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    Le café sera fermé du 25 avril au 3mai. Durant ces jours où vous ne pourrez venir vous abreuver de mots, d’idées et d’émotions, nous vous invitons à célébrer, à maudire, à oublier, à reprendre du poil de la bête dans l’après 22 avril 2007 en composant à partir d’une dizaine d’expressions courantes une petite histoire de campagne :

    Attraper le démon

    Boire du petit lait

    Battre le pavé

    Caresser l’espoir

    Mordre la poussière

    Oublier d’être bête

    Perdre la main

    Prendre son pied

    Rendre gorge

    Tailler des bretelles

     

     


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    Une chronique à la petite semaine de quelques judicieuses fabriques de littérature.

    à cliquer dans les Aiguillages :

     

    Sur Mot Compte Double

    Le feuilleton du printemps écrit par Désirée Boillot, "Les aventures de Scipion Lafleur " est à lire en alternance sur Mot compte double et Calipso. Le 4ème épisode " Sous la terre " est encore tout frais sur Mot compte double du 21 avril : le prochain " Popcorn " paraîtra le 4 mai 2007, sur Calipso donc !

    Sur Bonnes nouvelles

    Une fois encore Corinne Jeanson, texte, Hervé Jeanson, musique et Nicole Amann, voix, mêlent leurs talents pour composer " La nouvelle vague " . Un remarquable trio.

    Sur le site Ainsi vit-on aujourd’hui

    "Casa" un très beau récit, fluide et captivant qui dit avec cœur ce qu'il en est des richesses de l'imaginaire et du triste destin des illusions.

    Sur Histoires d’écrire

    Poèmes, récits, nouvelles de Corinne Jeanson, une bienheureuse entente entre les mots, la voix et la musique.

    Sur Mercure liquide

    Des extraits bien attrayants des premiers numéros de cette revue littéraire et graphique. A lire l’article qui leur est consacré " Mélanges fertiles " publié ici même le 12 avril 2007.

     

    La dépêche expéditive de chez Reuters

    Une compagnie d’assurances écossaise aux initiales avisées (GRIP) s’est engagée par contrat à couvrir vingt quatre femmes âgées de 21à 57 ans qui craignent de se retrouver enceintes des œuvres du Maître des Cieux. La compagnie assure également les risques de fécondation par des extraterrestres ou des esprits frappeurs, les attaques de vampires ou de loups-garous. Plus prosaïquement, elle garantie les prostitués contre le mal de dos, les adeptes de raves contre le décès par ecstasy ou encore les amateurs de bœuf contre la maladie de Creutzfeld-Jacob.

     

    Reste que seule une intelligence sensible des choses de la vie peut permettre de se préserver d’une lepénisation des esprits

     


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    Pour bon nombre de visiteurs de ce site, Stéphane Laurent, journaliste et rewriteur dans l’édition, n’est pas un inconnu. Comme à son habitude, il ne mâche pas ses mots et c’est avec une subtile simplicité qu’il s’est pris au jeu du Mouvement du 22 mars en abordant la délicate question du bonheur… si proche et si lointain.

     

    Le bonheur en 2012

     

