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    Attention, Mesdames et Messieurs, attention, demain, nous disons bien demain, premier jour du mois de septembre, sera livrée ici-même et par porteur spécial, la très belle liste des nouvelles qui auront l'infime honneur de participer à la grande finale du concours Calipso 2010 "Entre chien et loup". Le café restera exceptionnellement ouvert jusqu'à pas d'heure pour recevoir félicitations et doléances...

    Il ne sera pas fait d'autres annonces, qu'on se le dise !


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  • petit homme


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    Même si le petit homme au groin proéminent aime patauger dans les marais nauséabonds du vieux borgne, nous autres au café, nous ne nous résignons pas : la porte reste ouverte aux hommes de bonne volonté, y compris ceux qui auraient franchi la frontière en douce. Ici, les cocktails se fabriquent avec les mots du monde entier et on échange les coups de cœur comme les coups de gueule. Bienvenue à ceux qui créent sans se demander s'ils sont français de couche, de souche, s'ils sont fils de manouche ou citoyen en babouches, bienvenue aux auteurs et aux lecteurs d'ici et d'ailleurs, bienvenue à l'ami Pierrot, au chat de la voisine, au juif errant, à l'étranger...

     

    Petites histoires porcines

    par Gilbert Marquès

     

    Cochon des champs

    Regardez bien la matrone

    Pour sûr une belle cochonne

    Bien en chair bonne en gras

    La préférée des verrats

    Nourrie aux glands des forêts

    Douce avec ses gorets

    Qu'elle materne dans sa soue

    Chaude encore de la boue

    Dans laquelle elle s'est souillée

    Jolie truie au regard mouillé

    Vit à l'air libre dans les champs

    Et vivra encore longtemps

    Avant de disparaître saucisson

    Ou encore délicieux jambons

     

                              Cochon du ghetto

                                  Mes jambons sont des saucises molles

    J'en ai rien à gratter du groin

    Moi pauvre porcelet venu de loin

    Pour devenir cochon suralimenté

    Pour être gros faut pas s'agiter

    Je suis gonflé de la bedaine

    Bourré d'anabolisants quelle haine

    Enfermé derrière des barreaux

    J'entends le rire de mes bourreaux

    Ils me donne une autre ration de poudre

    Qu'ils aillent donc se faire foutre

    J'ai plus faim j'ai mal partout

    Vivre comme ça vaut pas le coup

    Je tiens plus sur mes guibolles

    Mes jambons sont des saucisses molles


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    Même en l'absence du barman il y a toujours de quoi déguster un petit noir sur le zinc. Et puis il y a toujours quelqu'un de sympathique pour faire un brin de causette. Aujourd'hui Claude Romashov vous présente ...

     

    ANGELIQUE

     

    Elle a les mains rouges, de grandes mains rustiques, faites pour le travail manuel. Ces mains terminent des bras ronds et forts. Elles s’activent dès l’aube, rapides, nerveuses, efficaces. Leur propriétaire est efficace. Besogne vite expédiée, grain de poussière traqué avec rage. Le chat la regarde, ébahi et craintif. Doit-il rester, tétanisé par son regard ou prendre la fuite ?

    Son frigo est toujours plein, la viande soigneusement emballée, les œufs à la bonne place et les fromages odorants, proscrits, bannis, même enfermés. Hors de chez elle, tout ce qui sent fort, tout ce qui dérange la bienséance, tout ce qui contrarie sa vie bien réglée. Elle aime trop la discipline, les idées bien rangées. D’ailleurs on se demande si elle en a des idées. Le front buté, recouvert d’une épaisse frange brune, les yeux en mouvement, toujours zébrés d’éclairs de colère, la bouche fière et serrée, qui ne s’ouvre que pour sortir des vacheries ou, au mieux des lieux communs. Je ne l’ai jamais vue calme, apaisée. C’est une adepte du mouvement, toujours à bousculer les objets et les gens. Gare à celui qui se trouve sur son passage. Il sera copieusement insulté.

    Je la suis parfois quand elle retrouve ses amies, elle n’a que des amies, les hommes la fuient. Chacun ses failles. Elle ne comprend pas pourquoi. Un jour, je lui expliquerai peut-être, et puis non ! Qu’elle se débrouille ! Elle qui a réponse à tout, qui fait toujours mieux que le reste du monde.

