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    Sortir de la brume et se pencher sur les marques de la vie, repérer les figures abandonnées dans le creuset de la terre, enrayer l’enterrement des utopies, soulever les chapes, dire le vide et les silences, contourner les miroirs et honorer l’être vivant, accorder quelques caprices au temps, cheminer au-delà du raisonnable, laisser s’arranger les sentiments, raconter de vieux rêves, se sentir fier d’une histoire, saluer la fiction, fêter la curiosité, effleurer le mystère, lâcher le point de vue frontal, goûter à l’ambiguïté, s’avouer incapable de voyance, de surveillance du hasard, de contrôle du sens, s’immobiliser quelques secondes peut-être…


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  • C’est une aventure singulière que retracent deux auteurs de bande dessinée avec Un homme est mort : celle de la reconstitution des évènements dramatiques qu’ont vécus les Brestois au milieu du siècle dernier et dans le même temps la naissance d’un cinéma d’intervention sociale avec à la fois la production tumultueuse d’un film réalisé par René Vautier pendant le mouvement au lendemain du décès d’un ouvrier abattu lors d’une manifestation et le récit tendre et chaleureux des projections qui suivirent sur les chantiers en grève.

    Ce très bel album se termine par un dossier passionnant sur cet après-guerre à Brest et les différents protagonistes du mouvement social, sur la parole retrouvée et l’expérience transmise et enfin sur la conjugaison entre désir artistique et engagement politique.

    Un homme est mort de Kris et Etienne Davodeau

    aux Editions Futuropolis, 80 pages, 15 €

    Photo, Grenoble, 2005


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    Journal imaginaire (3/3) par Patrick Essel

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    30 septembre - J'en ai assez des révélations fracassantes. Les bruits les plus fous circulent de l'autre côté. C'est épouvantable ! Un fracas incessant de cloches, de sonnettes, de sirènes auxquelles se mêlent autant de cris, d’injures, de suppliques et d'imprécations dont je ne saisis que quelques bribes.

    - C'est un siège ! Putain, c'est encore un siège ! Bon sang, vite ! Mettez en sommeil ! Mettez-moi ça en sommeil, nom d'une pipe !

    4 octobre - Quelque chose de détestable se trame. Où que j'aille désormais, il n'est question que de peine, de lésion et de déchirure. D'affreux éclairs de fièvre s'allument un peu partout. L'esprit ne me dit rien et il subit sans mot dire les pires humiliations. De l'air glacial et nauséabond jaillit à intervalles réguliers par la chicane et se répand jusqu'au fond du gouffre sans qu'il réagisse. Les petits mots que je lui adresse se perdent dans d’étranges culs-de-sac. Je ne sens presque plus rien de sa présence, comme s'il était en train de se détacher.

    5 octobre - J'ai opté pour une prudente position de repli, le temps de me faire une idée sur cette galerie si mal tournée qui est apparue brusquement au beau milieu de la cavité. Elle est pleine d'un liquide bouillonnant, gluant et amer. On dirait du sang mélangé à du goudron mais je me demande s'il ne s'agit pas d'un venin d'une nouvelle espèce. En plus, j'ai aperçu au fond de l'embrasure, une espèce de créature tout à fait hors du commun, constituée principalement de griffes et d'écailles. J'en ai encore les jambes en compote. L'esprit s'est manifesté un bref instant pour me dire de ne pas m'inquiéter. Il est drôle celui-là ! On voit bien qu'il n'est pas à ma place.

    30 octobre - Je n'ai plus le temps de tergiverser. J'ai été contraint, je ne sais comment à une furieuse rotation et maintenant j'ai le souffle coupé. Je suis suspendu entre le désir et la crainte. Non, c'est pire que de la crainte, c'est de la frayeur, de l’horreur, de l'épouvante. La détresse me gagne. Quelque chose m'emmène de force. Je tombe dans un trou et je crie. C’est tout ce que je trouve à faire, crier. Je suis pris dans quelque chose entre la vie et la mort et je crie. Il me faut absolument contrôler ma peur. A trop la révéler, l'esprit aura peur à son tour et il me lâchera cette fois pour de bon. Je glisserai seul, irrémédiablement.

