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    Nous commençons une nouvelle série intitulée " Comment bien foirer ", parce que dans la vie, foirer, c’est bien, mais bien foirer, c’est mieux.

     

     

    1ère leçon : Comment bien foirer ses pommes de terre sautées.

    par Ysiad 

     

     

    Commencez par sortir du placard une poêle, dont la taille sera proportionnelle aux appétits à satisfaire, dans laquelle vous versez de l’huile. Un bouchon, deux bouchons, trois bouchons. Ensuite pelez les pommes de terre, soigneusement, pour cela prenez un éplucheur en état de marche et faites de belles peaux régulières sans vous couper, et quand elles sont toutes épluchées, coupez les en lamelles ou en dés, va pour les dés.

    Allumez le gaz et patientez.

    Lorsque l’huile se met à frémir au fond de la poêle, répartissez les dés également à la surface à l’aide d’une spatule. Si on veut éviter que ça attache au fond, il faut rester à son poste près de la gazinière sans lâcher la spatule et renoncer pour le moment à écrire, même si dès l’instant où vous avez sorti la poêle, l’incipit de la nouvelle que vous projetez d’écrire a jailli comme le chat du canapé au son du tomber de croquettes dans la gamelle. L’huile devient bulleuse, c’est bon signe, c’est le moment de remuer les dés en vous concentrant et en tenant à distance l’incipit ; vous l’écrirez plus tard, quand vous aurez terminé de déjeuner ; vous n’avez qu’à le mémoriser en ajoutant un peu d’huile, attention, ça va un peu plus vite à gauche qu’à droite, continuez à remuer et baissez le feu. Doux le feu. On se calme. Petite flamme sous le gaz. Tout petit tournesol bleu. Si petit que ça vous laisse le temps d’écrire la phrase qui vous fait de l’œil toutes les quinze secondes et qui semble assez bien roulée avec ses beaux adverbes et ses mignons adjectifs. Allez, dépêchez-vous, pendant que les dés dorent tranquillement sous la petite fleur du gaz, ruez-vous sur le papier et en avant, pour une fois que l’inspiration vous tient, vous pouvez vous autoriser une petite incartade. Voilà. Vingt-deux mots, c’est vite écrit, personne n’a rien remarqué, il suffit d’être inspiré. Reprenez votre poste près de la gazinière. Côté pommes de terre, c’est pas terrible, à peine ont-elles bronzé sur un côté, c’est contrariant. Très. D’autant que vous n’avez pas que ça à faire. Poussez un peu le feu, que diable. Un peu plus grand le tournesol, quoi, flûte. Les enfants aiment les pommes de terre croustillantes, le conjoint aussi, qui a grand appétit. Au rythme où ça va, vous pouvez aller l’écrire, votre deuxième phrase, on vous y autorise. Vingt-six mots, cette fois-ci. Pas mal du tout. Bien, même. Le temps de faire un saut à la cuisine pour remuer la poêlée qui dore sous le gaz qui ronfle, et voilà que sans avoir rien demandé à personne, une troisième phrase arrive sous la mine du crayon, qui complète avantageusement la précédente, et une quatrième, et encore une autre ! Un saut de puce à la cuisine pour donner un bon coup de spatule dans les dés qui coagulent, et retour en dansant vers le joli paragraphe qui se forme sous la mine du crayon, à croire qu’une voix vous dicte ces phrases qui s’enchaînent sans reprise ni rature, cohérentes, aérées et en même temps solidement arrimées l’une à l’autre comme les poutres de la Tour Eiffel, si ça continue vous allez la remplir, votre page, et ça continue dans le même élan, c’est la première fois que ça vous arrive, vous êtes partie pour noircir un bloc entier en compagnie de la voix divine, quelle fabuleuse inspiration aujourd’hui, et comme c’est étrange ! Maintenant que vous arrivez au bas de la troisième page, haletant sous l’effort, ressentant quelques élancements au poignet tant vous avez écrit dans la fougue qui vous tenait, vous entendez une voix, qui n’est pas celle de l’inspiration mais du conjoint, une voix qui beugle à pleins poumons que les patates sont cramées.

