• Informations sur le concours calipso de nouvelles courtes 2004 : 

    " Pertes et fracas "

     

    172 contributions en provenance de toute la France et des DOM TOM et avec la participation d'auteurs résidants en Allemagne, Angleterre, Belgique, Burkina Faso, Canada, Espagne, Maroc et Suisse. Les droits de participation ont permis de réunir cette année-là 900 Euros, intégralement redistribués aux lauréats. 

    Préface à l'édition 2004

     

    La lecture nous apprend l’écriture. Ecrire, c’est tenter de lire quelque chose qui n’existe pas encore, quelque chose d’intérieur agité par le va et vient du réel et de l’imaginaire. Les mots couchés sur le papier réveillent en nous une humanité cernée par les images. Plaisirs et frayeurs sont pris dans la matière des mots. Lecture et écriture nous préparent à capter et à fêter des évènements advenus ; toutes les passions de l’homme s’y retrouvent et deviennent le lieu d’un enjeu, d’une mêlée entre les êtres et les choses issus d’une mémoire incertaine et de créatures étranges bordées par nos désirs de transformer à la fois les couleurs et les couloirs du temps.

    Il existe tant de mots qui se dérobent à notre étreinte que les premiers saisis par la plume nous ébranlent toujours. A Calipso, nous défendons l’idée que si l’écriture peut être une tentative de disposer librement du langage, elle est certainement aussi un engagement, au travers d’inflexions et de tournures particulières, à reconquérir – parfois avec pertes et fracas – une voix interne perdue dans les limbes d’un monde devenant chaque jour plus invraisemblable.

     

    Lauréats

    1er prix, Michel NAUDIN (60100 Creil) Retour de guerre

    2nd prix, Monique COUDERT (78160 Marly le Roi) La gomme

    3ème prix, Bernard MOLLET (06420 Valdeblore) Mon père ne casse rien

    4ème prix, Danièle TOURNIÉ (75017 Paris) Lent demain

    5ème prix, Anna-Maria BIGOT (59810 Lesquin) La bonde de la baignoire

    Prix calipso étranger, Maude MIHAMI (Berlin) Complainte d'un coeur gros

    Prix calipso du Dauphiné, Marc GIOFFREDI (38300 Saint Savin) Tueurs

    Mention spéciale du jury :

    Sandra COCHAIS (75015 Paris) Course-poursuite

    Morgane BATTIONI (75020 Paris) Je ne suis pas encore morte

    Christian BERGZOLL (63370 Lempdes) Faits d'hiver

    Eva POLLEFORT (Tervuren, Belgique) Gare à vos poches

     

    Hors concours :

    Patrick ESSEL Zamok

    Jacques HENNEBERT Soupçons

    Marie-Thérèse JACQUET Allumez le four !

     

    Le jury a également retenu au premier tour les auteurs suivants (par ordre alphabétique) :

    Claire Lise BOREL, Amandine COLSON, David DOMA, Françoise GUERIN, Nathalie HENSE, Nicolas LABARRE, Léo LAMARCHE, Paul LAROCHE Pierre MANGIN, Juliette NICOLLET, Agnès PAZ, Marie PIERRE, Claude POUX, Pierrette TOURNIER.

     

    Extraits

     

    Michel NAUDIN " Retour de guerre "

    Qu'est-ce qu'elle va dire, ma femme, quand elle va voir que j'ai plus qu'une jambe ? Elle va hurler, c'est sûr. Je la connais. Ça va faire du pétard.

    - Oui, tu perds toujours tout, on se demande où t'as la tête ! Tu pouvais pas faire attention, non, c'est vraiment trop te demander ? Ah, toi, t'en loupe pas une !... Te voilà bien avancé maintenant, regarde-moi ça ! Quel imbécile tu fais ! Ah, t'as bonne mine, je te jure ! T'as l'air malin comme ça ! Ah, quel couillon, alors !... Et ton autre godasse, elle est où ? Tu l'as pas jetée, au moins ? Fais-la donc voir, un peu !...