    31 octobre - J'ai la nausée. Je ne sais pas comment venir à bout de cette chose au fond de ma gorge, il faudrait que je la crache mais je n'ai plus la force de rien, pas même de supplier.

    1er novembre - Cette fois, c'est fini. Je ne peux rien faire d'autre que me rendre. Une lame particulièrement bien effilée m'a déchiré le haut du thorax et ma bouche s'est immédiatement remplie d'encres amères. J'ai bien essayé de rester tranquille tout au fond sans respirer, comme s'il ne s'était rien passé mais une seconde lame plus acérée encore, s'est mise à tournoyer de tous côtés manquant à chaque instant me traverser la gorge ou le cœur. De rage, j'ai frappé des pieds et des mains un peu partout à l'aveuglette. D'autres lames ont alors envahi la béance, suivies d'une armée de pinces, de piques et de harpons. De l'autre côté, les invectives ont redoublé d'ampleur :

    - Etat de choc ! Détresse respiratoire ! Attention, il panique ! Putain, mais il va tout faire péter…

    2 novembre - Je suis un être de rien. Je ne peux que croupir dans les tréfonds. Je croyais avoir pris le temps de penser, de me faire une idée sur l'existence et voilà le résultat. Je n'ai aucune emprise sur le monde. Je ne sais même pas si j’ai envie de quelque chose.

    2 novembre - Qu'est-ce qui m'a foutu un clone pareil ? Mais bon dieu, qu'est-ce qui m'a foutu un clone pareil ? hurle un être gigantesque, tout près.

    Quelque chose m'empoigne. Quelque chose d'énorme qui me fracasse. Quelque chose d'ignoble qui vocifère et qui ne veut pas d'histoires. L'esprit m'a abandonné, livré à l'indicible. Rien ne m'est épargné. J'ai du baisser le regard. Ce que j'ai vu ne devrait pas être. Ce monde n’est fait que de flacons translucides à l'intérieur desquels s'agitent des milliers de créatures à mon image. Parfaitement contrefaites.

    3 novembre - Putain d'ADN !


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  • Journal imaginaire (2/3) par Patrick Essel

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    23 avril - Trois mois que je suis dans l'impasse. Tout s'effrite autour de moi et je reste assis à ne rien faire. Je vois passer des troupeaux d'êtres aux yeux cernés, tous identiques, blêmes et impassibles.

    28 avril - Il y a un vacarme épouvantable. J'ai appris, je ne sais comment, à identifier les bruits, à les classer en sonorités hostiles ou bienveillantes. Malgré tout, je ne comprends pas ce qu'il se passe. De curieuses pensées se pressent et se bousculent en moi. De surcroît, quelque chose semble à chaque instant deviner mes intentions ; quelque chose de grand, de fort, de poignant, d'incontrôlable qui me pousse à sortir du rang, à prendre le large. Je suis convaincu qu'il s'agit d'un esprit. Il emploie des mots que quelqu'un comme moi est incapable de concevoir. Des mots que je n'explique pas et qui pourtant s'imposent au plus profond de mon être avec une étrange intensité.

    3 mai - L'esprit va vite en besogne. Il m'a conduit au pied d'un mur tendre qui va bien au-delà de tout ce que connais. J'en suis les contours flous et mouvants sans aucune appréhension, en écoutant simplement sa petite voix. Je suis méconnaissable. A chaque instant, je me dis qu'il existe d'autres mondes et cela me ravit.

    7 juin - Il arrive que l'esprit se crispe et ne me dise plus rien. Dans ces moments-là, je l'entends souffler et grogner mais il me laisse dans l'ignorance de sa douleur. Parfois le bruit de ses pleurs est tellement déchirant que j'en ai mal pour lui. Alors, je me mets à trembler à tournicoter, à pousser, à secouer, je crie, je tape, je cogne, je fais ma tête de brute, il m'arrive même de vomir, je sens qu'il pince les lèvres et qu'il se contracte encore plus mais il ne me demande même pas d'arrêter.