    Depuis d’innombrables semaines, les politiques s’adressent à moi. Je suis devenu une cible. Et je n’aime pas beaucoup leur discours. Car depuis d’innombrables semaines, ils m’enjoignent - m’ordonnent ? – d’aimer la France. Identité nationale, petits drapeaux tricolores, aimez-là ou quittez-là… Le problème, c’est que la France, moi, je ne sais pas au juste ce que c’est. J’aime mes enfants, ma femme, mes parents, mes amis, tous ces gens pour qui je porterais le cadavre, comme on dit. Mais la France, non, je ne vois pas. Cela ne signifie pas que je la déteste, remarquez-bien. On ne peut ni aimer ni détester ce qu’on ne comprend pas. Or, moi, je ne comprends pas la France. Et quelle France, d’abord ? Celle de 1789 ou celle de 1942 ? Celle du Nord ou celle du Sud ? Celle de Paris ou celle de la Haute Saône ? Celle de Plougoulm, ou celle de Truchtersheim ? Celle de Lucie Aubrac ou celle de Pétain ? Celle de Bourdieu ou celle de Steevy ? Celle de Jamel ou celle de Le Pen ? Celle de l’Huma ou celle de Minute ? Aimer la France, se sentir français, être fier d’être français, être fier d’être fier d’être français : vite une bassine, j’ai un peu mal au cœur, là… J’aurais largement préféré que cette élection soit l’occasion d’aborder des questions absolument essentielles comme la possibilité de travailler moins et de s’en foutre. Comme le plaisir d’emmener ses gosses patauger au bord d’un étang. Comme la nécessité de ne rien faire. J’aurais voulu entendre que la finalité de l’existence n’est pas de travailler, plus, moins, le dimanche, la nuit, pour gagner plus, pour gagner moins. Que la finalité de l’existence, c’est le bonheur avant de crever. Le bonheur, celui qu’on traque dans les livres, dans le ciel, ou chez Ikéa. La quête du bonheur, voilà un projet politique intéressant. Or, je n’ai encore vu aucun ténor politique se pencher sur cette question. Pas leur rôle, sans doute, de parler du bonheur. Parce que le bonheur, dit-on, est l’affaire de chacun. Est-ce si sûr ? Réfléchir aux conditions d’un bonheur intelligent me paraît être un bel enjeu collectif, au contraire. Tant pis. Ce sera pour 2012.

    Stéphane Laurent


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    Corinne Jeanson s’illustre depuis quelques mois sur le site Bonnes Nouvelles avec notamment " Lisa ", " Quitter Berlin " et " La nouvelle vague " mis en voix par Nicole Amann sur une musique d’Hervé Jeanson. Des mots et des sons qui vous captent et vous emportent dans de nouveaux espaces d’affection et de respiration. Ce qui m'inspire, dit-elle, les ambiances, les amours, les nostalgies. Trouver dans les mots, l'apaisement quotidien ou toucher du doigt un peu d'inconnu. Ne rien chercher à démontrer. Garder la mémoire des moments ou inventer des personnages perdus et parfois bavards.

    Une invitation à lire qui vibre au gré des vents lunaires et du souffle intérieur.

     

    Le jeune modèle

    C'est un tableau ancien. Un jeune homme se tient debout devant une fenêtre fermée. Il regarde dehors la surface grise et bleue. Il appuie une main contre le carreau froid. Sa tête repose presque sur l'angle ainsi formé de son avant-bras. Sur le plan avant, une table, une sellette plus exactement, peinte en jaune, est esquissée. Le jeune homme est très blond mais ce n'est pas certain, peut-être est-ce le reflet du soleil qui dore ses cheveux. Sa longue silhouette et ses épaules étroites, sans être fragiles, respirent presque un air de repos ou de force maîtrisée. Si le jeune homme se retournait à présent, on verrait son sourire calme et généreux, absolument ouvert au regard de l'humanité fixée dans le décor en-dehors de la toile.
    Soudain, derrière la fenêtre fermée, le ciel grise à l'acier et sur la surface de la vitre coulent les larmes de la pluie. Le jeune homme en essuie une, puis une autre. Il trace de l'autre côté de la vitre la traînée avec son index. Il devient cette goutte d'eau, il en goûte la force et la mélancolie.

    Le jeune homme s'est retourné. Il aperçoit le vieux sculpteur qui a déposé l'argile sur la sellette jaune et qui tente de fixer l'âme de son modèle. A travers sa mémoire, écho sans vocable, le vieil artiste projette dans la terre humide le croisement de son émotion mêlée à la présence du modèle debout contre la fenêtre fermée.

    Corinne Jeanson


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    La nouvelle de Patrick Essel " Sale attente " poursuit son petit bonhomme de chemin ; après une première édition sur ce blog en décembre dernier, elle a été dernièrement mise en voix par Nicole Amann sur le site Bonnes Nouvelles et publiée dans le numéro 40 de la revue " Les hésitations d’une mouche ". C’est en écho à sa lecture que Gilles-Marie Chenot a écrit le poème qui suit. Merci.