    Je l'entends d'ici. Rouspéter, c'est tout ce qu'elle sait faire. Il faut toujours qu'elle gueule. C'est une femme qui n'a pas de patience, qui est acrimonieuse. Pendant ces quatre années, la seule fois où elle m'a écrit depuis que je suis parti, ça a été pour me dire qu'en partant, justement, j'avais oublié de prendre mon peignoir et des cravates de rechange et que vraiment comme tête en l'air, je me posais un peu là, c'était tout moi cette négligence. Alors, quand elle va voir que je ramène pas tout mon petit linge et qu'en plus j'ai paumé une guibolle en route ... Non, j'ai pas fini de l'entendre.

    Encore, ça c'est trop rien, la jambe : il me manque aussi la moitié de la figure. La tête qu'elle va faire !

    ...

     

    Monique COUDERT " La gomme "

    Si j'en crois la lettre que je viens de recevoir, et si je ne m'abuse, c'est une lettre de fin de non-recevoir puisque c'est une lettre de rupture. Alors tu m'as supprimée de ta vie ? Tu ne veux plus de moi, bon... puisque t'oublier est devenu une nécessité, je vais prendre les devants. A partir de maintenant je t'exclus, je te limite, je te réduis, je te contourne, je te bâillonne, je t'annihile, je te décapitalise, je te lime les bords, je vais prendre une gomme et effacer tes contours, puisque c'est incontournable, je dois dorénavant te contourner.

    Je gomme.

    Je gomme tes yeux luisants, tes cils de fille, ton nez d'aigle, ta silhouette de danseur argentin, je gomme tes mots méchants, tes verbes acides, ton rire aigrelet, ton sexe gourmand, tes vérités de Lapalisse, ton goût du mensonge, tes mains de pianiste.

    Je gomme. Je gomme... Adieu la place des fêtes où tu m'as regardée pour la première fois, effacé ton affreux quartier de saint Blaise où j'ai saigné dans ton lit, le café des phares où tu philosophais comme personne, démoli le petit hôtel Saint Paul où l'on mangeait des gâteaux à la crème sur les draps froissés de l'amour.

    Mais ma main est prise d'un frisson frénétique, je ne la commande plus, elle part à l'assaut du monde à grands coups de gomme rageurs. Adieu l'Île de France. Adieu les Balkans, suspendus à rien les jardins de Babylone. Au secours ! Le pont du Golden Gate a perdu la moitié de son tablier au soleil levant. L'ange de Reims, privé de sa niche, s'abat sur une procession du Saint Sacrement. Ca ne fait heureusement aucune victime puisque je gomme l'évêque, l'archidiacre emberlificoté dans son étole et les vieilles bigotes sous leur voilette violette.

    ...

    Bernard MOLLET " Mon père ne casse rien "

    Mon père est un homme que l'on peut qualifier de très sérieux. Sérieux dans son travail, dans ses relations, dans ses liens familiaux, même ! Il a été élevé à la dure et en a gardé ce côté réfléchi et pour tout dire un tantinet austère. Je ne me rappelle guère l'avoir vu rire, ou alors en service commandé, lorsqu'il rencontre de ces clients qui ne conçoivent la relation d'affaires qu'avec une bonne grosse blague recuite à la clé, dont il faut rire comme de la meilleure histoire du siècle. Et un beau jour, après le tournant de la quarantaine, était-ce de trop s'être retenu, était-ce de s'apercevoir que le tempus fugit et qu'un bon moment raté ne se représentera jamais, je ne sais, toujours est-il qu'il eut une courte période de délire déraisonnable. Mais, au vu du résultat obtenu lors de cette tentative d'humour débridé, il est revenu à son caractère naturel, posé et sage et ne s'en départit plus, même accidentellement.

    Donc, une expérience pour le moins malheureuse a rendu à mon père sa gravité et sa conscience passées, qu'il avait un temps oubliées pour une période de folie assez réjouissante, du moins pour le spectateur que j'étais. La seule fois qu'il déjanta, ce fut à cause d'une observation quasiment scientifique que lui avait démontrée notre assureur, lui-même au demeurant un homme des plus solennels et qui avait sur le visage la marque des catastrophes successives advenues à ses clients ?