    19 juin Je suis arrivé au bout, je crois. Depuis longtemps, je ne vois plus âme qui vive. J'ignore si cela a de l'importance. La terre et l'eau sont assemblés. Des nuages très noirs se forment devant moi, des nuages d'une espèce inconnue qui me font froid dans le dos.

    5 juillet - L'espace s'est brusquement étiré, libérant un étroit passage. Un vent violent s'est levé peu après et je me suis mis aussitôt à penser à cette gigantesque ligne qui sépare les mondes. Je me suis décidé sur un coup de tête, poussé par la seule idée d'aller de l'avant et de voir. Je me tiens maintenant en embuscade dans une trouée à proximité d'un amoncellement de broussailles. J'ai une partie de moi plongée dans l'épaisseur, là où il y a une petite lueur jaune, l'autre est en retrait, encore soudé à la pénombre.

    14 juillet - Je ne tiens plus en place. Je sens que je vais décrocher et me jeter tout entier dans la douve. Tant pis si je pars dans tous les sens. J'en ai assez de la nuit. Et l'idée d'enfoncer cet immense paquet de moelle me fait terriblement frémir. Ah, faire peau neuve ! Quelle chose séduisante ! Quelle idée admirable ! Quelle sensation unique !

    15 juillet - A vrai dire, cela ne m'empêche pas d'être inquiet : j'ai mal à la tête et au cœur jusqu'à en avoir envie de perdre connaissance. L'esprit me dit de faire attention et de ne pas me précipiter, se mettre en corps est une affaire complexe et demande une vigilance de tous les instants.

    6 septembre - J'ai réfléchi et il m'est venu une idée comme il en vient aux êtres démunis et qui certainement ne me mènera à rien, mais tant pis. Sachant que je ne possède aucun signe particulier, j'ai songé à donner une expression inédite à ma physionomie. Oh, c'est tout simple, je me suis imaginé en train de grandir, je veux dire véritablement grandir, jusqu'à devenir franchement très grand, avec de grands yeux, de grandes mains, de grandes dents. Si grand que même le lointain tomberait sous mon regard. C’est drôle cette idée de grandeur, non ? J’en ai le vertige. Je pourrais même en être tout retourné. Et pourquoi pas ? C’est fou ce que j’aime l’immensité. Mais non ! Mes ambitions ne ressemblent à rien. Personne ne peut être grand à ce point.

    à suivre…


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    Journal imaginaire (1/3) par Patrick Essel

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    Pas moins de trente barres et douze chiffres sont nécessaires à mon identification. Il n'empêche, je n'ai pas de vrai nom et je ne sais rien de ce qu'il y a à l'intérieur de moi. Aucun signe, aucun caractère, aucune tournure ne peuvent dire ce que je suis vraiment. Il m'arrive bien sûr de prêter l'oreille aux rumeurs qui courent ça et là et d'observer d'étranges phénomènes aux alentours mais cela ne change rien à mon existence. Voilà longtemps maintenant que j'ai pris l'habitude de me laisser ballotter au milieu de la nuit, sans plus de goût pour une chose que pour une autre. Je vais et cela me suffit. Toutefois, il m’arrive, sans en avoir l’air, d’aller ici plutôt que là, d’emprunter des chemins disons équivoques. Mais bon, ils ne me mènent jamais bien loin. De temps en temps, j'aperçois un point lumineux sur l'horizon mais cela n'entraîne ni rêve ni interrogation. Je suis seulement pris d'un léger vertige. Chaque jour qui passe, je prends du poids sans que cette charge me pèse d'une quelconque manière, et au demeurant, il me semble que toutes les choses autour de moi prennent uniformément de l'épaisseur. Bon nombre de mes semblables se sont installés un peu partout dans des abris dérisoires et certains pour je ne sais quelles raisons se sont mêmes regroupés. De mon côté, je n'en connais aucun. Je veux dire intimement. Il est vrai que je me contente de peu : quelques petits signes de temps en temps et de loin en loin. Les tête-à-tête me causent toujours beaucoup de gêne et en général, j'essaie de passer inaperçu et de garder mes pensées pour moi.

