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    Madame X

    Annick Demouzon

     

     

    Madame X s'est arrêtée avant l'entrée. Elle lorgne d'un air dubitatif les panneaux où s'affichent, côte à côte, les portraits des combattants. Tous avenants, ou cherchant à le paraître. Elle, elle aimerait pas poser comme ça, avec l'objectif si près du nez, elle a horreur qu'on la prenne en photo. Mais bon, ça risque pas de lui arriver, c'est déjà ça. Elle ne lit pas ce qui est écrit sous les photos, ça sert à rien, c'est trop long et elle connaît par cœur. Mais elle s'attarde. C'est trop rigolo. Chacun a un nez rouge tout rond, collé sur son nez de Pinocchio. D'un beau rouge fluo. D'habitude, c'est les yeux en chewinggum, ou les joues lacérées, c'est moins drôle, mais là: « Bonjour les petits enfants… » Madame X rit toute seule. « C'est bête qu'on ne leur voie pas les pieds », qu'elle se dit. Et ça lui fait penser à quand elle était petite. Les élections, ça l'a toujours fait rire.

    Dommage qu'il pleuve. Un sacré temps de chien et c'est comme ça depuis combien de semaines ? Mais ça va faire perdre des points au candidat sortant, quelle se dit, et elle se bidonne : Et vlan ! Après tout, c'est sa faute à lui, si tout ne va pas comme il faudrait, c'est qui, le responsable ? Et personne lui a demandé d'être président, après tout. Il l'a cherché, non ? Bon, par ailleurs, la pluie, ça remplit les nappes et avec les puits qu'étaient à sec… Alors, à qui ça va profiter, en fait ? Elle relève son col, où donc elle a laissé son parapluie ? Va l'avoir perdu, à cause de leurs élections ! Ils pourraient les mettre un jour de beau temps. Elle a les cheveux qui gouttent mais, bon,c'est pas si grave. Alors elle traîne encore un peu, à les reluquer tous. Pour qui qu'elle va voter, finalement ? Faudrait qu'elle se décide. Elle refait le tour des nez rouges, essaie de lire sur leur visage, de deviner. Y a pas moyen : «Bah, on verra !»

     

    Elle est entrée dans la grande salle. C'est moche, ça pue le désinfectant, la solitude et le chien mouillé. Elle aimait mieux la salle des fêtes, quand elle était gamine, avec toutes ses lumières et le plancher ciré. Ici, c'est vraiment très moche. Et trop grand. Elle se sent perdue. Pourtant, elle n'est pas vraiment seule, y a même la queue. Mais personne qu'elle connaît. Sur une longue table à tréteaux, passée la porte, on a aligné les papiers. Autant de tas que d'affiches dehors. Elle en prend un de chaque, consciencieusement, sans faire d'impasse - et même deux. « Pour qui je vais voter ? » - envie de faire comme quand elle était môme : « Pique et pique et cholégramme… », n'ose pas. Elle montre ses deux cartes. Enveloppe. Elle choisit son isoloir. Et, là, ouah, bonne pioche ! La tablette est recouverte de bulletins abandonnés, un joli vrac. Elle n'en fait pas le compte, ne cherche pas à savoir pour qui ont voté les autres - faut pas exagérer -, rafle tout, fourre le tas dans son sac. Zut, elle a tout mis. Elle repêche un papier au hasard, pourquoi pas, elle se dit, et le glisse dans son enveloppe.

    Tiens, au sortir, un voisin : « Salut, Monsieur Dubois, vous allez bien ? Et votre femme ? Et les enfants ? » Ils vont tous bien, alors tant mieux, et elle aussi elle va bien, si y avait pas ce fichu temps. L'envie, soudain, de changer son papier dans l'enveloppe pour un autre, elle vérifie le nom, mais la flemme de retourner dans la tente, elle se demande même pourquoi elle vote. À chaque fois, c'est pareil, elle sait pas et elle finit par faire n'importe quoi. Si y avait pas les petits papiers…

    Enfin, la voilà devant l'urne. « Vous avez oublié de signer votre carte. » Elle signe, oui, c'est pareil que sur l'autre. «…  a voté ! » elle se marre : elle a voté, tu parles ! Elle resigne, cette fois sur le livre, elle se bidonne encore, jette une grosse plaisanterie, qui fait rire l'adjoint - c'est l'adjoint à quoi, celui-là, déjà ? Y a plus qu'à attendre ce soir.