    Apprentissage des langues


    L'enfant de Bab El Oued commence à parler
    Dans la réconciliation du couple
    Quand la femme apprend
    A tuer les désirs morbides
    Qui polluent sa bouche
    Le rayonnement de l'homme
    Resplendit alors dans son ouvrage
    Le parant de lueur pourpre
    Stance immaculée de nouveau-né
    Au parfum cru d'imaginaire


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    Il est des jours où l’on se dit que les artistes ont une existence qui leur est propre, un espace affranchi des nécessités quotidiennes, un temps qui ne les lamine pas. Ne s’ébattent-ils pas dans des territoires où les maux du monde, les objets réels ne sont que des images resplendissantes de l’inhumanité ? Pourtant, à lire ce qui se dit, à regarder ce qui se fait, à entendre se qui se trame ailleurs, loin de nos petites affaires, à sentir tout ce qui met en mouvement l’attention, la pensée et l’émotion, on se dit qu’il nous reste encore une infinité de petites vérités à découvrir, de tournures et d’inflexions à deviner, une multitude d’expériences à transmettre, on se dit que ces troublantes nourritures ne nous sont pas totalement étrangères, que leurs auteurs ont forcément été traversés par la souffrance, la détresse ou la fureur, et l’effroi nous saisit parfois. L’objet inconnu émeut, le mot tordu fait sens, l’invisible se révèle. On se dit que l’œuvre prend vie sous nos yeux, on se dit que c’est un don aussi, quelque chose de singulier qui donne à désirer. Ce que nous y trouvons appartient à chacun, ce que nous désirons partager nous révèle à l’autre et nous incite à tenter de nouvelles rencontres. Nous ne perdons rien à nous y égarer. On se dit qu’il en va de notre histoire, de notre mémoire, fut-elle imaginaire, de l’infortune comme des petits bonheurs du jour. Au vent s’en vont les illusions dit-on, mais fort heureusement, il y a toujours un poète de passage pour revisiter les lieux et les cœurs, un esprit malin pour relancer l’utopie, un être humain pour tendre la main et vous inviter à aller de l’avant.

    On se dit qu’il y a un peu de tout cela quand on explore les premiers numéros de Mercure Liquide. Il n'y a pas besoin d'un mode d'emploi à côté de chaque œuvre pour la comprendre disent les auteurs, un point de conjonction indispensable à la rencontre, un gage de vivacité, d’engagement et de passion. C’est salutaire.

    Mercure Liquide, revue littéraire et graphique, 3 numéros par an, 7€ en kiosque sur Lyon, Paris et Marseille, 10€ par voie postale. http://mercureliquide.com


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    C’est le printemps. La pluie est froide. Demain, l’air se réchauffera. Encore que, il neigera peut-être. Au petit matin on se dit qu’il vaut mieux passer sous silence le temps qu’il fait. Tout a déjà eu lieu. Goutte à goutte. Reste à attendre que le temps se dissipe. L’air de rien. Sans bruit. Dans une sorte d’engourdissement. Peut-être faudrait-il combler l'accablante durée de quelques soubresauts ? En parlant de la vie, par exemple ? De ces rendez-vous attendus que l’on serre longtemps dans la poitrine, qui montent en fièvre quand le petit jeu commence et qui font naître ces drôles d’histoires, belles et définitives que l’on raconte les jours d’après, au hasard du monde. De ces bribes de poèmes qui ressuscitent la mémoire et qui donnent ce si bon goût de l’autre sur le bout de la langue. De ces divisions qui vous hérissent l’échine quand le jeu est plus incommodant que prévu. De ces petites misères qui entretiennent la souffrance jusque dans les miroirs. De ces plans d’évasions que l’on dresse en secret les nuits où l’impatience est à fleur de peau. De ces turbulentes interrogations qui compliquent l’existence quand on se figure être bien calé à l’écart de la multitude.

    L’autre jour, il faisait beau et un adolescent amoureux me demandait : comment ça tient s’il y a pas d’os ?

    L’humanité se défait. L’homme reste à l’intérieur de ses yeux, dans l’ombre. On y pense presque sans douleur.

     


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    C’est en alternance sur les sites Calipso et Mot compte double que Désirée Boillot donne rendez-vous aux lecteurs pour suivre les péripéties loufoques de quelques personnages pris dans le manège désenchanté du monde politique contemporain.