    Bravo. But.

    C’est foiré.

    Et si par miracle il n’y avait plus une seule boîte de raviolis dans le garde-manger, - votre fils ayant invité ses potes à dîner le week-end dernier -, vous auriez alors bien foiré.

     


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    Il y avait longtemps qu’il ne tenait plus le compte des heures. Perdu dans l’immensité rouge du champ d'honneur, il avait fini par se retrouver sans figure et sans voix. Comme lui, les survivants étaient happés l'un après l'autre dans l'étreinte suante des tranchées. Comme lui ils étaient sortis du rêve.

    L'horizon n'en finissait plus de brûler. Il entendait les craquements de la terre mais son corps refusait obstinément de se mettre en marche. Sa langue était prisonnière du feu, ses yeux pétrifiés sous l'étendard, ses mains enrayées par la grenaille.

    Dans le ciel, les belles âmes diffusaient jour et nuit la même antienne : 

    n’oubliez pas d’aller à la cueillette des balles perdues,

    n’oubliez pas d’amasser les éclats d’obus,

    n’oubliez pas de prélever les organes des suppliciés,

    n’oubliez pas d’écouter le crépitement des corps dressés sur le bûcher.

    Il n'aspirait plus qu'à être six pieds sous terre, enseveli avec la douleur du renoncement.

    Les profondeurs le débarrasseraient de toutes ses parures et creuseraient sa chair.

    Lui effaceraient-elles à jamais la mémoire ?

     


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    Elle n'est resté qu'un petit moment au café mais cela lui a suffit pour lui donner envie de nous laisser une trace de son passage. Son poème, dédié à notre dernier "transit" mérite sa place au menu du jour. Merci Noémie.

      

    Sur le quai d'une gare

    Des visages froissés sur le quai d'une gare

    Quand la nuit s'évapore au petit matin gris

    Des serments, des adieux, des rires et des cris

    D'une foule pressée, en ce bruit, qui s'égare.

     

    A l'approche du train, des baisers échangés

    Des sanglots et des pleurs, de cruelles ruptures

    Le murmure des mots pour panser les blessures

    Lorsque l'âme se blesse aux rêves effrangés.

     

    Dans la foule, une femme au sourire qui passe

    Ondoyante et gracile en sa robe d'été

    Laisse sur son passage, en ce lieu tourmenté

    L'ivresse d'un parfum, quand son ombre s'efface.

     


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    Beau début d'automne

     

     Prévisions pour la journée du 23 septembre 2010

    Persistance d'un front du refus en provenance des couches populaires. Mobilisation globalement bien suivie en dépit des fanfaronnades de l'Etat-Major et des appréciations pince-sans-rire de la maréchaussée.

    Le soleil brillera de mille feux dans un champ de pression encore élevé.

    Défilés énergiques à agités, se renforçant en cours de journée.

    En soirée, ambiance encore agréable malgré la menace d'une dépression.

    Par la suite, le système dépressionnaire aurait tendance à se renforcer. Très nette dégradation en vue avec l'arrivée des premières lacrymogènes.

    Indice de protestation :

    2 à 3 millions en pleine rue.

    20 à 30 millions à l'applaudimètre.


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    L'horloge centrale s'était arrêtée.

    Il pensa que ce n'était pas la peine de se lever. D'où qu'ils venaient les trains passaient toujours en retard. S'il en avait été autrement, il aurait bondi de son fauteuil et crié au miracle. Il se trouvait bien dans cette petite gare de triage. Il n'avait pas d'autres activités qu'aller et venir le long des rails, contrôler les aiguillages et, si nécessaire, brandir sa lanterne à huile rouge. Sitôt regagné la petite cahute qui lui servait d'office, il ne manquait pas de faire valser la mappemonde posée sur une petite table près de la fenêtre. Il aimait la regarder filer d'un pays à l'autre tandis que des dizaines d'images voletaient autour de lui. Aux ateliers on le disait vieillissant. En fait, le monde était devenu immobile et la plupart du temps il ne trouvait rien de plus prometteur que de dénouer les rubans du passé. Il se rendait bien compte que trop d'images grésillaient sur le feu du souvenir et qu'elles alourdissaient outrageusement ses paupières mais l'accumulation s'était faite sans qu'il n'y prenne garde. Pour un vivant comme lui ce n'était pas bon signe et il s'était promis qu'un jour il barbouillerait à la chaux vive les reflets trop pesants.