    Maintenant, elle se sent un peu triste de s'en aller, les élections c'est pas si souvent qu'il y en a, ça met un peu de gaîté dans la vie, du changement dans la routine. Heureusement, on revient dans quinze jours, ce sera pas long à attendre. « Au revoir, m'sieurs dames ».

     

    Une fois dans la rue, madame X sort ses bulletins de son sac, les classe par catégories, fait le compte de chaque tas, additionne le tout et fait ses pronostics personnels. Des fois, ça marche. À 18h 30, elle sera de retour, pour voir si elle s'est pas trompée et c'est trop amusantde voir le dépouillement. Y en a qui racontent des trucs vraiment poilants. Elle remet ses papiers dans son sac, satisfaite de sa pêche du jour. Avec tout ce qu'elle a pris, elle a des pense-bête pour un sacré bout de temps, surtout en les coupant en deux, sans compter ceux de la prochaine fois. Pourquoi elle irait s'acheter des pense-bêtes si y a les élections pour ça ?

     


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    100 choses à faire ou à défaire pendant une campagne électorale

    Mes résolutions et autres fantaisies du dimanche

    par Franck Garot

     

    92.    regretter la hauteur de ces deux tours

    93.    constater qu’un programme électoral est aussi pénible à lire que le menu du restaurant chinois où nous avons nos habitudes

    94.    rappeler à toutes fins utiles que les mots « candidat » et « candide » n’ont pas la même étymologie

    95.   se demander comment Joachim Séné s’y est pris pour que tous les candidats parlent de La Crise

    96.    se dire que dans certains pays on se bat pour avoir la possibilité de voter

    97.     prier pour que la prochaine on aille voter pour le meilleur et pas pour le moins pire

    98.     préférer le camembert Gillot (moulé à la louche) au Président

    99.     aller voter

         100.  avoir honte, de tout ça, d'eux, de soi

     


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  • Quinzaine 

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      Nationale

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    de la Chaîne 

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    Il y a une chose pire encore que l'infamie des chaînes, c'est de ne plus en sentir le poids

    Gérard Bauër

     


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    Comment Attila Vavavoom remporta la présidentielle

    avec une seule voix d'avance

    Jacques Lederer

     

    Petit roman de politique fiction à l'attention des pêcheurs à la ligne et autres joueurs de pipeau

     

    Quatrième de couverture : ce dimanche de mai est crucial : Attila Vavavoom, le président sortant, affronte Céleste Chakanaka, black et championne de lancer de marteau. C'est ce dimanche précisément que Parole, citoyen lambda, choisit pour se lancer dans une partie de poker endiablée. Absorbée par le jeu, il oublie d'aller voter. Cette banale abstention n'est pas sans conséquences... une élection tient parfois à un coup de poker !

     

    Editions Points, 93 pages, 4,70€

     


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    Entre deux tours

    Patrick Ledent

     

     

     

    Ça y est ! On était enfin débarrassé des importuns. Huit victimes qui retourneraient bientôt en cuisine, à la plonge, jusqu’au prochain scrutin où, rebelote ! C’est dire si on se serait bien passé de tout ce cinéma, mais bon, c’était le prix à payer pour donner à croire que la démocratie vivait encore.

    Le meilleur restait à venir : écouter la consigne de vote des déchus. Non contents de s’être vu éjecter d’une roulette qui comptait trente-cinq zéros pour deux cases déjà occupées, les voilà qui devaient plébisciter ceux qu’ils venaient de combattre ! Même à Rome, du temps des jeux du cirque, on se montrait moins chiens.

    Bien sûr, les plus marginaux le prendraient de haut, achèveraient de se faire hara-kiri avec panache : « C’est bonnet blanc et blanc bonnet, résister, c’est s’abstenir. » Ben tiens !  On s’offre les consolations qu’on peut.

    Mais la plupart ne pourraient pas résister aux courtisaneries, c’était la tradition. Quand on s’était fait botter en touche avec dix à vingt pour cent des voix, on avait gagné le droit de se faire cirer les pompes pendant quinze jours, juste récompense.