    Cet assureur, venu discuter d'un nouveau contrat quelconque, avait été reçu dans le salon familial et sur la table centrale trônait une superbe coupe de magnifiques noix, car c'était le début de la saison des fruits secs. Se souvenant très certainement d'une expérience vécue quelques années auparavant, lorsqu'il était encore un homme presque normal, il avait saisi une noix dans la main droite et demandé à mon père, médusé : " Si je lance cette noix sur la vitre de la fenêtre qui se trouve là, que pensez-vous qu'il arrivera ? ". Mon père demanda à voir la noix, tenta vainement de la casser dans ses doigts, jugea qu'elle était très solide et déclara qu'à son avis, vu la dureté du fruit, la vitre devait éclater en morceaux. L'assureur lui dit que d'après lui, c'était la noix qui allait céder et craquer, et il demanda l'autorisation de tenter l'expérience, précisant au passage à ma mère présente et plus qu'inquiète qu'il se chargerait de tout en cas de malheur, ramassage des éclats, remplacement de la vitre et cadeau d'excuse à la clé ?

    ...

     


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    œ Informations sur le concours de nouvelles courtes calipso 2005 : 

    " Estrades et coulisses "

    131 contributions en provenance de toute la France et avec la participation d’auteurs résidants en Algérie, Belgique, Espagne, Roumanie et Suisse.

    Les droits de participation ont permis de réunir cette année 635 Euros ; ils sont intégralement redistribués aux lauréats des 5 premiers prix et des prix du Dauphiné et Etranger. 50 Euros sont redistribués sous forme de livres aux autres lauréats.

    Le recueil des œuvres primées a été édité en ce début d’année ; il est proposé au public à prix coûtant : 4,9€ (correspondant à la facture d’imprimerie, les autres frais étant pris en charge par l’association).

    Contact sur assocalipso@free.fr

    Préface à l’édition 2005

     

    Une inquiétude trotte dans la tête de l’écrivain ordinaire.

    Qu’advient-il de ses récits une fois ceux-ci tombés entre les mains d’un inconnu ? Entre la nécessité et le plaisir d’être lu, entre la crainte d’être mal lu, de ne l’être qu’à moitié ou au travers l’esprit sentencieux d’un lecteur expert, l’écrivain vit d’incertitudes et de répétitions. Chaque jour, il tente de reconquérir une vivacité mise à mal par une lecture hésitante. Saura-t-il attirer l’attention, la retenir pour finalement captiver et emporter le lecteur ?

    Sera-t-il au final l’objet d’une lecture savante qui dissèque, décrypte et commente de main de maître ? Ou d’une lecture réceptive qui échauffe les sens, aiguillonne l'intelligence et invite au partage ? Ou celle encore qui vous fait basculer délicieusement dans l’inconnu, renversant  le cours monotone des choses de la vie ?

    Tremblement, stupeur et ravissement participent au voyage de l’écrivain. En ce sens, le jury de Calipso souhaite bon vent aux auteurs publiés dans ce recueil.

     

    Lauréats

    1er prix Magali DURU (31450 Belberaud) La passion selon Kevin

    2nd prix Jacques HENNEBERT (38700 La Tronche) Vieilleries

    3ème prix Rachel CORENBLIT (31170 Colomiers) Les coulisses du paradis

    4ème prix Désirée BOILLOT (75002 Paris) Papino

    5ème prix Dominique LE GALL (92700 Colombes) A Nancy déjà

    Prix calipso Etranger Cédric BEAL (Lausanne, Suisse) L’appel du large

    Prix calipso du Dauphiné Cécile PRILI (38240 Meylan) Maria Dolorès

    Prix calipso Jeunesse Charlie RAYNAUD (64570 Lanne en Barêtous ) Confidences sur mon oreiller

    Les coups de cœur du jury :

    Patrick LARRIVEAU (40230 St Jean de Marsacs) Le petit rat de l’opéra

    Geneviève STEINLING (93320 Châtillon ) A la claire rivière

    Claire THIOLLENT (75009 Paris) Le meilleur restaurant de Paris

    Jean-Claude TOURAY (45160 Olivet) Estrades et coulisses de la Saint Fêtard

    Georges VALIADIS (51120 Allemant) Chien de quartier

    Ont également été sélectionnés par le jury au premier tour les auteurs suivants (classement alphabétique) :

    Cédric ASNA, Nathalie BARROIS, Laurent BRIET, Philippe BRONDEUR, Odile CHAPEAU, Stéphanie CORNU, Olivier DELEAU, Marie FALSON TACUSSEL, Elisabeth GENTIL, Samuel GRAS, Solange JARRY, Mireille JOUTEUR, Marie JUGE, Claire MARLHENS, Jacqueline TOUCHAIS, Rhadia TOUMI, Bernard VASSEL, Monique VIAL.