    Comme tous les soirs, calé dans son fauteuil, il essayait de lutter contre le sommeil et les trous noirs qui s'en suivaient. Il pensait à la face décrépie de toutes ces belles qui autrefois, gainées de bas noirs, faisaient les Orientales. Il se souvenait de son cœur battant la chamade quand il entendait le hurlement d'une énorme Minière, ventre gonflé de charbon et bouche béante d'arrogance, surgissant d'entre les ronciers du maquis. Il revoyait, goguenard, les efforts des ingénieurs et contremaîtres pour mater les caprices de la Pacific quand elle devait traverser les marais de Louisiane. Il riait en lui-même à l'évocation d'une frétillante Danseuse pleine de vapeur fraîche, cherchant à garder la ligne dans une grosse tempête de sable.

    L'image d'un vieil homme avançant à tâtons sur un quai désert lui traversa brusquement l'esprit. Il se leva et sortit pour voir. La gare était plongée dans le noir et il rentra. La mappemonde n'était plus qu'un globe sombre et lisse comme si les reliefs s'étaient laissés enfermer à l'intérieur. Il se laissa glisser dans le fauteuil sans y toucher. Sa mémoire commençait à mal tourner elle aussi. Présageant le pire, il pria pour qu'un peu de lumière revienne, juste quelques éclaboussures de ciel azuré, de quoi consoler ses petites pépites quand elles n'émettraient plus qu'une légère vibration, un bref chuchotement, une dernière pulsation.


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    Bonne nouvelle pour les amateurs d'arts ménagers : Yvonne Oter nous revient avec six nouveaux épisodes de "La Femme Popote".

    Mauvaise nouvelle pour tout le monde : Madame nous fait savoir qu'elle pense en rester là sur le sujet.

     

     

    13. L’araignée.

    Petite, presque incolore et transparente, l’araignée tisse avec application, suivant les trames millénaires inscrites dans ses gènes. Elle s’est trouvé un coin bien tranquille, haut sous le plafond, pour ne pas être dérangée dans sa tâche. Et elle y déroule le fil de son piège mortel. Un coup à gauche, un coup à droite. Un coup en haut, un coup en bas. L’ouvrage prend forme et volume. Et commence à prendre vies : déjà deux mouchettes insouciantes se sont laissé engluer dans les fils à peine tissés.

    Satisfaite de voir son garde-manger se garnir, l’araignée n’en continue pas moins son labeur avec acharnement. C’est qu’il s’agit de renforcer l’ouvrage, si elle veut y piéger de plus gros insectes, bien gras, tendres et savoureux. Elle en salive d’avance et se hâte de terminer sa toile.

    Hélas ! Comme bien souvent, l’araignée propose et les dieux disposent. Une des Parques qui passait par là avisa la malheureuse et décida de trancher net le fil de son existence. Clac !

    En repliant la tête de loup télescopique, je chantonne. Encore une p… de s…. de toile d’araignée débusquée ! C’est tous les jours qu’il faut être vigilante en cette saison !

     

    14. Le frigo.

    Le frigo est mal à l’aise. Il se sent sale. Pourtant, il luit et resplendit de toute sa blancheur soigneusement entretenue. Mais lui, il sait qu’il n’est pas propre partout.

    Le frigo est dos au mur, ce qui est logique et bien pratique pour voir tout ce qui se passe dans la cuisine. Mais offre le gros inconvénient de cacher ses arrières. Qui échappent alors aux entretiens courants.