    Les abouliques du centre allaient devoir choisir entre la droite et la gauche, un truc de fou. Sortir de l’ornière et casser un mur mais lequel ? Pas se tromper surtout. Ça serait ballot de baisser son froc en plein champ de courses pour monter ensuite sur le mauvais cheval. De se déshonorer pour se voir quand même passer sous le pif le maroquin cossu. D’incinérer six mois de campagne et de sacrifier trois millions d’électeurs pour se retrouver dans l’opposition. Enfin… pardon, au point de départ, puisque le centriste, par définition, ne connaît ni l’opposition ni la majorité : il est « résolument centriste ». C’est-à-dire d’accord et contre à la fois. Soit écartelé, soit menotté, il s’en fout, pourvu qu’il n’avance pas. Plus que du funambulisme, de l’apesanteur !

    Le front de gauche, pour sa part, avait annoncé la couleur : rouge. Donc, en dernier recours, s’il fallait s’y résoudre, socialiste. Sauf que le socialisme, loin de se radicaliser, était mort avec l’union de la gauche, en 81. Depuis, au mieux, l’heure était à la social-démocratie, c'est-à-dire à gauche, mais pas trop : payer les travailleurs sans effaroucher les patrons, maintenir les services publics sans renoncer à les privatiser, protéger les petits épargnants sans égratigner les actionnaires, développer la production locale sans toucher à Maastricht, assainir les soins de santé sans bouter le privé hors des hôpitaux publics, rendre les banques aux citoyens sans les nationaliser, lutter contre la délinquance fiscale sans abolir paradis et niches ; bref, tenter d’opérer soixante-deux millions de Français d’une tumeur en tranchant dans le vif avec des ciseaux de broderie. Se rallier à cette politique, pour un radical de gauche, ça tient moins de la révolution que de la volte-face ! Mais que faire sinon attendre son temps en limitant la casse ?

    Les verts, eux, avaient bien compris qu’ils pouvaient se garder leurs éoliennes et leurs panneaux solaires tant que le peuple n’aurait pas son bifteck. Quand on cartonne à deux pour cent, on en tire des leçons. Une leçon lucide et pragmatique: « On reviendra quand vous n’aurez plus faim ! » Autant dire aux calendes. Grecques, évidemment. La consigne : « Faites semblant d’être daltoniens ! »

    Quant aux frontistes, alors là, pas question de s’abaisser à reconnaître que l’UMP les avait dépouillés jusqu’à l’os et que le PS les avait snobés jusqu’à l’évanescence. Aussi la lutte continuerait-elle loin du pouvoir, dans le calme haineux des foyers et du chacun pour soi. Ça irait mal si, au coup par coup, on ne finissait pas par alimenter gentiment son génocide : c’est goutte à goutte qu’on réussit les meilleurs bains de sang.

    Les autres, laissés-pour-compte, moins de deux pour cent, regagneraient bien vite qui leur usine, qui leur bureau, qui leur fauteuil directorial, sans demander leur reste. Ils n’étaient pas venus pour gagner, juste pour se donner l’illusion d’exister. Les plus désappointés s’enverraient bien en orbite autour de Mars, avec le petit dernier qui semblait bien avoir des dispositions, mais c’est qu’il faudrait en revenir dans cinq ans et ils n’étaient pas sûrs d’avoir alors encore assez d’essence.

    Loin au-dessus, déconnectés, les deux vainqueurs allaient se bouffer le nez jusqu’à l’indigestion. Avec leurs bobards, ce n’est pas la nourriture qui viendrait à manquer !

    La droite saleloperait sa soupe jusqu’à la rendre imbuvable, façon mer morte, caressant les loups en faisant mine de les prendre pour des king-charles. On abandonnerait le débat économique, trop compliqué, pour lui substituer les plages horaires de la piscine de Lille, le port du voile, le terrorisme et l’excision. Le tout dans le même sac car faire des amalgames, c’est bien, mais cimenter la haine, c’est mieux.

    Quant à la gauche, forte des promesses d’un report favorable, mais fragilisée par trente ans d’échecs, elle jouerait la prudence, achevant de s’infléchir, des fois qu’au centre il s’en trouverait des plus à droite qu’eux, on ne sait jamais avec ceux-là.

    Et toutes ces manœuvres accoucheraient d’un nouveau-né qu’il faudrait garder cinq ans sous couveuse, parce qu’éternel prématuré.