    Extraits

    Magali DURU " La passion selon Kevin "

    Le curé avait été clair : ou je jouais le petit esclave de Ponce Pilate, ou pas de communion solennelle. Je n’y tiens pas, moi à la communion, aucune envie de me déguiser en fille avec une aube, mais pour Mamie, c’est vital. Alors, je me suis tapé les quarante répétitions du Jeu de la Passion.

    A Sossigny, dans mon village, on joue la Passion à Pâques depuis le Moyen Age. Monsieur Gildas, notre prof de gym qui sert de metteur en scène, nous l’a expliqué : c’est la représentation de la mort du Christ. Pas terrible, le scénario, côté action, à part les coups de fouet, et la crucifixion vers la fin. Avec trois morts seulement, dont un qu’on ressuscite, on ne va pas tenir à l’affiche longtemps !

    Je m’ennuie à mort pendant les répétitions. Il n’y a qu’Angeline de mon âge, mais c’est une fille. Elle fait l’ange, parce qu’elle chante très aigu, et c’est vrai qu’avec ses cheveux blonds, sa tunique de soie blanche, ses ailes de vraies plumes, elle en jette. Par contre, les autres, les grands du Lycée Saint-Joseph, ils ne jouent pas très bien. La Vierge, au début, nous a fait mourir : elle est incapable de se rappeler deux lignes, cette pauvre Marie, ou même de sangloter sans avoir le fou rire. Jésus Ramirez, le fils du maçon, qui joue le Christ, en a eu tellement marre de lui souffler qu’il a rompu.

    Depuis, c’est impeccable, Marie pleure à la demande.

    ….

    Jacques HENNEBERT " Vieilleries "

    J’ai toujours eu un âge mais c’est seulement maintenant que je suis âgé. Mon âge, je m’en foutais un peu, j’avais horreur des dates et des anniversaires. J’étais âgé d’un certain nombre d’années malgré tout. Les choses ont changé, je suis âgé sans dire de combien comme on dit, je suis fatigué sans dire pourquoi.

    C’est dur de vieillir.

    J’ai des vieilleries comme tout le monde. Des vestes fatiguées et des pantalons usés. C’est le bout des poches qui lâche en premier. Ma grand-mère disait sors les mains de tes poches on dirait un canard et ça me faisait rudement plaisir, de ressembler à un canard. Ils n’étaient pas usés aux genoux, mes pantalons, parce qu’à la messe je restais debout, tête droite, même pendant l’élévation. Je voulais voir ce qui allait arriver, qui allait arriver. La suite est banale. J’ai rejoint le troupeau des orphelins.

    Rachel CORENBLIT " Les coulisses du paradis "

    Dieu dit à son fils : T’es sûr ? Tu veux y aller ?

    - Mais bon sang, papa, qu’il répondit, son fils, ça fait dix fois qu’on a cette discussion. Tu vas pas me priver de mes scènes. Ce sont les plus belles, les plus grandes. Celles qui vont rester dans les mémoires. S’inscrire dans les annales. Les hommes, ils vont causer de ça pendant des siècles. Je ne peux pas les priver de moi.

    - C’est que, dit Dieu, elles sont belles, ces scènes mais, tu vois, la vie, c’est pas que ça.

    Son fils poussa un soupir. Il connaissait son père par cœur, depuis le temps qu’il le fréquentait.

    - C’est que, reprit Dieu, la vie c’est autre chose.

    Il leva sa main pour se saisir du verre de vin. Quelqu’un avait eu la délicate attention de leur laisser une bouteille pleine et deux verres qu’ils s’étaient empressés de remplir. Là, dans le silence de la pièce, ils écoutaient les bruits de la foule qui montaient jusqu'à eux.

    - Papa, ils s’énervent. Laisse-moi y aller.

    - C’est que, continua Dieu, dans la vie, ce qu’on fait, on ne peut pas le répéter.

    Son fils baissa la tête. Bon sang, il le savait. Cette habitude qu’avait son père de philosopher au mauvais moment. A l’instant critique. Quand il fallait agir. Mais non, c’était la palabre, la discussion, l’étalage d’arguments qui ne faisait que briser l’action. L’affaiblir.

    Lui, il était dans le faire. L’immédiat, le concret. L’homme.


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