    Pour mémoire : Episode 1 " En eau trouble " sur Calipso – Episode 2 " Tas de rats " sur Mot compte double

     

    Episode 3

    Scipion Lafleur s’était baigné dans la Seine, puis marié dans la foulée avec Lola Croquette* : un double exploit qui faisait de lui un héros des temps modernes, dans la mesure où, d’après les statistiques qui ont une fâcheuse tendance à proliférer, les hommes traversent assez rarement un fleuve à la nage avant d’aller à la mairie se faire passer l’alliance à l’annulaire, c’est comme ça.

    Il y a fort à parier que les publicitaires, en mal de nouveauté, se soient directement inspirés du double exploit de Scipion pour créer la formule " deux en un " que l’on retrouve dans le chiffon Paf – à l’usage des pores de la peau et du pouf en peau de porc –, les nouveaux bonbons Boul’Gom – bons et qui font grossir –, ou le célèbre Monsieur Nickel, soit un grand type au sourire radieux dont les biceps d’airain dépassant du Marcel envoient non seulement les taches se faire voir dans le gouffre vertigineux de la crasse, mais ravissent l’épouse au sol de sa cuisine, pour l’emmener faire un tour sur les lianes de la propreté, dans la jungle toujours plus luxuriante des produits de ménage.

    Scipion ne pouvait pas le piffer, Monsieur Nickel. C’était épidermique. D’ailleurs, il n’attendait pas que l’autre crâneur eût fait son apparition étincelante sur le petit écran pour enlacer Lola. Il l’enlaçait toujours avant que le crétin rapplique sa fraise. Il éteignait le poste, clic, éteignait la lampe, clac, le silence et le noir étant indispensables aux papouillardises mignolesques et croquignolardes des amoureux. Mais avant de dévoiler les dessous de la scène torride sur le canapé, il nous semble nécessaire ici d’opérer un léger retour en arrière, afin de ménager un peu de suspense à cette histoire.

    Avant d’emménager chez Scipion, Lola avait posé deux conditions, au demeurant assez classiques :

    1) conserver son aspirateur à tête chercheuse qu’elle avait récupéré comme neuf tout au fond d’une décharge de la Porte de Montreuil,

    2) conserver également son cerf-volant qu’elle avait sauvé de l’agonie sur un trottoir de la ville d’eau de Deauville (il y pleut sans arrêt).

    C’était là des conditions incontournables, sine qua non, façon : " si t’en veux pas je rentre chez moi", sur lesquelles Scipion s’était penché avec précaution ; en habitué du rail, il savait bien que c’était pericoloso de trop se sporgersi.

    Sur la première condition posée par Lola (l’incursion inopinée et indésirable d’un aspirateur dans son appartement), il avait tiqué. Un peu. Avec doigté. Puis il avait argumenté. Pesé le pour et le contre. Des avantages apparents de l’aspirateur et de ses inconvénients inhérents. Thèse, antithèse. Mais il achoppait sur la conclusion, entrevoyant assez mal l’usage d’un aspirateur à tête chercheuse dans un appartement de vingt mètres carrés et quelques poussières seulement. L’engin, avec son long cou de caoutchouc coudé avait quelque chose du boa constrictor mais en pire et puis il était vert, ce qui n’arrangeait pas les choses, et puis il ferait peur à Friture, c’était l’évidence même, et puis Lola enfin moi j’aspire au balai, avait-il insisté en sortant du placard (à balai) un modèle classique hérité de son grand-père avec un manche verni de couleur rouille atteignant 1,52 m de hauteur (à vue de nez) et terminé par une brosse de 20 cm de longueur (au pifomètre), dont le crin retenait encore un paquet contrasté de poils noirs et de moutons blancs ; un petit effort, c’est pratique un balai et puis chez moi c’est pas grand tu vois bien, avait poursuivi Scipion d’une voix mal assurée contre les risques. Lola avait fait la moue. Avait dit : Non, non et non. Pas question Scipion. Moi, j’aspire à l’aspirateur. C’est lui et moi, ou sinon rien. Elle ne voulait pas en démordre.

    Bon prince, Scipion avait relégué le serpent vert dans le placard (à balai) en disant qu’on verrait, plus tard, quel usage on pourrait en faire, de ce truc, on trouverait bien.