    Ce qui n’empêcherait pas les vainqueurs de faire la fête place de la Bastille, chantant l’avènement d’un avorton qu’on ferait mine de prendre pour Goliath, le temps d’un rêve controuvé, avant de s’en désintéresser cent jours plus tard, comme d’habitude, pour se tuer, encore et encore, à faire bouillir une marmite froide.

     


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    Madame la Crise

    Jean Calbrix

     

     

    C'est bien connu, tout un chacun hérite d'une bonne fée à sa naissance et je n'y ai pas échappé. Sitôt posé dans mon berceau au sortir du ventre de ma mère, elle s'est penchée sur moi avec une belle grimace en guise de sourire et m'a susurré dans le conduit auditif : "Je suis Madame la Crise et je te promets que tu ne vas pas t'ennuyer avec moi".

    Chose promise, chose due, et je n’ai pas été déçu du voyage. Chaque fois que j’étais tranquille, que j’étais pénard, elle pénétrait dans le bar, à ma table venait s’asseoir et me débitait ses bobards. « Les bolcheviques, le couteau entre les dents », « Les Ricains sont nos amis, il faut les aimer aussi », « Oh le beau champignon au-dessus d’Hiroshima », « La grève, c’est l’arme des trusts », « La France, de Dunkerque à Tamanrasset », « C'est la lutte intergénérationnelle », « C'est la chienlit », « Pompidou navigue sur nos sous », « Pleure pas petit, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées », « Cinq cents mille chômeurs », « La libre concurrence résoudra tous vos maux», « Un million de chômeurs », « La production baisse. Dopons-là en privatisant », « Deux millions de chômeurs », « Staline, aux dernières estimations, a fait soixante millions de morts. Imagine petit que, s’il avait été Français, il aurait dépeuplé la France », « Hors le capitalisme, point de salut », « Deux millions et demi de chômeurs », « Le dieu du libéralisme veille sur nous », « Amène ta bourse avec la mienne», « Trois millions de chômeurs »…

    J’avais beau me mettre des boules Quiès  dans les oreilles, elle haussait le ton, et finalement je ne pouvais échapper à sa logorrhée. Fallait-il que je m’exilasse sur une île déserte ? Je savais bien que si on m’enterrait à six pieds sous terre, son œil serait encore là à me regarder dans ma tombe.

    La semaine dernière, j’écoutais les informations à la radio en essayant de ne pas les entendre. Le speaker, avec ses ficelles bien planquées dans le dos, débitait :

    « Madame la Crise a atteint son record historique d’adrénaline. Le divorce entre monsieur Lesmarchés et Madame Labourse se profile à l’horizon. Jusqu’à présent, monsieur Lesmarchés n’avait que boudé sa compagne. Ce matin même, monsieur Lesmarché s’est emballé. Il a bousculé Madame Labourse qui a chuté dans l’escalier. Monsieur Lécours, un homme de valeur, a tout de suite réagi en lui mettant un emplâtre pour colmater l’hémorragie de ses devises, en particulier celle disant en substance « sang bleu ne saurait mentir ». La conséquence de cette altercation fut que mesdames Lesbanques ont vu leur taux de cholestérol augmenter de manière vertigineuse.

    Autre conséquence fâcheuse : Madame Lacommunautéinternationale, poussée par Madame la Crise, s’est émue de la chose en accusant l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine, l’Indonésie et la Laponie d’être les fauteurs de trouble. Appelant monsieur Lesdroitsdel’homme à la rescousse, elle a menacé ces trublions de représailles, lesdits trublions protestant qu’ils n’étaient que des boucs à misère dans cette affaire.

    Sur sa lancée, Madame la Crise prévoit de grosses giboulées sur la Normandie et un orage carabiné en Corse... »

    C’était plus que je ne pouvais supporter. J’ai éteint la radio et j’ai allumé la télé. La bouille revêche de Madame la Crise s’est affichée sur l’écran. Je me suis précipité sur elle et je l’ai empoignée pour lui donner une bonne fessée. Que ne fut mon étonnement quand, relevant son suaire, je vis marqué en gros sur son postérieur « La Crise, fille de l’Arnaque » !

    Depuis ce jour, je me sens mieux, et chaque fois que j’entends un bonimenteur sur les ondes prononcer le mot Crise, je le remplace mentalement par le mot Arnaque. Ça fait un bien fou, même si, pour l’instant, cela ne résout rien. Demain, peut-être ?