    Pourtant, qu’il aime ça, quand on le gratouille, le chatouille, le papouille dans le dos ! Quand le crissement de l’éponge à récurer le parcourt du haut de l’échine jusqu’en bas, il frémit d’aise. Et quand l’eau tiède savonneuse le rince de toutes ses impuretés, il ne se sent plus de bonheur. Cette douce chaleur le venge de tout le froid sciemment entretenu dans son intérieur.

    Aujourd’hui est le grand jour, il l’a compris. Il a été tiré vers le milieu de la pièce, a vu arriver le seau et la brosse, a senti les prémices du grand bain de dos avec excitation et impatience.

    " Mais, non ! Ce n’est pas vrai ! Il faut me débrancher avant de mettre de l’eau ! Houhou ! Au secours ! Enlevez la prise électrique ! "

    Merde, merde, merde ! Voilà le troisième frigo que je bousille en dix ans ! Et j’ai failli me faire court juter par les étincelles ! Ca aurait peut-être mieux valu, car qu’est-ce que je vais entendre ce soir quand ma douce moitié va rentrer…

     

    15. Le tuyau.

    Le tuyau d’arrosage est un grand paresseux. C’est pour cela qu’il adore l’hiver, saison où il a très peu de chance d’être dérangé. Il se love et s’enroule dans l’oisiveté et finit par s’endormir béatement, d’un sommeil sans rêves ni cauchemars. Jusqu’au printemps suivant où il lui faudra, bien malgré lui, reprendre du service.

    Cette année, l’hiver a été long, rude et froid. Des gelées persistantes ont retardé la reprise des activités au jardin. Et le tuyau d’arrosage a bénéficié de plusieurs semaines de repos supplémentaires. Aussi, est-il bien engourdi lorsqu’il est sorti pour la première fois de sa torpeur. Sans qu’on lui laisse le temps de récupérer un peu de lucidité, il est de suite mis au travail. Sans soucis de ses raideurs. Sans se préoccuper des rhumatismes qui le taraudent vu son grand âge. Sans ménagements.

    Alors, il craque, au propre comme au figuré. Il demandait juste un peu d’égards, lui, un peu de douceur. Il n’ose même pas prononcer le mot tendresse, il ne sait pas ce que c’est. Il craque. Et un gros jet d’eau fuse impromptu de la déchirure de sa peau malmenée.

    Me voilà trempée, maintenant ! La faute à ce laid vieux tuyau tout décoloré ! Bon, je vais me changer pour aller en acheter un nouveau. Mes semis de petits pois ont tellement besoin d’eau…

     

    16. Le melon.

    Le melon souffre sous la chaleur du mois de juin. Disposé avec harmonie parmi ses congénères, il offre aux chalands du marché dominical sa bonne bouille de fruit sain élevé avec amour. Et il attire l’attention des acheteurs potentiels, à un point tel que chacun veut le prendre en main et éprouver sa capacité à prendre place au repas de midi. C’est pour cela qu’il souffre.

    On le soupèse, allant jusqu’à le faire sauter dans la paume. On lui enfonce un doigt inquisiteur dans toutes ses parties. Il a même senti un ongle pointu, peint d’un rouge agressif, lui entailler la peau. Oh, les mauvaises gens, qui ne savent pas reconnaître comme il se doit un beau fruit mûr, digne de figurer à leur menu !

    Celle-ci lui semble moins sauvage, plus connaisseuse. Elle le saisit délicatement, le retourne la queue vers le bas et lui sent avec satisfaction le fondement. Avec son nez, pas avec ses doigts. Oui, oui, Madame, c’est comme cela qu’il faut faire ! C’est ainsi qu’on reconnaît un melon de qualité, qu’on juge de sa maturité et de son état de fraîcheur. Il est tout heureux de se retrouver dans le cabas d’une cliente d’aussi belle tenue morale.