    Sur la deuxième condition, Scipion avait dit oui, sans hésiter. Il gardait un souvenir ému de son cerf-volant qui avait filé vers les nues par un jour de grand vent sur la plage de Mimizan (si vous venez de Bordeaux prendre la A 637 puis la D 212 qui vire en 212 bis juste après Belin-Béliet pendant environ cinq kilomètres deux cents puis en 12 bis à hauteur de Pissos et c’est là que vous avez intérêt à pas louper l’embranchement sinon c’est Pau). En outre, le cerf-volant de Lola était d’un bleu profond et pur, de ce bleu limpide que prennent les ciels après que le mistral a emporté tout ce qui traînait ; pour le coup ça tombait bien : sa couleur préférée, c’était ce bleu-là.

    La troisième condition, il y a toujours des conditions qui ne se voient pas mais qui sont là, c’était Moustache, le chat de Lola, un tigré roux européen de 4 ans, une bête sublime à yeux verts, doté de longues moustaches noires et blanches. Scipion avait à peine eu le temps de se demander comment Friture - qui n’était pas tigré du tout mais noir comme la nuit avec des yeux comme des phares - prendrait la chose, que Moustache faisait déjà sa boule du type : gros hérisson de fourrure somnolent yeux mi-clos sur un bras du canapé. Friture, qui couvait sur le radiateur de peur que celui-ci n’attrape froid, n’avait pas daigné grogner au bond de Moustache. Rien. Il s’était contenté de se lécher une patte avant de la ranger sous son ventre.

    Dehors, la pluie jouait une petite musique apaisante et régulière sur le zinc du toit, comme pour sceller leur alliance. 

    à suivre…

    Désirée Boillot

    * Se reporter à l’épisode précédent paru sur Mot compte double, intitulé " Tas de rats "

     


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    Mouvement du 22 mars (9)

     

    Limana, déesse de l’équilibre

    par Régine Garcia

     

    Limana, déesse à la peau blanche comme le lait et aux yeux couleur jade, contemple toute l’étendue de la voûte divine où de minuscules étoiles multicolores constellent un ciel orangé. Autrefois, cette jeune déesse chantait avec bonheur, tout le long du jour et de la nuit. Les autres Déesses et Dieux s’émerveillaient de sa voix magnifique et l’écoutaient avec ravissement.

    Désormais, Limana ne fredonne que des mélopées tristes. Elle se questionne sur le pouvoir des dieux. Pourquoi devraient-ils décider du destin des mortels ? Telle déesse aura la sagesse, tel autre aura le pouvoir de punir. Assise au pied d’un grand chêne sombre, elle s’abandonne à toutes ses interrogations lorsque Athéna l’avertit d’un conseil imminent.

    Escortée par la déesse de la sagesse, elle longe le bois, en silence, avant d’arriver à la clairière du Conseil. Sa robe blanche et légère flotte dans la douce brise du soir d’été. Les senteurs entêtantes du jasmin se mêlent à la douceur des roses pourpres. Elle aime cette terre immémoriale où ses parents l’ont enfantée. Malgré cela, elle n’arrive plus à se réjouir.

    Zeus a mandaté les Dieux et les Déesses réunis dans la clairière du Conseil où des sièges et des tables en marbre rosé sont disposés en arrondi. Au soleil couchant, une brume diffuse un voile irisé sur l’assemblée. Rien ne laisse présager l’issue fatale. L’ordre du jour concerne Limana. Sur le siège le plus haut, barbe blanche, torse bombé, Zeus tonne d’une voix grave :

    - Limana, Déesse de l’équilibre, mets-toi au centre du cercle. Explique-nous tes questionnements.

    À la fois séduite et impressionnée par son élégance et son autorité naturelles, Limana découvre le dieu de l’Olympe pour la première fois. C’est pourtant d’un ton assuré qu’elle prend la parole :

    - Pourquoi les Dieux auraient-ils tous les pouvoirs ? Pourquoi ne pas investir certains humains des nôtres ?

    - Je ne te comprends plus, Limana, toi si modérée, répond la Déesse de la Bonté.

    - Quelle idée bizarre ! Grogne le Dieu de la Haine. Ce serait alors les humains qui gouverneraient et ils nous détruiraient.

    Limana essaie de les persuader du bien fondé de ses opinions.

    - Mais non, c’est juste une question d’équilibre. Si nous, les Dieux, étions allégés de nos pouvoirs, nous pourrions vivre avec plus de sérénité. Sans les leur donner tous, nous les partagerions. Nos responsabilités seraient mineures et nos doutes aussi. 