    Donc je la suis quand elle retrouve ses amies, au supermarché ou au square. Une assemblée de bigotes, bien pensantes, mal fagotées, le cheveu et le talon plat. Elles papotent sur la vie chère qui les étranglent, sur la voisine pas sérieuse qui aguiche tous les hommes et sur, oh bonheur ! Le dernier sermon du curé (l’amateur d’enfants de chœur !… Je tente une percée…) Je crois que je vais me faire assassiner. On me foudroie du regard, lippe en avant et elle, elle me sort qu’elle a honte de moi, que je prends un malin plaisir à la ridiculiser devant ses amies. Je sais, j’aime provoquer, surtout ces épouvantails qui en savent long comme un jour sans pain sur les aléas de la vie chère, sur la bonne conduite à adopter.

    Elle s’appelle Angélique, prénom doux et sucré pour une décervelée. Elle a une allure déliée, bon ! Des mollets trop ronds mais parfois je la trouve assez jolie (quand elle se tait). Un visage long et osseux mais surtout deux yeux inoubliables. Très mobiles, verts aux pupilles larges. Certains disent qu’ils sont beaux moi, je ne les aime pas : trop fouilleurs ! Elle a une bouche aux dents pointues et carnassières et des bras en tenaille qui blessent quand elle vous agrippe. Si j’étais caricaturiste, je la croquerais en homard. Oh le vilain teint rouge et piqueté ! Oh les yeux fureteurs et les pinces prédatrices !

    Elle a un métier qu’elle exerce aussi avec efficacité. Elle s’occupe de personnes âgées. Ménage nickel, repas servis à l’heure, toilette… Aïe, les petites vieilles, pas trop mal le gant de toilette passé par des pinces de homard ! Elle peut discuter à l’infini du temps d’avant où tout était plus facile, où les hommes n’étaient pas inconstants (ah bon !) Où toutes les voitures ne polluaient pas les poumons, là, elle a raison. Mais elle a toujours raison car c’est une personne qui ne doute jamais. Jamais d’elle-même, jamais de ceux à qui elle accorde sa confiance. Ils existent mais ils sont rares car elle estime qui la flatte, qui courbe l’échine pour la mériter.

     

    MARTINE

     

    Le silence se fait dans la pièce enfumée et les têtes se dévissent. Elle le sait, elle le sent. Elle entre majestueuse telle une actrice de péplum. Ils se précipitent l’un pour tenir son sac, l’autre avec un cintre pour son manteau. Royale car elle en a l’habitude, elle dépose le vêtement dans les bras du garçon dont le visage cramoisi disparaît derrière les poils du vison. Martine gentille, le remercie d’un sourire éclatant. Un sourire nacré de petites dents très incisives. Le malheureux garçon se liquéfie. Il est vrai que belle, brune et spectaculaire, elle ne laisse jamais indifférent. On l’aime ou on la déteste, moi j’aime l’observer en retrait.

    Martine a beaucoup d’allure, je dirais même du charisme. Le seul inconvénient, si c’en est un, c’est qu’une jolie fille a toute la population mâle à ses pieds. Ils ne l’intéressent pas vraiment, non ce qu’elle cherche c’est une proie à déguster jusqu’à la lie. C’est une prédatrice qui traque inlassablement ses victimes. En voilà une de premier choix ! Un pigeonneau, policé, très beau volatile, ramage et plumage à l’avenant. Il avance en aveugle, m’écrase les pieds, s’excuse à peine : (C’est quoi la blonde rondouillarde, ta copine !) L’imbécile, il va y passer, il a mis la patte dans l’engrenage et au mieux, il en ressortira vidé de ses illusions et le portefeuille bien sec. Un moindre mal ! Je ne sais pas comment elle se débrouille mais, elle a beau les malmener, en tirer le maximum de dévouement et d’espèces sonnantes, ils pleurent et gémissent lamentablement quand elle les jette. Car elle les jette toujours, en bonne prédatrice quand la victime est exsangue.

    Moi, j’alimente la conversation, ils veulent tout savoir d’elle. Martine est secrète, elle ne raconte pas ses fêlures, les blessures de l’enfance et je sais qu’elle en a beaucoup endurées, que son comportement est une sorte de revanche contre un destin qui n’était ni pavé d’or, ni pavé de bonnes intentions à son égard. Elle a reçu la séduction en arme absolue et je pense qu’elle a bien raison de s’en servir. Les hommes sont à la fois trop cruels et trop naïfs.