    " Bon, du Porto, il m’en reste. Du jambon du pays aussi. Je la tiens, mon entrée ! "

     

    17. La roulette.

    La roulette avant droite du caddie est une rebelle. Une contestataire. Une anarchiste. Un suppôt de Satan, disent les clientes du supermarché. Elle ne peut supporter de suivre aveuglément les mouvements bien coordonnés de ses trois compagnes de galère. Les arrêts, les brusques départs, les attentes, les accélérations, les chocs contre les rayons, le poids des victuailles qui viennent lester le caddie au fil des achats lui sont insupportables.

    Alors, elle grince des dents, essaye de se défiler en faisant quelques mouvements de protestation, se roule vers l’arrière au moment de redémarrer, tourne follement dans les lignes droites. Coince dans les virages souvent mal négociés. Elle se rend ainsi tellement invivable qu’il n’est pas rare de la retrouver abandonnée au milieu d’une allée, la cliente ayant rendu les armes face à une telle mauvaise volonté.

    Jusqu’au jour où elle reçut un tel coup de pied qu’elle s’en sentit toute chamboulée. Ses velléités d’indépendance cédèrent devant l’autorité qui émanait de ce pied violent, mais ferme dans sa volonté de mâter les récalcitrants. Retournant à une docilité temporaire, elle se tint coite pendant toute la durée des achats dirigés par le pied.

    J’aime beaucoup la musique douce diffusée dans les grandes surfaces. Elle m’aide à faire les courses avec plus de sérénité.

     

    18. La cire.

    La cire, dans l’immensité de son orgueil, veut être traitée avec égard et componction. Pieusement, religieusement, sans écart de conduite inopportun. Fruit du long travail de mille ouvrières ailées et zélées, elle attend dévouement, adoration et traitement de faveur lorsqu’elle est utilisée à des travaux ménagers. Elle aimerait entendre une prière fervente avant l’ouverture du couvercle de son tabernacle. Il lui plairait que ce cérémonial s’accompagne de chants, de psaumes, d’incantations rendant grâce à sa grandeur et à son importance. Une petite génuflexion serait même la bienvenue.

    Aussi, à chaque fois, elle reçoit un choc lorsqu’elle voit s’approcher de sa surface vierge, un infâme chiffon graisseux, maculé de toutes les saletés récoltées lors des précédents usages. Une honte, un sacrilège, une offense si grave qu’il lui faudra des mois pour se remettre de l’outrage. Il n’y a plus de respect, ma pauvre dame ! Les traditions se perdent ! Où allons-nous ?

    Je me lave soigneusement les mains, car je hais l’odeur de la cire qui les imprègne. Elle me donne mal au cœur.

     


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    Le mot de Désirée Boillot

    Entre chien et loup, mon cœur balance

    Je passe au café pour tirer mon chapeau à tous les valeureux auteurs qui se sont risqués à écrire entre chien et loup. Voici que pour la première fois, je me retrouvais de l’autre côté de la barrière, et je me faisais l’effet d’une bergère qui aurait à choisir les meilleurs moutons du troupeau. Il n’y a de meilleur mouton que pour soi. Il faut le savoir. L’autre berger trouvera à ce mouton-là plus de chair, à cet autre plus de tendreté, à cet autre encore une meilleure laine. Regarde mon mouton, comme il est docile et doux ! – Et le mien ! Regarde moi cette charpente et comme il est planté !

    Il y aurait autant d’avis différents que de variétés de style, si les réunions d’harmonisation n’étaient là pour rassembler les bergers et les bergères. Encore faut-il que ces réunions soient organisées avec souplesse et qu’elles permettent de "lâcher du lest": l’expression n’est pas de moi mais de Patrick L’Ecolier, le maître d’œuvre du concours. Je voudrais le remercier.

    Je remercie également tous les participants pour ces moments de lecture.