    Limana a ouvert un débat épineux. Le Conseil devient un énorme brouhaha. Sur un signe de la main de Zeus, tout le monde se tait :

    - Limana, tu es une jeune femme, tu ne peux comprendre ce que veulent dire les mots pouvoir et jalousie.

    - Non, en effet. C’est si simple de cohabiter sans être jaloux ni assoiffé de pouvoir.

    Le regard de Zeus foudroie Limana qui baisse les yeux. A-t-elle fait le bon choix ? Ne vaut-il pas mieux laisser les Dieux décider pour les mortels ? En secret, Zeus convient de punir Limana. Indigne d’être une Déesse, elle mérite l’ultime condamnation.

    Le lendemain, Limana s’étire, baille et sourit. Par la fenêtre, elle aperçoit un magnifique jardin bordé de cyprès. Un homme et un enfant jouent au ballon, se bousculent et rient de bon cœur. Puis, une incertitude naît : qui est-elle réellement ? Une simple mortelle qui se réveille après un rêve ou une déesse déchue ?

     


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    Mouvement du 22 mars (8)

    par Françoise Guérin

     

     

    Elle a vingt ans, un joli minois à la mode et un portable dernier cri posé à côté de sa trousse. L’amphi est plein. Je viens de commencer mon cours et je cherche encore mes feedbacks, ces étudiants-tests dans le regard desquels je lis si mon discours passe, s’il est reçu au lieu de l’Autre. J’ai déjà repéré une étudiante gothique à la moue désabusée : parviendrai-je à capter  son attention ? Il y a aussi ce garçon, dans le coin à gauche et cette femme, plus mûre, qui semble boire mes paroles. Elle hoche la tête, comme une ponctuation. Ce que je dis lui parle, résonne avec son expérience. Et là, juste sous mes yeux, il y a aussi deux filles qu’on devine studieuses. Mais celle qui m’intéresse, c’est la fille du cinquième rang, avec ses cheveux lisses, son portable et toute la panoplie identificatoire qu’elle affiche. Car tandis que je parle, je la vois hausser les épaules, les yeux au ciel. Manifestement, mon discours humaniste l’agace. Ou la fait doucement rigoler. D’ailleurs, elle ne tarde pas à me le faire savoir. Je repère son bras levé :

    – Oui ?

    Elle n’a pas de question, juste une affirmation. Ce que je raconte, c’est bien joli, mais pas réaliste. Donner la parole au patient, écouter au-delà des mots, s’interroger sur ce qu’on l’on est dans le soin, remettre en cause sa pratique pour être en prise avec le sujet désirant… c’est un discours idéaliste qui ne mène à rien.

    – Vous ne pouvez pas changer l’hôpital ! clame-t-elle, une main dans ses cheveux.

    – Oui, poursuivez !

    – C’est comme ça… On n’a pas les moyens et on ne les aura jamais.

    Je la laisse venir avec ses phrases formatées, ses mots à dire le vide, à distiller le désespoir.

    C’est comme ça.

    On ne peut pas faire autrement.

    Il faut bien se contenter de ce qu’on a.

    Chacun à sa place.

    Hôpital, silence !

    Vingt ans et assez de résignation pour la conduire jusqu’à la mort sans un détour du côté de la colère, de la lutte et de l’espoir. Vingt ans et une intégration parfaite des règles du discours ambiant. La charité plutôt que la justice, le scientisme plutôt que l’humanisme, le renoncement déguisé en raison d’état. Dans sa bouche, le patient est déjà un client, un usager à qui on va proposer un protocole de soins entériné par une démarche qualité conforme à la norme iso-truc. Elle remplira des feuilles de cotation, des grilles d’évaluation, changera les affects en chiffres, évaluera la détresse humaine sur une échelle, comme un bon petit soldat de la logique libérale. Alors mes théories sur la relation soignant-soigné, franchement, c’est dépassé ! Ma vision de la société relève, pour elle, de l’antiquité.

    – Il faut s’adapter, conclut-elle avec un air de défi.

    Cela m’attriste. Et je le dis, sans haine pour la victime qu’elle est d’un discours sans rêve.


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