    2 mars - Des fois, je me dis que je ne tourne pas rond. Ce matin, de très bonne heure, je me suis laissé dériver comme à l'ordinaire dans l'ignorance des autres. Autour de midi, sous une pluie battante, je me suis approché d'un tourbillon assez conséquent et sans même réfléchir, j'ai sauté comme ça au beau milieu de la turbulence. J'ai été immédiatement entraîné dans une sorte de galerie filandreuse et haute en couleur. C'était plutôt insensé comme équipée mais je ne cherchais aucunement à y mettre un terme. L'idée que je pouvais tout simplement disparaître dans la nature ne m'a même pas effleurée. En fait, je n'étais pas mécontent du tout : en un rien de temps j'ai pu parcourir le monde comme jamais, explorer les mers les plus éblouissantes, gravir une multitude de montagnes abracadabrantes, croisant au passage des hordes de vagabonds vêtus de presque rien, criants et riants comme des démons. Le périple s'est achevé brutalement. Parvenu aux confins du territoire, j'ai buté malencontreusement sur une ornière et je suis tombé tout au fond de quelque chose d'épais, de lourd et de tortueux. Malgré plusieurs tentatives, il m'a été impossible de remonter à la surface. Je ne suis pas du genre à me plaindre mais l'endroit n'est pas des plus confortable. Difficile de dire à quoi cela ressemble, je n’ai jamais rien connu de tel. Le mot entrepôt m’est venu mais je n'en saisi pas tout à fait le sens. Bien qu'il y fasse un peu plus chaud que dans mon ancien domaine, je n'en tire aucun plaisir : le vent s'y lève plus souvent et la nuit y est à peine moins noire.

    24 mars - Pour l'heure, je suis incapable de reprendre mes va-et-vient dans le monde. Je manque d'aisance. Voilà plusieurs jours que je suis tapi au plus profond d'une crevasse dans un lieu sauvage bordé d'eau salée d'où me parviennent des bruits invraisemblables, des bruits lointains et morcelés et qui emplissent fâcheusement l'immensité.

    4 avril - Des idées sournoises m'envahissent. Des idées fascinantes et effrayantes. J'imagine sans raison qu'il y a plusieurs chemins qui se croisent non loin d'ici et que certains pourraient me mener dans des vallées profondes à l'abri des vents. Mais ils pourraient tout aussi bien m'entraîner ailleurs, Dieu sait où. Mes intentions sont loin d’être claires. Je sais qu'il suffirait d'un je-ne-sais-quoi, d'un trait de lumière, d'une secousse, d'un fourmillement, d'un mot peut-être pour que je reprenne l'errance. J'hésite. J'ai peur de m'égarer.

    à suivre…


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    Une nouvelle petite facétie de Jean-Claude Touray

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    Il faut supprimer les " Zones 30 " et laisser se réguler d’elle-même la circulation en voiture sur les chaussées encombrées par les piétons. Aucun automobiliste ne respecte la limitation à 30 km/h... Et que fait la police municipale ? Elle regarde, impuissante. On assiste à la banalisation d’un délit. Maintenir ces zones c’est continuer de donner du grain à moudre à l’anticivisme.

    Il faut supprimer les " Zones 30 ". Mais ce ne sera pas facile. La manie de régenter la vitesse des déplacements au cœur des cités n'est pas une lubie récente des urbanistes. Elle remonte au seizième siècle.

    Les électrices et les électeurs doivent savoir que ce TOC, ce trouble obsessionnel compulsif, est d’origine religieuse. Fait que comme ses prédécesseurs, le maire a toujours soigneusement caché. La suppression des " Zones Trente " aurait dû être faite en 1905 quand on a séparé l’Eglise de l’Etat…La municipalité de l’époque s’est contentée de remplacer Trente en toutes lettres par le chiffre trente. Manque de courage politique ou singulière ignorance de l’Histoire?