    Donc ce soir, je l’observe. La mèche ondulée au ras du beau regard noir en amande, la peau de pêche, les lèvres rouges et ourlées et surtout les gestes d’une suprême élégance, les longs doigts aux ongles vrais et démesurés qui s’accrochent subrepticement au revers de la veste du beau jeune homme, et c’est reparti… Demain, elle me racontera qu’elle est amoureuse, qu’il est merveilleux jusqu’à ce que la belle idylle se gâte rapidement. Dès qu’elle se sent prisonnière, elle s’évade Don Juane et parfois je me demande ce qu’elle cherche et si cette course éperdue après l’amour, après l’argent n’est pas l’expression d’un profond malaise.

    Lui : son caniche péteux, le chien de sa vie, compisse allègrement tous les poteaux et montre les dents quand des petits merdeux lorgnent de trop près sa jolie maman.

     

     

    La secrétaire de mairie

     

    La secrétaire de mairie a rejoint son bureau. Elle trône triomphante derrière son ordinateur. Elle est efficace, presque affable avec un sens inné du contact. Il est vrai, qu’à l’abri de ses verres correcteurs, monstrueusement épais, elle remarque tout. Très organisée, elle sait mieux que personne, remplir un planning. L’endroit où elle travaille lui convient parfaitement. Elle se pique de culture, et dans cette mairie de secteur, elle peut à loisir, prévoir des sorties, des lotos pour ses chers papys et mamies.

    Il est une chose qu’elle adore par-dessus tout : c’est danser. Formidable les adhérents de son club du troisième âge ne sont pas en reste.

    La secrétaire de mairie, boudinée dans ses beaux atours bariolés, danse et danse encore au bras de son mari rabougri. Elle tourne, virevolte, froufroute et coasse, au son de l’accordéon d’Aimable.

    Perchée sur des pattes grêles, le visage à la peau granuleuse, l’œil exorbité derrière les hublots qui lui mangent la figure, elle ressemble, la pauvre à un crapaud buffle.

    Codicille : elle possède un chien, lui aussi gras, perché sur des pattes torses. Un chien très laid. Un bouledogue français répondant au joli nom corse de Napoléon.

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    Entre va-et-vient d'un rivage à l'autre, votre barman préféré en oublierait presque de saluer les visiteurs de l'été et de leur servir le café. Je profite donc d'un transit à Grenoble pour programmer pour les semaines à venir un méli-mélo de petits noirs à déguster sur le zinc...  

     

    Au cœur des choses

    par Suzanne Alvarez 

     

       

    Après " La Peste " et " L’Etranger ", j’ai dévoré vers 14/15 ans la pièce de théâtre " Les Justes " de Camus et dans laquelle le flic explique : " Je me suis fait policier pour pénétrer au cœur des choses ". Cette réflexion m’a si bien frappé, qu’elle a contribué, en grande partie, à mon orientation professionnelle ultérieure. Je suis donc entré dans la Police. Parmi les (si je dis quelques, vous allez me trouver inconsistant, si je dis nombreuses, vous allez me trouver vaniteux) compétences professionnelles que l’on voulait bien me reconnaître, figurait la manière d’accoucher les malfaiteurs, délinquants ou criminels. Aucun mérite en cela. J’ai toujours eu un faible pour les joutes oratoires et, l’expérience aidant, j’étais devenu assez bon dans le dialogue aboutissant à enfermer l’interlocuteur dans ses contradictions, pour, finalement, obtenir ses aveux. En flic digne de ce nom, je lâchais rarement mon os avant de l’avoir entièrement rongé.

     

    J’étais de permanence de nuit…

    Vers vingt-deux heures trente environ, le PC me signalait un meurtre dans le quartier de la Roquette : un homme, père de deux adolescents, venait de poignarder sa femme et avait pris la fuite.

    Je fonçai immédiatement sur place : un appartement en étage, dans un petit immeuble sans prétention, serré entre deux constructions hideuses. Des curieux encombraient la cage d’escaliers. Je fus contraint de disperser le groupe, et leur ordonnai de rentrer chez eux.

    A mon arrivée, outre les deux malheureux gamins -une fille de quinze ans pratiquement au bord de l’hystérie et un garçon de quatorze-, je trouvai dans l’appartement une équipe de pompiers, une autre du SAMU, et une voisine.