     


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    Campagne littéraire : chacun y retrouvera les siens

    Sophie Etienbled

     

     

     

    A la manière de Don Diègue

    Ô France, ô désespoir, ô Rolex ennemie !

    A quoi me sert d’avoir Ségala pour ami ?

    Et d’avoir dépensé des Français les deniers

    Si notre quinquennat est aussi le dernier ?

    Elisez-moi, voyons, et dites-moi messire,

    Elisez-moi, pauv’ cons, je peux faire bien pire !

     

     

    A la manière de Ronsard

    Ma France, allons voir si la rose

    Qui, en quatre-vingt-un éclose,

    Fêtait sa victoire au soleil,

    A point perdu, trente ans après,

    L’espoir qui l’avait empourprée

    Et l’honneur de combattre pareil ?

     

     

    A la manière de Victor Hugo

    Demain, dès l’aube, à l’heure où finit la campagne,

    J’arrête les centrales, ça ne prend pas longtemps !

    Ave le vent, la terre et l’eau dans les montagnes,

    En France nous vivrons comme au début des temps !

     

    Nous abandonnerons l’or qui fut notre tombe,

    Et, forts d’avoir détruit les mirages et les leurres,

    Nous gommerons des jours et des nuits d’hécatombe,

    Et danserons nos vies parmi les champs de fleurs.

     

     

    A la manière de Baudelaire

    Je suis dure, ô Français, comme un rêve de pierre,

    J’incarne un pays pur qui rit des compromis,

    Chasse ses ennemis et ne veut pas d’amis,

    Et de ma solitude je ne suis pas peu fière

     

    Je trône au hit-parade des partis incompris,

    De colère et mépris sont teintés mes insignes,

    De combattre avec eux d’aucuns me jugent indigne,

    Qui s’y frotte s’y pique, je fais payer le prix !

     

     


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    Alors ?

     

    Enchanté ? Déçu ? Stupéfait ? Contrarié ? Prudent ? Blasé ? Fébrile ? Révolté ? Sceptique ? Anxieux ? Méprisant ? Triste ? Circonspect ? Impassible ? Hargneux ? Confiant ? Halluciné ? Bienveillant ? Sarcastique ? Déprimé ? Heureux ?

     

    Vivement le 6 mai

    Musique !

    Cela se passe chez les voisins et ils sont ravis de partager.

     


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  • Jour -15

     

    Maman, c’est quand ?

    Annick Demouzon

     

     

     

    - Maman, c’est quand ?

    - Quoi, quand ?

    - Ben, tu sais !

    - Ah ?…

     

    Annick n’en peut plus d’attendre. C’est long à attendre, le temps qui ne passe pas. Mais un jour, ça y est :

    - C’est dimanche, a dit maman.

    - Chouette, a répondu Annick.

     

    Le dimanche, maman a d’abord bien habillé sa petite fille et l’a joliment coiffée. À son tour, maintenant ! Elle a retiré sa jupe et sa blouse de tous les jours, enfilé sa belle robe à fleurs, mis son chapeau neuf, tiré et tapoté ses frisettes pour qu’on les voit bien par dessous. Elle a pris son sac à main et tout vérifié à l’intérieur. C’est bon, il ne manque rien. Elles sont sorties toutes les deux.

    Annick suit sa maman en trottinant sur ses ballerines à brides. Son nœud dans les cheveux, là-haut, rigole et sautille d’un air moqueur. C’est amusant d’aller avec maman.

    La maman d’Annick s’appelle Suzanne. C’est son petit nom et c’est comme ça que papa, parfois, l’appelle, à la maison. Maman, son nom de famille d’avant, avant qu’elle épouse papa, c’est Renandez, c’est un nom espagnol, il paraît, le même nom de famille que celui de grand-père pépé, parce que grand-père pépé, c’est le papa de maman et que les enfants, ils ont le même nom de famille exactement que leurs parents. Maman, son nom de famille de maintenant, c’est Demouzon, comme papa. Parce que, quand elles se marient, les femmes, on leur change leur nom et qu’elles s’appellent alors comme leur mari. Annick trouve que c’est pas juste qu’on change le nom des filles quand elles se marient. Les garçons, eux, on leur change rien ! Mais c’est comme ça.

