, quand Castor T. vint glisser à mon oreille avec un air pénétré de prédicateur : "Dehors, toutes les blattes sont mortes…", "Et feue l'humanité achève de se consumer" terminais-je alors que Joël H. s'installait un peu plus loin pour fumer en paix et vider quelques verres éphémères de bière à l'amertume, non sans avoir apostrophé en passant son reflet dans la glace en lui demandant s'il voulait sa photo.

    Et c'est à cet instant précis que mon regard s'est posé sur elles. Bien sûr, elles avaient déjà croisé mon champ visuel, mais jamais encore je ne les avais comprises ainsi. Toutes les photos qui tapissaient les murs, les coins, les recoins, chaque espace libre du bar. Autant de preuves de ce monde qui se meurt, de témoignages pour ceux qui nous trouveraient, les reliefs d'un autre temps.

    "L'homme a régné", me dit Patrick D., "laissons maintenant refleurir le jardin."

    "Quand est-ce qu'on mort ?" demanda Dominique C.

    "Je ne peux pas mourir, j'ai encore cent choses à faire avant", dit Franck G.

    "J'ai de l'amour à r'vendre, Brûlant sous les cendres", continuait de chanter notre Joël atomique.

    "En tous cas, pour l'instant, la fin du monde CEPALA", dit avec conviction Jacqueline D., comme pour s'en convaincre elle-même.

    Après les cent jours… l'an 01 risque bien d'être celui d'un règne obscur, je pensai.

    C'est alors que Patrick s'est approché de nous et a dit. "Allez les auteurs, rapprochez-vous, on va faire une photo souvenir. On l'accrochera au-dessus de la porte. Et après, on va écrire pour les tourbillons"

     


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  •   Morteterre.jpg

    Illustration  Samuel Gounon

     

     

     

    La ballade de Morteterre

    Vieufou

     

    Je suis l’arbre aux fruits défendus

    Le seul qui n’ait pas disparu

    De cette étoile funéraire

    De cette morte, morte terre

     

    J’ai vu naître une race fière

    Qui apprit à manier le fer

    Et qui parvint à accéder

    A un semblant d’humanité

     

    Mais à vouloir me cultiver

    Les hommes ont rasé les forêts

    Ont asséché les océans

    Et vendu leur âme à Satan

     

    Ile avaient inventé le temps

    Et cru que c’était de l’argent

    Glorifié des billets verts

    Et monnayé leur propre mère

      

    Ils ont fabriqué leurs cercueils

    En coupant mes dernières feuilles

    Et un jour se sont tous pendus

    Au bout de mes branches tordues

     

    Nul n’a enterré le dernier

    Il s’est écroulé à mon pied

    Les poumons ne trouvant plus d’air

    La bouche pleine de poussière

     

    Epuisant ses dernières forces

    Il a gravé sur mon écorce

    Le Te Deum à Lucifer

    La ballade de Morteterre

     

    J’ai fait un lit de mes racines

    Je l’ai couché dans mes épines

    Ses os blanchissent au soleil

    Il dort de son dernier sommeil

     

    O Morteterre, n’ayez crainte

    Le vent me joue votre complainte

    Déjà des cellules s’affairent

    Et commence une nouvelle ère

     

    Je suis l’arbre aux fruits défendus

    Mes branches sont basses et fourchues

    Sur Morteterre toujours je veille

    Et je prépare son réveil.

     


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