     

     

    Le mot de Françoise Bouchet

    Lancée comme une bouteille à la mer

    Ouverte à la lecture

    Une nouvelle nue

    Parmi tant d’autres

     

    Concourt intimidée,

    Hésite entre chien et loup

    Insiste, s’insinue,

    Envoûte cinq jurés de ses atours

    Nouvelle primée,

     

    Mais laquelle ? Suspens…

     

     

    Le mot de Laurence Marconi

    Cet été, nous avons beaucoup lu. Entre chien et loup, dans la clarté timide de l’aube ou peu avant la débâcle du jour, aux heures gorgées de lumière ou dans la quiétude de la nuit, il s’agissait de frontières, de personnages funambules en équilibre entre deux mondes. Vous nous avez parlé de ces hommes et de ces femmes qui vivent dans la marge, de l’autre côté de la ligne rouge, si fragiles, si démunis que le souffle de l’indifférence suffit à les gommer de la page; de ces êtres plus tout à fait humains mais pas encore tout à fait bêtes, de ces loups-garous pour qui la lune est pleine chaque nuit; de ces destins qui se brisent dès la première morsure des ténèbres, de ces proies trop faciles et tendres sous la dent, de ces courants de vie qui nous portent et nous chahutent, de ces instants où tout bascule.

    Pour ces larmes et ces sourires, ces virgules et ces soupirs qui ont ponctué notre été, soyez tous remerciés.

     

     

    Le mot de Patrick Denys

    Juillet-août entre chiens et loups ... Le va et vient des incertitudes à la lecture des 115 propositions. L'ombre et la lumière!

    Des surprises parfois ou de l'étonnement ; de l'émotion aussi, souvent à fleur de peau, entre les lignes ; et de la colère pour les justes causes, de la poésie ou de l'humour...

    Difficile de partager tout cela avec le même regard, mais c'était la richesse - et pour moi la découverte - de cette expérience "plurielle". Merci aux auteurs et merci à Calipso pour toutes ces ouvertures.

     

     

    Le palmarès

    1 Théa des Coulmes, Jean-Paul Coutelier (Belgique)

    2 Les anonymes, Jacqueline Dewerdt-Ogil (Pas de Calais)

    3 Eurydice sur le quai, Sylvie Dubin (Maine et Loire)

    4 Aux aguets, Isabelle Guilloteau (Côte d'Armor) et Christophe Esmault (Eure et Loire)

    5 Un loup pour l'homme, Sophie Etienbled (Seine Maritime)

    6 Un chien pour l'homme, Sylvette Heurtel (Ille et Vilaine)

    6 La course aux étoiles, Maryse Vannier (Hauts de Seine)

    8 Balade entre chien et loup, Carole Exbrayat (Isère)

    8 Loup, y es-tu ? André Fanet, (Côte d'Or)

    10 La chute lente du jour, Jean-Paul Vialard (Lot et garonne)

    11 Canons à louer, Christian Jacques (Hauts de Seine)

    12 Moi, S, tête de serpent, Benoit Camus (Hauts de Seine)


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  •  Greve parapluie

     

     


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    Où l'on retrouve Jean-Claude Touray célébrant un grand nom de l'histoire...

     

     

    Caïn : erreur judiciaire ?

     

     

    Facile de commémorer la naissance ou la mort d’un personnage dont l’existence est mythique, aucune contrainte de date. Célébrons donc aujourd’hui le vingt millième anniversaire de la venue de Caïn en ce bas-monde. Caïn, l’aîné des fistons d’Eve et d’Adam, le premier criminel de l’Histoire a-t-on écrit, celui qui aurait assassiné son p’tit frangin Abel. Condamné en première instance à l’exil, sans appel possible, par un Dieu juge et partie.

     

    Je crois à l’innocence du présumé coupable.

     

    Abel ce salopiot, avec ses menus " méchoui et barbecue " associant viandes grillées aromatisées aux herbes de Judée, salades sauvages, fromage et dessert, faisait un malheur dans le secteur de la restauration. Dieu était un client régulier. De son côté, la soupe de légumes versée sur une tranche de pain d’épeautre que Caïn offrait à la consommation n’avait aucun succès. Dieu n’était jamais venu.

    D’où, dit-on, une jalousie, un mouvement d’humeur et des coups et blessures ayant entraîné la mort d’Abel avec intention de la donner. C’est une colère froide et raisonnée qui aurait conduit Caïn à émasculer son cadet avec un coupe-cigare avant de le clouer au sol d’un coup de pioche… Colère contre son chouchou de frérot toujours favorisé, et contre Dieu qui n’était pas végétarien.