    C'est en effet le concile de Trente (avec un T majuscule) qui a introduit dès 1546 l'idée de zones, sous l'autorité d'un pape qui ne s'appelait même pas Urbain.

    De concile en conciliabules puis sous forme de bulles se précisa bientôt la doctrine de l’Eglise. Tout bon catholique était tenu de limiter la vitesse de son cheval ou de son carrosse à trente toises à la minute dans les "Zones Trente" avec un grand T.

    Ces zones étaient dans les villes les quartiers centraux, abandonnés à la piétaille pour qu'elle puisse s'y esbaudir, sans craindre de se faire molester les arpions par les sabots des chevaux ou les roues des voitures.

    La maréchaussée, à qui le radar faisait cruellement défaut, détectait à l'estime et à la gueule du client les excès de vitesse. Les contrevenants étaient grondés, et devaient acheter trois cent jours d'indulgences vendus dans toutes les bonnes sacristies.

    Sauf le passage de la toise à la minute au kilomètre à l'heure, presque rien n'a changé depuis que le cheval-vapeur a remplacé le cheval-crottin. C'est toujours la même mauvaise volonté des citadins à cheval ou en voiture à bien vouloir ralentir l’allure en Centre-ville et partout où nos urbanistes municipaux ont voulu faire l’économie d’une piste cyclable, au motif que dans les " Zones 30 " voitures et vélos sont supposés faire copain-copain.

    Maintenir les " Zones 30 " ? Au risque d'affaiblir la notion d'autorité municipale, a-t-on le droit de conserver une réglementation que personne ne respecte? Et dont l'origine religieuse est un pied de nez à la laïcité républicaine qui doit régner dans nos villes !

    Je me répète, il faut supprimer les " Zones 30 ".

    Jean-Claude Touray


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    Une chronique à la petite semaine de quelques judicieuses fabriques de littérature.

    à cliquer :

    Chez Stéphane Laurent

    Eloge et controverse à propos de L’étage de Dieu de Georges Flipo (9 janvier)

    Sur Mot Compte Double

    Des jeux avec les pros du verbe (10 janvier) et des billevesées qui font causer (12 janvier).

    Un monde en voie de délarbrement par Emmanuelle Urien (14 janvier)

    Chez Geneviève Steinling

    Une séduisante histoire de haine

    Sur Nouvelle au Pluriel

    La vie comme lot de consolation par Magali Duru

    Chez Frédéric Boudet

    Quelques propos sur l’invisible, par l’auteur du recueil du même nom (chroniqué ici même le 25 août 2006)

    Sur Festival de Romans

    Création sur Internet : Plus que trois jours pour faire vos jeux et envoyer ou non ce site aux oubliettes de Romans

     

    La dépêche expéditive de chez Reuters

    Contempler des œuvres d'art et les évoquer en réunion seraient des remèdes efficaces contre l'hypertension et la constipation. Une scientifique d’origine suédoise a publié récemment le résultat de ses recherches sur l’impact de l’art dans le comportement humain.

    Pendant quatre mois, la chercheuse a réuni une fois par semaine vingt femmes âgées d'environ 80 ans pour des conversations autour d'œuvres d'art. "Leurs attitudes sont devenues de plus en plus positives, plus créatives, leur pression artérielle est allée dans la bonne direction et elles se sont mises à utiliser moins de laxatifs".

    Un groupe témoin de vingt autres femmes qui se sont réunies, dans les mêmes conditions mais pour seulement évoquer leurs loisirs, n'a pas bénéficié des mêmes effets, est-il précisé.


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    Quoi de plus banal que de vouloir gérer et traiter un mal avec un souci d’efficacité et de rentabilité ? Qu’il s’agisse du mal de vivre ne change rien à l’affaire. Il était tentant pour un auteur d’imaginer une société où la mort par suicide ne soit pas qu’une tentative livrée à l’hésitation, à l’incertitude, au ratage mais le résultat d’une décision soutenue, encouragée et assistée par des spécialistes ayant pignon sur rue. Etre au service de la mort pour se sentir vivre, faire partie de ceux qui ont encore une place dans un social en déliquescence, se raccrocher à l’idée qu’une mort réussie rachèterait une vie perdue, invoquer une ultime jouissance pour régler son compte au désespoir, voilà ce à quoi nous convie Jean Teulé dans Le magasin des Suicides.