    Au milieu de la salle de séjour n’excédant pas la vingtaine de mètres carrés, le cadavre d’une femme assez corpulente gisait, allongé sur le dos. Elle était vêtue d’une chemise de nuit. Un oreiller était glissé sous sa tête. Une table de repassage était dépliée entre elle et la baie vitrée.

    Tandis que j’observais la victime, je constatai comme tout le monde, que du sang, qui devait provenir de dessous son corps, commençait à se répandre et à s’écouler lentement, mais progressivement, notamment au niveau de la poitrine.

    Sur la table se trouvaient encore quatre couverts et les reliefs du repas du soir. Je commençai par chasser le chat qui lapait le sang dans l’indifférence générale, et que l’inspecteur Plavis qui m’accompagnait enferma sur le balcon. Je bloquai l’équipe de pompiers qui s’apprêtait à quitter les lieux, et je demandai au médecin du SAMU de me seconder dans l’examen du cadavre. A ma demande, il le retourna sur le côté. Et là, je découvris, planté entre les deux omoplates, un couteau " Opinel " dont le manche était rabattu contre le dos. Je constatai alors que la lame était si profondément enfoncée, que la virole avait pénétré en partie dans la chair.

    Les premières explications recueillies verbalement par l’ensemble des gens présents, confirmèrent l’hypothèse que je commençais à entrevoir.

    Après le repas du soir, la victime avait commencé du repassage, tout en reprochant à son mari son intempérance habituelle. Placée face à la baie vitrée, elle lui tournait le dos. Les deux enfants étaient dans leur chambre respective, lorsque, après des éclats de voix, ils entendirent un bruit de chute. Sortant simultanément, ils s’étaient alors pratiquement heurtés à leur père, qui, affolé et décomposé, les avait repoussés et leur avait dit en bredouillant : " J’ai fait une connerie ". Puis il a ouvert la porte et il a eu cette fuite précipitée pour se cacher, aller n’importe où, disparaître…

    Dans les escaliers, il a croisé la voisine du dessous en répétant : " J’ai fait une connerie ", puis il a continué sa course désespérée. Cette voisine, une infirmière, qui avait entendu crier les deux enfants, était sortie de chez elle. A peine remise de son émotion, et n’écoutant que son courage, elle s’était précipitée chez eux, un étage plus haut. Lorsqu’elle a vu leur mère à terre, elle a pensé à une syncope et a réclamé un oreiller pour lui surélever la tête. Puis, s’étant assurée que le cœur de la malheureuse battait encore, elle leur a demandé d’appeler les pompiers.

    Voyant que le pouls faiblissait, elle a commencé un énergique massage cardiaque, jusqu’à l’arrivée des pompiers, qui parvinrent rapidement sur les lieux. Sans perdre un instant, ceux-ci prirent le relais avec la vigueur qui les caractérise. Malgré tous leurs efforts, et bien que, par la suite, relayés par le SAMU, ils n’ont pu empêcher le décès de la victime. Comme je les interrogeais, à propos de la tache de sang qui s’élargissait de plus en plus, ils me signalèrent qu’elle n’était pas visible avant mon arrivée. En effet, il n’y avait aucune trace suspecte lors de l’intervention de l’infirmière, puis des pompiers et du SAMU. Ce qui expliquerait la façon dont ils avaient procédé pour tenter de réanimer la victime. Le meurtrier qui s’était réfugié au poste de garde de l’hôpital Croix Saint-Simon tout proche se rendit de lui-même, et je pus prendre immédiatement ses aveux.

    Je fis, comme à mon habitude, preuve de diplomatie : je le mis en confiance et je réussis à trouver les arguments convaincants pour l’amener à des aveux ou plutôt à une confession, véritable soulagement pour ce quinquagénaire, visiblement au bout du rouleau. Et comme je lui demandais pourquoi il avait commis ce geste irréparable, il m’expliqua qu’il avait cédé à un mouvement d’humeur parce que sa femme passait son temps à le mépriser. Alors il buvait parce que tout ça le dégoûtait.

    Mais il m’a fallu dans la même nuit, entendre l’infirmière, les pompiers et l’équipe du SAMU, tous bien ennuyés d’avoir commis cette navrante boulette. Car tout ce beau monde ignorait l’existence du couteau.

    Et l’on ne saura jamais avec quelle violence, le mari a poignardé sa femme : peut-être aurait–elle pu être sauvée sans tous ces massages cardiaques … fatals. Qui sait ?


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