     

    Il fait soleil. En passant dans les rues, on entend les oiseaux qui chantent dans les arbres. Sur la place, on passe à travers les étals. Il y a du bruit, c’est beau aussi et ça sent bon. Le dimanche, c’est jour de marché. Les ménagères discutent dans les rues, par petits groupes, un cabas à la main, ou s’éloignent lentement, le corps plié sur le côté. Maman a fait ses courses tout à l’heure, pendant que les enfants dormaient encore, et elle a tout rangé aussitôt. Est-ce qu’elle aura acheté du poulet ? Aujourd’hui, c’est dimanche. Et jour de fête, même.

    Maman et Annick sont arrivées. Maman pousse la grande porte. Elle est lourde. Dans le couloir, les dalles immenses impressionnent la petite fille et elle marche dessus à petits pas précautionneux. Chaque fois. Elle ne sait pas trop pourquoi. En face, on grimpe le grand escalier de bois sculpté, celui qu’on emprunte les jours de carnaval pour monter au bal costumé. Qu’est-ce qu’on s’amuse, ces jours-là !

    Sur le palier, les deux battants de la porte de la salle sont déjà large ouverts. Les murs d’or et de pourpre, portent des appliques accrochées, avec de fausses bougies. Elles sont allumées. Des lustres pendent au plafond, garnis de breloques, le plancher à chevrons a été ciré de frais. Il brille fort. Il n’y a pas de musiciens, c’est dommage, mais Annick le sait bien que c’est seulement les jours de bal qu’il y a des musiciens.

    Dans la pièce, on a construit des petites cabanes en tissu. Annick aimerait aller jouer à l’intérieur, mais c’est réservé aux grandes personnes. Vivement qu’elle soit grande ! Maman a pris des bouts de papier et s’est enfermée un moment toute seule. Ce n’est pas long. Elle ressort, une enveloppe à la main, donne sa carte à un monsieur tout rond, avec une moustache, et qui transpire. Elle pose l’enveloppe sur une caisse en bois verni, très grosse, installée au milieu d’une grande table avec plein de messieurs derrière, qui regardent.

    Et là, Annick se concentre. C’est pour cet instant-là qu’elle est venue ! Déjà, elle rit dans sa tête. Le gros monsieur crie alors très fort : « Renaniez Suzanne, épouse Demouzou, a voté ! » Et il ajoute à voix normale : « Ah, bien le bonjour, Madame Demouzon, comment va la famille ? » Maman murmure quelque chose, le monsieur répond : « Bien sûr, on va vous changer ça. C’est comme si c’était fait ». Et il écrit au crayon de papier sur le grand livre ouvert devant lui : « Renandez Suzanne, épouse Demouzon ». Mais Annick, rigole, rigole. Elle le sait bien qu’il ne le fera pas. La prochaine fois, ce sera pareil. Depuis toujours, c’est comme ça. Alors pourquoi ça changerait ? Annick aime beaucoup, les élections, ça la fait se bidonner à chaque fois. Elle n’en rate pas une.

     

     

    Note de l’auteur : Annick accompagnera ainsi sa mère très longtemps. À chaque élection, pendant des années. Et chaque fois, ça la fera rire autant. Pourtant, les élections, c’est sérieux - normalement.

    Ce n’est que dix ou douze années plus tard - ou plus -, qu’un jour, d’un coup, les deux noms maternels auront retrouvé leur forme réelle sur le registre des électeurs.

     


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  • Jour -16

     

    100 choses à faire ou à défaire pendant une campagne électorale

    Mes résolutions et autres fantaisies du (dimanche) samedi 

    par Franck Garot 

     

        

    85.   puisque l’abstention est un candidat aussi populaire que d’autres, vérifier si elle a le même temps de parole

    86.   penser à toutes les couleurs du vote : blanc, bleu, brun, rose, rouge, vert, etc. et chanter Over the Rainbow (Warrior)

    87.   réviser l’Internationale et Maréchal, nous voilà, au cas où

    88.    comme à chaque élection, appeler sa mairie pour demander si le vote électronique est toujours en place

    89.   se voir répondre par l'affirmative

    90.   jubiler en lançant son éternel : eh bien, j'irai pas voter !

    91.   se sentir rassuré car on ne sait pas qui on aurait choisi

     

     


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