    La société qu’il décrit est en proie aux pires catastrophes et ses habitants sous l’emprise d’une morbidité systématisée. La joie et l’allégresse sont bannis et le malheur, devenu principal moteur de la vie, est érigé en valeur positive. Dans ce contexte, inutile de chercher à comprendre ce qu’il en est de la souffrance, d’entendre la plainte, de s’interroger sur la détresse, seule compte la réussite du passage à l’acte et la bonne marche des affaires. Mort ou remboursé, assure-t-on aux clients désespérés. C’est inventif et drôle, une sorte d’humour noir jovial qui va intrinsèquement servir d’antidépresseur à l’auteur. On le sait, dans les mots d’ordre, les mots ne savent pas toujours ce qu’ils font, et comme toujours, c’est à partir d’un petit grain sable que les choses les mieux ordonnées se dérèglent, en l’occurrence ici, un enfant, facétieux, qui n’entend rien aux grimaces et aux marches funèbres, rétif aux recadrages familiaux et qui dans une joyeuse pagaille va colporter son désir de vivre.

    Le magasin des Suicides de Jean Teulé aux Editions Julliard, 157 pages, 17€


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    Mon journal de la semaine ou l’actualité vu par Erri De Luca, c’est dans le Libé de ce samedi et c’est l’aventure à la fois tendre et effroyable du monde entier qui nous est donné à lire. En interlude, la journée de mercredi évoque ce lecteur inconnu que les écrivains rêvent un jour de croiser.

    Hier, j’ai vu un de mes livres entre les mains d’une femme. Elle était assise dans le métro, ses doigts serraient les pages pour les immobiliser et les tournaient délicatement. J’ai compris hier que les livres ont un sort meilleur que ceux qui les écrivent. Gardés dans les bras, emportés en voyage, peut-être sur une île du Sud ou sous une tente en montagne, fixés avec intensité par deux yeux qui feraient aussitôt baisser les miens. Oui, les livres prennent du bon temps, bien plus que ceux qui les écrivent.

    Je bénis mon sort d’écrivain de récits et non d’articles des journaux, car, près de la dame, j’ai vu un homme avec un quotidien. Il le tournait à coups secs, le lisait mécontent, puis il l’a replié et fourré dans sa poche. Avant le soir, il l’aura expédié dans une corbeille à papier, au pilon. Quelle chance, en revanche, pour mes phrases dans les bras de la femme assise ! J’ai eu envie aussitôt d’en écrire une pour l’ajouter au bout de son livre.

    Les mots que j’ai écrits ne sont plus à moi, ils sont devenus les siens. Elle les a voulus en pêchant justement ceux-là dans le grand bazar des livres. Elle les a payés avec de l’argent prélevé sur d "autres dépenses, en se passant d’une bouteille de vin, d’une séance de cinéma, d’un concert. Ils ont pour elle une valeur ajoutée, celle de remplacer des choses plus agréables qu’un livre. Et, maintenant, ils sont là, sur ses genoux, feuilletés par une légère caresse, ses cheveux retombent dessus. Les pages ainsi prises et tenues sont les siennes, beaucoup plus qu’elles n’ont été les miennes.

    La chance des livres, Erri De Lucca, Libération N°7989


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  • Pour l’heure Calipso est éliminé au concours du Festival de Romans de la Création sur Internet (catégorie littérature). Plus qu’une semaine pour voter et avec à ce jour 21 clics au compteur on est assez loin du compte pour rester en course et participer à la finale début février à Romans. Il en faudrait au moins cinq fois plus, ce qui, au vu du nombre de visites quotidienne sur ce blog ne semble pas insurmontable. L’opération n’est pas douloureuse et prend moins d’une minute. Reste à faire le pas et à demander à vos amis, parents, collègues et voisins d’en faire autant. Enfin seulement si vous en avez envie…


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