     

    Voila l’opinion officielle, qui est celle de la grande majorité de nos concitoyens. Ils ont tendance à prendre l’aîné des rejetons d’Adam pour un assassin sans moralité, un quidam franchement pas fréquentable à jeter aux oubliettes. " Rien n’est bon en lui, y’a tout à jeter " pourraient-ils chanter, paraphrasant Brassens. Victor Hugo a pourtant montré que Caïn avait une conscience qui le tenait à l’œil et cela, jusque dans la tombe.

     

    On voit bien que toute l’instruction de cette affaire est à reprendre à zéro…On n’est même pas certain qu’il y ait eu mort d’homme. Encore moins que Caïn ait été, par jalousie, l’assassin de son frère.

     

    Caïn, agriculteur sédentaire, récoltait des céréales sélectionnées. Parallèlement, c’est lui qui a lancé, cahin-caha hue dia hop là, la domestication des animaux qui nous sont familiers comme l’âne et le bœuf, le chat et la souris ou encore le morpion. C’est un bienfaiteur de l’humanité, très moderne en son temps : le Néolithique.

     

    Abel, vagabond sans feu ni lieu, se nourrissait de rats du désert et de figues de Barbarie complétés de laitages et viandes fournis par son troupeau de chèvres. Il dormait à la belle étoile avec sa chienne. C’est surtout en rêve qu’il était devenu le pape de la cuisine branchée. Nomade accompagnant ses bêtes, Abel n’était qu’un va-nu-pieds.

     

    Et l’on voudrait nous faire croire que Caïn était jaloux de la réussite de son frère au point de le trucider !


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    Le mot du barman

    Alors bien sûr au début il y a cette idée de passage où le ciel rétrécit et où les ombres deviennent fugitives, bien sûr il y a ces chemins de traverse où les bêtes se défaussent de leur humanité, bien sûr il y a le chant du cygne et l'invitation à rentrer en soi-même, il y a le tourbillon des pensées quand la lumière vacille, et puis il y a cette image du temps abolissant les lignes et les contours tandis que l'espace se meut sournoisement, et bien sûr il y a ces petits noirs suspendus entre elle et lui quand la chair du jour se défait, il y a toutes ces secondes crépusculaires si démesurément effeuillées qu'elles en deviennent imperceptibles, il y a ces minutes où se risquent les fantasmes et où s'aiguisent les angoisses, ces heures en creux où, tapi dans la pénombre, on tricote sortilèges et enchantements, il y a enfin ces instants de clair-obscur où l'on marche sur la pointe des pieds, où l'on s'emmitoufle dans la touffeur bruissante du soir, où l'on sent dans la réverbération du monde l'âme de ceux qui veillent la nuit. Et puis vient l'écriture dans ce qu'elle a d'ombrageux et de troublant, une écriture équivoque, sans cesse reprise et sans dernier mot, une écriture qui se heurte aux choses et aux êtres, une écriture proprement déchirante qui vient dire la séparation d'avec l'autre mais aussi d'avec soi, une écriture qui nous entraîne fatalement dans un entre-deux par-delà le bien et le mal, le vrai et le faux...

    Entre chien et loup, c'est un peu toute cette densité de lumière qui nous a été donnée à lire.

     

    Et voici la liste des 13 nouvelles sélectionnées pour le recueil (par ordre alphabétique) :

     

    Aux aguets

    Balade entre chien et loup

    Canons à louer

    Eurydice sur le quai

    La chute lente du jour

    La course aux étoiles

    Le gant perdu

    Les anonymes

    Loup, y es-tu ? (LG21)

    Moi, S, tête de serpent

    Théa des Coulmes

    Un chien pour l'homme

    Un loup pour l'homme

     

    Nous vous donnons rendez-vous dans huit jours pour le palmarès final de cette neuvième édition.

      

     


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